22 janvier 2007: chronologie d’une tuerie organisée


Par Sékou Chérif Diallo


Cette image a marqué les esprits. Nous sommes le 22 janvier 2007, une date funeste dans l’histoire de la Guinée. Ce jour-là, une marée humaine envahit pacifiquement les rues de Conakry, scandant un slogan qui résonne encore : “Nous voulons le changement”. Mais la manifestation tourne brutalement à la tragédie. Face à la foule désarmée, les forces de l’ordre ouvrent le feu sans retenue. C’est un massacre.

Dix-sept ans après, ce dramatique événement hante encore la mémoire collective. Les autorités restent silencieuses, laissant les familles des victimes dans l’attente d’une reconnaissance et d’une justice qui ne viennent pas.

A l’heure où la Guinée amorce une transition incertaine, il est plus que jamais nécessaire de faire la lumière sur ces violations des droits de l’Homme, et sur les nombreux autres épisodes sanglants qui ont jalonné l’histoire récente du pays. C’est une question de devoir de mémoire autant que de justice.

Dix-sept ans après cette sanglante répression, il est temps de faire la lumière sur les dramatiques événements survenus en ce début d’année 2007. Retour sur une période tragique dont les blessures peinent à se refermer.

ANNONCE D’UNE GREVE GENERALE

Le 2 janvier 2007, les principales centrales syndicales guinéennes, notamment la CNTG/USTG, l’ONSLG et l’UDTG, déposent un préavis de grève illimitée à compter du 10 janvier. Cette décision fait suite aux nombreuses dérives du régime en place :

  • Ingérences répétées du chef de l’État dans le pouvoir judiciaire, se traduisant par des libérations illégales de citoyens en conflit avec la loi
  • Endettement excessif auprès de la Banque centrale menaçant la stabilité monétaire du pays
  • L’incapacité du gouvernement à arrêter la dépréciation continue du franc guinéen qui aggrave l’inflation et la chute du pouvoir d’achat des populations en général et des travailleurs en particulier
  • Atteintes répétées aux droits syndicaux et au principe de leur indépendance par rapport au pouvoir politique
  • Dérive autoritaire du président de la République allant à l’encontre de ses devoirs constitutionnels

Face à ces nombreux manquements et à l’indifférence des contre-pouvoirs institutionnels, la société civile guinéenne choisit légitimement la voie de la contestation sociale pour opposer son refus à la dérive du régime.

10 JANVIER : DÉBUT DE LA GREVE

10 janvier : Le mot d’ordre de grève de l’intercentrale CNTG/USTG, élargi à l’ONSLG et à l’UDTG, est largement suivi sur toute l’étendue du territoire national. Les transports urbains et interurbains sont paralysés. Boutiques, magasins, marchés, supermarchés et restaurants sont restés fermés. Les ministères, banques, assurances, entreprises du secteur public et privé, compagnies minières, gares routières sont paralysés. Quelques compagnies aériennes annulent leurs vols en direction de Conakry.

12 janvier : Les leaders de la centrale syndicale sont reçus par le Président de la République. Ce dernier leur demande de lui faire des propositions écrites. Le même jour, vers 20h, des émeutes sont enregistrées sur le tronçon Hamdallaye-Bambeto-Cosa. Des jeunes manifestants, révoltés de voir circuler des taxis et des magbanas, érigent des barricades et lancent des cailloux sur ces véhicules.

13 janvier : Au siège de l’USTG, un comité de réflexion peaufine le document à remettre au Président de la République. Dans l’après-midi, sept jeunes sont arrêtés par les agents de la CMIS au siège du Conseil national des organisations de la société civile à Dixinn Bora. Ils seront libérés vers 1h du matin après plusieurs tractations et négociations entre les forces de l’ordre et les leaders syndicaux.

15 janvier : Le gouverneur de la ville de Conakry, Amadou Camara, interdit la marche pacifique du Conseil national des organisations de la société civile à laquelle avaient adhéré 14 partis politiques de l’opposition. Le même jour, les mouvements de protestation embrassent la commune de Matoto. Vers 17h, la secrétaire générale de la CNTG, Hadja Rabiatou Serah Diallo et le secrétaire général de l’USTG, Ibrahima Fofana, sont reçus pour une deuxième fois par le Président de la République. Les syndicalistes remettent au Président le document de proposition de sortie de crise qu’il leur avait réclamé, lors de la rencontre du vendredi 12 janvier. Quatre points meublent ce document :

  • Premièrement, la mise en place d’un gouvernement de large consensus, dirigé par un chef de gouvernement.
  • Deuxièmement, le respect du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
  • Troisièmement, le soutien du pouvoir d’achat des populations en général et des travailleurs en particulier.
  • Quatrièmement, l’application intégrale des accords signés entre le gouvernement, le patronat et les syndicats.

16 janvier : Les turbulences continuent à Conakry et à l’intérieur du pays. Dans la journée, les leaders syndicaux rencontrent les imams à la mosquée Fayçal pour leur remettre le document de proposition de sortie de crise, déposé la veille auprès du Président, et les exhorter à intervenir auprès du chef de l’État.

17 janvier : Dès 10h, une foule de manifestants, avec à leur tête les responsables syndicaux, scandent en chœur « Nous voulons le changement », prennent le départ à la Bourse du travail pour le Palais du peuple. Huit syndicalistes sont arrêtés, puis libérés et conduits à l’Assemblée nationale. Pendant ce temps, à Kaloum, les forces de l’ordre ont du fil à retordre avec les jeunes manifestants. À 20h, les syndicalistes se rendent au camp Samory Touré pour rencontrer le Général Kerfalla Camara, chef d’état-major de l’armée.

18 janvier : Des violents affrontements entre forces de l’ordre et manifestants sont enregistrés dans la haute banlieue de Conakry, notamment le long de la route Le Prince et au rond-point de Hamdallaye. De nombreux manifestants sont arrêtés.

19 janvier : Le président Lansana Conté limoge le ministre des Affaires présidentielles Fodé Bangoura qui avait fait arrêter Mamadou Sylla.

22 janvier : La grande tuerie. Il est 8h du matin, ce 22 janvier. Les habitants des quartiers de la banlieue de Conakry (Wanindara, Cosa, Bambeto, Dar-es-Salam…), envahissent la route Le Prince. Hamdallaye et Hafia se joignent au mouvement. La première confrontation, au poste de gendarmerie de l’escadron mobile n°2 de Hamdallaye, un agent de la sécurité tire à bout portant sur un jeune manifestant. La première victime est enregistrée. Scandant des slogans demandant le départ du président Lansana Conté, on pouvait entendre : “À bas la dictature ! Nous voulons le changement !”. Dès 11h du matin, toutes les artères des communes de Ratoma et Matoto étaient bondées de manifestants.

Selon une source hospitalière, cette seule journée du lundi 22 janvier avait enregistré plus d’une centaine de morts et 250 blessés.

Selon un rapport publié par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité et présenté le 2 mai à la télévision d’État par le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Justin Morel Junior, ces événements ont fait 137 morts et 1 667 blessés entre le 22 janvier et le 26 février. Par contre, d’autres sources indépendantes donnent un bilan plus important.

27 janvier : Les syndicats et le gouvernement s’accordent sur la nomination d’un Premier ministre avec le rôle de chef de gouvernement. Les syndicats suspendent la grève générale.

9 février : L’Union européenne, rejointe par la plupart des pays européens, se félicite de l’accord entre les syndicats et le gouvernement et « demande au gouvernement un éclaircissement sans réserve des circonstances de ces décès [pendant les manifestations] et des poursuites judiciaires contre les coupables».

Le même jour, le président Conté nomme Eugène Camara au poste de Premier ministre. Cette nomination d’un proche de Lansana Conté est rejetée par les syndicats et l’opposition dans leur ensemble, qui relancent la grève le 10 février.

11 février : Après l’enregistrement de plus d’une centaine de morts le 22 janvier et après, l’intersyndical exige pour la première fois le départ du pouvoir du président Lansana Conté.

12 février : Le président décrète l’état de siège, impliquant un couvre-feu de 20h à 6h du matin et de 6h à 16h sur l’ensemble du territoire. Toutes les manifestations, cortèges, rassemblements sont interdits. Les forces de l’ordre sont autorisées à arrêter toute personne dont l’activité présente un danger pour la sécurité publique et à mener en tout lieu des perquisitions de jour et de nuit.

16 février : L’Union africaine adopte une résolution condamnant l’usage excessif de la force et demande une enquête indépendante sur les violences.

17 février : Alors que les syndicats ont rompu les négociations, une délégation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, présidée par l’ancien dirigeant nigérian Ibrahim Babangida, arrive à Conakry.

18 février : La période du couvre-feu est désormais de 18h à 6h sur l’ensemble du territoire national. Les organisations de la société civile dénoncent les arrestations de centaines de sympathisants et militants de l’opposition par les forces de police et de gendarmerie.

25 février : Le président Lansana Conté accepte, sous la pression de la CEDEAO, le remplacement du Premier ministre Eugène Camara par une personnalité choisie sur une liste de 4 candidats désignés par les syndicats et la société civile. La grève générale est suspendue.

26 février : Lansana Kouyaté est nommé Premier ministre, chef du gouvernement.

Dix-sept ans après

Les massacres et violences perpétrés en Guinée sont le résultat de décennies d’impunité caractéristique des régimes politiques successifs. Du massacre du 28 septembre 2009 sous la junte militaire de Dadis Camara aux tueries sous Alpha Condé, et celles d’aujourd’hui sous Mamadi Doumbouya, ces crimes restent trop souvent impunis.

Pour honorer la mémoire des victimes et oeuvrer à une véritable réconciliation nationale, il est essentiel de lutter contre l’amnésie collective et de rappeler ces évènements tragiques. Une justice transitionnelle permettrait de reconnaître les souffrances endurées par toutes les victimes de violations des droits de l’Homme depuis l’indépendance du pays.

Seule une approche réparatrice, accordant une juste place à la vérité et à la mémoire, peut panser les plaies du passé et jeter les bases d’un avenir commun apaisé pour le peuple de Guinée.

Plus jamais ça

Pour un devoir de mémoire


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Edito: comment profiter de l’expertise de certains leaders politiques ?

Conduite de la transition

Les transitions politiques échouent parce qu’il y a une focalisation parfois naïve sur des schémas calqués et dont l’efficacité a déjà montré ses limites. « Gouvernement d’union nationale » « gouvernement de consensus » … tout tourne autour de : comment mettre en place un gouvernement de transition ? Certes, il faut bien sûr un gouvernement pour assurer la continuité de l’Etat. Mais, il faut surtout des hommes et femmes pour produire de la matière à agir permettant aux futurs ministres de travailler sur la base de recommandations précises. Pour ce faire, les leaders politiques peuvent aider. Non sur des questions strictement politiques, mais ils peuvent apporter leur expertise dans les domaines de la gestion de l’état en général. A cet effet, nous suggérons la mise en place de commissions spécifiques qui travailleront sur des questions spécifiques adaptées en période de transition politique.

Une commission dépenses et recettes de l’administration publique

Pour réussir une transition, il faudrait maitriser la gestion de l’argent public. Cette commission aura pour mission d’aider à la prise de décision concernant les dépenses essentielles en période de transition et proposer des solutions adaptées pour la mobilisation et la sécurisation des recettes publiques. Cette commission travaillera directement avec le ministre de l’économie et toutes les régies financières. Sidya Touré, leader de l’UFR pourrait efficacement diriger cette commission pour une durée de 6 mois. Il sera accompagné dans cette mission par une équipe de dix experts nationaux. Son parti politique est assez bien structuré et regorge de compétences capables d’assurer la continuité des activités strictement politiques du parti durant cette période.

Une commission audits et anti-corruption

Pour plus d’efficacité, les acteurs de la transition doivent procéder à l’audit du régime déchu. Cette commission d’experts aura pour mission d’aider à enquêter sur les affaires de malversations financières des onze dernières années. Elle aura six mois pour présenter un rapport et permettre à la justice d’engager les procédures. Cellou Dalein Diallo, leader de l’UFDG pourrait efficacement diriger cette commission. Comme l’UFR, l’UFDG peut être piloté sur le plan politique par d’autres cadres du parti durant cette période.

Une commission mines et partenaires techniques et financiers

L’assurance des acteurs miniers est essentielle pour permettre aux autorités de la transition de mener à bien leur mission. Cette commission, en plus de maintenir la confiance entre les acteurs du secteur et les nouvelles autorités, elle aura pour mission de procéder au toilettage du secteur. Depuis l’arrivée de Alpha Condé au pouvoir, ce secteur des mines a été au cœur des plus grands scandales financiers. La commission travaillera avec la commission audit pour établir une cartographie réelle des exploitations minières existantes et des permis miniers en circulation. Elle aura aussi pour mission d’aider à rassurer les partenaires techniques et financiers sur la nécessité d’accompagner le pays durant cette période de transition. Cette commission travaillera avec tous les ministres concernés. Lansana Kouyaté, président du PEDN pourrait efficacement diriger cette commission pour une durée de 6 mois.

Une commission fichier électoral

Sa mission sera d’aider à l’élaboration d’un fichier électoral. Pour ce faire, la commission aura une branche technique et dirigera toutes les opérations. En utilisant les ressources du ministère de l’administration du territoire (qui sera chargé de l’organisation des prochaines élections), la commission remplacera la CENI (qui devrait disparaitre) en ce qui concerne l’élaboration du fichier électoral. L’ancien ministre et journaliste Justin Morel Junior pourrait efficacement diriger cette commission. Elle sera composée d’experts électoraux essentiellement.

Une commission poursuites judiciaires et proposition de reformes

Sa mission sera de faire l’état des lieux du secteur. Toutefois, vu le temps d’une transition, les grandes réformes de la justice viendront après la transition. Cette commission sera chargée essentiellement de faire des propositions notamment sur le choix du personnel judiciaire (procureurs, juges …). Ces procureurs, juges et auxiliaires de justice identifiés et nommés se chargeront de l’organisation des premiers procès notamment sur les dossiers économiques (détournements de deniers publics, corruption …). Quant aux dossiers criminels, les autorités post transition se chargeront des poursuites et de l’organisations des procès. Cette commission aura aussi comme mission, l’élaboration d’un document de propositions de réformes du secteur de la justice. L’avocat Maître Mohamed Traoré pourrait efficacement diriger cette commission.

Une commission constitution et referendum

C’est une commission centrale du dispositif de la transition. Sa mission sera d’aider à la rédaction d’une nouvelle constitution et sa soumission au referendum. Bah Oury, président de l’UDRG pourrait efficacement diriger cette commission. Elle sera composée essentiellement de juristes constitutionnalistes.

Une transition est limitée dans le temps. Il revient aux acteurs de définir un chronogramme réaliste en tenant compte de la gigantesque mission qui consiste tout d’abord à « fabriquer » un instrument juridique (Constitution) essentiel pour une nation. Deux ans suffiront pour mettre en place les bases indispensables pour sortir de cette série de crises multidimensionnelles. Il est important que la gestion de cette transition soit inclusive car l’exclusion alimente les suspicions et crée des tensions. En sollicitant les services des leaders politiques et autres personnes ressources, pour aider à gérer la transition, cela engendrera une dynamique collective qui brisera toutes les barrières fabriquées pour diviser les guinéens. Pour une fois, faisons les choses correctement.

Sékou Chérif Diallo




Guinée : légitimité et confiance, les deux «institutions invisibles» qui empêchent le dialogue politique


Politique


Le 2 juin dernier, dans une tribune, trois responsables du parti d’opposition, Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), arrêtés après la présidentielle de 2020 et inculpés pour « trouble à l’État par la dévastation et le pillage, atteinte aux institutions de la République, participation à un mouvement insurrectionnel, menace de violences ou mort par le biais d’un système informatique, diffusion et la mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler l’ordre public » clamaient une fois de plus leur innocence en réfutant « toutes les accusations de violence quelles qu’elles soient et qui seraient susceptibles de mettre en danger la paix sociale, de menacer la sécurité de nos compatriotes et de nos institutions ».

Dans ce dossier politico-judiciaire, les trois détenus politiques signataires de la tribune appellent à « l’impartialité de l’institution judiciaire, mais aussi à la neutralité de l’Exécutif ». Ils formulent l’espoir que, le « déroulement et l’issue qui en sortira constitueront un jalon essentiel dans la volonté de décrispation du climat politique ». Ils estiment « que ce serait là, un des premiers gages d’ouverture d’un dialogue constructif ». Enfin, les trois responsables politiques pensent « qu’il est fondamental d’œuvrer dans ce sens afin d’amorcer le processus d’apaisement par le dialogue et la concertation dans le souci de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale ».

Face aux diverses interprétations de cet « appel » au « dialogue » (résultat d’un curieux emballement médiatique) qui est plutôt un appel à l’institution judiciaire pour un traitement impartial du dossier, la direction de l’UFDG publie une déclaration dans laquelle, elle réitère la position du parti par rapport au dialogue politique qui, selon elle, « relève exclusivement de la direction nationale du parti et de ses instances compétentes ». Il n’en fallait pas plus pour alimenter les débats sur des « dissensions » qui mineraient ce parti d’opposition notamment, autour de la question d’un éventuel dialogue avec le pouvoir. Divisés sur la question, les acteurs politiques du pays font le tour des médias pour défendre les arguments qui sous-tendent leur positionnement. Rappelons que le 27 janvier dernier, un décret a été publié, instaurant un « dialogue politique et social » entre acteurs institutionnels, politiques et sociaux. Dans un contexte d’impasse politique et de difficultés financières (les récentes conclusions du FMI convergent dans ce sens), le gouvernement guinéen se voit contraint de rééditer sa recette traditionnelle, une fois le dos au mur : l’appel au dialogue. Après avoir bravé tous les interdits de la démocratie (modification de la constitution pour se maintenir au pouvoir, violation des droits de l’Homme), le pouvoir de Conakry s’est retrouvé isolé sur la scène internationale et souffrirait d’un manque de légitimité auprès d’une grande majorité des populations.

Comme en 2015, l’appel au dialogue est avant tout une contrainte pour le pouvoir qui se trouve acculé de toute part. La décrispation du climat politique, gage de confiance des investisseurs et d’autres partenaires financiers, devient une conditionnalité pour la normalisation des relations bi et multilatéraux. Pour ce faire, la participation à ce dialogue des ténors de l’opposition politique est un gage de crédibilité et le gouvernement est conscient du poids réel des partis d’opposition (le rétropédalage dans le projet mort-né de fabriquer une nouvelle opposition avec son chef de file est un exemple éloquent).

L’union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo est catégorique sur la question du dialogue. Pour ce parti de l’opposition, le dialogue n’est pas d’actualité. Lors d’une réunion extraordinaire du conseil politique du parti, le 9 juin dernier, il a été décidé ce qui suit : le parti s’abstient de tout commentaire sur la question du dialogue politique tant que « Les cadres et militants de l’UFDG de l’ANAD et du FNDC seront maintenus en prison ; les bâtiments de l’UFDG abritant son siège et ses bureaux seront fermés et occupés par les forces de défense et de sécurité ; le président du parti, son épouse et ses proches collaborateurs seront arbitrairement privés de leurs droits et libertés de voyager ».

En revanche, pour l’union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré, le dialogue est la seule issue possible pour résoudre la crise que traverse le pays. Dans une déclaration publiée le 30 décembre dernier, l’UFR lance « un appel à la concertation pour qu’au moins, le travail recommence et que les Guinéens puissent voir le bénéfice de tous ces débats politiques qui n’en finissent pas ».

Quant au parti de l’espoir et le développement national (PEDN) de Lansana Kouyaté, son parti « n’ira pas à ce dialogue ». Invité de l’émission « Sans Concession » de Guinéenews le 8 juin dernier, Lansana Kouyaté reste sceptique sur les véritables objectifs de ce dialogue : « Comment voulez-vous qu’on parte au dialogue dont on sait d’avance que c’est pour peut-être avoir du temps, pour que les choses se calment et qu’on passe à autres choses ».

Député et président de l’union des forces démocratiques (UFD), Baadiko Bah, dans un entretien accordé à Guineenews au mois de janvier dernier, est encore plus dubitatif sur la sincérité de cet appel au dialogue. Pour cet opposant, le dialogue est « un gadget pour amuser la galerie, faire semblant qu’on est ouvert à dialoguer sans que ça n’ait aucune portée pratique pour résoudre les véritables problèmes auxquels font face la Guinée ».

Dans une déclaration rendue publique le 20 juin dernier, le parti MoDel dirigé par Aliou Bah, exprime sa position sur la question du dialogue et reste ferme « il [le parti] ne se sent ni intéressé ni concerné par un simulacre de dialogue tel qu’il est annoncé et se déroule actuellement ».

Dialogue politique inter-guinéen, un espace d’insincérité

En août 1993, l’archevêque de Conakry, le cardinal Robert Sarah, dans une déclaration intitulée « la Guinée, une famille à construire » présentait un diagnostic assez critique de la société guinéenne dans son ensemble. Il disait ceci : « Le guinéen ne respecte plus rien, ni sa vie, ni la vie des autres, ni le bien des autres, ni les coutumes ou valeurs traditionnelles, ni les principes sacrés de la religion. Plus rien n’arrête le guinéen quand il a décidé de détruire, d’assassiner, de voler. Nous vivons, en conséquence, dans une société anarchique. [  ] Nous n’avons pas de projet de société cohérent. Nous naviguons à vue, inventant et improvisant des solutions, à la merci des évènements et des situations. » Dans un contexte de tensions politiques sur fond de violences au moment où la Guinée s’apprêtait à organiser ses premières élections (présidentielle et législatives) multipartistes, ces propos décrivent une société guinéenne malade.

Pour ce très respecté responsable religieux, cette Guinée peut s’en sortir car elle dispose des ressources nécessaires, mais il faudrait qu’il y ait une « vigoureuse volonté d’application du pouvoir judiciaire [ ] de façon à ne plus laisser impunis les grands crimes et à défendre efficacement les droits des plus faibles » Selon lui, sans volonté d’application, « la forêt des lois ne résout pas les problèmes essentiels ».

Vingt-huit ans après cette déclaration, la Guinée d’aujourd’hui semble fidèle à ce diagnostic et les acteurs sont presque les mêmes, à quelques exceptions près.

Les élections en Guinée ont toujours été des périodes d’exacerbation des violences. D’un côté nous avons une machine répressive de l’Etat qui n’hésite pas tirer sur sa population et de l’autre, des oppositions de plus en plus déterminées à se faire entendre en usant des seuls moyens dont elles disposent, à savoir, les manifestations de rue et les recours devant les tribunaux du pays même si elles savent à quoi s’attendre de l’appareil judiciaire. Lors de ces élections, deux facteurs contribuent à la cristallisation des tensions : la légitimité et la validité du processus. Toutes les tentatives et actions de contournement et d’instrumentalisation des règles du jeu électoral engendrent des contestations et ces dernières produisent de la violence.

Pour reprendre la formule de Carlos Santiso, de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale, une organisation intergouvernementale dont la mission est de promouvoir la démocratie durable dans le monde : « Les élections ne sont pas l’égal de la démocratie ». En observant la situation de la démocratie dans de nombreux pays, Santiso arrive à la conclusion que « les processus de démocratisation empruntent assez souvent des voies irrégulières, imprévisibles et parfois réversibles dans des environnements politiques changeants ».

Dans son ouvrage, La contre-démocratie, publié en 2006, Rosanvallon présente trois piliers qui, selon lui, compose l’expérience démocratique : le gouvernement électoral-représentatif qui assure l’assise institutionnelle, la contre-démocratie qui assure une certaine vitalité contestataire et le travail réflexif du politique qui assure une densité historique et sociale à la démocratie. Cependant, souligne l’auteur, ces trois dimensions intègrent des pathologies qui doivent pouvoir être surmontées. Selon lui, le gouvernement électoral-représentatif tend à se transformer en aristocratie élective, la contre-démocratie serait hantée par le populisme et l’antipolitique et le travail réflexif du politique risque d’être selon lui, aspiré par la facilité « décisionniste ».

Célébrée par tous les observateurs comme un tournant démocratique majeur, l’élection en 2010 de l’ancien opposant historique guinéen, avait suscité un immense espoir chez les guinéens et africains en général, même si les conditions de son accession au pouvoir laissaient déjà présager le jusqu’auboutisme du personnage pour arriver à ses fins, même par les moyens antidémocratiques. Plus de dix ans après, la déception est le sentiment le plus partagé par les guinéens. Les tendances autocratiques du régime sont bien réelles. Si la cour suprême guinéenne (symbole de la complaisance des contre-pouvoirs institutionnels) a bien entériné la « victoire » (certains diront plutôt le maintien) de Alpha Condé après la présidentielle contestée et surtout violente d’octobre 2020, force est de reconnaitre que le régime peine à asseoir son autorité parce qu’il souffre d’un manque de légitimité auprès de nombreux guinéens qui, par cet acte de la plus grande institution judiciaire du pays, ont le sentiment d’assister impuissant à une confiscation du pouvoir et redoutent de revivre un remake des dix dernières années avec ses corollaires  de violations des règles et principes démocratiques. Cette panne judiciaire (une réalité guinéenne) a pour cause une carence criarde d’indépendance de la justice, mise sous tutelle par un pouvoir exécutif oppressant.

Un président de la République avec un statut privilégie au-dessus de tous les autres pouvoirs. C’est cette relation, caractéristique des régimes africains que Claude Momo et Eric-Adol Gatsi dans un document intitulé L’exécutif dualiste dans les régimes politiques des Etats d’Afrique noire francophone, publié en 2020, tentent d’expliquer. Selon ces auteurs, la relation entre le président de la République et les autres pouvoirs « rame quasiment à contre-courant de l’idée de checks and balances chère à Montesquieu qui fait du pouvoir le contre-pouvoir du pouvoir et justifie l’étiquette de « monarque républicain » ou de « président impériale »

Pour celui qui avait promis de faire « disparaître » l’opposition de la scène politique guinéenne, la désillusion est aujourd’hui grande chez ses partisans. La lecture simpliste qui consiste à réduire « les oppositions » à l’opposition politique et plus particulièrement aux leaders de certains partis d’opposition, s’est révélée erronée. Ces dernières années, l’espace politique guinéen a connu l’émergence d’autres acteurs issus de la société civile, avec de nouvelles stratégies de lutte et une nouvelle dynamique d’engagement citoyen. Une preuve que l’exigence démocratique est de plus en plus grande chez les citoyens.

Ce citoyen n’est pas celui décrit par Richard Balme, c’est-à-dire, qui se cantonne dans un rôle minimal de pourvoyeur de voix. Il est ce citoyen qui surveille. Rosanvallon, dans un ouvrage collectif intitulé Chroniques de la gouvernance publié en 2009, explique qu’au « peuple-électeur s’ajoute le peuple-surveillant, le peuple-veto et le peuple-juge qui se manifestent dans des institutions ou de manière plus spontanée et informelle. À l’élection s’ajoute la surveillance, l’empêchement et le jugement ».

Du manque de légitimité au déficit de confiance, un « titre à gouverner » obsolète 

Dans son intervention lors du colloque « la justice du XXIe siècle » en 2014 à l’UNESCO, Pierre Rosanvallon disait qu’un pays ne fonctionne pas simplement avec des institutions et des valeurs. Il fonctionne aussi avec des « institutions invisibles », un concept développé par le prix Nobel d’économie Kenneth Arrow dans son ouvrage Les limites de l’organisation publié en 1974.

Pour ce sociologue et professeur au Collège de France, une société dans laquelle la confiance se délite, est une société dans laquelle le fonctionnement des institutions, le rapport entre les citoyens, le rapport des citoyens aux institutions, est rendu plus difficile.

La confiance occupe une place importante en démocratie. Comme nous le fait remarquer les auteurs d’un rapport de recherche publié en 2019 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) sur la crise de la confiance politique en France, où ils soutiennent que la confiance « est la valeur cardinale de la démocratie ». Selon ces auteurs, la « démocratie est le seul régime qui repose sur le consentement du gouverné. A la différence d’autres régimes politiques, la démocratie a besoin du soutien de celui sur lequel elle s’exerce ». Si le citoyen vote, il ne choisit pas simplement un candidat mais soutient la démocratie.

S’il y a bien une réalité dont l’évidence saute aux yeux, c’est bien le manque de confiance entre les acteurs politiques guinéens (un euphémisme, pour ne pas dire qu’ils se haïssent). D’ailleurs, cet environnement de détestation réciproque est propice à la fabrication de dictateurs, car ces derniers, se nourrissent des divisions. Quant aux relations de confiance entre les gouvernants et les gouvernés, elles sont aussi exécrables. Pour le citoyen, nous rejoignons Richard Balme, dans son ouvrage Les motifs de la confiance (et de la défiance) politique : intérêt, connaissance et conviction dans les formes du raisonnement politique, publié en 2003, quand il explique qu’aujourd’hui, « le citoyen aurait l’impression d’être cantonné dans un rôle minimal, se limitant à choisir épisodiquement un représentant, sans avoir la certitude que celui-ci prendra les bonnes décisions ni pouvoir l’y contraindre ».

En ce qui concerne la légitimité, elle revêt plusieurs facettes. Selon le petit Larousse, elle est « la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice, ou en équité ». Dans son ouvrage intitulé, La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité, publié en 2008, Rosanvallon explique que « Si la légitimité est au sens général du terme un simple économiseur de coercition, sa variante démocratique a pour fonction plus exigeante de tisser des liens constructifs entre le pouvoir et la société ». Dans la démocratie représentative, le vote est le principal mode de légitimation des gouvernants. Toutefois, si le peuple est la source de tout pouvoir démocratique, souligne l’auteur, il fait cependant remarquer que le verdict des urnes ne peut être le seul étalon de la légitimité. Pour lui, un pouvoir n’est désormais considéré comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression majoritaire.

Lipset, quant à lui, soutient que la légitimité implique la capacité d’un système politique à engendrer et à maintenir la croyance que les institutions politiques existantes sont les plus appropriées pour le bon fonctionnement de la société.

Eichholtzer Marie, dans un mémoire intitulé Transparence, légitimité et confiance dans la gouvernance européenne, soutenu en 2010 à Institut d’Études Politiques de Lyon, distingue deux types de légitimité : la légitimité formelle et la légitimité sociale. La première découle du bon respect des règles et des procédures. La seconde, est le lien affectif, la loyauté qui relient les citoyens à leurs institutions sur la base d’une identité collective forte et d’intérêts communs. Dans le même ordre d’idées, Rosanvallon, quant à lui, distingue trois types de légitimité : une légitimité procédurale qui est issue de l’élection qui donne un « permis de gouverner » ; une légitimité substantielle qui tient à des qualités intrinsèques, autrement dit, c’est le fait qu’en soi-même on représente quelque chose d’important ; et enfin une légitimité d’exercice qui repose sur la prise de conscience du fait que la volonté générale n’est pas simplement exprimée par le moment électoral.

Quand Alain Laquièze affirme dans un article intitulé Élection des gouvernants et légitimité démocratique, publié en 2018, que : « le gouvernant est légitime démocratiquement parce qu’il est légitime électoralement », il ressort la place prépondérante de l’élection dans l’acquisition de la légitimité. Par ailleurs, Thiébault Jean-Louis, dans un article intitulé Lipset et les conditions de la démocratie, publié en 2008 cite Larry Diamond dans son ouvrage intitulé Developping Democracy. Toward Consolidation, publié en 2000, qui établit un lien entre la légitimité et le niveau de démocratie dans un pays. Ce dernier soutient que « la légitimité est fortement corrélée avec le niveau de démocratie dans un pays. Plus une nation est démocratique, plus le système politique tend à être légitime. Les facteurs politiques (libertés civiles et politiques) sont plus importants que la simple performance économique pour prédire la légitimité d’un régime démocratique dans une nation ». Thiébault Jean-Louis, dans le même article souligne, quant à lui, que la légitimité peut être considérée comme un stock de crédibilité qui peut retarder ou réduire l’intensité des crises dans une démocratie.

Un point de vue partagé par Lipset, qui soutient que, les systèmes politiques, mêmes ceux qui sont autoritaires, ne reposent pas d’abord sur la force. L’alternative à la force est la légitimité, un « titre à gouverner » largement accepté ».

La pilule au goût amer du compromis

Polysémique, avec une certaine ambiguïté dans son interprétation, la notion de compromis selon Paul Ricœur « intervient lorsque plusieurs systèmes de justification sont en conflit ».

Si le conflit est un trait inhérent à la vie politique, comme le soutient Lipset dans son ouvrage intitulé L’Homme et la Politique, publié en 1963 (traduction française de Political Man paru en 1960), la démocratie doit être perçue comme un moyen « de canaliser ou de structurer, et non pas d’éradiquer, le conflit ». Selon cet auteur, « les luttes et rivalités pour la conquête des postes de direction, l’affrontement des partis et leur alternance dans l’exercice des fonctions de gouvernement sont les conditions d’une démocratie stable. Et sans un accord préalable sur la règle du jeu politique, sans la soumission des minoritaires aux décisions de la majorité réversible, sans la reconnaissance de la légitimité de ces décisions, il ne saurait y avoir de démocratie ».

Dans le même ordre d’idées, Paul Ricœur, dans une interview publiée par la revue Alternatives Non Violentes en 1991, souligne, quant à lui, que « le compromis est [  ] lié à un pluralisme de la justification, c’est-à-dire aux arguments que les gens mettent en avant dans les conflits ». Pour ce penseur de « l’éthique du compromis », il n’existe pas de super-règle pour résoudre les conflits, mais « on résout les conflits à l’intérieur d’un ordre homogène où les gens se reconnaissent ».

Dans le cadre d’un compromis, soutient quant à lui le professeur Thomas Meyer de l’université de Dotmund, dans une publication de 2012 intitulée L’art du compromis : le chemin vers la réalisation des idéaux dans une véritable démocratie, deux ou plusieurs parties s’engagent à renoncer à leur droit de faire valoir complètement leurs intérêts personnels, de manière à permettre à toutes les parties d’atteindre le maximum de leurs objectifs politiques. Pour cet universitaire, « la prise en compte du maximum d’intérêts et de valeurs est un objectif important de la démocratie. » Selon lui, la capacité de prendre en compte le maximum d’intérêts légitimes et de les intégrer dans les processus de délibérations et de prise de décision en politique est un principe fondamental d’une démocratie bien comprise.

En procédant à l’arrestation, à la condamnation et à l’incarcération de responsables politiques de son principal challenger, Alpha Condé fait ce que les autocrates font, à savoir, se servir de ses prisonniers comme monnaie d’échange à présenter lors d’un éventuel dialogue. Dans un tel contexte, l’envie d’atteindre un objectif politique l’emporte sur la nécessité d’aboutir à un compromis. Nous pensons que la manifestation d’une volonté réelle d’une décrispation doit venir du côté du pouvoir. Au-delà de la formalisation d’un cadre de dialogue, il est surtout important d’œuvrer pour la création de conditions favorables à un dialogue politique sincère. D’un compromis à une compromission, la frontière de l’amalgame est très étroite. En acceptant d’aller à un dialogue dans ces conditions, les partis concernés jouent leur survie en termes de crédibilité et de cohérence.

Sur les connotations péjoratives qui entourent l’idée de compromis et qui suscitent le plus souvent chez certains, une réaction de méfiance ou de rejet, Nachi Mohamed dans un article intitulé La vertu du compromis : dimensions éthique et pragmatique de l’accord publié en 2001 dans la Revue interdisciplinaire d’études juridiques, défend toutefois, « un compromis qui se distingue nettement de la compromission ». Une position que partage Ricœur dans un entretien publié en 1991 par la revue Alternatives Non Violentes où l’auteur souligne « qu’il y a méfiance à l’égard du compromis, parce qu’on le confond trop souvent avec la compromission. La compromission est un mélange vicieux des plans et de principes de références. Il n’y a pas de confusion dans le compromis comme dans la compromission. Dans le compromis, chacun reste à sa place, personne n’est dépouillé de son ordre de justification ». Par ailleurs, dans ce même entretien, Paul Ricœur pose la question : « Comment empêcher que les différends, les litiges, les conflits ne dégénèrent en violence ? ». Pour lui, le compromis est une barrière entre l’accord et la violence. Il soutient que c’est en absence d’accord que nous faisons des compromis pour le bien de la paix civique. Ce penseur du compromis, soutient que « l’intransigeance rend malheureusement impossible toute recherche de compromis ». Car, selon lui, le compromis exige la négociation.

Dans le même ordre d’idée, Daniel Weinstock, dans un article intitulé Compromis, religion et démocratie publié en 2005 dans la revue Bulletin d’histoire politique souligne qu’un « compromis se produit lorsque tous les participants à la délibération se rallient à une position qu’ils estiment inférieure à celle qu’ils adoptaient au départ. Ils s’y résignent à cause du poids indépendant qu’ils accordent à la résolution pacifique du conflit. Un compromis émerge ainsi lorsque tous estiment que le sacrifice qu’ils effectuent par rapport à leur position idéale est justifié par l’avantage que représentent le règlement du conflit et le maintien de relations pacifiques avec leurs partenaires. » Pour cet auteur, « une première condition du compromis est par conséquent que tous les citoyens et les groupes de citoyens accordent une importance suffisante au maintien du lien social. Si la préservation d’une certaine cohésion sociale est vue de manière indifférente par un ou plusieurs participants, ou si la volonté de préservation n’est pas également distribuée au sein de la société, le compromis devient impossible. »

Trop souvent pris pour de la faiblesse, l’art du compromis, comme le dénonce Frédéric Says dans un billet politique sur France culture, c’est comme s’il fallait forcément un « perdant terrassé » et un « gagnant triomphant ».

Concept paradoxal, le compromis est tantôt objet de méfiance, dévoiement du rapport à autrui, règlement sous-optimal qui aboutit à l’abandon de ses prétentions, tantôt considéré comme la meilleure option de gestion des conflits pour parvenir à une coexistence pacifique.

Dans Eloge du compromis. Pour une nouvelle pratique démocratique, Nachi Mohamed, souligne que le terme de compromis fut trop longtemps « coincé entre deux faux amis que l’on croyait proches par le sens mais qui, dans les faits, se sont avérés souvent éloignés de lui: le marchandage, la négociation habile et calculatrice entre des intérêts désincarnés ; la compromission, le renoncement aux valeurs, l’abandon des idéaux sur l’autel de l’arrangement ». Le compromis en tant que concept commun peut donc être considéré comme un mode de résolution de conflit ou, plus généralement, comme une forme de régulation sociale, c’est-à-dire un moyen de maintien de la paix civique entre des partenaires en situation de désaccord ou de conflit.

Dans le contexte guinéen, la question est : les acteurs concernés devraient-ils avaler cette pilule du compromis au goût amer ? La réponse est la formulation d’une question préalable : comment dialoguer avec un acteur dont la légitimité est remise en question ? En attendant de trouver des réponses, libérez tous les prisonniers politiques, des plus anonymes aux plus célèbres. À la justice guinéenne sous Alpha Condé, nous nous abstenons de demander l’ouverture des enquêtes sur les cas des centaines de guinéens tués ces deux dernières années, car nous savons ce qu’elle vaut : une machine répressive au service d’un autocrate. Il y aura un moment où il faudra vider tous les placards et refaire la décoration intérieure de la maison Guinée.

Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




De la survie de l’opposition et du FNDC face enjeux futurs [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]


Point de vue


Si l’opposition peut être perçue comme une entité horizontale, le front national pour la défense de la constitution (FNDC) est plutôt une organisation transversale par sa nature. Il est une coalition de mouvements, de partis politiques de plusieurs obédiences et aux parcours variés.

Face aux défis et enjeux à court et long terme, une réflexion excluant toute polémique tant sur la survie du FNDC que sur l’appartenance au mouvement est presque cruciale. L’actualité immédiate l’impose d’autant plus. 

De la marche du 8 juillet à la nécessité d’une approche contextuelle et programmatique du futur

La marche projetée le 8 juillet 2020 devrait, plus que les précédentes, prendre en compte le contexte actuel qui risque de devenir plus aigu dans les mois à venir.

Avant tout, une réflexion s’impose sur le mot d’ordre de la manifestation à venir. La récurrence d’appels : « Pour faire partir Alpha Condé » apparait de moins en moins crédible. Tout simplement, de marche en marche, d’appel en appel, c’est le même mot d’ordre qu’on voit partout : sur les banderoles, les poteaux, les véhicules, les arbres, carrefours et ronds-points. Sans compter la nuance entre « pour faire partir » et « faire partir ». Autrement dit, la nuance entre l’intention et de l’action.

Quoi qu’il en soit Alpha est toujours là. Comme un termite, il bâtit sa termitière. J’allais dire, prépare son troisième mandat. Il faudrait donc être plus pragmatique en adaptant la stratégie et la finalité. En prenant en compte le nouveau contexte politique né au lendemain du 22 mars 2020.


Lire aussi Donner la solution au-delà de l’espoir [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]


Les arguments qui militent en faveur de cette approche ne manquent pas.

La constitution de 2010 a été mise dans les tiroirs. Pire, enterré au dire du pouvoir. Le référendum du 22 mars 2020 voté et promulgué dans les conditions bien connues. Du coup, la donne a changé tant de forme que de nature. Désormais, il s’agit plus de sauver la République et la Nation dépositaires des institutions et des lois.

A ces impératifs, s’ajoutent d’autres qui montrent que le FNDC ne saurait faire l’économie d’une autodiscipline en fixant clairement les limites à ne pas dépasser par les acteurs politiques qui s’en revendiquent. 

Il est aberrant qu’il y ait des guerres intestines, des dénonciations, des calomnies parfois, des contestations notoires, des initiatives individuelles au sein de l’organisation. Elles rappellent à bien des égards des pratiques politiques auxquelles le mouvement devrait être exempté. De tels comportements font dire aux mauvaises langues, que la FNDC est en voie de se transformer en « front national de la division et de la confusion ».

L’intention de certains responsables de partis politiques de participer à une hypothétique élection sont comparables aux fidélités politiques des amis du chef de file de l’opposition d’alors. Glorieusement plébiscités, sans appartenance à l’UFDG, ni mérite, ces derniers se beurrent et s’engraissent actuellement où l’on sait. Leur cible à abattre étant désormais leur promoteur.

La nécessité d’un choix excluant toute réponse alambiquée

Face au nouveau tour de magie qui est tendu aux ténors de l’opposition et du FNDC, plus aucune hésitation ni compromis n’est possible.

Les adhérents, militants et sympathisants attendent de vous une position claire, une attitude ferme et un comportement digne des espoirs jusque-là placés en vous. Le rejet de la date du 18 octobre 2020 pour la présidentielle doit être conséquent et vos décisions non négociables. Dorénavant vous devriez penser et œuvrer pour une troisième voie et non contre un troisième mandat en soi.

Pourquoi une troisième voie ? Deux premières ont été épuisées : celle des manifestations et du dialogue incluant les organisations internationales. La nouvelle voie a déjà été évoquée par certains sous la terminologie de « Transition politique ». Elle pourrait être le dernier gilet qui puisse sauver la Guinée à court et long terme. Peu importe son appellation.

Cette troisième voie ne devrait revêtir ni l’image des alliances du passé ni en prendre les contours. Tout autant, elle ne devrait se fonder sur un conglomérat de partis d’opposition, aux décisions fluctuantes et qui, on l’a vu, se révèleront au fil du temps en partis de position.

Des exigences s’imposent face aux enjeux

Le FNDC doit faire faire peau neuve. Il devrait taire les divisions tant de l’intérieur qu’à l’étranger où certaines antennes, si elles ne sont pas comateuses, sont dans la contestation. Au cas contraire, il risque fort bien de se révéler ingérable, caduc et inopérant face aux enjeux actuel et futur.

Il faudrait donc une rupture conséquente ; des réformes adéquates ; une fermeté de ton et d’action dans les prises de position face à l’adversaire. C’est l’une des manières d’éviter que les arbitrages du futur n’échappent au peuple ou à l’opposition.

Il est connu de tous, que ceux qui veulent être les maitres du jeu se préparent en douceur. Ils sont déjà à pied d’œuvre pour le troisième mandat et se posent peu de questions. Ils sont persuadés que tout passe par une élection qui octroierait une nouvelle mandature au président actuel avant de mettre en branle la machine de succession. Inexorablement, dirions-nous.

Il est donc grand temps que l’opposition ait une conscience aiguë des défis et enjeux en acceptant cette terrible réalité : s’il y avait, dans les conditions actuelles, une élection, rien ni personne ne pourrait empêcher la victoire du futur candidat de la majorité. La question n’est pas savoir s’il s’agit d’un postulant pour un troisième mandat ou pas.

Enfin, la stratégie de l’adversaire découle, faut-il le savoir, des leçons tirées de la fin politique tant de Sékou Touré que de Lansana Conté et des lendemains désenchanteurs de l’entourage ou des héritiers. L’alerte lancée, n’allons pas loin.

Des préconisations face au jugement de l’histoire

Si l’opposition guinéenne négligeait les préconisations évoquées, il ne serait pas étonnant que bien de choses changent en sa défaveur.

Sûrement certains pourraient considérer ces préconisations comme des lubies d’un analyste perturbateur de sommeil ou d’un lanceur d’alerte agité. Quoi qu’il en soit, les responsables politiques ont un devoir à assumer face à l’histoire, à leurs militants et sympathisants, à toutes celles et ceux qui ont tant sacrifié et tant perdu.

Ils devraient assumer afin de :

  • mettre fin aux injustices de toutes sortes : arrestations et emprisonnements arbitraires ; destructions de biens privés ; inégalités socio- professionnelles ; meurtres et assassinats de toutes sortes ; corruption généralisée et gabegie économique ;
  • soustraire la Guinée des aventuriers politiques qui nous mène dans les méandres de l’inconnu ; les affres de la division, de la misère et de la discrimination ethnique, etc ;
  • rendre plus utiles et constructives les dix années de manifestations qui ont, à ce jour, plus conduit au cimetière qu’à la victoire ;
  • venir à bout d’un système qui a perdu tout repère et légitimité en violant les textes fondateurs de la République ;
  • répondre en fin aux mille et une attente d’un peuple qui a souvent été berné, trahi et délaissé par ses représentants.

Pour relever ces différents défis, il faudrait que vous taisiez les divisions dues à des alliances de façade et de concupiscences politiques de mauvais alois ; aux embrassades diurnes qui cachent des coups de pattes la nuit tombée.

Vous devez tout simplement assumer la Guinée. C’est- à- dire la délivrer du système en place ; des relents ethnocentriques d’un pouvoir presque séculaire aux mains d’une poignée d’héritiers, de clans et de gangs politico-affairistes.

Si vous en êtes incapables, la présidentielle d’octobre 2020 risque de sonner tant le glas du pouvoir actuel que le vôtre. Au pire, ce dernier vous survivra. N’est-ce pas que des voix sourdent d’un peu partout qui n’en peuvent plus d’attendre et qui revendiquent la victoire maintenant et pas après ?

En définitive, les responsables politiques de l’opposition, FNDC compris, ont l’impérieuse obligation morale et politique d’empêcher un président de 82 ans de continuer d’envoyer, à ses dépens, ou sous ses ordres, peu importe, des jeunes de 22 à 32 ans, (moyenne d’âge des victimes) au cimetière.

Vous devez vous remettre des faiblesses inhérentes à toute organisation sociale ou politique en palliant aux incohérences internes.  Ainsi, la Guinée parviendrait-elle à sortir de l’impasse actuelle.

Dans ce cas, et dans ce cas seulement, vous, responsables politiques actuels de l’opposition, aurez assumé la Guinée.

Telle est l’attente, une lancinante attente, de la majorité de nos concitoyens.


Par M. Lamarana Petty Diallo – Guinéen – Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France

 




Donner la solution au-delà de l’espoir [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]


Point de vue


A quelques jours de la reprise programmée des manifestations de l’opposition guinéenne sous la bannière du front national de défense de la constitution, (FNDC), il me semble opportun de lancer l’alerte, d’interpeler, de proposer des pistes de réflexion.

Je n’userai ni de langue de bois ni de propos laudateurs à l’image de certains louangeurs à la recherche de pitance : ces squatteurs qui ont induit plus d’un homme politique en erreur. Des encenseurs qui vous font croire que vous êtes déjà Président de la République alors que les temps sont au combat. Autant dire que je ne me préoccuperai point de caresser dans le sens du poil. J’essaierai en revanche de relever les failles sans trop insister sur les acquis.

Cette lettre ouverte est l’expression de mes craintes d’assister à nouveau à la reproduction du passé. Elle expose mes pressentiments face aux dangers qui menacent le futur de notre pays.

 Elle est, tout naturellement, l’expression de mon engagement politique, de mes convictions personnelles et de mon amour patriotique et inaliénable pour la Guinée d’hier et celle de demain. Ces sentiments nourrissent les propos qui suivent et qui s’adressent aux acteurs politiques de notre pays.

Donner de l’espoir ne suffit plus

Les responsables politiques, présidents ou leaders des différents partis politiques : UFDG, UFR, PEDEN, Bloc Libéral entre autres, ne doivent plus se contenter de donner de l’espoir. Ils doivent désormais apporter des solutions. La solution.

La même exigence s’applique aux représentants des mouvements civiques, membres ou non du FNDC. Les uns et les autres doivent tout simplement assumer la Guinée. Assumez un pays, c’est le comprendre, le prendre en responsabilité, le libérer ou le délivrer. C’est cela la mission de l’homme politique.

Cependant, en invitant les uns et les autres à assumer la Guinée, une question me taraude en tant qu’historien et analyste. Dans la classe politique actuelle qui s’en donnera les moyens ? Qui réalisera le rêve des Guinéens tant leurs espoirs se sont souvent évanouis au fil de notre histoire ?

Qui va assumer notre pays : ses turpitudes, ses victoires, ses défaites, son avenir face aux flots d’interrogations, aux innombrables rivières de sang et de larmes dans lesquelles nous nageons depuis plus d’un demi-siècle ?

J’en ai une idée : ne pourrait le faire que celui-là qui revêtira, au-delà du manteau d’un simple président de parti politique d’opposition, l’habit d’un grand homme au sens historique du terme.

De Gaulle a assumé la France par l’appel du 18 juin 1940. Sékou Touré, l’indépendance de la Guinée par le non du 28 septembre 1958. Nelson Mandela a assumé l’Afrique du Sud en mettant fin à l’apartheid.  En cela, ce sont des grands hommes. Celui qui voudrait s’inscrire dans cette lignée devra sortir des sentiers politiques empruntés ces derniers temps. Il devra inventer, imposer et ne pas se complaire de titres, fermer la porte, autant que l’adversaire le fait, aux dialogues creux et interminables.

Je ne doute point de la capacité de vous, hommes politiques de l’opposition d’adopter de telles initiatives ou attitudes. Loin s’en faut.

Je me dis juste qu’il va falloir dépasser le courage dont certains d’entre-eux ont fait preuve en exposant leur vie dans la lutte pour un système démocratique en Guinée. Il faudrait désormais plus que le simple courage : il faut l’audace d’antonien de 1789.  Et pour cause ?

Un dictateur, africain en tout cas, n’est jamais vaincu sur la table des négociations : Compaoré, Mugabe, El Béchir, Moubarak, j’en passe.

Qui voudrait ouvrir la nouvelle page de la lutte politique en Guinée devrait se fonder sur ce précepte de l’histoire politique du continent.

L’histoire comme repère politique pour façonner le futur

Se baser sur l’histoire générale de la Guinée pourrait préserver de la répétition d’écueils ou d’erreurs du passé.

Notre histoire politique, de 1958 à nos jours est jalonnée de fuite en avant, d’attitudes passives ou complices, des mea-culpa tardifs, d’omissions volontaires, du laisser-aller. Si ce n’est de larmes et de sang. A se demander si nos ancêtres n’ont pas emporté les secrets de la geste, ces hauts-faits, ces grands actes héroïques, qui fondent les grandes nations et font les grands hommes. 

A nos hommes politiques, je leur dis, l’état actuel de notre pays vous impose une interrogation collective. L’heure vous oblige à jeter un regard en arrière. De procéder à une rétrospective de vos combats, de vos parcours, de vos stratégies, de vos réussites et surtout de nos échecs. C’est la seule manière de vous conforter dans vos convictions ou provoquer une remise en cause.

Cela est d’autant plus nécessaire qu’un responsable politique qui ne se remettrait pas en question ne peut courir qu’à l’échec. La clé de vos victoires comme de vos défaites futures en dépendent.

Il faudrait vous remémorer, à chaque instant, les espoirs que vous avez faits naître et les ratages qui en ont découlé afin de mieux vous préparer à la nouvelle adversité.  Pour ce faire, un bilan d’étape s’impose. Il vous appartient de le faire ou pas. Mais pour guérir notre pays qui se gangrène de jour en jour, de grandes actions et de nouvelles stratégies sont incontournables et sont possibles.

Faire l’autopsie du passé pour un diagnostic du lendemain

Il est temps de procéder à l’autopsie des dix années de marches et de manifestations, de négociations et de dialogues, de tête-à-tête, de bras de fer avec le pouvoir en place. Mais aussi de vos alliances ou coalitions, de vos stratégies de conquête du pouvoir individuellement et collectivement. Les appels et attentes de solutions qui devraient venir de la communauté internationale ne sauraient non plus échapper à cette mise à plat.

Une telle démarche rétrospective, condition sine-qua-non de toute prospective, fait appel à une vision politique clairvoyante qui réponde à l’éthique de conviction et à l’éthique de responsabilité. (Max Weber).

Cette théorie wébérienne, qui se prête tout particulièrement aux échéances électorales décisives, que l’auteur conseille aux hommes politiques en « période de gros temps », comme c’est le cas chez nous, pose l’équation de la fin et des moyens en politique.

La proposition de la tenue de l’élection présidentielle le 18 octobre 2020, phase ultime de la stratégie du pouvoir, qui a toutes les chances d’être validée par un décret présidentiel met au centre du débat cette théorie. A l’opposition de voir quels moyens usés pour quels résultats : aller et perdre ; ne pas aller et sortie vainqueur ? Et comment ?

Quant au pouvoir, nul doute qu’il n’hésitera pas d’user, à nouveau, des moyens les plus condamnables pour parvenir à ses fins. Déjà, le piège habituel commence à s’ouvrir alors que l’étau est en train de se resserrer, peu à peu, autour de vous, chers membres de l’opposition.

Le resurgissement de la question du dialogue avec les pièges qu’il traine n’est pas hasardeux. Voilà que vous y avez déjà mis un pied et de la manière la moins adroite en égrenant des « si » ; des « on » et des « il faut que ». Du genre : « si je dois aller ; on n’a pas dit que… ; on n’ira lorsque… ; pour qu’on y aille… ».

Loin de propositions carrées, de refus catégoriques, ces conditionnelles n’ébranleront pas le dernier chef de quartier de notre pays. L’arrogance d’en face, celle du pouvoir, appelle des positions fermes et catégoriques. Si ce n’est radicales.

A défaut, rien n’empêchera les scénarios de 2010 et 2015. En tous les cas, celui qui est habitué à rouler sa bosse pour escalader la montagne, ne craint point la colline. Alors, comme je l’ai souligné plus haut, le système ne reculera devant aucun obstacle ni danger dans l’optique de la conservation du pouvoir dans les prochains mois.

La deuxième partie étayera les enjeux, les défis, les stratégies et les choix qui s’offrent à vous.


Par M. Lamarana Petty Diallo – Guinéen – Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France

Lire aussi De la survie de l’opposition et du FNDC face enjeux futurs [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]





Les vœux du nouvel an de la classe politique : les extraits de Guinée Politique


Cellou Dalein Diallo, Lansana Kouyaté, Sidya Touré, Bah Oury, Alpha Condé, Aliou Bah, quelques acteurs politiques guinéens se sont prêtés à l’exercice des traditionnels vœux de nouvel an. La rédaction de Guinée Politique vous propose quelques extraits.


Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG (parti d’opposition) dresse un bilan sombre du régime d’Alpha Condé

L’intégralité ici

Lansana Kouyaté, président de PEDN (parti d’opposition) pour un message d’espoir présente quelques axes de son programme

L’intégralité ici

Alpha Condé (président de la République) parle des législatives de février 2020 et le projet de nouvelle constitution

L’intégralité ici

Aliou Bah, président du MODEL (parti d’opposition) parle de la nécessité d’une refonte de l’espace politique et d’une alternance en 2020

L’intégralité ici

Bah Oury, président de l’UDD (parti d’opposition) dénonce la mauvaise gouvernance et formule des vœux d’espoir

Le lien ici

Sidya Touré, président de l’UFR (parti d’opposition) parle de tourner la page

Le lien ici




Halte aux machinations, M. Le Président [Par Pr. Lansiné Kaba]


M. Le Président, vous venez de rentrer
de votre voyage en Russie. Bonne arrivée. Vous retournez dans un pays,
en émoi, vous le savez. Par conséquent, vous n’ignorez pas que ce séjour
en Russie, quoi que vos conseillers disent, n’était pas plus nécessaire
que votre séjour de septembre au Texas. Il était inutile. Ce sont des
déplacements coûteux et infructueux pour l’État et la nation. De plus,
le pays traverse une phase extraordinaire de son histoire depuis 1958.

Le « Navire national » guinéen chavire
depuis un bon moment. Vous le savez, vos thuriféraires, affabulateurs et
cupides, ne peuvent pas le cacher. Ce drame national se transforme
chaque jour en une tragédie déplorable et catastrophique. Le
« Commandant » qui oriente et dirige un bateau ne l’abandonne pas pour
répondre à l’invitation d’un autre capitaine, lui aussi, acharné à
rehausser le prestige de son « Paquebot »! La bonne gouvernance
requiert  de l’adresse et de la sagacité dans l’exercice des
responsabilités. Votre régime manque bien de ces qualités, M. le
Président, il faut se l’avouer.

Nul n’ignore que les services publics
fonctionnent mal depuis des années . Tout va à la dérive au pays. Aussi,
votre désir d’un troisième mandat est-il impossible. Pourquoi vous
est-il difficile de respecter la loi? Votre intention de briguer un
autre mandat se défend mal. L’intention crée l’épouvante. Le pays mérite
bien mieux sous un commandement, considéré au départ éclairé et sage.
Le projet correspond à la recherche et à l’imposition future d’une
dictature! Ce projet répand la terreur de Kaloum aux fonds fins de la
Forêt. Pour de bonnes raisons, tout le monde a raison de s’effrayer.

Car, M. le Président, votre régime, celui du RPG, sème la souffrance morale et physique. Les signes, visibles un peu partout, ne trompent pas. Le fonctionnement de l’administration déraille, depuis de longues années.

Les populations de la capitale sont sorties en grand nombre en octobre; elles ont courageusement manifesté leur mécontentement face aux répressions des forces de l’ordre. Bien sûr, elles sont ainsi sorties par pure conviction patriotique, scandant, si les bombes lacrymogènes ne heurtaient pas, la libération immédiate de Doura Sanoh et de ses compaganons que votre système a fait arrêter arbitrairement.

M. le Président, vous savez que Cellou Dalein Diallo,Sidya Touré, Ousmane Kaba et bien des autres de l’opposition, qui sont porteurs d’espoir pour des lendemains meilleurs, n’ont pas dépensé des milliards de FG pour faire sortir des milliers de protestataires en octobre. Votre gouvernement peut s’attendre à voir une foule encore plus formidable. Ces citoyennes et citoyens de diverses origines exigent la libération inconditionnelle des prisonniers mis dans vos geôles sans raison. Elles demandent aussi les corps des victimes des répressions policières de Conakry. Cette foule et les parents des victimes veulent récupérer et disposer, comme nos traditions le conseillent, des corps des victimes.

M. le Président, il y a de quoi rire que des camions partent de
Conakry dans les bastions du R.P.G pour démontrer à l’opinion
internationale votre popularité et la puissance de votre Parti! Nul ne
se trompe désormais; personne n’est dupe des machinations de votre
« machine ». Ce n’est autre chose que de faire sortir des milliards et
de renflouer les comptes de vos serviteurs, connus pour leur manque de
probité politique et morale.

Garde à vos forces de l’ordre! Si elles osent s’attaquer à cette foule de protestataires pacifiques, il y aura un tollé immense et dans le pays et au-delà dans la région. Votre projet de troisième mandat recevra et méritera alors encore plus d’opprobre.

Et, la Communauté internationale, dans son ensemble, saura comment votre régime est brutal, anti-démocratique, corrompu et inefficace dans la gouvernance judicieuse des ressources humaines et matérielles. La condamnation à l’échelle globale donnera raison aux opposants, nous tous qui rejetons vigoureusement votre projet de constitution et de troisième mandat.

Pr. Lansinè Kaba

Ledjely




Chronique : avec Kassory, Keïra et Kiridi, vous nous ramenez encore le vieux disque sur les anciens PM ?

Certains guinéens se souviennent et arrêtez maintenant d’insulter notre intelligence.

Les années Lansana Conté ont une telle spécificité et les guinéens ne l’ont pas oublié : les puissants de la République n’étaient pas les premiers ministres (ceux qu’ils appellent aujourd’hui anciens premiers ministres) mais des ministres et ministres conseillers à la présidence.

Tiens tiens ! Vous vous souvenez de Keïra ? C’est l’actuel ministre de la sécurité, comme par hasard, il serait clean comme un bébé qui sort de la maternité. Il était à la présidence sous Lansana Conté. Il suffit de dépoussiérer un tout petit peu nos souvenirs et la vérité sautera aux yeux.

Cette mémoire sélective qu’ils voudraient nous imposer découle d’une mémoire globale et tous les citoyens ne sont pas amnésiques dans ce pays. Et Kassory ? Vous vous souvenez du ministre de l’économie et des finances le plus puissant sous Lansana Conté ? On peut le dire, sans hésitation, le plus puissant de tous les ministres de l’économie et des finances depuis l’indépendance. C’est l’actuel premier ministre de Alpha Condé. Pour avoir un aperçu sur le personnage, je vous recommande les anciens albums de Kill Point (les initiés connaissent très bien cette période trouble, une cacophonie indescriptible au sommet de l’état guinéen).

Et Kiridi ? Ancien ministre de l’administration du territoire sous Lansana Conté et actuel ministre secrétaire général de la présidence. Ils ont tous réussi le test de recyclage sous Alpha Condé. De toute évidence, leurs compétences spécifiques et rares pouvaient encore servir.
Il faut rappeler que Lansana Conté n’a jamais accepté qu’un premier ministre soit très influent. Il suffit de se rappeler du contexte de leur nomination pour comprendre la nature de la collaboration.

Vous vous souvenez des clans au sommet de l’état sous Lansana Conté ? Aucun de ces clans n’avait à sa tête un premier ministre. Les premiers ministres ont plutôt été des victimes de ces différents clans où se mélangeaient des intérêts familiaux, d’acteurs du secteur privé, de sociétés étrangères…

Soulignons cette évidence : les anciens gouvernants qui ont effectivement pillé les ressources de ce pays (s’il y’a eu pillage comme ils le martèlent sans cesse) ne sont pas loin de ceux qui nous saoulent avec ce vieux tube de fabrication d’opinions pour les incultes, les amnésiques, les fragiles qui manquent de séances de musculation intellectuelle pour résister à la manipulation.

Sachez qu’on ne viole pas les règles démocratiques sous prétexte d’empêcher des acteurs politiques (anciens premiers ministres) d’accéder au pouvoir. Il revient au peuple de Guinée de choisir le prochain président de la république après le règne catastrophique de Alpha Condé. Sidya, Dalein, Kouyaté ou un acteur politique de la nouvelle génération (pour un dégagisme intégral), peu importe, c’est au peuple de Guinée de choisir à travers une élection libre et transparente.

Il ne s’agit pas de défendre ces anciens PM mais de dénoncer les justifications fallacieuses avancées par ce régime pour atteindre leurs objectifs.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Chronique: L’opposition politique dispose de peu de moyens de contrôle sur le processus électoral


Cette affirmation peut paraître bizarre parce qu’elle dénote le pessimisme ambiant quand le déficit de confiance est important entre acteurs institutionnels dans ce pays.

La CENI guinéenne est une machine à frauder les élections. Elle capitalise une longue expérience dans ce domaine.
Tout le processus (recensement, révision, installation des demembrements, opérations des votes, dépouillement au niveau local, centralisation des résultats, publication des résultats) est miné par les magouilles pilotées depuis le ministère de l’administration du territoire et la présidence.

L’indépendance de la CENI est un simple slogan. Les commissaires de l’opposition à la CENI sont démunis, impuissants car ils n’ont aucune maîtrise des opérations sur le terrain. Les informations partagées lors des plénières sont parcellaires et minutieusement choisies. Ces commissaires observent impuissants à la création de petits clans par des cooptations sur fond de corruption, très vite le bloc des commissaires de l’opposition se fissure et devient la valse des oppositions mutantes.

Dans cet environnement malsain, les QG politiques ont du mal à maîtriser leurs envoyés spéciaux car d’autres paramètres entrent en ligne de compte et tous arrivent à la conclusion largement partagée par les fonctionnaires et autres acteurs publics : « prenons notre part, de toutes les façons ce pays ne changera pas ». Une excuse de merde pour s’enrichir avec les bénédictions de toute la famille et amis afin d’échapper à la sentence populaire (T’es un maudit si tu ne profites pas des occasions…).

Avant, pendant et après les élections, l’opposition suivra la même démarche légale à savoir : constater et dénoncer les fraudes, rassembler toutes les preuves et déposer des recours. À partir de là, tout se complique davantage car le deuxième bras de la fraude électorale qui est l’appareil politico-judiciaire (cour constitutionnelle) maîtrise cette étape en se targuant de sa neutralité mais dans la réalité, sa partialité n’est plus à démontrer. Pour valider la forfaiture, il commence par écarter une bonne partie des preuves noyées dans un labyrinthe juridique incompréhensible et ensuite il se déclare incompétent. C’est du déjà vécu avec la cour constitutionnelle guinéenne.

Les institutions fortes de Barack Obama ont avant tout besoin d’hommes et femmes intègres pour impulser cette dynamique. En Guinée, la marche est encore longue pour espérer vivre un printemps des peuples avec leurs héros (les vrais, pas les modèles en carton qu’on invente chaque jour à Conakry).


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Chronique : Le balai politique indispensable

Le dénominateur commun de tous les partis politiques et individus politiques qui veulent aller aux consultations chez Kassory Fofana : ils ont tous quelques suiveurs en attendant d’avoir des militants, une omniprésence dans les médias (réseaux sociaux) pour exister, une ligne politique hybride (parfois sans) pour faciliter le basculement saisonnier (les périodes des récoltes le plus souvent).
Peut-être qu’il est temps de conseiller les partis politiques guinéens de privilégier les coalitions/alliances politiques/électorales/parlementaires à la place des regroupements hybrides et inefficaces comme « Opposition Républicaine ». En procédant par une ouverture laxiste des adhésions et en privilégiant le nombre de partis adhérents aux convictions réelles des leaders, aux convergences d’objectifs et de valeurs, chaque retrait de partis, mêmes les plus insignifiants (mais médiatiquement bruyants), contribue à la fragilisation du groupe.
Quand vous offrez une tribune, une domiciliation à des girouettes politiques, ne soyez pas surpris de leur instabilité de mouvement.
Les grands partis politiques doivent reprendre l’initiative et éviter d’être parasité par des minuscules partis au positionnement politique douteux.

Sékou Chérif Diallo




SCAN : « [ ] L’Afrique doit cesser de se plaindre [ ] » Lansana Kouyaté

alpha-conde-3Alpha Condé, président de la Guinée

« Tout le monde parle de punir, mais dès qu’il s’agit de quelqu’un qui est proche, on fait se lève, on mobilise ses parents, son ethnie. Or, si l’on veut qu’il n’y ait pas d’impunité, il faut accepter que même votre propre frère soit puni lorsqu’il a commis des fautes. » ©Vision Guinee

Aliou Condé, secrétaire général de l’UFDG (parti d’opposition)

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« Il n’y a pas de zones réservées à un parti. Chacun est libre de se présenter sur n’importe quelle portion du territoire national. » ©Vision Guinee

 

Lansana Kouyaté, président du PEDN (parti d’opposition)

« Pourquoi nous Africains devons-nous considérer comme un pauvre continent dont les autres doivent être au chevet à tout instant. L’Afrique doit cesser de se plaindre. Elle ne doit espérer aucune commisération des autres. Faisons notre devoir domestique, les investisseurs viendront. Je rappelle qu’il y a déjà trop de sommet sur l’Afrique où des montants faramineux sont annoncés sans aucune chance d’être libérés même à 30%. » ©Africaguinee

Fodé Oussou Fofana, vice-président de l’UFDG (parti d’opposition)

« Depuis que Monsieur Alpha Condé est arrivé au pouvoir on a entendu combien de discours de ce genre ? Je pense qu’à un moment il va falloir qu’il reconnaisse lui-même sa mauvaise gouvernance. Il parle de corruption, de l’impunité, il dénonce même la gestion de son Gouvernement, mais il oublie que c’est lui qui est aux commandes. » ©Africaguinee

Fatou Baldé Yansané, 1ère vice-présidente chargée des questions politiques du Conseil National des Organisations de la Société Civile Guinéenne (CNOSCG)

« Nous avons fait une déclaration dénonçant cette disposition des accords et, nous avons cherché à communiquer avec nos démembrements pour recueillir leurs avis sur les 8 conseils régionaux, nous avons reçu l’aval de 7 pour signer l’accord sous réserve d’amendement de la clause concernant la désignation des chefs de quartiers. Donc, nous ne sommes pas en train de cautionner une violation de la loi, ou une privation des citoyens de leurs droits, mais nous avons voulu accompagner la volonté des acteurs politiques d’aller à l’apaisement. Nous restons donc, dans cette position pour maintenant nous impliquer dans une dynamique de plaidoyer, de lobbying et, tout ce qui est légal et autorisé pour que cette disposition soit purement et simplement annulée et que les dirigeants à la base soient élus comme cela est prévu par la loi. » ©Guineeactu

 

Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo

 




SCAN : « [ ] un groupe d’individus, pour des intérêts personnels, essaierait de s’approprier de la souveraineté du peuple [ ] » Faya Millimouno

faya-millimonoFaya Millimono président du Bloc Libéral (parti d’opposition) sur l’accord politique du 12 octobre 2016

 « Dans cet accord, il apparait premièrement que les partis signataires ont recommandé que les conseils de quartiers et de districts soient composés au prorata des résultats obtenus dans les quartiers et districts par des listes de candidature à l’élection communale. On dit que le président du conseil de chaque quartier et district soit désigné par l’entité dont la liste est arrivée en tête dans ledit quartier ou district. Il est clair qu’une loi qui respecterait cette recommandation sera en contradiction avec notre constitution parce qu’un groupe d’individus, pour des intérêts personnels, essaierait de s’approprier de la souveraineté du peuple. » © Guinéenews (22/10/2016)

 

lansana-kouyateLansana Kouyaté président du PEDN (parti d’opposition) sur le rapprochement entre Cellou Dalein et Alpha Condé

« Je suis un citoyen libre qui constate. Et pour cela, je ne parle même pas en tant que chef d’un parti, mais je peux simplement constater que ce ralliement a  été trop rapide sinon brusque à tel point que ça donne le tournis à tout le monde » © Guineeconakry.info (19/10/2016)

Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo