La Guinée va manifester contre son président qui veut rester au pouvoir


Le pays d’Afrique de l’Ouest s’apprête à vivre une journée à haut risque jeudi avec des manifestations massives contre le chef de l’Etat Alpha Condé.

C’est un pays dont on parle rarement : la Guinée, et ses 13 millions d’habitants (dont la moitié a moins de 20 ans). Un pays situé entre le Sénégal, au nord, et la Côte d’Ivoire, au sud. Des manifestations massives s’y préparent, jeudi 26 décembre, dans cette ancienne colonie française, en particulier dans la capitale Conakry. Vingt partis de l’opposition appellent à défiler contre le président Alpha Condé. Ils s’élèvent contre les manœuvres du président pour rester au pouvoir.

À 81 ans, Alpha Condé achève son deuxième mandat, ses dix années à la présidence, et il semble bien décidé à ne pas lâcher les rênes. Jusqu’à présent, c’était seulement une rumeur. Mais le 19 décembre, Alpha Condé est effectivement sorti du bois. Il veut faire adopter par référendum une nouvelle Constitution, qui instituerait un mandat présidentiel de six ans renouvelable (et non plus cinq ans renouvelable). Sous-entendu : les compteurs seraient remis à zéro, et il pourrait alors rester 12 ans de plus ! C’est un classique en Afrique : au cours des 20 dernières années, pas moins de 11 leaders ont ainsi fait modifier la Constitution de leur pays pour se maintenir au pouvoir. L’opposition guinéenne est évidemment vent debout et dénonce “une mascarade”.  

Dix ans au pouvoir, 12 ans de plus ?

Même
si les marches se veulent pacifiques, le risque est élevé de voir la
journée dégénérer, vu les habitudes répressives du pouvoir. Les
premières manifestations ont débuté il y a deux mois, depuis que la
rumeur court de cette révision constitutionnelle. Les affrontements ont déjà fait 20 morts,
et plusieurs leaders de l’opposition ont déjà été brièvement
interpellés. Alpha Condé voit dans ces protestations une “atteinte à
l’ordre public”.

La Guinée est familière, dans son histoire, des répressions violentes. Il y a 10 ans, 157 personnes, opposantes à la junte militaire de l’époque, avaient été tuées lors d’un véritable massacre. À l’origine, Alpha Condé est pourtant un adversaire historique de la dictature militaire. Il a été le premier à instituer un régime véritablement civil en Guinée. Mais comme beaucoup d’autres sur le continent, il s’accroche désormais au pouvoir et refuse l’idée même d’une alternance.

Les visées du parrain russe sur la bauxite

Jusqu’à
présent, la communauté internationale ne dit pas grand-chose ! Pour
l’instant c’est silence radio. Mais les grandes ONG et les principales
institutions internationales (notamment l’ONU) ne cachent plus leur
inquiétude.

Alpha Condé possède un parrain : la Russie de Poutine, qui ne cesse de s’implanter davantage en Afrique noire. L’ambassadeur russe a déjà manifesté son soutien à la réforme constitutionnelle, et on prête aux compagnies russes l’intention de tirer profit de la situation, en obtenant de nouvelles concessions d’exploitation dans le pays. Si les Guinéens sont pauvres, en revanche le sous-sol de la Guinée est riche : de l’or, des diamants, et surtout les premières réserves au monde de bauxite, d’où est extrait l’aluminium.


Cet article est republié à partir de francetvinfo.fr. Lire l’original ici


Mis à jour de l’information

Le front national pour la défense de la constitution (FNDC) a reporté sa marche prévue ce jeudi, 26 novembre. Elle se tiendra finalement le lundi, 6 janvier 2020.

Lisez le communiqué





Sommet Russie-Afrique à Sotchi : peut-on réellement parler d’un retour des Russes sur le continent ?

Près d’une quarantaine de dirigeants africains sont attendus ces 23 et 24 octobre 2019 à Sotchi en Russie. Vladimir Poutine et son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, organisent un sommet Russie-Afrique inédit censé marquer le grand retour de la Russie sur le continent africain. Voilà pourtant près de vingt ans que ce retour est amorcé, après une décennie de désengagement.

Mars 2006. Vladimir Poutine vient d’entamer son deuxième mandat à la tête de la Russie. La visite est courte, une journée, mais elle est fructueuse. Le président russe est en Algérie et signe des contrats mirobolants. Plus de six milliards de dollars d’armement qu’Alger s’engage à acheter en échange de l’annulation de sa dette évaluée à près de 5 milliards de dollars. Quatre mois plus tard, les géants gaziers russe et algérien, Gazprom et Sonatrach concluent un accord de prospection et d’extraction.
La Russie se propose également de remettre à neuf le réseau algérien de gazoducs . Cet épisode vieux de quinze ans préfigure ce que sera, au cours des années suivantes, le retour de la Russie sur le continent africain.
Dès 2001, Vladimir Poutine, déjà lui, avait envoyé le président de la chambre de commerce et d’industrie de Russie, l’ancien Premier ministre Evgueny Primakov, effectuer une tournée en Afrique du Sud, en Angola, en Namibie et en Tanzanie.
Au cours de cette même décennie 2000, le président russe tentera de reproduire -sans grand succès- avec la Libye de Mouammar Kadhafi les accords conclus avec Alger en 2006.
L’année 2013 sera ensuite marquée par d’énormes contrats d’armement entre Moscou et l’Egypte. La Russie se chargera aussi de construire près d’Alexandrie la première centrale nucléaire égyptienne, chantier estimé à près de 25 milliards de dollars sous la forme d’un prêt.

C’était du jamais vu. Les Soviétiques ont plié bagage du jour au lendemain. 

Un diplomate ghanéen

Dès lors, peut-on parler, en octobre 2019, d’une “reprise” des relations entre la Russie et l’Afrique ? Le sommet de Sotchi sera surtout l’occasion de montrer aux autres acteurs internationaux présents en Afrique qu’il faut aussi compter avec Moscou. Des acteurs au premier rang desquels la Chine, premier partenaire commercial du continent, très friande de grands sommets, à l’image du forum Chine-Afrique qui s’est tenu en septembre 2018 à Pékin en présence d’une cinquantaine de dirigeants.

Désengagement russe en Afrique

Les relations entre la Russie et l’Afrique ont bien connu un trou d’air. Mais il fût assez bref. Une décennie environ. Le désengagement débute avec la fin de l’Union soviétique il y a une trentaine d’années.

La Perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev passe aussi par un abandon brutal du continent africain. “C’était du jamais vu. Les Soviétiques ont plié bagage du jour au lendemain et l’URSS a été rayée de la carte”, raconte un fonctionnaire ghanéen au chercheur Arnaud Kalika dans une note d’avril 2019 publiée par l’Institut français de relations internationales (IFRI), ajoutant que ce départ était “une aubaine pour les autres”.

Dans une note publiée par l’observatoire franco-russe, le chercheur Arnaud Dubien relate les propos du ministre russe des Affaires étrangères de Boris Eltsine, Andreï Kozyrev qui, dans les années 90, explique ce désengagement de manière assez abrupte : la priorité de la Russie est alors de “rejoindre la communauté des Etats civilisés”. Arnaud Dubien rapporte ainsi que “dès 1992 (sous la présidence Eltsine, NDLR), Moscou annonce la fermeture de neuf ambassades, de quatre consulats et de treize des vingt centres culturels dont elle disposait sur le continent (…) et les échanges commerciaux entre l’Afrique et la Russie ne représentent plus que 760 millions de dollars en 1993, soit moins de 2% du commerce extérieur du pays”.

Aujourd’hui, le volume des échanges entre la Russie et le continent représente 17 milliards de dollars (200 milliards avec la Chine et 275 avec l’Union européenne), dont 12 milliards pour la seule Afrique du nord, et “nous sommes en train de préparer et de réaliser des projets d’investissement avec des participations russes qui se comptent en milliards de dollars”, a dit Vladimir Poutine ce lundi 21 octobre dans un entretien avec l’agence de presse Tass.

Moscou a finalement plus besoin de l’Afrique (…) que l’Afrique n’a besoin de la Russie.

Arnaud Kalika, chercheur

Ce départ soudain et sans sommation mettra fin à près d’un siècle d’implication russe en Afrique marquée notamment par le quatrième congrès du Kommintern, l’Internationale communiste, qui, en 1922, se penche sur la “question africaine”, voyant là un bon moyen de “marquer des points dans la compétition qui les opposait au camp capitaliste”, explique Arnaud Kalika.

Manifestation concrète, notamment, de cette coopération : des générations de jeunes africains partiront étudier en Russie. Une grande partie des élites du continent aujourd’hui est passée par Moscou ou Saint-Pétersbourg du temps de l’Union soviétique. Parmi cette élite, reste un seul chef d’Etat, l’Angolais João Lourenço.

Aujourd’hui, s’il ne s’agit donc pas à proprement parler d’un retour sur le continent africain, la Russie reste à la traîne. Son départ brutal et sa décennie d’absence ont laissé des traces. Certes, le drapeau du Mozambique est toujours orné de la Kalachnikov emblématique de la Russie, mais si l’implication des Russes en République centrafricaine ces deux dernières années a été largement analysée, notamment en France, comme une volonté d’impérialisme poutinien, la réalité est nettement plus prosaïque. Selon le chercheur Arnaud Kalika, il s’agit essentiellement pour Moscou de répondre à un besoin en ressources naturelles et de pallier les sanctions économiques occidentales qui frappent la Russie depuis l’épisode ukrainien de 2014.
Et le chercheur de conclure : “Nain économique du continent, Moscou a finalement plus besoin de l’Afrique (…) que l’Afrique n’a besoin de la Russie”.

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