La Guinée clôture une violente journée de référendum et de législatives


La
Guinée a vécu dimanche un référendum et des législatives ternis par des
violences, avec la mort d’au moins 10 manifestants tués par les forces
de l’ordre selon l’opposition, qui a boycotté ces scrutins pour faire
barrage à un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé.

Ce
bilan n’a cependant pu être confirmé de source indépendante et les
autorités n’étaient pas joignables pour réagir aux affirmations de
l’opposition.

Le vote, dont le terme était fixé à 18H00 (GMT et
locales), a été progressivement clôturé dimanche à Conakry où des
bureaux ont fermé plus tôt que prévu à cause des incidents, selon un
journaliste de l’AFP.

Les manifestants anti-Condé ont “bravé les balles des forces de l’ordre qui ont arrêté massivement, tiré aveuglément, molesté cruellement, tuant au moins 10 personnes et blessant par balle plusieurs dizaines” de personnes, a indiqué dans un communiqué le FNDC, le collectif de partis d’opposition et de la société civile qui lutte contre un éventuel troisième mandat de M. Condé

Le
FNDC “appelle à intensifier les manifestations demain lundi 23 mars et
mardi 24 mars 2020 avec pour objectif ultime le départ du dictateur
Alpha Condé”.

Au moins 32 manifestants avaient jusqu’à dimanche après-midi été tués depuis le début à la mi-octobre de la vague de protestation, qui a également coûté la vie à un gendarme, selon un décompte de l’AFP. M. Condé, 82 ans, a été élu en 2010 et réélu en 2015.

Aucune indication n’était disponible dimanche soir sur la
participation, les résultats et leur date de publication. Les
responsables de l’Administration territoriale (Intérieur) et la
Commission électorale n’ont pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

L’actuelle
Constitution limite à deux le nombre de mandats, la nouvelle que
propose M. Condé également. Mais, accusent ses opposants, elle lui
permettrait de remettre son compteur à zéro afin de se succéder à
lui-même fin 2020.

– attaque contre des gendarmes –

Le début
du vote, prévu à 08H00 (GMT et locale), a commencé à l’heure indiquée
dans un bureau proche du palais présidentiel à Conakry mais il a été
perturbé à de nombreux endroits, selon un journaliste de l’AFP et des
témoins qui ont affirmé avoir constaté une faible participation.

A
Ratoma (banlieue de Conakry), des jeunes ont attaqué des gendarmes
devant des bureaux de vote dans une école. Une autre école dans la même
zone a été attaquée et le matériel électoral saccagé.

Des affrontements ont eu lieu dans des banlieues de Conakry comme Cosa, Hamdallaye, Dar-es-salam et Lambanyi.

Des
troubles sont aussi survenus à Mamou (centre), à Boké (ouest) et à
N’Zérékoré (sud-est), selon des témoins. Du matériel électoral a été
détruit dans des localités comme Kobéla (sud), Dinguiraye (nord-est) et
Konah (nord-est).

“J’espère que tout se passera dans la paix et la
tranquillité et que le peuple guinéen, comme en 1958, montrera sa
maturité”, a déclaré, après avoir voté à Conakry, le président Condé, en
allusion au “non” de la Guinée, alors colonie française, au référendum
organisé par De Gaulle et qui a ouvert dès 1958 la voie à l’indépendance
du pays ouest-africain.

Le référendum et les législatives
avaient été reportés à la dernière minute il y a trois semaines dans un
climat de vives tensions.

C’est surtout le projet de nouvelle Constitution qui déchaîne les passions.

– Troisième mandat? –

M.
Condé assure qu’il s’agit de doter son pays d’une Constitution
“moderne”. Elle codifierait l’égalité des sexes, interdirait l’excision
et le mariage des mineurs. Elle veillerait à une plus juste répartition
des richesses en faveur des jeunes et des pauvres. Mais M. Condé
entretient le flou sur sa volonté ou pas de briguer un troisième mandat.

Les remises en cause internationales quant à la crédibilité du vote se sont succédé, étayées par la présence sur les listes électorales de 2,5 millions de noms douteux, soit le tiers du fichier.

Les
recommandations des organisations internationales sur le fichier ont été
“intégralement prises en compte”, a affirmé le président Condé dans un
discours publié samedi sur la page Facebook de la présidence guinéenne.

L’opposition
avait promis de boycotter le vote et d’en empêcher la tenue. La
persistance des troubles n’a pas dissuadé le gouvernement d’organiser
les scrutins, pas même l’apparition récente du coronavirus.

La
Guinée a déclaré deux cas de contamination dont un a été guéri, a
annoncé samedi le gouvernement. La présence du Covid-19 suscite
l’attention dans un pays où la fièvre Ebola a fait 2.500 morts entre
2013 et 2016.

Des chefs d’Etat ouest-africains ont annulé leur mission de bons offices prévue au cours de la semaine. Avant le vote, deux grandes organisations régionales avaient renoncé à déployer leurs observateurs ou bien les avaient rappelé.

Par Mouctar BAH AFP


Cet article est republié à partir de information.tv5monde.com. Lire l’original ici





En Guinée, Alpha Condé joue son va-tout


Le référendum dimanche en Guinée couplé à des législatives ont été conçues par le président Alpha Condé pour s’accrocher au pouvoir malgré son âge et la contestation populaire.

81 ans et
président de la République de Guinée depuis 2010. Alpha Condé entend
bien le rester. Pour y parvenir, il a organisé un double scrutin qui
doit se tenir ce dimanche, couplant ainsi élections législatives et
référendum constitutionnel qui lui permettrait de briguer un troisième
mandat présidentiel. Grâce à la crise du coronavirus
qui a lui a permis d’annuler la médiation de la Communauté économique
des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), il y a fort à parier que
celui qui fut une figure majeure de l’opposition lors des régimes
précédents, parvienne à ses fins.

L’opposition
a immédiatement réagi en appelant mercredi à un boycott électoral
général et à descendre dans les rues pendant le week-end afin d’empêcher
ce que certains désignent comme “un coup d’Etat constitutionnel”. Dans
une allocution filmée, l’un des coordinateurs nationaux du Mouvement
FDNC (Front national pour la défense de la Constitution) Sékou Koundouno
a appelé les Guinéens à “se lever” pour faire de ces deux journées un
élan de protestation historique. “Nous avons mis en place une batterie
de stratégies. Nous allons lancer l’alerte rouge afin d’enterrer ce rêve
suicidaire.”

Pour le gouvernement, l’élection ne va “sûrement pas répandre le virus”

Le
FNDC a également dénoncé les manœuvres de l’Etat pour censurer Internet
et des supposées pratiques illégales de mise sur écoute téléphonique.
Des groupes de la société civile, quant à eux, ont demandé au chef
d’Etat guinéen de reporter le scrutin jusqu’à la fin de l’épidémie de
coronavirus. Le porte-parole du gouvernement, Amadou Damaro Camara, a
rétorqué “que les deux cas répertoriés de personnes infectées ne
pouvaient empêcher le reste du pays à exercer son droit de vote. Et que
l’élection n’allait sûrement pas répandre le virus.”   

Alpha
Condé avait pourtant bien commencé. Bon élève, il avait été envoyé en
France à l’âge de 15 ans afin de poursuivre ses études. Il passe alors
son bac au lycée Turgot à Paris où il sympathise avec Bernard Kouchner
qu’il considère comme son frère. Puis c’est la Sorbonne et la faculté de
droit où il décroche un doctorat d’Etat en droit public. Très vite, il
devient un militant de la cause africaine et s’impose au fil des ans
comme une figure majeure de l’opposition guinéenne. Il fonde trois
partis politiques dont le Mouvement national démocratique (MND) qui
passera de la clandestinité à la lutte légale en 1991.

En 2000, il est arrêté pendant vingt mois, jugé et condamné par une cour spéciale à cinq ans de prison. Son arrestation suscite un mouvement de protestation local et international. Madeleine Albright, ancienne Secrétaire d’Etat américaine se déplaçant même à Conakry, afin de rencontrer le célèbre opposant. Jacques Chirac s’impliquera aussi personnellement. Il sera libéré une année plus tard par une grâce présidentielle. Aujourd’hui, ses opposants lui reprochent d’avoir oublié tous les combats pour la justice et la liberté menés dans sa jeunesse.


Cet article est republié à partir de lejdd.fr. Lire l’original ici





Pour l’UE « la décision de coupler les élections législatives du 1er mars 2020 à un référendum constitutionnel divise profondément le pays »


République de Guinée : déclaration de la porte-parole sur le processus électoral

Les
préparatifs du processus électoral et la décision de coupler les
élections législatives du 1er mars 2020 à un référendum constitutionnel
divisent profondément le pays. De graves faits de violences ont déjà pu
être observés dans ce contexte.

L’importance de cette double échéance impose de s’assurer, dans le
cadre d’un dialogue inclusif, des conditions de transparence et
d’inclusivité, ainsi que du respect du cadre régissant les élections.

L’unité et la paix en Guinée doivent prévaloir sur les intérêts partisans.

L’Union Européenne, partenaire de longue date de la Guinée, est prête à contribuer à la facilitation d’un dialogue inclusif, en partenariat avec les acteurs régionaux et internationaux.

Virginie BATTU-HENRIKSSON Spokesperson for Foreign Affairs and Security Policy + 32 (0)470 18 24 05

Gesine KNOLLE Press Officer for International Cooperation and Development +32 (0)2 29 54323+32 (0)460 754 323





L’opposition en colère contre le référendum constitutionnel du président Alpha Condé


Le président de la Guinée Alpha Condé a annoncé, mardi 4 février, l’organisation d’un référendum constitutionnel fixé au 1er mars 2020, le même jour que des élections législatives. Cette décision a provoqué l’ire de l’opposition qui y voit un manœuvre pour briguer un troisième mandat.

Le président guinéen Alpha Condé a fixé au 1er mars la
tenue d’un référendum constitutionnel et de législatives, malgré
l’intense contestation de l’opposition qui dénonce une manœuvre pour
briguer un troisième mandat fin 2020.

Le décret présidentiel a été lu mardi 4 février au soir sur
les médias d’État – télévision et radios -, provoquant une série de
réactions outrées de l’opposition, qui entend empêcher le bon
déroulement des législatives et de cette consultation constitutionnelle.

Lundi soir, un autre décret du chef de l’État avait annoncé
que les élections législatives, prévues le 16 février après avoir été
déjà maintes fois reportées, auraient finalement lieu le 1er mars.

Vives tensions

L’annonce de la date du
référendum, attendue depuis des semaines, risque d’accroître les
tensions déjà vives dans ce pays de 13 millions d’habitants, pauvre
malgré d’importantes ressources minières.

La Guinée
est le théâtre depuis mi-octobre de protestations contre le projet
prêté de longue date au président, élu en 2010 et réélu en 2015, de
chercher à se succéder fin 2020. L’actuelle Constitution limite à deux
le nombre de mandats présidentiels.

L’avant-projet de nouvelle Constitution divulgué en décembre
et qui sera soumis à référendum dans moins d’un mois maintient cette
limite. Mais l’opposition soupçonne que l’adoption d’une nouvelle
Constitution serve à Alpha Condé de prétexte pour remettre son compteur
présidentiel à zéro.

Alpha Condé, 81 ans, dénonce l’actuelle loi fondamentale, datant de 2010, comme un concentré d’intérêts corporatistes comportant des lacunes et incohérences.
Alors que la communauté internationale, dont l’ONU et la France,
s’inquiète des troubles dans le pays, il a récemment averti que personne ne dicte à la Guinée ce qu’elle doit faire.

Boycott des législatives

Rien de tout ce que fait Alpha Condé ne surprend. C’est à nous de faire ce que nous avons promis de faire,
a déclaré, mercredi 5 février, le chef du Bloc Libéral (BL), un parti
d’opposition qui boycottera les législatives. À savoir : dénier au chef de l’État la possibilité d’organiser les élections à n’importe quelle date, lui dénier le référendum sur la nouvelle Constitution et dénier à Alpha Condé le 3e mandat.

En revanche, un autre parti politique, l’Union des Forces
démocratiques (UFD) a choisi de participer aux législatives,
contrairement à la majorité de l’opposition, qui a décidé de boycotter
et même d’empêcher la tenue du scrutin. Mais pour son président, Mamadou
Bah Baadiko, le couplage des législatives et du référendum relève du banditisme politique.

On va insister auprès de nos électeurs, on ne touche pas à
un seul bulletin du référendum et on ne vote que pour les législatives, a déclaré Mamadou Bah Baadiko.

L’annonce du référendum le même jour que les législative va enclencher une situation qui va être très difficile à gérer,
selon Abdoul Gadiry Diallo, président de l’Organisation guinéenne de
défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH). Dans un communiqué
publié mardi, l’ONG avait estimé que la paix et l’unité nationale n’ont jamais été aussi menacées en Guinée que maintenant.

Incertitude sur la candidature d’Alpha Condé à un troisième mandat

Alpha Condé garde jusqu’ici le silence sur ses intentions, ne disant pas s’il compte se représenter à la fin de l’année.

Mais l’éventualité d’un troisième mandat a fait descendre à
plusieurs reprises dans la rue des dizaines, voire des centaines de
milliers de Guinéens à l’appel d’un collectif de partis d’opposition, de
syndicats et de membres de la société civile, le Front national pour la
Défense de la Constitution (FNDC).

Le coordinateur national du FNDC, Abdourahmane Sanoh, estime que le couplage des législatives et du référendum n’est qu’une astuce pour amener davantage de personnes aux urnes.

« Ils veulent aller jusqu’au bout le 1er mars et
le FNDC est prêt à aller jusqu’au bout pour empêcher qu’il y ait
effectivement le référendum », a-t-il déclaré mercredi lors d’une
conférence de presse.

Le mouvement a été plusieurs fois durement réprimé et s’est
accompagné de troubles à travers le pays. Au moins 28 civils et un
gendarme ont été tués depuis mi-octobre. Les manifestations ont
toutefois été suspendues par le FNDC.

Opposant historique qui connut l’exil et la prison, Alpha Condé a été le premier président démocratiquement élu en 2010. Son avènement a marqué l’instauration d’un gouvernement civil après des décennies de régimes autoritaires et militaires. L’opposition dénonce toutefois une dérive dictatoriale.


Cet article est republié à partir de Ouest-France. Lire l’original ici





Législatives et référendum, le couplage dénoncé « Cette décision est lourde de conséquences politiques et économiques » réagit Bah Oury


Ce mardi 4 février 2020, Alpha Condé, dans un décret, annonce que le scrutin législatif du 1er mars serait couplé à un référendum constitutionnel.

Sur son
compte Twitter, Bah Oury, président de l’UDD réagit à cette
annonce.

« Les
guinéens se réveillent inquiets pour l’avenir suite à la décision de M. Alpha
Condé de fixer au 1 er mars la date du référendum pour ” l’adoption d’une
nvelle constitution ” afin de briguer un 3éme mandat. Cette décision est
lourde de conséquences politiques et économiques.

Cette fuite
en avant est perçue comme l’expression du mépris à l’égard de la population.
Les chefs religieux du pays se voient ouvertement humiliés par le rejet de leur
tentative de médiation. La demande du clergé catholique de respecter la
constitution est ignorée.

La récente
tournée de membres du gouvernement au Fouta a permis aux notables de la région
d’exprimer leurs inquiétudes et leurs frustrations suite à une militarisation
rampante de cette partie du territoire national. Les guinéens sont inquiets et
craignent le pire pour leur pays.

Quelle est cette fatalité qui empêche les exécutifs guinéens de faire preuve de raison et de responsabilité pour promouvoir la bonne gouvernance en favorisant le respect des droits, en honorant leurs engagements et en aimant leur pays et son peuple. Bref ils ont manqué de vertu! »





L’opposition guinéenne se retire de l’Assemblée nationale

Les députés d’opposition en Guinée ont décidé vendredi 11 octobre de «suspendre leur participation aux travaux de l’Assemblée nationale» pour protester contre l’ambition prêtée au président Alpha Condé de faire réviser la Constitution pour briguer un troisième mandat, à trois jours de manifestations considérées à haut risque.

Les 53 députés d’opposition, sur les 114 que compte l’Assemblée, ont dénoncé dans une déclaration conjointe la «volonté mainte fois exprimée par les autorités de ce pays d’élaborer une nouvelle Constitution pour se maintenir au pouvoir». Alpha Condé, 81 ans, dont le deuxième mandat s’achève en octobre 2020, a souvent contesté la pertinence de la limitation du nombre de mandats en Afrique – deux maximum en Guinée. Son premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, lui a transmis mercredi la synthèse des consultations menées ces dernières semaines sur une possible révision de la Constitution, qualifiées de «mascarades» par l’opposition, qui les a boycottées. L’opposition s’attend à présent à ce que le président officialise la tenue d’un référendum pour valider un changement de Constitution ouvrant la voie à un troisième mandat. Fin septembre, Alpha Condé avait demandé aux Guinéens de s’y «préparer». Les députés d’opposition jugent par ailleurs «illégale» et «techniquement intenable» l’organisation d’élections législatives, fixées au 28 décembre.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), dont font partie les principales formations d’opposition, aux côtés de syndicats et de membres de la société civile, a appelé à manifester à travers le pays à partir de lundi. Le Front recommande également aux compagnies minières, banques, usines, stations-service et aux autres entreprises publiques et privées de «suspendre toute activité durant les manifestations, en vue d’éviter tout incident dommageable». Selon l’opposition, une centaine de manifestants ont été tués par les forces de l’ordre depuis l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé en décembre 2010. Les autorités font pour leur part état d’une douzaine de policiers ou militaires tués lors de manifestations au cours de cette période. En réaction à l’appel à manifester, le ministre de l’Administration du territoire, le général Bouréima Condé, a «mis en garde tous les fauteurs de troubles» et prévenu que les services de sécurité ne cèderaient «pas le moindre centimètre carré au règne de l’anarchie».

AFP/Figaro




Pas de Référendum ! Pas de 3ème Mandat ! le FNDC appelle les guinéens à des manifestations à partir du lundi 14 Octobre 2019

Dans une déclaration rendue publique au sortir d’une plénière ce lundi 07 octobre 2019, le Front national pour la défense de la constitution (FNDC) « appelle les guinéens à des manifestations à partir du lundi 14 Octobre 2019, tant sur le territoire national qu’à l’étranger. »

Déclaration (vidéo ©Guineematin)

 

L’intégralité de la déclaration (photos ©Ledjely)

 




Une nouvelle constitution : des risques et des menaces pour la stabilité de la Guinée (Par Bah Oury)

Dans un mémo relatif à son entretien avec le premier ministre Kassory Fofana, publié sur son site Internet, Bah Oury, ancien ministre, Président de l’Union pour la Démocratie et le Développement (UDD), souligne que « le projet de changement constitutionnel dans les circonstances actuelles s’avère périlleux pour la stabilité institutionnelle de notre pays »

Extrait

« [  ] Une nouvelle constitution : des risques et des menaces pour la stabilité de la Guinée

Une nouvelle constitution c’est-à-dire une « autre République » qui aurait pour conséquence de contourner ou rendre caduc les « intangibilités » n’est pas envisageable, car, contraire aux dispositions constitutionnelles en vigueur. Persister dans la voie pour « une nouvelle constitution » reviendrait à l’abolition de l’actuelle République pour une autre. Ce serait anticonstitutionnel. Cette possibilité ouvrirait des risques sérieux pour la paix civile et détériorerait immanquablement la stabilité et la cohésion nationales. Les répercussions de ce choix bouleverseraient nos relations avec nos voisins de l’espace CEDEAO, et entraveraient durablement nos relations de coopérations avec nos partenaires stratégiques comme l’Union Européenne y compris la France d’une part et les Etats-Unis d’Amérique d’autre part.

La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ratifiée par notre pays en son article 23 stipule : « Les Etats parties conviennent que l’utilisation entre autres, des moyens ci-après pour accéder ou se maintenir au pouvoir constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement et est passible de sanctions appropriés de la part de l’Union Africaine : les putsch, les interventions de mercenaires et les interventions de groupes dissidents ou rebelles pour renverser un gouvernement démocratiquement élu ainsi que tout refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti ou au candidat vainqueur à l’issue d’élections libres, justes et régulières ».

Il en est de même pour « tout amendement ou toute révision des constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique ». Dans ce cas de figure le Conseil de Paix et de Sécurité peut prendre la décision de suspendre les droits de participation de l’Etat partie concerné aux activités de l’Union Africaine en vertu des articles 30 de l’acte constitutif et 7 (g) du protocole. Le Conseil de Paix et de Sécurité a même prévu des sanctions individuelles pour les promoteurs des faits relatés dans l’article 23.

Monsieur le Premier Ministre

Comme vous le savez sans doute, le projet de changement constitutionnel dans les circonstances actuelles s’avère périlleux pour la stabilité institutionnelle de notre pays. Coincée entre des pays convalescents suite aux guerres civiles qui les ont déchirés comme la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra-Léone et adossée à l’Est sur des pays épicentres du terrorisme au Sahel et à des tueries intercommunautaires, la Guinée est un verrou pour conforter une paix relative dans la sous-région.

Il est par conséquent primordial de veiller à surseoir à toute initiative qui pourrait mettre en danger notre pays. Les périls sont grands [  ]».

Lire l’intégralité du mémo




En Guinée, un 3e mandat pour Alpha Condé ? La perspective se précise

Dans une vidéo partagée ce lundi 23 septembre sur les réseaux sociaux, le président Alpha Condé appelle les Guinéens à se préparer à un référendum et à des élections. Des propos tenus lors d’une rencontre avec la communauté guinéenne de New York. Un message qui accrédite encore plus une candidature à sa propre succession malgré l’obstacle constitutionnel.

Je vous demande de vous organiser et de vous préparer pour le référendum et les élections“. Ce sont les mots d’Alpha Condé dans une vidéo datée du 22 septembre postée sur Facebook et abondamment reprise ce mardi 24 septembre 2019 par les médias guinéens.

M. Condé rencontrait lundi 23 septembre des membres de la communauté guinéenne à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, selon les médias.
Cette vidéo donne davantage de corps au projet attribué à Alpha Condé de briguer à nouveau la présidence.

Consultations boycottées

Alpha Condé, ancien opposant historique et premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d’Afrique de l’Ouest, achève son deuxième mandat en octobre 2020. La constitution actuelle l’empêche d’en assumer un troisième.
A son poste depuis 2010, il a souvent contesté la pertinence de la limitation du nombre de mandats. Il n’est pas encore allé jusqu’à lancer une réforme constitutionnelle. Mais il a mandaté début septembre son Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, pour qu’il organise de larges “consultations” portant en particulier sur la constitution. Ces consultations, qui doivent en principe s’achever mercredi 25 septembre, sont boycottées par les principaux partis d’opposition.

Le chef de l’Etat a aussi prôné la tenue d’élections législatives avant la fin de 2019. Elles étaient initialement prévues en 2018, mais avaient été reportées sine die. Le chef de la Commission électorale a proposé qu’elles se déroulent le 28 décembre 2019, mais les représentants de l’opposition au sein de la commission ont jugé cette date “irréaliste“.

Plusieurs membres d’un mouvement créé pour s’opposer à un troisième mandat d’Alpha Condé ont été interpellés en avril et mai lors de manifestations émaillées d’incidents, avant d’être relaxés par la justice.

Lors de son séjour aux Etats-Unis, Alpha Condé a été reçu par le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, qui a appelé à une “transition du pouvoir démocratique et honnête (en Guinée), ce qui impliquera des institutions plus fortes et moins de corruption“, selon le département d’Etat.

Source: TV5Monde




Chronique: une certaine idée de la rue en démocratie


Alpha Condé vient de demander à ses partisans de se préparer pour le référendum et les élections. Une surprise ? Non! La nouveauté c’est le fait de prononcer pour la première fois le mot référendum.

Depuis plusieurs mois déjà, des missions labellisées “ANAFIC TOUR” sillonnent le pays pour délivrer un message de mensonge et de manipulation. Avec un bombardement médiatique impressionnant pour maquiller 9 ans de règne comme si le peuple de Guinée était plongé dans une phase hypnotique et c’est maintenant le réveil et la découverte des merveilles accomplies par le tout puissant Alpha 1er dernier du nom. La RTG est là pour l’enfumage généralisé même si ses chroniqueurs actuels sont moins inspirés que les anciens.

Enclencher l’étape des consultations avant d’aller aux États-Unis dont le seul but était dans un premier temps de trouver un moyen de divertissement national (effets escomptés résultats atteints. Certains très excités de rejoindre la table des invités nous ont bassiné toute une semaine sur les vertus du dialogue et tout le bla-bla qu’on ressuscite quand ça vous arrange), dans un second temps il fallait éviter les questions sur la politique intérieure pendant son séjour américain en maquillant cela en voyage d’affaires et de recherche d’investisseurs. Pendant ce temps, la pression est exercée sur la CENI (avec son corollaire de zizanie observée depuis une semaine au sein de l’institution) pour faire l’impossible afin d’organiser les législatives d’ici la fin de cette année (car l’autre urgence est de redéfinir les équilibres au sein de cette autre institution qu’est l’assemblée nationale).

Une évidence saute aux yeux : c’est un plan qu’on déroule sous nos yeux avec des séquences qui parfois font croire à une hésitation ou un réajustement. Il se déroule comme établi par les promoteurs de ce projet de 3ème mandat. Pourquoi une telle facilité de déroulement ? La réponse est simple : de l’autre côté (les opposants à ce projet) la convergence des luttes se fait encore attendre, une unanimité sur les moyens d’actions reste encore un défi, le mouvement par son caractère fourre-tout est aussi parasité avec des membres qui se baladent à Conakry avec deux offres d’adhésion en fonction de leurs intérêts flottants (mouvance et opposition).

C’est le moment de penser à une stratégie globale (celle annoncée et celle en sourdine) car le camp d’en face semble décidé à aller jusqu’au bout de la folie. Cette assurance s’explique : toutes les institutions sont acquises, il n’existe aucune autorité morale dans ce pays pour sonner la fin de la récréation (les religieux adorent les invitations à Sekoutoureya plus que tout au monde), les intellectuels plongés dans le coma du fonctionnariat pour les uns et la bassesse de la courtisanerie pour les autres ont opté pour l’indifférence et la survie professionnelle, dans un contexte d’histoire politique difficile et son versant ethnique, une réalité qui constitue une matière à exploiter pour diviser le peuple même sur un enjeu national comme la préservation de la démocratie, et enfin la fameuse communauté internationale (comme toujours, la prévention des crises est une action listée mais son effectivité reste discutable) observe le pourrissement de la situation.

Récapitulons : Alpha Condé se prononce sur un référendum, ses partisans sont sur le terrain depuis plusieurs mois, les opposants à ce projet se mobilisent, des contrepouvoirs institutionnels sont inexistants. Brefs tous les instruments institutionnels de recours sont rouillés et foncièrement abîmés. Quel est le moyen d’action restant pour sauver la démocratie ? Les manifestations.

Au Burkina Faso pour chasser BLaise Compaoré, on a observé le même scénario. Soyez tranquille, personne ne demande le départ de Alpha Condé (une retraite plus ou moins paisible est envisageable pour lui mais soyons réalistes aussi, il répondra un jour sur certains dossiers restés sans suite pendant son règne car des familles attendent des réponses) mais dans l’urgence c’est le retrait du projet de 3ème mandat (nouvelle constitution) que les populations réclament.

Pourquoi les manifestations ? Parce que la forme de contestations est admise, légale et démocratique. Il faut sortir de cette conception fausse sur l’appel à manifester qui serait selon certains, un appel à la violence. La rue n’est pas un espace dangereux pour des manifestations (il faut d’ailleurs arrêter de rajouter « pacifiques » de façon mécanique car de facto elles sont et seront pacifiques si les règles sont respectées), la dangerosité est surtout le fait des forces de sécurité.

Au Burkina Faso pendant l’insurrection populaire, les manifestants sont entrés au siège de l’assemblée nationale, se sont dirigés vers le palais Kosyam, … il n’y a pas eu cette boucherie humaine (où des dizaines de manifestants sont tués et de nombreux blessés) qu’on a connu en Guinée lors des manifestations politiques. La seule réaction républicaine des forces de sécurité burkinabé était de protéger les lieux stratégiques et de reculer sous la pression populaire. On ne tire pas sur sa population pour protéger un individu et son petit groupe, responsables du chaos occasionné. En Guinée, les manifestations sont perçues comme dangereuses parce que les forces de sécurité tirent sur les manifestants. Inutile de vous citer les nombreux rapports des organisations nationales et internationales sur cette évidence.

En créant de toutes pièces cette crise, Alpha Condé sera tenu responsable de toutes les dérives de ce régime. Le rapport de force est inévitable et il (Alpha Condé) reculera quand la pression sera très forte. Lorsqu’il y a du monde et que les manifestations durent, l’Etat recule, c’est une réalité observée et documentée.
« Une certaine idée de la Guinée » peut aussi se traduire par une certaine idée de la rue en démocratie.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com