[Vidéo] Le FNDC appelle à une mobilisation générale : quelques leaders politiques délivrent leurs messages

Pour défendre la Constitution, toute la Guinée se mobilise ce jeudi 7 novembre 2019 pour dire NON au projet de 3e mandat de Alpha Condé. Crédits Vidéos : Page FNDC (Facebook)

Sidya Touré

Aliou Bah

Faya Millimouno

Cellou Dalein Diallo

Mamadou Sylla

Oumar Sylla

Abdoul Kabélé Camara

Le Guide du manifestant




Condamnations iniques de militants pro-démocratie en Guinée

Les autorités guinéennes se sont engagées dans une logique de répression à l’endroit du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Plusieurs de ses leaders et militants ont été arrêtés arbitrairement début octobre 2019. Au moins sept d’entre eux ont été condamnés à des peines de prison ferme. Objectif visé : faire taire ce mouvement qui mobilise les Guinéens contre le projet de nouvelle constitution visant à permettre au président Alpha Condé de pouvoir se maintenir en poste après ses deux mandats présidentiels consécutifs.

Le 12 octobre, deux jours avant les manifestations prévues par le FNDC, des éléments des forces de l’ordre, cagoulés et armés, ont arrêté à Conakry sept membres de la direction du FNDC – Abdourahamane Sanoh, coordinateur de ce mouvement, Abdoulaye Oumou Sow, secrétaire général de l’Association des blogueurs de Guinée (ABLOGUI), Sékou Koundouno, administrateur général du mouvement Balai citoyen, Mamadou Bobo Bah, membre du Balai citoyen, Mamadou Baïlo Barry, membre de l’association Destin en main, Alpha Soumah, chanteur connu sous le nom de « Bill de Sam »,Ibrahima Diallo, le coordonnateur de Tournons la page (TLP) – alors qu’ils étaient réunis au domicile de M. Sanoh. Ils devaient alors rejoindre la Maison de la presse pour une conférence de presse expliquant les modalités des manifestations prévues le 14 octobre. Dans les heures qui ont suivi, Mamadou Sanoh, le frère d’Abdourahamane Sanoh, a été arrêté alors qu’il était à leur recherche dans différents centres de détention. Le lendemain, le procureur du tribunal de Dixinn a accusé le FNDC de « graves déclarations portant atteinte à la sécurité publique » et a annoncé qu’une procédure juridique était engagée afin d’« arrêter quiconque ayant commis des actes ou entrepris des manœuvres visant à compromettre la sécurité publique ou aboutissant à de graves troubles de l’ordre public ». Le 13 octobre, d’autres militants du FNDC ont été arrêtés à Conakry (Aly Badra Cheickna Koné, secrétaire national de la jeunesse de l’Union des forces républicaines, UFR, Elie Kamano, artiste-activiste), et dans d’autres villes, notamment à Guéckedou (Moussa Barry, secrétaire administratif du FNDC).

Le 22 octobre, après une procédure judiciaire extrêmement rapide, le tribunal de première instance de Dixinn a condamné Abdourahamane Sanoh à un an de prison ferme pour « provocation directe à un attroupement par des écrits et des déclarations ». Alpha Soumah, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno et Mamadou Baïlo Barry ont été condamnés à six mois de prison ferme. Tandis que Mamadou Bobo Bah, Mamadou Sanoh et Abdoulaye Oumou Sow, ont été déclarés « non coupables ». À l’annonce du verdict, les personnes dans la salle d’audience se sont mis à entonner l’hymne du FNDC, puis l’hymne national. A leur sortie du tribunal, les détenus ont été incarcérés à la prison centrale de Conakry. Le procès avait brièvement commencé le 16 octobre pour des faits de « manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique et à occasionner des troubles à l’ordre public » avant d’être ajourné jusqu’au 18 octobre. Les avocats de la défense ont interjeté appel. Des procès similaires se sont tenus dans d’autres villes du pays. Un autre tribunal de Conakry a condamné à trois ans de prison, dont un ferme, Aly Badra Cheickna Koné et à un an de prison, dont six mois ferme, Elie Kamano. Bien entendu, aucun militant prônant le oui au changement de la constitution n’a jusqu’à ce jour fait l’objet d’une arrestation. Deux poids, deux mesures…

CONTEXTE

Le président Alpha Condé, 81 ans, est au pouvoir depuis 2010.
L’ancien opposant historique, qui a connu un long exil en France et la
prison dans son pays, est le premier président démocratiquement élu en
Guinée après des décennies de dictature militaire. Réélu en 2015, son
deuxième et dernier mandat se termine en 2020 car la Constitution en
vigueur limite à deux les mandats présidentiels consécutifs. Afin de
pouvoir se présenter une troisième fois en octobre 2020, Alpha Condé n’a
pas d’autre choix que de changer la Constitution, comme l’a fait Denis
Sassou Nguesso au Congo. A partir de janvier 2019, le débat sur le
besoin d’une nouvelle constitution a pris de l’ampleur dans le pays avec
des messages en sa faveur lancés par des proches du président et des
pseudo-mouvements populaires. En avril 2019, pour s’opposer à cette
initiative, un front regroupant des partis, des syndicats et des membres
de la société civile a été créé : le Front national pour la défense de
la Constitution (FNDC). En septembre, Alpha Condé a lancé officiellement
des consultations sur la Constitution. Les membres du FNDC ont boycotté
ces consultations, les considérant comme factices et n’étant menées que
pour légitimer un futur référendum sur ce sujet. Lors d’une rencontre
fin septembre 2019 avec des Guinéens à New York, le président Alpha
Condé a appelé ses partisans à se « préparer pour le référendum et les élections ».
Cette annonce – dont la vidéo a fuité sur Internet – a ravivé la
tension dans le pays et l’opposition a relancé ses appels à la
mobilisation, dénonçant un projet de coup d’Etat institutionnel et une
dérive « dictatoriale ». Le 7 octobre, le FNDC a annoncé le
lancement d’une campagne de mobilisation contre le projet de nouvelle
constitution et de régulières manifestations dans le pays à partir du 14
octobre. Le 9 octobre, le ministre de l’Administration territoriale et
de la décentralisation, le général Bourema Condé, a indiqué que la
déclaration du FNDC constituait « une menace ouverte à la paix et à la sécurité de notre nation ». Le même jour, le gouvernement a indiqué avoir achevé les consultations nationales sur une éventuelle nouvelle constitution.

La vague d’arrestation des leaders du FNDC à Conakry et dans d’autres
villes, les 12  et 13 octobre, et la présence de nombreux policiers et
gendarmes dans les rues de Conakry et des principales villes du pays
(Conakry, Mamou, Guéckédou, Labé) le 14 octobre, n’ont pas empêché les
Guinéens de descendre massivement dans les rues pendant trois jours pour
dire non à une nouvelle constitution. Ces manifestations non autorisées
par les autorités ont été durement réprimées ce qui a occasionné de
nombreux affrontements entre manifestants et forces de sécurité. Aux
pierres et autres projectiles lancés par les manifestants, les forces de
l’ordre ont répondu par des gaz lacrymogènes, l’utilisation de camions à
eau et des charges violentes. A plusieurs reprises et en différents
lieux, des forces de l’ordre ont tiré avec leurs  armes à feu. Plusieurs
manifestants arrêtés ont également fait l’objet de violences physiques,
notamment des passages à tabac. Le bilan de ces violences est lourd :
le FNDC fait état d’au moins 10 personnes tuées (dont un gendarme), plus
de 70 blessés par des tirs à balles réelles, ainsi que 200
arrestations. Le gouvernement affirme que la mobilisation lancée par le
FNDC était illégale faute de déclaration préalable. Depuis juillet 2018,
les autorités interdisent systématiquement les manifestations de
l’opposition lorsqu’elles reçoivent des notifications de leurs
organisateurs, les considérants à chaque fois comme des menaces pour la
sécurité publique.

Malgré la répression et les morts par balles, l’opposition a décidé de maintenir le mot d’ordre des manifestations et des villes-mortes, les considérants comme étant la seule manière de faire pression sur le pouvoir.

Pour la communauté internationale « la crise politique est source de préoccupations. L’insuffisance de dialogue entre les différents acteurs politiques provoque une escalade de la tension avec des recours à la violence, susceptible de porter gravement atteinte aux acquis démocratiques. Nous appelons tous les acteurs à renouer le dialogue dans le cadre du comité de suivi » (Communiqué de la CEDEAO, Délégation de l’Union européenne, Etats-Unis, France, Belgique, Italie, Allemagne et Royaume-Uni).

Les associations de défense des droits humains, tout en dénonçant les arrestations arbitraires et l’usage excessif de la force, craignent une escalade de la tension et une répercussion dramatique sur la situation des droits humains.

Le gouvernement guinéen est aujourd’hui face à un dilemme : respecter à minima les libertés d’expression des Guinéens ou s’engager dans une dérive encore plus autoritaire afin d’essayer de faire taire définitivement les voix dissidentes encore publiques. Le 24 octobre, les autorités ont autorisé les manifestations du FNDC et elles se sont déroulées sans violences. Malgré cette accalmie, la Guinée se trouve toujours dans une impasse politique. Les manifestations de l’opposition et les préoccupations internationales ne semblent pas avoir découragé Alpha Condé dans son projet de nouvelle constitution. A quand l’annonce de la tenue d’un référendum en vue de l’adoption d’une nouvelle constitution ? Le temps est compté car l’élection présidentielle est prévue pour octobre 2020. A suivre…

ACAT France




Crise guinéenne ou la guerre des suppositions : Du mensonge à la violence [Par A. Akoumba Diallo]


A. Akoumba Diallo

Le harcèlement suivi de l’assassinat d’une dizaine de guinéens, de multiples «kidnappings» et d’une série de condamnations à des peines privatives, contre des «héros» du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), opposés à un éventuel 3ème  mandat présidentiel pour M. Alpha Condé, ont redonné toute la vitalité aux arguments de Oskar Slingerland et Maarten Van Mourik co-auteurs de «La crise incomprise » dans laquelle il a été admis que «quand le diagnostic est faux, les politiques sont néfastes».

D’abord et ici,
la lumineuse formule du 32ème président américain Franklin D. Roosevelt
consignée dans «Roosevelt» de la collection les constructeurs : «Le seul
rempart solide de la liberté est un gouvernement assez fort pour protéger les
intérêts du peuple, et un peuple assez fort et assez bien informé pour
maintenir son souverain contrôle sur son gouvernement».

Idéalement, tel
devait être «le contrat social» tant développé par la philosophe moderne si
chère au maître de conférences Thierry Ménissier, en le désignant comme étant
l’alliance politique de tous les citoyens par le moyen d’un accord explicite.
Qui rassemble les individus sous «une puissance publique souveraine». Et là, de
cœur avec J.J. Rousseau, le contrat est social parce «qu’il consacre le geste
politique de réunir les hommes». Par-là, il donne son sens à l’instrument de
leur rassemblement, l’État, qui, «sous peine de dérive despotique, doit
obligatoirement entretenir des liens avec la volonté des citoyens».

Cette série de manifestations de rue à l’appel du FNDC depuis le 14 octobre 2019 a tendance à prendre la forme «d’une désobéissance civile». Qui n’est autre que l’attitude de ceux qui désobéissent à la loi ou aux prescriptions gouvernementales, parce qu’ils suivent une cause qu’ils estiment supérieure à ces dernières: «La dignité de l’homme, la justice bafouée ou la libération de leur peuple». Véritables traits de leadership des hommes qui ont «rendez-vous avec la destinée» comme George Washington en 1776, Abraham Lincoln en 1861 et Franklin D. Roosevelt en 1933.

M. Abdourahamane
Sano et compagnie, ces héros de «la nouvelle donne» se sont crus détenteurs de
la citoyenneté guinéenne. Qui est participative de sorte que «le citoyen soit
quelqu’un qui gouverne», au sens du traité international de droit
constitutionnel (Suprématie de la constitution, Tomme 3 : 2012) « pour être
citoyen, il faut pouvoir gouverner ».

Étant donc
participative, la citoyenneté, de ces 10 morts, de Sano et Cie n’est-elle pas,
ainsi, essentiellement démocratique ? Aristote précise que cette définition,
selon laquelle le citoyen est titulaire de fonctions de gouvernement, concerne
surtout le citoyen en démocratie, mais ajoute-t-il que, en général, «il ne
faudrait pas appeler citoyens ceux qui ne prennent pas part au gouvernement ou
qui ne contribuent aux avantages communs».

Sans ambages, Platon fait dire à l’Hippias que pour le citoyen: «exercer la puissance politique dans son pays est ce qu’il y a de plus beau, tandis qu’il est souverainement  honteux de ne rien pouvoir dans un État».

La citoyenneté
dévolue aux héros du FNDC devrait être fondamentalement égalitaire: La justice
politique réside dans l’égalité. En effet, les citoyens sont comme des associés
et désirent être d’une nature similaire, mais s’ils ont un tempérament
différent. Dans ce contexte, Rousseau aurait-il raison de dire qu’«à l’égard
des associés, ils prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en
particulier citoyens, comme participant à l’autorité souveraine»?

Donc, la
citoyenneté n’est fondamentalement possible «qu’entre égaux en dignité juridique et en conditions sociales».
Toutefois, l’égalitarisme, selon Aristote, est intrinsèque à la nature de
l’institution politique qui gouverne le pays. «Dans la plupart des régimes où
gouvernent des citoyens, ceux-ci sont alternativement gouvernants et gouvernés,
car tous tendent par leur nature à une égalité sans aucune différence».

Sur ce point, la
philosophie kantienne ne s’écarte pas tellement de la perspective
Aristotélicienne. Kant distingue trois statuts fondamentaux du membre d’une
communauté politique («République») à savoir celui d’«être humain», celui de
«sujet», et celui de  «citoyen». Ces
trois statuts sont régis par trois principes différents : (a) la liberté pour
ce qui relève de la situation d’être humain ; (b) la soumission à une loi
commune, dans le cas du sujet; (c) l’égalité pour ce qui concerne la situation
de citoyen.

La situation devient grave, dans un pays où l’institution politique a opté pour l’ordre au détriment de la loi, alors que la liberté nous échoit donc en tant qu’hommes, l’obéissance en tant que sujets et l’égalité en tant que citoyens.

Dénis Diderot
dans «le citoyen» dit que le sujet est dirigé par un commandement, le citoyen
par la loi. Le premier est soumis au pouvoir et le second au droit. Et dans la
pensée de Platon celui qui légifère pour lui-même et son propre profit est
qualifié de «partisan», ce qui est pire qu’étranger : «ce ne sont pas des lois
bien faites, celles qui ne l’ont pas été dans l’intérêt de toute la cité, ne
l’ont-elles pas été qu’en faveur de quelques-uns, nous appelons ceux-ci
partisans et non pas citoyens, et le droit qu’on prétend leur attribuer, une
vaine prétention».

On sait que le tyran est celui qui légifère dans son propre intérêt, en vue de son profit personnel : «La tyrannie n’a jamais en vue le bien commun, si ce n’est pour son profit personnel». La différence entre le tyran et le roi réside dans leur conception respective de la supériorité. «Le tyran ambitionne la richesse, tandis que le roi préfère ce qui contribue à son honneur».

Ceci dit, Platon
sait plus que quiconque que le gouvernement ne doit pas concentrer trop de
pouvoirs. En effet, «moins les rois ont d’attributions souveraines, plus leur
pouvoir doit nécessairement durer longtemps dans l’intégrité». Ajoutant que la
tyrannie, c’est encore « avoir un pouvoir souverain dans trop de domaines et
avoir le pas sur la loi».

Même le républicain Machiavel voudrait que, celui qui gouverne ne puisse pas se considérer au-dessus des lois, échapper à tout contrôle, se soustraire au juge et au procès. Cette formule convaincante de Machiavel garde encore cette quintessence, « il n’est pas bon non plus que les citoyens qui ont l’État entre les mains n’aient personne qui les observe et qui les contraigne de s’abstenir d’œuvres mauvaises, en leur retirant cette autorité qu’ils utiliseraient à mauvais escient».

Selon Thomas
Paine «chaque homme est propriétaire du gouvernement» ajoutant que «le
gouvernement n’est pas une entreprise qu’un homme ou un groupe d’hommes aurait
le droit de créer et de gérer à son profit».

Machiavel fait
observer qu’une position de privilégié ne peut résulter que de la rupture de la
réciprocité et de la relation civique. «Si vous notiez la façon de procéder des
hommes, vous découvririez que tous ceux qui parviennent à des grandes richesses
et à un pouvoir, y sont parvenus soit par la fraude, soit par la force afin de
dissimuler la brutalité de leur acquisition, ils les justifient grâce à un
titre de propriété falsifié.»

Des guinéens,
dans les rangs du FNDC, ont appelé à des mouvements collectifs «non-violents»,
pour disent-ils résister contre la volonté gouvernementale «de changer la
constitution du 7 mai 2010, pour contourner la rigueur des éternités qu’elle
impose à la classe dirigeante». Une telle mission n’était pas aisée.

Parce que les
adeptes de l’Abbé Siyiès retiennent de lui que « (…), une nation est
indépendante de toute forme, et de quelque manière quelle veuille, il suffit
que sa volonté paraisse, pour que tout droit positif cesse devant elle, comme
devant la source et le maître suprême de tout droit positif».

Ainsi les héros du FNDC, dans l’expression de leur droit, à l’image de Gandhi et Martin Luther King (Ils en incarnent le modèle d’action : le premier en Inde par sa résistance civile au colonisateur britannique qui déboucha à l’indépendance nationale, le second aux États-Unis dans son combat pour la revendication des droits civiques des noirs) avaient cru à l’efficacité de cette pratique, fréquemment utilisée par les citoyens dans les sociétés démocratiques.

En décidant
d’une telle action, le FNDC a certainement intégré que le concept de
citoyenneté a une longue histoire, parfois tortueuse et obscure, mais très
intrigante. Les héros du FNDC n’ignoraient non plus, l’analyse de Hannah Arendt
portant sur la désobéissance civile américaine dans « du mensonge à la violence
». En tout cas, le ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation,
M.Bouréma Condé, a fait sien ce beau titre de cet essai, «qui est contemporain
du combat des intellectuels américains pour la reconnaissance des droits
civiques et la révolte des étudiants des années 60».

Certainement que
M.Bouréma Condé ignore encore que Aristote et Platon, malgré leurs divergences,
sont néanmoins d’accord qu’ «aucun homme ne peut, de par sa nature, régler en
maître absolu toutes les affaires humaines sans se gonfler de démesure et
d’injustice».

La condition
humaine, ne deviendrait-elle pas plus précaire quand des responsables de
l’institution politique fonctionnent suivant des suppositions sources de
conflits ? Alors que Don Miguel Ruiz conseille fortement dans la voie de la
liberté personnelle, «ne faites pas de suppositions ». Précisant que chaque
fois qu’on fait des suppositions, qu’on prête des intentions à autrui, on crée
des problèmes.


Akoumba Diallo

Journaliste

Analyste au cabinet Mineral Merit SARL

Ancien membre de l’ITIE-Guinée

akoumba2000@yahoo.fr





L’ambassade des Etats-Unis à Conakry appelle à la « libération des détenus et la conduite d’enquêtes complètes sur les violences et les morts »

Dans un communiqué publié ce lundi 28 octobre 2019, l’ambassade des Etats-Unis à Conakry appelle à la « libération des détenus et la conduite d’enquêtes complètes sur les violences et les morts survenues au cours de la semaine du 14 octobre »

Les Etats-Unis félicitent le peuple de Guinée pour la tenue de la marche
pacifique du 24 octobre, 2019.

Grâce au travail ardue et à la collaboration de toutes les parties, les
Guinéens ont pu exprimer leurs opinions d’une manière non violente et
civilisée.

Nous encourageons le dialogue permanent pour résoudre les problèmes
politiques du pays.

Nous croyons que la libération des détenus et la conduite d’enquêtes
complètes sur les violences et les morts survenues au cours de la semaine du 14
octobre, sont des étapes nécessaires pour la Guinée.

Conakry, le 28 octobre 2019




Crise politique en Guinée : les titres de la presse internationale

Crise politique guinéenne : la presse internationale en parle.

Cliquez sur l’image pour lire l’article.

Aljazeera

Newscentral

Reuters

Africanews

Le Monde

Libération

Jeune Afrique

Republic

VOA

Africa Radio

Tv5monde

Senego

 

Une revue de presse réalisée par Sékou Chérif Diallo

 




Guinée : Détention arbitraire et condamnation de 5 militants du FNDC

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République de Guinée.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé par l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH) de la détention arbitraire et de la condamnation de cinq membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), MM. Abdourahamane Sanoh, coordinateur, Ibrahima Diallo, responsable des opérations du FNDC, coordinateur national de la coalition Tournons la Page et président de l’ONG Protégeons les droits humains, Sékou Koundouno, responsable de la planification du FNDC et membre du Balai citoyen, Mamadou Baïlo Barry, également membre de l’ONG Destin en Main, et Alpha Soumah – alias ‘Bill de Sam’, ainsi que de la relaxe de deux membres du FNDC, MM. Abdoulaye Oumou Sow, journaliste blogueur et responsable de la communication digitale, et Mamadou Bobo Bah, également membre du Balai citoyen.

Selon les informations reçues, le 22 octobre 2019, le Tribunal de première instance de Dixinn à Conakry a condamné M. Abdourahamane Sanoh à un an de prison ferme. MM. Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah, ont été condamnés à six mois de prison ferme. Ces cinq membres du FNDC sont détenus à la prison centrale de Guinée. MM. Abdoulaye Oumou Sow et Mamadou Bobo Bah ont eux été relaxés par le tribunal. Ces sept défenseurs étaient jugés pour « manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique et à occasionner des troubles à l’ordre public ». Les avocats de la défense ont annoncé leur intention de faire appel de ce jugement, tout comme le Procureur, qui avait requis la peine maximale de cinq ans de prison, et a annoncé que les dossiers seront transmis à la Cour d’appel de Conakry dans les meilleurs délais.

Les sept prévenus ont été arrêtés le 12 octobre 2019, alors qu’ils avaient appelé à manifester à compter du 14 octobre, pour protester contre la réforme constitutionnelle qui permettrait au Président Alpha Condé de se présenter pour un troisième mandat présidentiel consécutif en 2020. Le lieu de détention des prévenus est resté inconnu pendant plus de 24 heures, pendant lesquelles les prévenus n’ont eu accès ni à leur famille ni à leurs avocats.

Dans une déclaration publiée le 13 octobre 2019, le procureur de la République près le Tribunal de première instance de Dixinn annonçait sa décision d’instruire, suite à la réception d’une dénonciation et en vertu de l’article 47 du Code de procédure pénale, le directeur central de la police judiciaire de mener les investigations nécessaires et de procéder à l’arrestation de « de toutes les personnes ayant entrepris des manœuvres ou des actes de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles graves à l’ordre public ».

Le procès des prévenus a démarré le 16 octobre 2019, avant d’être renvoyé au 18 octobre. MM. Sékou Koundouno et Ibrahima Diallo ont tous deux affirmé devant le juge avoir été kidnappés lors d’une réunion au domicile de M. Abdourahamane Sanoh, par des hommes armés et cagoulés, qui les ont emmenés à la « villa 26 », la base des Renseignements généraux guinéens, ainsi que dans les locaux de la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité (CMIS) numéro 5 de Dubréka et au CMIS de la Cimenterie. M. Ibrahima Diallo a également affirmé avoir fait l’objet de mauvais traitements pendant sa détention : il a par exemple du passer sa première nuit de détention sur une chaise, s’est vu arracher sa bague d’alliance, et refuser la nourriture qui lui avait été apportée par son épouse.

L’Observatoire condamne fermement la condamnation et la détention arbitraire de MM. Abdourahamane Sanoh, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah, qui semble ne viser qu’à les punir pour leurs activités légitimes et pacifique de défense des droits humains. L’Observatoire appelle les autorités guinéennes à leur libération immédiate et inconditionnelle.

Actions requises :  


L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités guinéennes en leur demandant de :
 
i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Abdourahamane Sanoh, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah et de l’ensemble des défenseurs des droits humains en République de Guinée ;

ii. Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de MM. Abdourahamane Sanoh, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de MM. Abdourahamane Sanoh, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah et de l’ensemble des défenseurs des droits humains en République de Guinée ;

iv. Mener sans délais une enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente quant aux allégations de mauvais traitements décrits ci-dessus, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement aux articles 1 et 12.2 ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République de Guinée.

Adresses :

• M. Alpha Condé, Président de la République de Guinée, Boulbinet avenue de la République – Conakry, Twitter : @President_GN @Sekhoutoureya
• M. Ibrahima Kassory Fofana, Premier Ministre, chef du Gouvernement, Palais des Colombes, Kaloum – Conakry, Twitter : @IbrahimaKFofana @PrimatureGN
• M. Mamadou Lamine Fofana, Ministre de la Justice par intérim, Garde des sceaux, Rue KA 003 – Almamya Commune de Kaloum, BP : 564 Conakry – Guinée, Email : contact@justice.gov.gn, Tel : +224 622 43 58 59
• M. Mouctar Diallo, Ministre de la Jeunesse et de l’emploi jeune, BP 262 Conakry, Mail : info@jeunesse.gouv.gn, Tel : +224 664 21 10 75 / +224 664 901 490
• M. Mamadou Taran Diallo, Ministre de l’Unité nationale et de la citoyenneté, en face de la HAC, Boulbinet, Kaloum – Conakry, Tel : +224 628 04 21 49 / +224 666 96 10 92
• M. N’Famara Camara, Secrétaire général du Ministère de l’Unité nationale et de la citoyenneté, Email : jpfamara@gmail.com, Tel : +224 628 29 24 29
• M. Ousmane Sylla, Ambassadeur de la République de Guinée à Bruxelles, Boulevard Auguste Reyers 108 Schaerbeek, 1030 Bruxelles, Email : ambaguibruxelles@mae.gov.gn / ambaguinee.bruxelles@yahoo.fr Tel : (+32) 2.771.01.26 / (+32) 2.732.685, Fax : (+32) 2.762.60.36
• Ambassade de la République de Guinée à Genève, Représentation permanente auprès des Nations unies, Rue du Valais 7-9, 1202 Genève, Suisse, Mail : consulat.guineegeneve@gmail.com / mission.guinea@ties.itu.int, Tel : +41 22 731 65 55

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République de Guinée dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 24 octobre 2019

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
• E-mail : Appeals@fidh-omct.org
• Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
• Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

fidh




On vous explique pourquoi la crise couve en Guinée

La transmission du pouvoir pose problème dans ce pays d’Afrique de l’Ouest où des consultations ont été lancées pour modifier la Constitution.

La Guinée est en proie depuis plusieurs jours à des protestations meurtrières qui inquiètent les observateurs. La tension est liée à l’élection présidentielle prévue en octobre 2020.

Qui dirige le pays ?

Alpha Condé, 81 ans, est à la tête de la Guinée depuis 2010. L’ancien opposant historique, qui a connu l’exil et la prison est le premier président démocratiquement élu après des années de dictature militaire. Son deuxième et dernier mandat se termine en 2020 avec un bilan relativement positif. Mais on prête au président sortant l’intention de vouloir rester au pouvoir.

Pourquoi la colère gronde ?

La Constitution de Guinée est claire et limite à deux les mandats présidentiels. Pour pouvoir se présenter une troisième fois en octobre 2020, Alpha Condé n’a pas d’autre choix que de modifier la Constitution, une pratique répandue en Afrique. Le débat est lancé dès janvier 2019, mais le projet est aussitôt rejeté par l’opposition. Les adversaires politiques d’Alpha Condé créent un front regroupant des partis, des syndicats et des membres de la société civile pour s’opposer à cette initiative.

La Constitution sera-t-elle modifiée ?

Malgré un refus clair de l’opposition et des manifestations dans la rue, le gouvernement maintient le cap de la réforme constitutionnelle. Lors d’une rencontre fin septembre avec des Guinéens à New York, le président Alpha Condé leur demande explicitement de se “préparer pour le référendum et les élections”. Cette annonce ravive la tension et les appels à la mobilisation sont relancés.

Comment réagit l’opposition ?

L’opposition dénonce un projet de coup d’Etat institutionnel et une dérive “dictatoriale”. Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), collectif réunissant des partis politiques et des organisations de la société civile, a organisé des manifestations malgré l’interdiction imposée par le gouvernement qui invoque les risques pour la sûreté publique. Pour les opposants, c’est la seule façon de faire pression sur le pouvoir. Depuis, des dizaines d’opposants, dont des dirigeants du mouvement, ont été arrêtés et jugés. Les instigateurs de la contestation ont été condamnés à des peines allant de 6 à 12 ans de prison. La contestation a déjà fait au moins neuf morts, dont un gendarme. Des dizaines de manifestants ont été blessés par balles.

La crise, jusqu’où ?

L’opposition maintient la pression dans un climat d’inquiétude générale. La communauté internationale et les défenseurs des droits humains craignent une escalade. L’histoire de la Guinée indépendante est jalonnée de protestations et de répressions sanglantes. En 2009, plus de 150 personnes avaient été tuées lors d’un rassemblement contre la candidature à la présidentielle du chef de la junte, Moussa Dadis Camara. Plus récemment, des affrontements autour d’élections locales et d’une grève d’enseignants ont fait plusieurs morts en 2018.

Faute de dialogue, le blocage risque d’avoir des répercussions graves sur “la nouvelle démocratie”, selon Human Rights Watch. “On est vraiment au moment où le président Condé et son gouvernement sont face à un choix : soit laisser les libertés s’épanouir, soit aller vers un Etat plus autoritaire”, précise le chercheur de l’ONG Jim Wormington, cité par l’AFP.

francetvinfo




Crise politique en Guinée : le président de la Commission de la CEDEAO exprime son inquiétude

Dans un communiqué publié ce mercredi 23 octobre 2019, le président de la Commission de la CEDEAO exprime son inquiétude devant les récents développements en Guinée, caractérisés par une montée des tensions et des violences ayant entrainé des pertes en vies humaines lors des manifestations des 14 et 15 octobre dernier.

Voici l’intégralité du communiqué




Marche de femmes contre un troisième mandat d’Alpha Condé en Guinée

Des centaines de femmes opposées à un troisième mandat du président guinéen Alpha Condé ont défilé mercredi à Conakry, au lendemain de la condamnation des principaux initiateurs des manifestations qui agitent la Guinée depuis une semaine et qui ont fait une dizaine de morts.

Environ 400 femmes, majoritairement vêtues de blanc, ont entamé en fin de matinée une marche devant les mener de Hamdallaye, quartier populaire de Conakry et fief de l’opposition, à l’esplanade du Stade du 28 Septembre, a constaté un correspondant de l’AFP.

Des manifestantes scandaient des slogans tels que «Mort aux assassins de nos enfants» et «Justice pour nos martyrs», ou portaient des pancartes où l’on pouvait notamment lire «Libérez nos leaders injustement condamnés». «Nous marchons contre ces tueries et demandons à M. Alpha Condé de partir maintenant», a expliqué une des manifestantes.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), dont se réclament les manifestantes, a appelé à manifester et à paralyser l’économie à partir du 14 octobre pour faire obstacle à un éventuel troisième mandat du président Condé en 2020. A la suite de cet appel, Conakry et plusieurs villes guinéennes ont été la proie la semaine dernière de heurts violents. Au moins huit manifestants (10 selon l’opposition) et un gendarme ont été tués, des dizaines d’autres blessés.

Abdourahamane Sanoh, coordonnateur de cette alliance de partis d’opposition, de syndicats et de membres de la société civile, a été condamné mardi à un an de prison ferme et quatre autres responsables à six mois ferme.

Alors que les défenseurs des droits de l’homme dénoncent les arrestations arbitraires, un usage excessif de la force par les services de sécurité et le long historique d’impunité de ces dernières, le gouvernement a souligné que la marche des femmes avait été «autorisée, conformément aux textes relatifs à l’exercice des droits fondamentaux, dont la liberté de manifestation». Mais il a fait état d’«informations concordantes et persistantes sur la possible infiltration de la marche des femmes par des personnes décidées à troubler l’ordre public par des actes de violence».

Aucune sortie de crise ne paraît en vue, le FNDC annonçant une nouvelle «grande marche pacifique» jeudi -qui a été autorisée- pour faire échouer le projet prêté au président Condé de briguer sa propre succession en 2020 et de changer à cette fin la Constitution, qui l’empêche de concourir à un troisième mandat.

Le Figaro




Les principaux initiateurs des manifestations condamnés à des peines de prison en Guinée

Depuis une semaine, le pays est agité par un mouvement de contestation visant à faire obstacle à un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé.

Un tribunal de Conakry a condamné à des peines allant de six mois à un an de prison ferme, mardi 22 octobre, les principaux initiateurs des manifestations qui agitent la Guinée depuis une semaine et qui ont fait une dizaine de morts. Le jugement a été accueilli dans la salle par des cris de « Justice corrompue ! ». « C’est un procès inique dirigé par des magistrats sous influence de l’exécutif, s’est indigné Mohamed Traoré, l’un des avocats des prévenus. C’est une manière pour le pouvoir d’intimider la population [et de dire] que quiconque essaie de s’opposer au projet de troisième mandat [du président Alpha Condé] sera jugé et condamné. »

Abdourahamane Sanoh, coordinateur du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), a été condamné à un an de prison ferme et quatre autres responsables à six mois ferme. Trois autres prévenus ont été relaxés. Ils étaient jugés pour avoir causé des troubles graves aux yeux de la justice guinéenne, en appelant à manifester et à paralyser l’économie à partir du 14 octobre pour faire obstacle à un éventuel troisième mandat du président Condé en 2020. Le procureur avait requis contre sept prévenus la peine maximale de cinq ans de prison ferme, et la relaxe du huitième. Les avocats des prévenus ont dit leur intention de faire appel.

A la suite de l’appel à la mobilisation lancé par le FNDC, Conakry et plusieurs villes guinéennes ont été en proie, la semaine dernière, à des heurts violents. Au moins huit manifestants (dix selon l’opposition) et un gendarme ont été tués, des dizaines d’autres blessés. « Nul ne peut être détenu pour avoir organisé ou appelé à une manifestation pacifique. Les leaders du FNDC doivent être libérés immédiatement et sans condition, a réagi François Patuel, chercheur à Amnesty International. Ces condamnations de leaders de la société civile confirment la volonté des autorités guinéennes d’écraser toute forme de dissidence. »

La contestation a aussi donné lieu à l’arrestation et au procès de dizaines de membres du FNDC et de manifestants à travers le pays. Un tribunal de Mamou, à 300 km de Conakry, a condamné lundi trois personnes à un an de prison avec sursis, 20 à six mois avec sursis et en a relaxé 19.

« Semer la pagaille »

Les défenseurs des droits humains dénoncent un usage excessif de la force par les services de sécurité, des arrestations arbitraires et une répression visant à faire taire l’opposition. Le pouvoir dit que le mouvement est illégal faute de déclaration préalable et, pour justifier la répression, invoque les risques causés à la sécurité publique.

La communauté internationale s’alarme du danger d’une escalade. L’ONU, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), les Etats-Unis, l’Union européenne et la France ont appelé au dialogue et, de la part des autorités, au respect des libertés. Mais aucune sortie de crise ne paraît en vue et le FNDC, coalition de partis d’opposition, de syndicats et de membres de la société civile, appelle de nouveau à manifester cette semaine.

Le FNDC entend faire barrage au projet prêté au président Condé de briguer sa propre succession en 2020 et de changer à cette fin la Constitution qui l’empêche de concourir à un troisième mandat. Elle dénonce une dérive de la part de M. Condé, opposant historique dont l’accession au pouvoir, en 2010, avait marqué l’instauration d’un gouvernement civil après des décennies de régimes militaires et autoritaires.

M. Condé ne confirme ni n’infirme les intentions qu’on lui attribue. Mais en septembre, il a lancé des consultations sur la Constitution et, peu après, appelé ses partisans guinéens à New York à se préparer à un référendum et à des élections. Le président guinéen a assuré samedi que la contestation était limitée et accusé ses adversaires de chercher à « semer la pagaille pour décourager les investisseurs ». « Quand on accuse les gendarmes de tirer à balles réelles, sachez que ce sont les manifestants eux-mêmes qui tuent des gens pour ensuite faire accuser le gouvernement et ternir l’image du pays », a-t-il dit.

Le Monde/AFP




Condamnation d’activistes en Guinée


Petit à petit, Alpha Condé est en train de tomber le masque. Quant à son intention de briguer un nouveau mandat. C’est le moins que l’on puisse dire. En effet, après une semaine de manifestations sur fond de répression violente, le président guinéen, par le biais de la justice, vient de condamner des activistes opposés à son projet de révision constitutionnelle à des peines des peines d’emprisonnement ferme, et cela alors que l’opposition et la société civile appellent à de nouvelles manifestations. 

On se demande si le poids de son âge et son obnubilation du troisième mandat ne lui jouent pas des tours

En tout cas, alors que l’on croyait que le sang versé des Guinéens à l’occasion des journées de protestation de la semaine dernière, serait un signal suffisamment fort pour amener le président Condé à jouer balle à terre, c’est avec surprise que l’on a appris ces condamnations en séries. Si ce n’est pas jeter de l’huile sur le feu en aiguisant la polémique, cela y ressemble fort. On a l’impression que l’opposant historique devenu président a opté pour la stratégie de la terre brûlé. Car à entendre le chef de l’Etat guinéen qui, à défaut de se taire, s’est fendu d’arguments si spécieux qui convaincraient difficilement même ses partisans les plus crédules, l’on se demande si le poids de son âge et son obnubilation du troisième mandat ne lui jouent pas des tours au point de lui faire perdre toute lucidité. Car, c’est peu de dire que si le Professeur n’était pas mû par la volonté irrépressible de goûter au fruit défendu du troisième mandat dans le jardin …du Fouta Djallon, la Guinée aurait certainement fait l’économie des pertes en vies humaines de la semaine écoulée. Aussi, loin de lui dénier le droit de recourir à l’arbitrage du peuple, l’on se pose des questions sur l’opportunité d’une telle démarche quand la moitié de la population, voire plus, est déjà vent debout contre son projet. Comment, dans ces conditions, peut-il raisonnablement penser pouvoir organiser un référendum et recueillir l’assentiment du peuple guinéen si ce n’est qu’en Afrique, on n’organise pas des consultations électorales pour les perdre ? C’est pourquoi l’on est fondé à croire, à la suite de l’artiste-musicien reggae man ivoirien, Tiken Jah Fakoly, qu’«Alpha Condé devient fou ». Ce d’autant qu’il continue de jouer l’autruche, en tentant de réduire l’ampleur de la contestation à quelques poches résiduelles de la capitale et dans quelques rares villes, alors que la contagion est en train de gagner visiblement tout le pays.

A 80 ans révolus, Alpha Condé devrait suffisamment craindre le Ciel pour ne pas se laisser aveugler par le pouvoir

Mais moins qu’une attitude irrévérencieuse à l’endroit du chef de l’Etat guinéen, cette interpellation énergique de l’artiste est une invite à un examen de conscience, pour éviter au Professeur de dresser le bûcher contre son peuple. D’autant qu’à 80 ans révolus, Alpha Condé devrait suffisamment craindre le Ciel pour ne pas se laisser aveugler par le pouvoir. Déjà, son obstination à vouloir jouer les prolongations à la tête de l’Etat guinéen, a entraîné la mort de bien de ses compatriotes. Refuser de voir la réalité en face en se croyant suffisamment fort pour résister à la bourrasque de la colère de son peuple, c’est faire preuve d’une folie aventurière ou d’une myopie politique qui pourrait être fatale à son pouvoir. L’expérience humiliante en 2014 de l’ex-président burkinabè, Blaise Compaoré, devrait lui servir de leçon. Mais si malgré ce rappel de l’Histoire, et malgré les appels à la raison de personnalités politiques du continent comme le Sénégalais Abdoulaye Bathily et d’anciens chefs d’Etat africains signataires de l’appel de Niamey, le chef de l’Etat guinéen se montre autiste au point de ne pas reconnaître sa responsabilité et de rejeter la faute à autrui, il faut croire que rien ne le fera reculer dans sa volonté de tenir son référendum querellé pour s’ouvrir le chemin d’un troisième mandat.  En tout état de cause, comme le dit l’adage, « il n’est jamais tard pour bien faire ». Et Alpha Condé a encore toutes les cartes en main, pour sortir de l’histoire politique de son pays par la grande porte. Mais, pour paraphraser un autre dicton,  s’il choisit malgré tout de semer le vent, qu’il s’attende à récolter la tempête. Car, dans l’histoire du monde, aucun dictateur n’est jamais venu à bout d’un peuple déterminé.


Le Pays





Chronique : Alpha Condé, un président au-dessus de tout soupçon [Par Tierno Monénembo]


Le mythe savamment monté de l’exception Alpha Condé n’aura duré que le temps d’un bluff, l’espace d’un cillement.


Pourtant, les plus lucides avaient déjà ouvert les yeux pour faire tomber le masque de celui que les officines parisiennes tiennent à faire passer pour « l’opposant historique, le premier président démocratiquement élu, le Mandela de son pays : la Guinée. Hélas, cela ne se pas passe comme ça aujourd’hui : les juments de course sortent des meilleurs haras et les grands leaders, des meilleures agences de communication. Le produit est fignolé, l’emballage impeccable. Mais le manant a vite fait de montrer ses zones d’ombre, ses lignes de faille et sa part cousue de fil blanc.

À l’aise dans une démocratie du troisième type

La baudruche « Mandela guinéen » se dégonfle le jour même de sa confection, je veux dire le jour même de son élection. Péniblement arrivé au second tour avec 18 % contre 44 à son adversaire, Alpha Condé sera déclaré vainqueur (53 %) au second, alors qu’entre-temps, cinq mois se seront écoulés et que le fichier électoral aura été ravagé par un feu venu de nulle part ! Ne rigolons pas : c’est cela, la démocratie du troisième type ! Vérité des urnes ou pas, l’essentiel est fait : il est investi président de la République de Guinée. Sous les doux cieux d’Afrique, point besoin de mérite pour accomplir ce genre de prouesse. Quelques amis bien placés suffisent largement. Et des amis riches et puissants, Alpha Condé en a à revendre : Bernard Kouchner, Michèle Alliot-Marie, Abdou Diouf, Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso, François Soudan, Jacob Zuma, François Hollande, Eduardo Dos Santos, Vincent Bolloré, Tony Blair, etc. Des gens de bien, des gens comme il faut, surtout les gens qu’il faut : à eux seuls, ils pèsent plus lourd que la vérité des urnes.

Une réincarnation de ses prédécesseurs

Les plus pessimistes pensaient que notre président-professeur se dépêcherait de nous faire oublier sa désastreuse élection en s’occupant de guérir les Guinéens des méfaits de ses prédécesseurs. C’était mal le connaître. Au contraire, le tribalisme et la corruption, le pouvoir personnel et les violences policières ont repris de plus belle. À croire que Sékou Touré, Lansana Conté et Dadis Camara se sont ligués pour redoubler de férocité. Dix ans de mandat et rien de bien positif. L’économie ? À vau-l’eau. La démocratie et les droits de l’homme ? Le cadet de ses soucis. Son parti, le RPG, fonctionne sur le modèle du PDG de Sékou Touré, le parti-État type. C’est là que se prennent les grandes décisions. Il en est toujours le chef, en violation totale de la Constitution qui lui interdit d’occuper une charge autre que celle de chef de l’État. On puise davantage dans les caisses de l’État qu’au temps de Lansana Conté et la police a la gâchette aussi facile qu’au temps de Dadis Camara. Cent vingt manifestants tués à bout portant, neuf rien que la semaine dernière ! Et tenez-vous bien, les massacres du 28 Septembre n’ont toujours pas fait l’objet d’un procès au grand dam de l’ONU et des organisations comme Amnesty International et Human Rights Watch.

Un président comme les autres et même pire

Bref, les masques sont tombés, « l’opposant historique » est devenu un chef d’État africain comme un autre. Il fait ce qu’il veut, fût-ce au mépris de la morale et du droit. La date des élections législatives n’est toujours pas fixée alors que le mandat des députés a expiré depuis un an et demi. Les municipales, elles ont eu lieu depuis le 4 Février 2018, mais les conseils de quartier, les conseils municipaux de certaines villes et les conseils régionaux ne sont toujours pas formés. C’est vrai que le gouvernement a intérêt à lambiner sinon l’opposition emporterait 5 conseils régionaux sur 8 et à Conakry, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo, à elle seule, occuperait 75 sièges de conseil de quartier sur 128. Et puis, de toute façon, « le Mandela de la Guinée » a un autre souci en tête : s’octroyer coûte que coûte un troisième mandat, quitte à marcher sur des monceaux de cadavres. Je vous le disais, (les slogans lénifiants des cabinets de communication n’y peuvent rien), Alpha Condé est un vrai chef d’État africain : le pouvoir, tout le pouvoir, le pouvoir par tous les moyens, le pouvoir pour le pouvoir, le pouvoir pour toujours.


lepoint.fr





Le parquet requiert 5 ans de prison ferme contre les initiateurs de la contestation en Guinée


Cinq ans de prison ferme. Le parquet a requis vendredi devant un tribunal de Conakry la peine maximale à l’encontre des principaux initiateurs des manifestations contre un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé. Le tribunal rendra son jugement mardi 22 octobre.

Dans un tribunal placé sous haute protection policière et devant une salle bondée, le procureur Sidy Souleymane Ndiaye a requis contre sept des huit prévenus la même peine d’emprisonnement de cinq ans, assortie d’une amende de deux millions de francs guinéens chacun (194 euros). Il a demandé la relaxe du huitième prévenu.

Les prévenus sont des dirigeants du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), collectif à l’origine de l’appel aux manifestations qui ont secoué Conakry et plusieurs villes de Guinée. Ces manifestations ont fait plusieurs morts en début de semaine.

Le procureur a assimilé cet appel à “un appel à l’insurrection”. Il a parlé de “propos insidieux, graves et dangereux pour l’ordre public”.

Les autorités affirment que le mouvement est illégal, faute de déclaration préalable. Il justifie depuis le début la répression de la contestation par le risque pour la sécurité publique. Le procureur a aussi noté que le FNDC avait appelé à paralyser les mines, les banques et toute l’activité économique.

Les avocats des prévenus ont contesté que leurs clients aient appelé aux troubles et ont plaidé leur relaxe.

“En prison ou en liberté, je me battrai contre la politique d’Alpha Condé pour un troisième mandat, je me battrai pour empêcher Alpha Condé d’avoir un troisième mandat”, a dit un des prévenus, Ibrahima Diallo.

“La Constitution guinéenne n’est pas un chiffon”, a dit une des avocates, Halimatou Camara, qualifiant les partisans d’un troisième mandat de “pyromanes”, dans une mise en garde contre le risque d’escalade si Alpha Condé confirmait les desseins qui lui sont attribués.

La contestation a déjà fait dix morts parmi les manifestants et 70 blessés par balle, et donné lieu à près de 200 arrestations, selon le FNDC. Les autorités parlent de neuf morts.

Le FNDC entend faire barrage au projet prêté au président Condé de faire réviser la Constitution pour se présenter à sa propre succession à l’expiration de son deuxième mandat en octobre 2020. L’actuelle Constitution limite à deux le nombre de mandats.

L’ONG Human Rights Watch a réclamé l’arrêt de la répression, la libération des personnes arrêtées et une enquête sur les violences. Les autorités ont interdit toute manifestation depuis juillet 2018, mais la répression s’est durcie ces derniers jours.

Elle rappelle avoir abondamment dénoncé par le passé “l’usage excessif de la force létale” par les policiers et les gendarmes guinéens lors de manifestations et les actes de brutalité contre les manifestants. Elle fustige “l’impunité quasiment totale” des forces de sécurité.

“L’interdiction systématique de toute manifestation, l’arrestation arbitraire de responsables de la société civile et le recours à la violence pour disperser les manifestants montrent que le gouvernement est prêt à fouler au pied les droits humains pour réprimer la contestation”, écrit-elle.

La communauté internationale s’alarme des tensions actuelles dans un pays pauvre malgré ses importantes ressources minières, à la stabilité incertaine, coutumier des protestations et des répressions extrêmement violentes.






28 septembre 2009 : autopsie d’un massacre à Conakry


Droits de l’homme


Le 28 septembre 2009, les manifestants de l’opposition se rassemblent et marchent depuis la banlieue de Conakry pour dire « non » à une candidature à la présidentielle de Moussa Dadis Camara, militaire arrivé au pouvoir par un coup d’État dix mois plus tôt. La date est symbolique, le lieu de rassemblement aussi : les militants des Forces vives se regroupent au stade portant le nom du jour où la Guinée a voté pour son indépendance, le stade du 28 septembre. Ils sont des milliers, réunis dans une ambiance de fête. Puis tout bascule : des hommes en uniforme, mais aussi en civil, entrent dans le stade, ouvrent le feu sur la foule, violent de nombreuses femmes.

Les assaillants s’affranchissent de toute morale, souillent les âmes, blessent les corps, enlèvent les vies. Et s’il est difficile de comprendre le moteur d’un tel déchaînement de violence, ce qui s’est passé dans le stade semble ne pas être complètement étranger aux tendances décrites dans ce livre : une violence d’État se sentant autorisée à broyer les vies humaines qui lui posaient problème, une violence utilisée par des corps habillés pour faire taire toute velléité de contestation. Il y a eu des précédents, notamment la répression violente des manifestations de 2007 sous la présidence de Lansana Conté. L’impunité règne.

Pour tenter de mieux saisir ce qui s’est passé le 28 septembre 2009, cette sixième partie propose une enquête inédite sur le massacre et la façon dont les violences se sont prolongées les jours suivants. On y trouvera aussi le témoignage d’une jeune recrue du camp militaire de Kaleah qui a été chargée d’évacuer des blessés et de transporter des corps. Cette ultime partie du livre donne également à entendre le besoin de justice des victimes de violences politiques, à l’image d’Asmaou Diallo, la présidente  de  l’AVIPA, l’Association  des victimes, parents et ami-e-s du 28 septembre.

28 septembre 2009, la toute-puissance des militaires et un déchaînement de violence

« … Les manifestants étaient des biens personnels pour eux. Les militaires nous faisaient ce qu’ils voulaient, sans arrière-pensée. »

Lundi 28 septembre 2009, dès le petit matin, des milliers de personnes se dirigent vers le stade de Conakry à l’appel de l’opposition. Elles réclament des élections et surtout exigent que Moussa Dadis Camara ne soit pas candidat.

Ce capitaine de l’armée est président depuis neuf mois. Moussa Dadis Camara a pris le pouvoir au lendemain de la mort de Lansana Conté, le 23 décembre 2008. Il est jeune, très populaire et beaucoup s’enthousiasment pour ses promesses de changement. Le régime militaire du CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement) a beau avoir dissout le gouvernement et suspendu la Constitution, il incarne un espoir pour de très nombreux Guinéens. Les premiers mois seulement. En septembre 2009, l’enthousiasme commence à retomber.

De l’aveu d’un ancien membre du CNDD, Moussa Dadis Camara a pris goût au pouvoir et a commis des erreurs politiques, en parlant de son avenir à la tête de l’État. Contrairement à ce qu’il avait promis au moment du coup d’État, il n’exclut plus d’être candidat à l’élection présidentielle, prévue quelques mois plus tard.

L’opposition et la société civile réunies au sein du forum des Forces vives annoncent alors une grande manifestation dans la capitale. « Le rassemblement du 28 septembre avait pour objectif d’organiser un référendum d’une autre manière, explique Bah Oury, premier vice-président de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée ) et responsable de l’organisation de la manifestation. Pas par le vote, mais par le nombre de citoyens guinéens qui allaient sortir ce jour-là, pour montrer leur défiance vis-à-vis de la continuation d’un régime militaire. »

Empêcher la manifestation

La junte décide d’interdire le rassemblement, avançant différents motifs dans les jours qui précèdent les événements. Les autorités ont d’abord expliqué que le stade était fermé en prévision d’un match de football prévu en octobre, pour ne pas abîmer le terrain. Elles ont ensuite interdit toutes les manifestations jusqu’à la fête nationale du 2 octobre. Enfin elles ont expliqué que le 28 septembre étant une commémoration nationale, la journée serait fériée. Le président a même essayé de convaincre l’opposition de renoncer, par téléphone, en pleine nuit, la veille du rassemblement.

Sidya Touré, président du parti d’opposition Union des forces républicaines et membre du forum des Forces vives, se souvient : « Le téléphone a sonné à une heure du matin. J’ai vu que c’était Tibou Kamara qui m’appelait, il m’a dit que le président voulait me parler. Dadis a commencé à m’expliquer qu’on ne devait pas organiser cette manifestation, qu’il ne souhaitait pas que le meeting ait lieu.

Je lui ai répondu calmement qu’il était une heure du matin et que la mobilisation commençait à sept heures, que je n’avais aucune possibilité de parler à qui que ce soit. Et que ce n’était pas la solution.

Le conseiller qu’il avait à côté de lui a commencé à dire : «Il faut insister sur l’autorité de l’État.» Je l’ai entendu répéter ça : «L’autorité de l’État, l’autorité de l’État !» J’ai répondu : «C’est très bien l’autorité de l’État mais tu m’as appelé parce que tu me dis que nous avons de bonnes relations toi et moi. Est-ce que je peux te donner un conseil ?» Je ne sais pas s’il a dit oui, toujours est-il que j’ai donné mon conseil. Je lui ai dit : « Tu viens de passer plusieurs jours en campagne dans la région du Fouta. L’opposition, qui n’a pas disparu parce que tu es arrivé, a décidé d’aller au stade pour faire une déclaration. À ta place, j’attendrais que cette déclaration soit faite, et peut-être que mercredi, tu pourrais convoquer un Conseil national pour que tout le monde se retrouve et qu’on commence à discuter de transition et tout ça. «Ah…», c’est reparti : «Je n’accepterai pas ! L’autorité de l’État !»

Le téléphone s’est coupé. Il a sonné de nouveau quelques minutes plus tard. Dadis s’est lancé dans une logorrhée de discours, je me souviens seulement qu’à la fin, il a dit qu’il ne permettrait jamais cela.

Je n’imaginais pas ce qui allait arriver. Je me suis dit : « mais, comment il ne peut pas permettre la manifestation ? De toute façon, on sera dans la rue, qu’est-ce qu’il va faire ? »

Je n’imaginais pas ce qui allait arriver. Je me suis dit : mais, comment il ne peut pas permettre la manifestation ? De toute façon, on sera dans la rue, qu’est-ce qu’il va faire ? »

Dès le début de la matinée, la ville était quadrillée par les forces de l’ordre.

Une source au sein de la gendarmerie explique qu’il avait été décidé de ne mobiliser que des forces de maintien de l’ordre. La décision avait été prise la veille au cours d’une réunion entre le chef des armées, les chefs d’état-major, ainsi que les responsables de la police et de la gendarmerie. Rassemblés au camp Samory, ils ont décidé que les militaires ne seraient pas déployés. Selon notre source à la gendarmerie, les hommes devaient être mobilisés sans armes létales pour essayer d’empêcher le rassemblement.

Le rassemblement malgré tout

Lundi matin, gendarmes et policiers sont effectivement présents aux principaux carrefours de Conakry et dans les quartiers réputés favorables à l’opposition. Premières échauffourées. Les forces de l’ordre lancent des grenades lacrymogènes, tirent en l’air puis ouvrent le feu sur la foule au rond-point Bellevue. Deux manifestants sont tués.

Un ancien policier raconte qu’au même endroit, des jeunes ont attaqué le commissariat et emporté des armes. L’un des organisateurs de la manifestation assure qu’il s’agissait de vieux fusils non-chargés et laissés sur place, qu’aucune arme n’est entrée dans le stade.

Le rapport de la Commission d’enquête des Nations unies confirme que des armes ont bien été emportées par des personnes en civil mais précise, en s’appuyant sur des images et un témoignage, que ces personnes « n’ont pas pris la direction du stade et que certains des voleurs ont été vus marchant à contre-courant des manifestants. Il pourrait dès lors s’agir de délinquants », conclut le rapport.

Les sympathisants de l’opposition reprennent leur marche vers le stade du 28 septembre et commencent à se rassembler sur l’esplanade, devant l’entrée principale.

Une source provenant de la gendarmerie affirme qu’aucun gendarme n’a été envoyé sur les lieux « puisqu’il était interdit d’y aller » et qu’il avait été décidé de déployer les équipes dans le reste de la ville. Plusieurs témoins assurent cependant avoir vu des gendarmes en arrivant au stade.

Ils expliquent également avoir vu une autre unité des forces de l’ordre. En Guinée, certains gendarmes et policiers sont détachés au sein d’une unité spéciale mise en place par le CNDD, la brigade de lutte contre la drogue et le grand banditisme. Le groupe porte une tenue similaire à celle des membres de la gendarmerie nationale, pantalons treillis et T-shirts noirs. À la tête de ces services spéciaux, le colonel Moussa Tiegboro Camara.

Les hommes de la brigade sont placés sous son autorité directe, explique une source à la gendarmerie. Ce groupe aurait donc pu être envoyé au stade sans que le haut-commandement de gendarmerie en soit informé.

C’est à ce moment-là qu’il a reçu un appel l’informant qu’on tirait à l’intérieur du stade.

Le colonel Tiegboro s’est d’ailleurs rendu sur les lieux le matin du 28 septembre. Selon l’un de ses proches, « sur la route entre le camp et son domicile, vers huit heures, le colonel a parlé à des manifestants en leur disant que le rassemblement était interdit et qu’ils devaient rentrer chez eux. Après avoir mangé chez lui, le colonel Tiegboro a pris la direction de son bureau mais s’est arrêté pour parler aux responsables de l’opposition devant l’université, à quelques centaines de mètres de l’entrée principale du stade. Il a répété le message et l’opposition a accepté de sursoir au rassemblement. En échange, les leaders avaient demandé la libération de tous ceux qui avaient été arrêtés plus tôt le matin. Le colonel Tiegboro s’est rendu à la CMIS (Compagnie mobile d’intervention spéciale) où il s’est aperçu que personne n’avait été interpellé. C’est à ce moment-là qu’il a reçu un appel l’informant qu’on tirait à l’intérieur du stade. »

La version des manifestants est tout autre : ils expliquent que le colonel Tiegboro était menaçant lorsqu’ils l’ont croisé. Les responsables politiques, quant à eux, affirment qu’il n’a jamais été question de renoncer au rassemblement.

Ce matin-là, ils s’étaient donné rendez-vous au domicile de Jean-Marie Doré, porte-parole des Forces vives et leader de l’UPG (Union pour le progrès de la Guinée) : « La raison de ce choix, c’est simple : c’est parce que son domicile était le plus proche du stade, se souvient Mouctar Diallo, leader des Nouvelles forces démocratiques et membre des Forces vives, mais dès le matin, on a senti qu’il y avait anguille sous roche. » Jean-Marie Doré refuse de se rendre au stade. « Je ne sais pas pourquoi, explique Bah Oury, premier vice-président du parti d’opposition UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée) et responsable de l’organisation de la manifestation, il a juste fait savoir qu’il ne voulait pas. »

En fait, selon des proches de Jean-Marie Doré, décédé en 2016, la décision était prise depuis plusieurs semaines déjà. Mamounan Kpokomou, membre du bureau politique de l’UPG (Union pour le progrès de la Guinée) depuis 1993, explique : « Nous sommes de la même région que le chef de la junte. Notre parti est national, mais la base c’est bien la Guinée forestière, où est né Moussa Dadis Camara.

Nous défendions un idéal, nous étions diamétralement opposés à la candidature d’un militaire, mais nous avions choisi de ne pas prendre part à la marche du 28 septembre. Nos parents analphabètes, qui constituent le gros de notre électorat, ne nous auraient pas compris. Nous avions donc pris la résolution de ne pas y aller de peur de perdre cet électorat, qui n’aurait pas accepté de nous voir nous joindre aux autres partis politiques pour lutter contre un fils du terroir. »

C’est pourtant Jean-Marie Doré qui a été choisi pour une dernière médiation, le matin du 28 septembre. Il a été sollicité par les responsables religieux de Conakry. « La veille déjà, raconte l’un de ces religieux, nous avions négocié avec Dadis jusqu’à deux heures du matin pour que la manifestation soit autorisée mais encadrée. Le président a refusé. Il souhaitait que la marche ait lieu le lendemain, le 29, à Nongo, en banlieue. » L’archevêque monseigneur Coulibaly, l’archevêque monseigneur Gomez et l’imam de la Grande Mosquée, Ibrahima Bah, ont alors essayé de convaincre l’opposition de changer de programme. Sans succès.

« Il n’était pas question qu’on demande aux gens de sortir et que nous nous retrouvions dans une cour, en toute sécurité, en abandonnant la population dans la rue », résume Bah Oury, responsable du Comité d’organisation du rassemblement.

Les principaux leaders de l’opposition quittent le domicile de Jean-Marie Doré avant même l’arrivée des responsables religieux. « Nous connaissions leur message, raconte l’opposant Mouctar Diallo, c’était pour nous demander de reporter la manifestation. Nous nous sommes levés, Jean-Marie Doré est resté. »

À quelques centaines de mètres du stade, devant l’Université Gamal Abdel Nasser, les opposants sont bloqués par un barrage de policiers et de gendarmes. Peu de temps après, arrive le colonel Tiegboro. Il répète que le rassemblement ne peut pas avoir lieu. Discussion animée, tendue même par moments, mais contrairement à ce qu’affirme le proche de Moussa Tiegboro Camara, les opposants n’ont jamais accepté de reporter la manifestation.

Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée), raconte que le colonel s’est absenté quelques minutes et qu’à son retour, il a demandé aux forces de l’ordre de céder le passage aux opposants. Les portes du stade ont été ouvertes et la foule a commencé à prendre place dans les tribunes, sur le terrain, dans les allées.

« Il y avait beaucoup d’ambiance, raconte une manifestante, ça chantait, ça dansait. Certains ont même prié sur la pelouse. C’était la joie ! »

Le rassemblement de l’opposition est un succès. Des milliers de personnes ont répondu à l’appel et se massent dans le stade dans une ambiance de fête.

Jean-Marie Doré rejoint les autres responsables de l’opposition un peu avant midi. Selon l’un de ses proches, l’opposant pensait alors convaincre les autres responsables politiques de renoncer au rassemblement, « mais c’était impossible, le stade était archi-comble ». Jean-Marie Doré rejoint la tribune officielle.

Faute de matériel de sonorisation, les leaders politiques ne prononcent pas de discours mais devant les journalistes présents dans les gradins, ils se félicitent de l’ampleur de la mobilisation.

Quelques minutes seulement après l’arrivée de Jean-Marie Doré, on entend les premiers coups de feu.

Le piège

« Le stade était plein, raconte Fanta, une manifestante. Il n’y avait plus de place pour s’asseoir. Dès que les leaders sont arrivés, tout le monde a tapé dans ses mains en criant «Changement, changement !» Quand on a entendu les premiers coups de feu, on pensait que c’étaient des pétards. »

Les rares images tournées avec des téléphones portables montrent l’incompréhension totale des manifestants. Dans les allées qui entourent le stade, les gaz lacrymogènes surprennent la foule. Ce n’est qu’au moment où les coups de feu retentissent que les manifestants commencent à courir.

Les forces de sécurité entrent par le grand portail, le seul accès à la rue, puis ils encerclent les lieux et entrent à l’intérieur du stade. Une fois sur la pelouse, ils tirent indistinctement sur la foule. Les manifestants ont vu des bérets rouges, commandos de parachutistes et membres de la Garde présidentielle, mais aussi des gendarmes et des hommes en civil, qui eux portaient des armes blanches et poignardaient tous ceux qui se trouvaient sur leur passage.

« Il y a eu une débandade indescriptible, se souvient Mouctar Bah, journaliste pour Radio France internationale et l’agence France-Presse. Les gens sont descendus des gradins pour essayer de sortir. Ils montaient sur des murs de quatre mètres, cinq mètres ! D’autres sont restés où ils se trouvaient parce qu’il n’y avait nulle part où aller. »

Les militaires bloquent toutes les sorties du stade, les deux portes principales et les issues secondaires. De très nombreux manifestants ont été blessés en essayant de franchir les grilles qui séparent les gradins de la pelouse et des escaliers. Certains sont morts dans le mouvement de foule, écrasés contre les grilles ou piétinés dans la cohue.

Pour ceux qui réussissent à sortir du bâtiment, le soulagement ne dure pas longtemps. Les militaires sont partout et poursuivent les manifestants en fuite.

« Je suis allée vers le stade annexe, raconte Saran, militante du parti d’opposition UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée). Un jeune m’a aidée à monter sur le mur. Ils lui ont tiré dessus, au milieu du front. Lorsque le petit est tombé, j’ai basculé dans la cour de l’autre côté du mur. Nous étions plusieurs. Des militaires et des policiers sont arrivés. L’un d’entre eux m’a frappée avec un morceau de caoutchouc et j’ai perdu connaissance. »

Comme Saran, beaucoup de manifestants ont essayé de franchir les murs qui entourent le stade mais des militaires, postés de l’autre côté, mettaient en joue ceux qui essayaient de sauter.

« Il y a une porte au fond, vers l’université. On voulait sortir par-là, mais quand on est arrivé, les policiers habillés en noir et cagoulés ont tiré les fils de courant. Ils ont vu que les personnes qui arrivaient en face étaient plus nombreuses qu’eux alors ils ont fait tomber les fils. Les premiers manifestants qui ont essayé de passer ne se sont pas relevés. Ils ont été tués par le courant électrique. »

Plusieurs témoins rapportent que les forces de l’ordre avaient sectionné des fils électriques pour empêcher les manifestants de s’enfuir : « Des jeunes sautaient. Ils ont attrapé les fils électriques au-dessus du portail et certains ont été électrocutés. Quand tu mets ta main, le courant te prend. Il y a des gens qui sont morts comme ça ! »

Les responsables de l’opposition stupéfaits… Et matraqués

On a vu les hommes en tenue, et d’autres qui n’étaient même pas en uniforme, qui commençaient à tuer comme ça. On a compris petit à petit que c’était un massacre.

Du haut de la tribune officielle, les responsables de l’opposition ne comprennent pas tout de suite ce qui se passe, comme le raconte Mouctar Diallo, leader des Nouvelles forces démocratiques : « Nous avons commencé à entendre des coups de fusil, à voir la fumée des gaz lacrymogènes, mais jamais bien sûr nous n’aurions pu imaginer que cette barbarie était possible.

On a vu les hommes en tenue, et d’autres qui n’étaient même pas en uniforme, qui commençaient à tuer comme ça. On a compris petit à petit que c’était un massacre. Nous, nous étions là stupéfaits à la tribune. »

« C’était de la pure folie, résume Sydia Touré. Nous avons décidé de ne pas bouger, mais à un moment, des militaires sont venus nous demander de descendre. J’étais le premier, j’ai pris d’abord une gifle. Quand je me suis redressé, un des militaire qui avait un bâton a visé ma tête.

J’avais la tête complètement ensanglantée, je titubais un peu. Quand je suis arrivé sur le gazon, je suis tombé. Je voyais Cellou Dalein Diallo à côté qui s’était recroquevillé et qui recevait des coups de pieds. »

Oury Bah se souvient qu’un groupe de militaires s’est dirigé directement vers les responsables de l’opposition. « C’est Toumba, commandant de la Garde présidentielle, qui conduisait ce peloton de bérets rouges. Il y a eu des matraques, des échanges de coups. Il n’est pas resté longtemps, c’est comme s’il était venu pour prendre un certain nombre de personnes. »

Mouctar Diallo raconte que le lieutenant Aboubakar Toumba Diakité, l’aide de camp du président Dadis, a protégé les leaders politiques. « Toumba nous a demandé de le suivre. Quand nous sommes arrivés sur la pelouse, on continuait à recevoir des coups. Un de ceux que j’ai reçus a failli me faire évanouir. Je suis tombé mais je me suis relevé tout de suite parce que je me suis dit : «Si je reste là une seconde, ils vont me tuer.» Il y avait Sidya Touré devant, François Fall et moi. On s’était accrochés l’un à l’autre, très fermement. Je pense que Cellou était derrière nous et qu’il était tombé au sol sous les coups. Il y avait Bah Oury à côté de lui. Nous avons continué, Toumba nous a guidés pour sortir du stade. Je pense qu’il s’inquiétait de notre sort. Nous sommes sortis par l’entrée principale, sa voiture était garée de l’autre côté de la route. Il nous a mis dans son véhicule puis s’est absenté quelques minutes.

Pendant ce temps, Marcel, le neveu de Dadis qui était en même temps l’adjoint de Toumba, est venu avec un gros bâton du côté de la portière où se trouvait Sidya Touré. Il a dit «Bâtards, on va vous tuer aujourd’hui.»

C’est à ce moment qu’on a vu Jean-Marie Doré trimballé et tout couvert de sang, les habits déchirés. Lui, on l’a mis dans le véhicule qui était derrière nous, je crois que c’était celui de Tiegboro. »

Le colonel Moussa Tiegboro Camara a pris en charge les autres leaders de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, Jean-Marie Doré et Oury Bah.

Une source proche du colonel Tiegboro résume son intervention : « Le seul objectif, c’était les leaders politiques. En arrivant au stade, il a vu Cellou Dalein Diallo, qui avait déjà été frappé, et il s’est dit : «S’il est tué, on est foutus. Ça aurait pu être la guerre civile.» Le colonel Tiegoboro n’a pas passé plus de quinze minutes là-bas, il a mis Cellou Dalein Diallo, Bah Oury et Jean-Marie Doré dans sa voiture et il est parti. »

Selon cette source, c’est le colonel Tiegboro, et lui seul, qui a pris l’initiative de faire sortir les leaders de l’opposition, sans concertation avec aucun responsable de la junte.

« Lorsque Toumba a appris qu’il était là, il a fait semblant mais au départ, il ne souhaitait pas aider l’opposition. C’est lui qui commandait les bérets rouges. »

Le seul objectif, c’était les leaders politiques

Pour quelle raison Toumba et Tiegboro ont-ils décidé de sauver les chefs de l’opposition ?

Au cours de l’enquête, dans ses déclarations aux juges, l’aide de camp Aboubakar Toumba Diakité explique s’être rendu au stade pour chercher le président. Il affirme être parti seul au stade, une version contredite par plusieurs manifestants qui l’ont vu arriver à la tête d’un groupe de bérets rouges.

Selon plusieurs témoignages et les déclarations de Moussa Dadis Camara lui-même, le chef de l’État se trouvait pourtant au camp Alpha Yaya ce matin-là, où les principaux responsables de la junte avaient établi leurs quartiers. Toumba, lui, assure qu’il le pensait au stade, qu’il s’est rendu sur place pour l’alerter mais qu’en voyant la gravité de la situation, il a décidé d’intervenir pour exfiltrer les leaders politiques.

Le lieutenant Aboubakar Toumba Diakité s’appuie d’ailleurs sur cette intervention pour se défendre de toute implication dans la répression du 28 septembre. Actuellement en détention préventive et désigné comme responsable par son ancien président, il assure n’avoir jamais donné l’ordre de tirer sur la foule.

Selon Mamadi Kaba, directeur de l’Institution nationale indépendante des droits humains, Toumba et le colonel Tiegboro ont bien agi de leur propre chef pour sauver les chefs de l’opposition, mais cela ne les disculpe pas pour autant. « Ils savaient qu’il y aurait une répression, d’ailleurs ils ont envoyé leurs hommes. Ils ne savaient peut-être pas forcément que cela irait jusque-là, mais ils étaient au courant.

Il faut voir leur choix de sortir les leaders comme des initiatives personnelles qui permettaient d’éviter le pire, dans l’intérêt du grand chef. Pour peut-être lui dire ensuite que leur geste avait permis de sauver son régime. »

L’exfiltration des responsables de l’opposition

Les deux véhicules, conduits par le lieutenant Aboubakar Toumba Diakité et le colonel Tiegboro, quittent le stade en direction de la clinique Ambroise Paré, à moins de dix minutes de route. Avant que les leaders de l’opposition ne commencent à recevoir des soins, avant même que certains n’aient le temps de sortir de voiture, un groupe de bérets rouges débarque à la clinique. À leur tête, Marcel Guilavogui, adjoint de Toumba et présenté comme le neveu du président Dadis. Plusieurs témoins racontent la scène : grenade à la main, Marcel menace de tout faire sauter, crie que les opposants doivent être tués.

Le même Marcel Guilavogui a déclaré aux juges d’instruction guinéens en 2010 qu’il ne s’était pas rendu au stade le jour du massacre et assuré qu’il était resté alité toute la journée à cause d’un accident de circulation survenu quelques jours plus tôt.

À cause des menaces, les voitures transportant les opposants repartent et se dirigent cette fois vers la gendarmerie, en centre-ville. « Le chef d’état-major de la gendarmerie est venu pour donner les instructions, explique Mouctar Diallo des Nouvelles forces démocratiques. Il a ordonné qu’on nous donne les premiers soins. Puis Tiegboro est venu nous trouver pour nous dire que Dadis lui a donné instruction de nous prendre nous et Cellou, qui était au camp Samory, et de nous conduire à la clinique Pasteur. Nous étions tous dans la même salle pour les soins. C’était encerclé. On n’avait même plus de moyens de communication. »

Viols et tortures

Au stade, les militaires ne cessent de tirer qu’après avoir épuisé leur stock de munitions, mais continuent de traquer les manifestants. Les forces de sécurité et les hommes en civil équipés d’armes blanches poursuivent leur massacre.

Pendant plusieurs heures, ils se sont livrés à des violences jamais vues en Guinée. En plus des meurtres qui ont causé la mort de 157 personnes, au moins une centaine de viols ont été commis publiquement. Peut-être davantage, de nombreuses femmes refusant toujours de témoigner, craignant d’être stigmatisées.

L’une d’entre elles connaissait son agresseur, qu’elle a dénoncé depuis. « J’ai croisé un gendarme qui travaillait ici à Hamdallaye. Il nous connaissait. Il m’a frappée sur les deux joues avec son fusil, puis sur la tête. Je suis tombée. Il a frappé jusqu’à ce que je ne puisse plus me relever puis iI a pris un couteau et a déchiré mes habits. Il m’a aussi fait une croix dans le dos avec le couteau. Il m’a violée. Il a appelé deux hommes, bérets rouges. Je ne me souviens pas de la suite, j’ai perdu connaissance. »

Aissatou, une autre femme âgée de 25 ans au moment des faits, était venue au stade avec l’une de ses amies qu’elle a perdue dans sa fuite. « Je me suis cachée au niveau des toilettes, dans les gradins. Quelques instants après, quatre militaires sont venus. L’un d’entre eux m’a tirée sur une sorte de banc. Ils ont d’abord déchiré mon pantalon. Le premier m’a violée, le second m’a violée. Le troisième a essayé mais là, j’ai résisté un peu alors ils m’ont cognée sur la tête et j’ai perdu connaissance. »

De nombreuses femmes ont été violées à plusieurs reprises, plusieurs avec des objets, puis laissées pour mortes par leurs agresseurs.

Aissatou n’a repris conscience qu’en fin d’après-midi. Elle a été sauvée par un militaire qui, après lui avoir donné un pantalon, l’a placée au milieu d’un groupe d’hommes et de femmes qu’il conduisait vers la sortie. « Pendant qu’on marchait, d’autres militaires se sont approchés. Ils ont demandé à deux jeunes garçons du groupe de leur donner leurs téléphones. Le premier a donné son téléphone et à bout portant, ils ont tiré sur lui. Ils ont demandé aussi au deuxième. Ce dernier a dit : ‘‘Si vous me tuez, vous allez me tuer avec mon téléphone.» Les militaires ont tiré et il est tombé sur moi.

Pendant tout ce temps, les militaires nous disaient de rire à nous, les femmes, ils nous disaient d’être contentes. Ils nous ont forcées à rire. Comme je refusais, l’un d’entre eux a pointé son arme sur moi, puis il a appuyé son arme sur mon oreille et il a tiré dans le vide. »

L’opposant Sidya Touré se souvient avoir assisté à des scènes de viol en quittant le stade. « Je voyais des femmes dans des situations que je n’ose pas décrire. J’ai le regard d’une femme qui ne me quittera jamais. Elle voulait protéger sa dignité. Je vous assure que ça vous marque toute votre vie. »

Contrairement à ce qu’affirment de nombreux témoignages, Aboubakar Toumba Diakité et Moussa Tiegboro Camara, les responsables militaires ayant aidé les leaders de l’opposition à s’échapper du stade, assurent tous les deux n’avoir vu aucun viol ce jour-là.

Mamadi Kaba, directeur de l’Institution nationale indépendante des droits humains est certain que ces viols faisaient partie du plan de répression du rassemblement. « Il y a eu un ordre donné pour qu’ils violent. Sinon, il y aurait peut-être eu deux ou trois cas mais pas une centaine de femmes. Il y a eu un ordre.

En Guinée, quand les femmes se mêlent à une manifestation, elle prend une autre dimension. Il y a une fête que l’on célèbre chaque année, pour commémorer un jour où les femmes se sont mobilisées contre le régime de Sékou Touré [chef de l’État guinéen de l’indépendance à 1984]. Tous les présidents ont en tête que les femmes sont capables de les braver, alors si vous voulez tuer l’esprit de révolte, il faut taper dur sur les femmes. Je crois que c’est ce qui s’est passé. Je crois que l’esprit qui a guidé la répression, c’est la terreur afin qu’elles n’aient plus jamais le courage de manifester contre le CNDD. »

En Guinée, quand les femmes se mêlent à une manifestation, elle prend une autre dimension. (…) Tous les présidents ont en tête que les femmes sont capables de les braver, alors si vous voulez tuer l’esprit de révolte, il faut taper dur sur les femmes.

Le calvaire s’est prolongé pour certaines femmes, enlevées au stade et violées pendant plusieurs jours après le 28 septembre. « Alors que j’essayais de fuir le stade, un policier est venu me terrasser. Je suis tombée et j’ai perdu connaissance.

Quand je me suis réveillée, je me trouvais dans une maison, il n’y avait personne. J’entendais l’eau, comme la mer, mais je ne voyais pas les alentours. On m’avait mise dans une chambre sans électricité, sans fenêtre, j’étais dans le noir sur une natte. L’homme est entré, il avait une tenue verte. Il m’a déshabillée. Il me faisait ce qu’il voulait, il filmait …

Il m’a dit que si je pleurais, il me tuerait alors je n’ai pas pleuré. Il s’est allongé sur moi… je faisais ce qu’il voulait. Il m’a forcée. Il est venu plusieurs fois, deux jours de suite.

Je n’ai rien mangé, rien bu. J’avais peur qu’il me tue, je pensais à mon bébé à la maison et à mon mari… ma tête tournait.

Mardi, il a apporté quelque chose pour m’attacher les mains. Ce n’était pas serré mais je ne pouvais pas bouger comme je le voulais. Il m’a donné des habits, m’a mise dans un camion et m’a conduite jusqu’au quartier de Hamdallaye. Il m’a fait descendre et il a disparu. »

Dienabou, elle, a été conduite avec plusieurs autres filles au camp Koundara, probablement droguée. Elle s’est retrouvée vers minuit dans une salle du camp militaire. « Moi, j’étais vierge, je ne connaissais rien. On m’a fait monter jusqu’au troisième étage. Il y avait plusieurs militaires, ils étaient quatre. Ils nous ont violées, ils nous ont frappées, on nous a aussi coupées avec des couteaux, explique-t-elle en montrant d’épaisses cicatrices sur ses bras. On nous a fatiguées là-bas. Vers trois heures ou quatre heures du matin, on nous a déposées à l’hôpital Donka avec mes deux copines. »

Les victimes souffrent encore aujourd’hui des viols et des sévices subis au stade le 28 septembre, leurs corps portent les séquelles des agressions sexuelles, nombre d’entre elles ont été abandonnées par leur mari et vivent aujourd’hui dans des conditions très difficiles, la stigmatisation est très forte. La jeune Aissatou n’a même pas voulu faire établir de certificat médical à l’hôpital : « J’ai dit aux médecins de n’en parler à personne. Je n’ai rien dit à ma famille. Je ne voulais pas que les gens au quartier disent que j’étais parmi les filles violées au stade. Ça peut faire qu’on ne trouve pas de mari, même sans raconter tous les détails. Plusieurs fois, des hommes m’ont demandée en mariage mais dès qu’ils ont su que j’avais été au stade, l’histoire s’est arrêtée. Ils ne sont plus jamais revenus. »

Au milieu de ce déchaînement de violences, quelques individus ont tenté de sauver des manifestants. Fanta, une femme d’une cinquantaine d’années, a été cachée par un jeune inspecteur de police avec plusieurs autres femmes dans une cour un peu excentrée. « Au bout de deux ou trois heures, je voulais sortir. Le jeune inspecteur m’a dit : «Ne va nulle part, ils sont en train de violer les femmes dans les salles de jeu.» J’ai dit : «À mon âge ?» Il m’a répondu : «Pire que ça.» Je suis restée près de lui.

Pendant ce temps, ça tirait, ça tirait. Les gens criaient. Il fallait voir les cadavres…

Nous sommes sorties en groupe mais au bout de quelques minutes, j’ai aperçu un homme avec un couteau. Dès que je l’ai vu, je me suis cachée. Je suis restée là, les cadavres étaient à terre. Des véhicules sont arrivés pour prendre les corps. Des véhicules militaires. »

Fanta ne veut pas en dire davantage. Plusieurs années après les événements, elle craint toujours des représailles.

Dissimulation des corps

Les autorités guinéennes ont toujours nié avoir fait disparaître des corps et n’ont entrepris aucune recherche concernant de probables fosses communes. Aujourd’hui encore, aucune investigation officielle n’a été menée sur les sites évoqués par plusieurs témoins.

Pourtant, un manifestant raconte que des militaires ont bien fait disparaître des corps le 28 septembre. Le jeune homme, qui préfère rester anonyme, a été blessé au stade. Il n’avait pas trente ans.

« Je ne sais même pas par quoi j’ai été blessé, mais j’ai été touché à la tête et j’ai perdu connaissance pendant longtemps. Je n’ai repris conscience que là où ils ont commencé à jeter les gens, il faisait nuit. » Il poursuit : « Ils ramassent les corps, ils les mettent dans le camion. Je reviens à moi, tout est en sang. Je suis dans le camion. Avec les morts. »

Il pleure. « Je ne voyais rien. C’est les morts. Je suis avec les morts ! »

Le jeune homme s’interrompt. Il regarde devant lui et se tait pendant de longues minutes, n’ouvrant la bouche qu’au passage d’un véhicule militaire à quelques mètres : « Tiens, il y a des bérets rouges ici… »

Il reprend son récit, les yeux dans le vague : « Je ne sais pas où nous étions. Les militaires étaient en train de débarquer les corps. Quand l’un d’entre eux a braqué sa torche vers moi, je me suis mis au garde à vous. J’ai dit pardon. Il a crié : «Il y en a un qui n’est pas mort !» Un autre a dit : «Mettez-le dans le trou.» Ils ont discuté chaudement et ont finalement décidé de me laisser là. Je suis resté dans le camion. Ils ont bien bloqué pour que je ne puisse pas sortir et fuir. »

Le jeune homme s’interrompt de nouveau pendant un long moment avant de reprendre. « Ils m’ont ramené chez le président Dadis, au camp Alpha Yaya. Je criais, je devenais fou. Le lendemain, en pleine nuit, ils m’ont jeté par-dessus le mur, derrière la cour. J’avais des vêtements, mais pas de chaussures. Du sang partout. C’est mon sang ou c’est le sang des morts ? »

Trois semaines après le massacre du 28 septembre, un militaire a confirmé l’existence de fosses communes sur Radio France internationale. Sous couvert d’anonymat, ce béret rouge assure avoir reçu l’ordre de faire disparaître des cadavres : « Dans la nuit du lundi, ils nous ont dit d’aller récupérer les corps. On en a récupéré quarante-sept, qui ont été enfouis, mais je ne peux vraiment pas vous dire où exactement. »

Un haut-gradé de l’armée confirme, sans donner de chiffres, que les militaires ont enterré de nombreux corps dans les heures qui ont suivi le massacre.

Plusieurs familles n’ont jamais retrouvé les corps de leurs proches. Selon les chiffres des Nations unies, on a perdu la trace de 49 personnes qui s’étaient rendues au rassemblement de l’opposition et 40 autres ont été vues mortes au stade ou dans les morgues mais leurs corps ont ensuite disparu.

Le jour du massacre, les blessés et les cadavres ont été transportés dans la cohue, dans des ambulances envoyées par les hôpitaux et la Croix-Rouge, et parfois dans des véhicules privés.

L’un des responsables religieux ayant participé aux négociations avec les autorités guinéennes et l’opposition raconte avoir transporté des corps dans sa voiture personnelle.

La plupart ont été déposés à la Grande Mosquée de Conakry pour une prière, puis inhumés au cimetière Cameroun, certaines familles ont préféré emmener les dépouilles de leurs proches dans les quartiers pour organiser des funérailles.

De la Grande Mosquée Fayçal, où il a passé une partie de la journée, ce responsable religieux a vu les militaires bloquer l’entrée de la morgue de l’hôpital Donka. « Je ne me souviens plus quand exactement. Les enterrements ont commencé vers 16 heures donc ça devait être vers 14-15 heures. Je n’ai pas vu de camions mais il y avait des militaires dans l’enceinte de l’hôpital, des bérets rouges et d’autres corps de l’armée. »

Le lendemain, en pleine nuit, ils m’ont jeté par-dessus le mur, derrière la cour.

J’avais des vêtements, mais pas de chaussures. Du sang partout. C’est mon sang ou c’est le sang des morts ? »

D’autres témoins rapportent que les militaires ont pris le contrôle de la morgue de l’hôpital Donka, qui se trouve à quelques minutes seulement du stade et qui a accueilli la plupart des blessés et des corps.

L’accès a été interdit aux familles. Les corps des victimes ont été présentés plusieurs jours plus tard, le 2 octobre à la Grande Mosquée. Comme le souligne le rapport de la Commission d’enquête des Nations unies, « aucune méthodologie correcte d’identification des corps n’a été appliquée. Les personnes décédées ont été complètement déshabillées, alors que certaines portaient des objets personnels, mais aucun registre n’a été établi, aucune photographie n’a été prise. Le nombre insuffisant de chambres froides et l’absence de préparation correcte des corps, par manque de formol, associés à la température élevée de septembre, ont conduit à une dégradation rapide des cadavres. » Lorsqu’ils ont été exposés, quatre jours après le massacre du stade, de nombreux corps n’étaient plus identifiables.

Un homme d’une quarantaine d’années a perdu son frère. Un membre de leur famille l’a vu mort, aligné auprès d’autres victimes sur l’esplanade à l’entrée du stade, mais son corps ne se trouvait pas à la mosquée Fayçal le 2 octobre et les recherches lancées depuis n’ont jamais rien donné.

Les militaires à l’hôpital

De nombreux témoignages assurent que les militaires ont également pénétré dans les unités de soins de l’hôpital Donka dans l’après-midi, pour menacer les blessés.

Thierno se trouvait aux urgences, un bras cassé, lorsqu’il a vu des bérets rouges entrer. « Il était environ 16 heures, un camion s’est garé au portail. Les militaires ont commencé à bastonner les gens, y compris certains blessés qui ne pouvaient pas se déplacer. Ils ont insulté les patients et dit qu’il ne fallait pas nous donner de médicaments. Je n’osais pas les regarder dans les yeux. Ensuite, le ministre de la Santé, Diaby, est arrivé. Il demandait : «Qui vous a dit de sortir manifester ?» Le ministre de la Santé n’a pas insulté, c’étaient les bérets rouges qui insultaient les gens. Il n’a pas frappé non plus. »

Un proche d’Abdoulaye Chérif Diaby confirme que le ministre s’est bien rendu aux urgences, mais pour évaluer la situation, soutenir les médecins. Il dément la présence de militaires sur place.

La libération des responsables de l’opposition

Dans la soirée du 28 septembre, les opposants sont invités à quitter la clinique Pasteur et à rentrer chez eux, à l’exception de Cellou Dalein Diallo et Jean-Marie Doré, dont les blessures étaient plus importantes.

« Quand je suis arrivé, se souvient Sidya Touré de l’Union des forces républicaines, je n’avais plus de chez moi. Ils avaient tout détruit, tout saccagé. Il n’y avait plus aucun poste de télévision, plus aucun téléphone, aucune radio… tous les appareils ménagers avaient été ramassés, mon coffre-fort, dans lequel se trouvaient tous mes documents, tout était parti. La maison était renversée dans tous les sens. Les quatre véhicules avaient été embarqués. »

Situation analogue chez Cellou Dalein Diallo, comme le raconte l’un des responsables du maintien de l’ordre de l’UFDG. « Quand j’ai réussi à fuir le stade, je suis allé au domicile de mon patron. J’ai vu des bérets rouges qui venaient. Quatre pick-up. Je suis tombé, la moto m’a brûlé la jambe et mon pied s’est cassé. Comme j’étais couché, ils ont cru que j’étais mort, ils m’ont laissé. Les militaires sont rentrés, ils ont cassé tout ce qui se trouvait dans la maison, et emporté tout ce qu’ils pouvaient prendre. Les motos, les voitures, les valises… Ils ont chargé les 4 pick-up, remplis. »

Pillages, pressions, arrestations

Les pillages ne se sont pas limités aux domiciles des responsables politiques, ils avaient commencé au stade où les manifestants ont été systématiquement dépouillés de leur argent et de leurs téléphones portables. Ceux qui réussissaient à s’enfuir étaient stoppés au portail par des policiers qui les ont rackettés.

Dans tous les quartiers de la capitale, connus pour être favorables à l’opposition, les forces de l’ordre ont pénétré dans les maisons, ont dévalisé des commerces, pendant plusieurs jours. Cinquante commerçants établis au carrefour Cosa ont porté plainte pour pillage.

Plusieurs témoins disent avoir vu les jours suivants le capitaine Pivi, alors ministre de la Sécurité présidentielle, et ses hommes commettre des exactions.

Les militaires ont également retenu des prisonniers dans différents camps de la capitale, dont le camp Alpha Yaya où résidait l’état-major du CNDD. Mamadou, rescapé du stade, sans nouvelles de son neveu le lendemain du massacre, appelle sur son téléphone portable. Un militaire lui apprend qu’il est détenu. Mamadou se rend alors au camp Koundara pour demander la libération de son neveu : « Ils nous ont fait entrer au camp et dès que nous avons été à l’intérieur, ils nous ont attrapés, déshabillés totalement et ils nous ont blessés. Ils ont versé de l’eau chaude sur nous, roulé sur nos jambes avec des motos. J’étais avec mon grand-frère, il est décédé, il n’a pas pu résister.

Tous les jours, matin et soir, ils nous mettaient à terre pour nous frapper, cinquante coups chacun. Ils nous frappaient avec du bois ou du caoutchouc. Ils nous insultaient, ils versaient de l’eau chaude sur notre corps. Toute la peau du haut de mon dos est partie. Ils avaient récupéré tous nos vêtements.

Le 4ème jour, deux amis sont venus pour voir s’ils pouvaient nous faire sortir. Eux aussi ont été récupérés et l’un des deux est décédé également.

Notre détention, c’était difficile. La nuit, ils menaçaient de nous tuer et de nous jeter à la mer. Tous les jours, ils buvaient de l’alcool et fumaient de la drogue devant nous, ils recevaient des filles, certaines avaient été enlevées au stade, d’autres étaient des prostituées. Puis ils nous disaient : «Mettez-vous en sardine», c’est-à-dire l’un sur l’autre. Tout le monde, comme dans une boîte de sardines. On devait rester comme ça quelques minutes et ils disaient «encore» alors ceux qui étaient en bas changeaient de place avec ceux qui étaient en haut.

On a dû verser de l’argent pour sortir. Chacun d’entre nous a payé un million de francs. »

Le grand absent

À aucun moment, le président de la junte n’a été vu au stade. Lors de son audition par les juges d’instruction guinéens en février 2013, Moussa Dadis Camara a expliqué s’être couché tard la veille et avoir été informé vers 10 heures que la manifestation était en cours. Alors que, selon ses dires, il comptait « user de la sympathie qu’avait la population à [son] égard pour essayer de la calmer », son entourage l’en aurait dissuadé.

Toujours selon ses déclarations de 2013, Moussa Dadis Camara a appris plusieurs heures plus tard que des massacres étaient en cours et que des manifestants avaient été tués. Il assure avoir été « révolté » et prétend n’avoir jamais donné la moindre instruction.

Un proche du colonel Tiegboro, des services spéciaux de lutte contre la drogue et le grand banditisme, raconte qu’en fin d’après-midi, ce dernier s’est rendu au camp Alpha Yaya. « Le colonel a fait un compte-rendu au chef de l’État vers 16-17 heures. Le président a pleuré. Il est trop sentimental, Dadis. Il a dit : «Et bon Dieu, que faire ?»

Dadis était déjà au courant qu’il y avait un problème mais il ne savait pas quoi. Il était étonné lorsque le colonel lui a dit que des opposants étaient blessés. »

Moussa Dadis Camara s’est aussi peut-être inquiété pour son avenir, comme le laissent entendre les propos qu’il a tenus devant les juges d’instruction en 2015 : « J’étais à mon bureau en larmes. Voyant tout le poids qui pesait sur ma tête. Je me voyais même perdu à cause de ce qui venait d’arriver et de ce que je représente comme autorité morale. »

Moussa Dadis Camara assure avoir été victime d’un complot visant à le décrédibiliser et le destituer, il accuse son ancien aide de camp, Aboubacar Toumba Diakité. Selon lui, Toumba avait trop d’assurance, « il prenait souvent des initiatives sans m’en aviser. »

Lors de son audition par les juges d’instruction en 2015, le chef de la junte a expliqué avoir voulu faire arrêter son aide de camp, Aboubakar Toumba Diakité, mais en avoir été dissuadé par ses collaborateurs. « Je vous signale que c’est lui qui détenait les clefs de la poudrière. À vouloir le tenter, il fallait s’attendre à beaucoup de morts collatéraux. En voulant l’arrêter, il m’aurait achevé. Il était le commandant de régiment de la Garde présidentielle. Il avait à sa disposition les hommes et les armes. Je ne pouvais qu’obéir. »

D’anciens responsables du CNDD racontent exactement l’inverse. Selon eux, plusieurs officiers supérieurs ont tenté d’arrêter le lieutenant Toumba dans les jours suivant le massacre, mais en ont été empêchés par le président qui est ensuite apparu publiquement aux côtés de son aide de camp à l’occasion de la fête de l’indépendance, le 2 octobre, soit quatre jours après les événements.

De plus, la Commission d’enquête des Nations unies souligne dans son rapport : « Le président s’est plaint de son armée indisciplinée. Toutefois, il a également démontré un haut degré de contrôle sur les militaires puisque l’armée régulière a obéi à ses ordres, transmis par l’intermédiaire du chef de l’état-major des armées, de rester dans les casernes toute la journée malgré la gravité des événements qui se déroulaient en ville. »

Une junte divisée

De nombreux anciens membres du CNDD s’accordent à dire que l’atmosphère n’était pas sereine au sein de la junte.

Les membres du CNDD avaient parfois du mal à joindre leur président. « Il n’aimait pas beaucoup le téléphone, se souvient l’ancien ministre Tibou Kamara, devenu ministre d’État et conseiller de l’actuel président Alpha Condé, et on ne travaillait que la nuit. » L’un des religieux ayant tenté de mener une médiation entre l’opposition et le pouvoir se souvient avoir attendu parfois cinq ou six heures avant d’être reçu par Moussa Dadis Camara.

Un ancien responsable de la junte raconte également que les militaires au pouvoir n’étaient pas unis. « Dadis était très populaire au début parce qu’il distribuait des billets de banque. Lorsqu’il était en charge du carburant au sein de l’armée, il n’y a pas un militaire qui n’a pas «mangé» [reçu de l’argent]. Mais trois mois après la prise du pouvoir, on a senti beaucoup de dissensions, la frustration se lisait sur le visage de chacun. » Il ajoute que le président décidait souvent seul. « Il était impulsif. Il pouvait prendre des décisions sans consulter personne. Après, il lui arrivait de les regretter. » Une autre source décrit le chef de l’État comme un homme influençable, « le dernier à le voir avant de dormir emportait la décision. »

Selon un ancien policier, plusieurs officiers éprouvaient également une certaine rancœur personnelle. « Lorsque Dadis est arrivé au pouvoir, il a mis à la retraite 22 généraux et amiraux et les a remplacés par des jeunes qui, à mon avis, ne méritaient pas ces grades. Il les a choisis plutôt par sentiment qu’en raison de leur compétence. » Le raisonnement vaut aussi pour le président lui-même. À son arrivée au pouvoir, Moussa Dadis Camara n’est que capitaine, âgé d’une quarantaine d’années, et certains officiers n’apprécient pas de devoir obéir à un homme d’un grade inférieur au leur.

Ces conflits d’autorité, ajoutés à des ambitions personnelles, ont créé un climat de méfiance entre les responsables militaires.

« C’était la jungle », résume un haut-gradé de l’armée

Pour plusieurs anciens membres de la junte, le CNDD se résumait à Moussa Dadis Camara et son ministre de la Défense, le général Sekouba Konaté.

« Le ministre de la Défense était l’homme de confiance du capitaine Dadis, explique Mamadi Kaba, ancien président de l’Institution nationale indépendante des droits de l’Homme, les deux hommes se connaissaient depuis longtemps et Dadis savait qu’avoir le général à ses côtés renforçait la peur chez ceux qui ne soutenaient pas le régime. Les deux hommes constituaient le socle du système du CNDD. »

Sekouba Konaté était en déplacement en Guinée forestière le 28 septembre 2009. Depuis la France, où il vit aujourd’hui en exil, le général s’est exprimé dans la presse pour accuser le président Dadis d’être le principal responsable.

Le ministre de la Défense a-t-il pu ignorer ce qui se préparait ?

Il est difficile d’établir le rôle qu’il jouait au sein de la junte. D’après certains témoignages, le général Sekouba Konaté était très influent. Selon l’ancien ministre Papa Koly Kourouma, le général était régulièrement consulté et très respecté.

Pour d’autres, le général Sekouba Konaté était peu investi dans les activités du CNDD. Un diplomate français le décrit comme un personnage sans envergure, davantage intéressé par l’argent que par le pouvoir, ce que confirme un ancien membre de la junte.

Les rivalités personnelles sont nombreuses. D’anciens membres du CNDD parlent de tensions entre le colonel Tiegboro, à la tête des services spéciaux anti-drogue, et le lieutenant Toumba, commandant de la garde rapprochée du président. D’autres assurent que Toumba et le ministre de la Défense, Sekouba Konaté, se méfiaient l’un de l’autre, tout comme Toumba et le ministre de la Sécurité présidentielle, Claude Pivi…

Pourtant, Papa Koly Kourouma, ancien ministre de l’Environnement du CNDD, assure qu’il n’y avait aucune position contradictoire affichée. Tibou Kamara, ancien ministre de la Communication de la présidence, affirme également qu’aucun désaccord n’était public.

Malgré ces tensions internes, la Commission d’enquête de l’ONU rappelle que les quartiers généraux de tous les responsables militaires se trouvaient au camp Alpha Yaya, dans un rayon de quelques centaines de mètres. Elle en déduit « qu’il y a des motifs raisonnables de croire à l’existence d’une coordination entre tous les groupes armés impliqués dans l’attaque du stade, y compris les miliciens. »

D’où venaient alors ces miliciens ? Les recrues de Kaleah

De nombreux manifestants disent avoir vu des hommes en civil, équipés d’armes blanches et portant gri-gris et cauris (coquillages utilisés dans les tenues traditionnelle « de protection ») commettre des exactions au stade.

De jeunes opposants à la junte, reçus par l’ambassade des États-Unis quelques semaines avant le massacre, s’inquiétaient déjà d’une éventuelle mobilisation de civils par le régime pour perturber des manifestations. Le résumé de la rencontre figure dans une dépêche diplomatique révélée par Wikileaks. « Ils affirment que le CNDD a envoyé 2 000 jeunes de la région de Guinée forestière [dans le sud-est du pays] à Forecariah [localité du sud-ouest située à 80 km de la capitale] pour y être entraînés et former des escadrons de la mort. » L’ambassade américaine ajoute avoir déjà été avertie de ces recrutements par d’autres sources.

Un militant des droits de l’Homme, contact de longue date et jugé crédible par l’ambassade, alerte lui aussi les diplomates américains, comme en témoigne un document révélé par Wikileaks. Lors d’une rencontre le 10 septembre à l’ambassade, ce militant explique : « Le CNDD prévoit que ces jeunes resteront habillés en civil, mais qu’il les forme à « combattre» d’autres civils. Lorsqu’on lui a demandé des précisions, le contact a déclaré que le CNDD s’attendait à de nouvelles manifestations anti-Dadis, mais ne voulait pas mettre les militaires dans une position où ils pourraient avoir à tirer sur la foule pour maintenir l’ordre. Au lieu de cela, le CNDD veut introduire des «combattants» pro-CNDD dans Conakry pour qu’ils puissent lutter contre les mouvements anti-CNDD qui sont prévus. »

Comme le raconte un ancien membre du CNDD, l’enrôlement a débuté plusieurs mois avant les événements. Des jeunes entraînés à Kaleah expliquent qu’on leur avait promis une intégration dans l’armée, à la fin de leur formation.

« Vous savez, explique l’ancien ministre de la Communication présidentielle Tibou Kamara, lorsqu’un nouveau président arrive au pouvoir, il travaille à sa sécurité et sa protection. Ce n’est pas propre au CNDD. Tous ceux qui viennent recrutent des gens pour la protection du nouveau président. Quand Dadis est arrivé au pouvoir, comme c’était un coup d’État, il n’y avait pas de légitimité démocratique donc le premier réflexe était sécuritaire. Comment se préserver et préserver le régime ?

Donc l’idée de recruter des jeunes pour avoir des fidèles au régime et assurer la protection du président est née et le centre de Kaleah a été ouvert [près de Forecariah]. Pour avoir des gens beaucoup plus sûrs que l’armée dont on avait hérité.»

Selon Aboubakar Toumba Diakité, les tendances communautaristes étaient très fortes au sein de la junte et le président Dadis a demandé aux militaires de son ethnie de recruter des jeunes à Nzérékoré et Macenta, en Guinée forestière.

Mamounan Kpokomou, membre du bureau politique du parti d’opposition UFP (Union pour le progrès de la Guinée), a participé au démantèlement du camp de Kaleah, quelques mois après la chute du régime militaire, en 2010. Il confirme : « Le recrutement avait un caractère sélectif très marqué. Moussa Dadis Camara a recruté uniquement des membres de son ethnie. Tous ceux qui étaient au pouvoir en avaient fait autant. Chaque responsable du CNDD voulait avoir les siens dans les différents corps de l’armée.

Et tenez-vous bien, en plus de leurs parents de la même communauté, ils recrutaient les jeunes contre de l’argent. Dadis est parti faire le recrutement dans les villages qui environnent le sien. Ceux qui sont loin et qui voulaient à tout prix être recrutés ont versé de l’argent. Ca variait entre deux et cinq millions de francs CFA. »

Selon un haut-gradé, Moussa Dadis Camara a recruté 2 000 personnes. Le ministre de la Défense, le général Sekouba Konaté, aurait lui aussi fait appel à des jeunes de sa région d’origine, entre 400 et 800 personnes, selon les sources.

Ils ont été conduits au camp de Kaleah et ont reçu leur entraînement militaire. Plusieurs sources affirment que les formateurs étaient d’anciens militaires israéliens et sud-africains. Un haut-gradé parle également d’instructeurs ukrainiens et affirme qu’ils ont apporté beaucoup d’armes en Guinée.

L’entraînement a duré plusieurs semaines, et selon l’aide de camp Aboubakar Toumba Diakité, « le ministre de la Sécurité présidentielle, Claude Pivi, a fait venir à la Présidence 400 jeunes sous prétexte qu’ils étaient venus faire des démonstrations d’arts martiaux. Ils ont été logés par le président avec pour mission de servir de contre-manifestants à l’occasion de troubles. »

Dans le courrier confidentiel daté du 10 septembre 2009 et rendu public par Wikileaks, l’ambassade américaine à Conakry explique que son contact, militant des droits de l’Homme, s’inquiète justement de voir des miliciens infiltrer les rassemblements de l’opposition : « Selon lui, les membres du CNDD recrutent activement des jeunes pour soutenir Moussa Dadis Camara, le président du CNDD, en particulier à l’intérieur du pays. Il a expliqué être préoccupé par le fait que le CNDD déplace ce qu’il décrit comme des «combattants libériens» de la Guinée forestière vers la capitale. Notant que de nombreux témoins ou participants aux guerres en Sierra Léone et au Libéria vivent en Guinée forestière, le contact a déclaré que ces «combattants» sont en fait des mercenaires aguerris. »

Il n’est pas le seul à évoquer ces combattants libériens. L’opposant Jean-Marie Doré a déclaré avoir été menacé au stade par des membres de l’Ulimo.

Sidya Touré, lui aussi, s’interroge sur la présence au stade d’anciens rebelles libériens : « Je n’avais

pas l’impression que c’était des hommes en armes formés, il n’y avait pas du tout de discipline. Par contre, leurs tenues ressemblaient plutôt à celles de combattants de l’époque de Charles Taylor. Ils étaient habillés n’importe comment et ceux-là avaient l’air plutôt agressifs. »

Un haut-gradé estime probable que des membres de l’ULIMO ou des Libériens aient participé à la répression au stade, mais il nuance : « En Guinée forestière, tout le monde est guinéo-libérien. Tout le monde a participé au conflit [la guerre civile au Libéria]. Les anciens de l’ULIMO étaient confondus avec les militaires. Le 28 septembre 2009, ceux qui étaient cagoulés et habillés comme des rebelles étaient mélangés aux autres. » Selon ce haut-gradé, les anciens rebelles n’ont pas été mobilisés en tant que tels, mais faisaient déjà partie des groupes constitués par chacun des responsables de la junte.

La Commission d’enquête des Nations unies estime que ces hommes ont participé directement aux violences, avec des armes blanches, en coordination avec des groupes de bérets rouges, commandos parachutistes dépendant du ministère de la Sécurité présidentielle, et de gendarmes de Tiegboro, le secrétaire d’État à la présidence chargé des services spéciaux de lutte contre le grand banditisme et la drogue.

Éruption de violences ou répression planifiée ?

La Commission d’enquête de l’ONU estime improbable que ces événements aient été le fruit du hasard ou de débordements non-coordonnés : « La nature des actes révèle un niveau de coordination indiquant une intention d’infliger le plus haut degré de souffrance dans un minimum de temps, le tout facilité par le blocage des sorties, de façon à prendre au piège la population ciblée et à maximiser le nombre de victimes. »

Que les autorités aient été débordées le matin du rassemblement ou que la répression ait été planifiée bien avant le 28 septembre, des instructions ont bien été données. L’armée a reçu l’ordre de se rendre au stade, comme l’a raconté un militaire le 17 octobre 2009, sur Radio France internationale : « C’est la gendarmerie qui était d’abord concernée, mais comme elle ne s’est pas entendue avec les opposants, nous avons reçu l’ordre d’aller mater l’opposition. Nous y sommes allés. J’en faisais partie. Nous ne pouvions pas refuser les ordres à savoir, aller mater les opposants, leur faire comprendre qu’il n’y a qu’une seule autorité en Guinée et leur donner une leçon. »

Impunité

La Commission d’enquête des Nations unies déplore dans son rapport que Moussa Dadis Camara n’ait rien fait pour faire cesser les crimes et rien fait non plus pour punir leurs auteurs. Au contraire, un peu plus d’un mois après le massacre, le chef de l’État a promu tous les sous-officiers de l’armée au grade supérieur, « y compris ceux qui faisaient partie des services ayant participé aux événements du 28 septembre, [ce qui] tend à démontrer que leurs actions ont été commises avec l’accord du président. »

Alors que les condamnations internationales se multiplient, la junte cherche à se maintenir au pouvoir. « Le soir du 28, l’indignation générale s’était étendue au CNDD avec en plus un sentiment de peur, de panique même, se souvient l’ancien ministre Tibou Kamara, ainsi qu’une volonté pour beaucoup de réparer, entre guillemets, ce qui avait été fait. Une volonté désespérée de rattraper.

Parce qu’à partir de là, tout le monde s’est posé des questions sur son avenir personnel et sur le régime. Chacun a compris que quelque chose d’extrêmement grave s’était produit. La question de la survie du régime se posait. On a vu les premières divisions, il y a eu vraiment des tensions. Il ne pouvait plus y avoir d’unanimité ou de soutien aveugle. »

Les jours suivants sont confus. Le président de la junte donne plusieurs versions des événements : le lendemain du massacre, dans une interview accordée à Radio France internationale, il parle de bousculades, d’accrochages et laisse entendre que les manifestants auraient pu tirer sur les forces de l’ordre. Il parle ensuite de menace terroriste avant d’imputer la responsabilité de ce qui s’est passé à son aide de camp, Toumba.

Dès que les violences se sont calmées le 28 septembre, les autorités ont cherché à minimiser les événements et effacer les preuves éventuelles. Tous les lieux dans lesquels des violences avaient été commises ont été placés sous contrôle militaire et interdits d’accès. Deux jours après les événements, le stade a commencé à être repeint.

« Les raisons qui ont poussé les autorités guinéennes à intervenir sur ce qui constituait une scène de crime, conclut la Commission d’enquête de l’ONU, ne peuvent s’expliquer que par une volonté d’empêcher l’exploitation des éléments matériels qui pouvaient s’opposer à la thèse des autorités. » Les enquêteurs de l’ONU notent également que « le personnel de l’hôpital Donka [où a été conduite la majorité des victimes] était terrifié à l’idée de communiquer des informations, plusieurs personnes disaient qu’elles avaient reçu la consigne de ne pas parler.» Un silence toujours de mise aujourd’hui.

Moussa Dadis Camara se défend d’avoir voulu couvrir les faits, pour preuve sa décision de faire appel aux Nations unies et d’ordonner la mise en place d’une Commission d’enquête nationale.

Le président a fait part de son intention de créer cette Commission dès le 1er octobre, mais la mise en place a pris plusieurs semaines et, dans l’intervalle, les attributions de la Commission ont été revues. Contrairement à ce qui était prévu, elle ne disposait pas de pouvoirs judiciaires, donc des pouvoirs d’instruction, et ses membres ont été nommés par décret présidentiel.

Dans son rapport, rendu en janvier 2010, la Commission reconnaît que « le contexte de crise a jeté la suspicion et la méfiance quant à sa crédibilité » et admet ne pas avoir pu interroger le président Moussa Dadis Camara et son aide de camp, Aboubakar Toumba Diakité, « qui figuraient pourtant au programme de la CNEI (Commission nationale d’enquête indépendante). »

Le bilan de la Commission nationale fait état de 63 morts, un chiffre bien inférieur à celui établi par les Nations unies qui parlent de 157 victimes.

« La violence est une culture politique dans notre pays », explique Tibou Kamara, ex-ministre du CNDD et aujourd’hui conseiller du président Alpha Condé. Mais cette violence n’est jamais punie.

Aujourd’hui, les victimes vivent toujours dans la peur, beaucoup d’entre elles préfèrent rester anonymes. Les militaires, eux, n’ont pas été inquiétés.

Après huit longues années d’attente, la justice guinéenne a enfin clôt l’instruction. Douze personnes ont été formellement inculpées par la justice guinéenne, dont Moussa Dadis Camara, son ancien aide de camp Toumba ou le colonel Tiegboro. Hormis l’ancien président, qui vit aujourd’hui en exil au Burkina-Faso, et le lieutenant Aboubakar Toumba Diakité, détenu à la prison centrale de Conakry, les autres inculpés vivent en Guinée, libres. En attendant l’ouverture du procès, sans cesse retardée, certains anciens membres du CNDD, comme le colonel Tiegboro ou Claude Pivi, occupent toujours des fonctions officielles.

« Peut-être que les militaires n’ont pas peur des sanctions, s’interroge Aissatou, violée au stade le 28 septembre 2009. Ils sont libres de faire ce qu’ils veulent. »

Extrait: memoire-collective-guinee.org





Guinée : dix ans après le massacre de Conakry, l’ONU réclame un procès

“La paix et la réconciliation durables ne seront pas atteintes tant que justice et responsabilité ne seront pas maintenues” a déclaré la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Michelle Bachelet Jeria aux autorités guinéennes en évoquant l’attaque perpétrée par l’armée le 28 septembre 2009, dans un stade de Conakry.

La Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Michelle Bachelet Jeria a appelé samedi les autorités guinéennes à “accélérer” l’organisation du procès des auteurs du massacre d’opposants lors d’une attaque perpétrée par l’armée il y a dix ans dans un stade de Conakry.

“L’impunité règne depuis trop longtemps en Guinée et empêche les cicatrices des victimes de guérir. La paix et la réconciliation durables ne seront pas atteintes tant que justice et responsabilité ne seront pas maintenues”, a déclaré Michelle Bachelet dans un communiqué. Le 28 septembre 2009, les forces de défense et de sécurité et des militaires avaient battu, poignardé et tué par balles des opposants au régime militaire, rassemblés dans le plus grand stade de Conakry pour réclamer que le président autoproclamé depuis décembre 2008, Moussa Dadis Camara, ne se présente pas à la prochaine élection présidentielle. L’instruction sur le massacre est clôturée depuis fin 2017, mais la date du procès n’a toujours pas été fixée.

“Au moins 156 morts et disparus, dont un certain nombre de femmes décédées des suites de violentes agressions sexuelles”

Une Commission d’enquête internationale nommée par l’ONU a établi en décembre 2009 que l’attaque “a fait au moins 156 morts et disparus, dont un certain nombre de femmes décédées des suites de violentes agressions sexuelles”, a rappelé le Haut-Commissariat dans un communiqué. Ce rapport a accablé les autorités de l’époque, expliquant qu’elles ont modifié les lieux du crime. Des détenus ont par ailleurs été torturés, au moins 109 filles et femmes ont été victimes de violences sexuelles et des cadavres ont été enterrés dans des fosses communes. La Commission a également conclu que ce massacre constitue un “crime contre l’humanité”, et a conclu à la responsabilité pénale individuelle de plusieurs responsables guinéens, dont Moussa Dadis Camara.

Des “fonctionnaires mis en accusation et toujours en poste”

“Bien que la Commission d’enquête ait recommandé il y a près de dix ans aux autorités guinéennes de poursuivre les responsables et d’indemniser les victimes, peu de progrès tangibles ont été enregistrés jusqu’à présent”, a déploré Michelle Bachelet, appelant les autorités à “accélérer l’organisation du procès”. “Ces procédures judiciaires tant attendues – si et quand elles auront réellement lieu – devraient garantir la responsabilité à la fois dans l’intérêt des victimes et renforcer l’état de droit dans l’ensemble du pays”, a-t-elle souhaité. La Haut-Commissaire a souligné que les efforts pour engager des poursuites et organiser une procédure judiciaire “ont été extrêmement lents et n’ont pas abouti à un procès ni à des condamnations réelles des responsables”.

“Il est particulièrement préoccupant qu’un certain nombre de hauts fonctionnaires mis en accusation soient toujours en poste et ne soient pas encore traduits en justice”, a-t-elle conclu.

Le gouvernement “déterminé” à organiser un procès

Vendredi, la veille des 10 ans du massacre, le Premier ministre guinéen, Ibrahima Kassory Fofana, a affirmé vendredi soir sur la télévision publique vouloir “rassurer les victimes de la détermination du gouvernement à œuvrer pour la manifestation de la vérité”.

“Tous les présumés auteurs desdites exactions, quels que soient leur appartenance politique, leur titre, leur rang ou leur grade, devront répondre de leurs actes devant la justice de notre pays”, a-t-il assuré. “Ce procès sera, et nous nous y engageons fermement, une occasion de rendre justice aux victimes, de relever concrètement le défi contre l’impunité” en Guinée. Les autorités vont “créer les conditions matérielles, logistiques, techniques et sécuritaires pour la tenue effective de ce procès dans l’enceinte de la Cour d’Appel de Conakry, a ajouté le chef de gouvernement guinéen.

europe1

 




SCAN : « Nous sommes gênés d’être gérés depuis 9 ans par une constitution qui n’a aucune forme de légitimité [ ]» Aboubacar Sylla


Aboubacar Sylla, président de l’Union des forces du changement (UFC), ministre des Transports (septembre 2019)

« Nous sommes gênés d’être gérés depuis 9 ans par une constitution qui n’a aucune forme de légitimité, qui n’est pas l’émanation du peuple de Guinée »

« Il est donc important que ces personnes se mettent d’accord sur les principes, sur les règles, sur les institutions qui les gèrent. Ce qui n’est pas le cas pour la constitution actuelle »

« il faut donc la remettre à jour.  C’est ça l’exercice que nous avons proposé au premier ministre et à son équipe. Il s’agit de changer de constitution pour prendre un nouveau départ. »

Lire la source Ledjely


Bah Oury, président de l’Union pour le Développement et la Démocratie (UDD) (septembre 2019)

« Il est de notre responsabilité de faire en sorte que ceux qui détiennent une parcelle d’autorité n’outrepassent pas leurs prérogatives jusqu’à mettre en danger la sécurité des citoyens. Malheureusement, cette mentalité est présente dans les esprits des dirigeants de toutes tendances (…). Avant le massacre du 28 septembre 2009, il y avait un autre aussi mémorable, celui de 22 janvier 2007 »

Lire la source Guineenews


Mamadou Lamine Fofana, ministre de la justice (septembre 2019)

Sur les conditions pour la tenue du procès du massacre du 28 septembre 2009, 10 ans.

« C’est la réalisation du lieu de la tenue du procès. Et je vous ai rappelé que les salles d’audience de Conakry ne permettent pas la tenue de ce procès. A plus forte raison, si on envoyait ailleurs. Donc il va falloir mettre en place une salle d’audience digne de ce nom, qui va abriter ce procès. La deuxième condition, je vous ai dit que c’est la préparation psychotechnique du personnel judiciaire, pas des magistrats seulement, mais de l’ensemble du personnel qui seront chargés de conduire ce procès. Ils sont nombreux, il y a les magistrats, les greffiers, les huissiers, le personnel de sécurité, la communication. Il faut prendre compte de tout cela. Tout cela va être évalué, budgétisé ».

Lire la source Mediaguinee


Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo





Massacre du 28 septembre 2009 : la France, les Etats-Unis et l’Union européenne appellent à « la tenue d’un procès sans tarder »

Communiqué conjoint

A l’occasion du dixième anniversaire de ce jour tragique, les Ambassades des Etats-Unis, de France et la Délégation de l’Union Européenne expriment leurs condoléances les plus sincères aux victimes du massacre du stade du 28 septembre 2009 ainsi qu’à leurs familles.

Nous soulignons l’importance de la tenue d’un procès sans plus tarder, afin que les auteurs présumés de ces crimes puissent répondre dans les plus brefs délais de leurs actes devant la justice.

Nous réitérons notre engagement à coopérer étroitement avec les autorités et la justice guinéennes en vue de garantir l’organisation d’un procès transparent et équitable.

 

Lire aussi Guinée : Dix ans après le massacre du stade, la justice n’a toujours pas été rendue

 




TWITTOS #224 : Alpha Condé et son référendum / Massacre du 28 septembre 10 ans après

Résumé de l’actualité guinéenne sur Twitter

Alpha Condé et son référendum

Massacre du 28 septembre 10 ans après




Guinée : Dix ans après le massacre du stade, la justice n’a toujours pas été rendue

Les familles des victimes du massacre commis en septembre 2009 par les forces de sécurité guinéennes, qui ont tué plus de 150 personnes manifestant dans un stade de la capitale, Conakry, attendent toujours qu’on leur rende justice dix ans plus tard, ont déclaré aujourd’hui six organisations de défense des droits humains. Pour marquer le dixième anniversaire du massacre, les organisations ont diffusé une vidéo dans laquelle des victimes demandent l’ouverture du procès.

Des centaines de personnes ont été blessées et plus d’une centaine de femmes ont été victimes de viol et d’autres formes de violences sexuelles lors de ce déferlement de violence qui a démarré le 28 septembre 2009 et s’est étalé sur plusieurs jours.

Les six organisations sont l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 (AVIPA), l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH), Les Mêmes droits pour tous (MDT), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Amnesty International et Human Rights Watch.

« Une décennie s’est écoulée depuis le massacre du stade de Conakry, mais pour ceux qui ont perdu leur fils, fille, père ou mère, l’horreur de ce jour reste à jamais gravée dans leur mémoire », a déclaré Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA. « Dix ans, c’est trop long lorsqu’on a soif de justice. Nous avons droit à ce que les responsables de ces atrocités rendent des comptes. »

Peu avant midi, le 28 septembre 2009, plusieurs centaines d’agents des forces de sécurité guinéennes ont ouvert le feu sur des dizaines de milliers de personnes rassemblées pacifiquement dans le stade pour protester contre l’intention de Moussa Dadis Camara, alors chef de la junte au pouvoir, de se présenter à l’élection présidentielle. Les forces de sécurité ont également violé des femmes, individuellement ou collectivement, y compris au moyen d’objets tels que des matraques ou des baïonnettes.

Les forces de sécurité se sont ensuite attelées à une opération organisée de dissimulation, dans le but de cacher l’ampleur des tueries, en bouclant tous les accès au stade et aux morgues et en emportant les corps pour les enterrer dans des fosses communes, dont beaucoup doivent encore être identifiées.

L’enquête menée par des juges d’instruction guinéens, ouverte en février 2010 et bouclée fin 2017, a progressé lentement en raison d’obstacles politiques, financiers et logistiques. Mais dans un pays où les crimes impliquant les forces de sécurité restent largement impunis, sa clôture a envoyé un signal fort et levé les espoirs que l’ouverture d’un procès qui pourraient rendre justice aux victimes serait proche.

En avril 2018, l’ancien ministre de la Justice Cheick Sako a mis en place un comité de pilotage chargé d’organiser le procès sur le plan pratique. Ce comité a décidé qu’il se tiendrait à la Cour d’appel de Conakry.

Pourtant, presque deux ans après la clôture de l’enquête, la date du procès n’est toujours pas fixée. Alors que le comité de pilotage est censé se réunir chaque semaine, il ne le fait que par intermittence.

Même si en juillet la Cour suprême guinéenne a écarté tous les recours judiciaires liés à la clôture de l’instruction, les juges qui présideront le tribunal n’ont toujours pas été désignés.

Certains survivants sont décédés pendant que l’affaire continue de traîner en longueur. Un résumé chronologique des événements peut être consulté ici.

Les victimes expliquent dans la vidéo en quoi obtenir justice pour ces crimes est si importante pour elles :

« Depuis ce jour, nous pleurons et nous voudrions pouvoir sécher nos larmes, nous espérons obtenir justice. »

« Je demande encore au président de la République de penser à nous, les victimes du 28 septembre. »

« La proclamation de la date, c’est ce qui est très important. On dit à partir de tel jour, tel mois, le procès va commencer. À partir de cet instant, ça va nous donner beaucoup d’espoir d’aller [vers] le procès. »

Plus de 13 suspects ont été inculpés, dont Dadis Camara, l’ancien chef de la junte appelée Conseil national pour la démocratie et le développement, qui gouvernait la Guinée en septembre 2009, ainsi que son vice-président, Mamadouba Toto Camara. Plusieurs individus inculpés de charges liées aux homicides et aux viols occupent toujours des postes d’influence, y compris Moussa Tiégboro Camara, Secrétaire général chargé des Services spéciaux de lutte contre le grand banditisme et les crimes organisés.

L’aide de camp de Dadis Camara, Abubakar « Toumba » Diakité, a également été inculpé. Il a été extradé vers la Guinée en mars 2017, après plus de cinq ans de cavale. Quatre autres individus sont en détention à la Maison Centrale de Conakry, respectivement depuis 2010, 2011, 2013 et 2015 dans le cadre de l’affaire du 28 septembre. Leur détention provisoire est illégale dans la mesure où elle excède la durée maximale prévue par la loi guinéenne, soit 18 à 24 mois en matière criminelle, en fonction du chef d’inculpation. Ils doivent pouvoir être jugés de façon équitable dans les plus délais.

Le 14 août 2019, lors d’une réunion du comité de pilotage, Mohammed Lamine Fofana, le nouveau ministre de la Justice, a réitéré l’engagement du président Alpha Condé vis-à-vis du procès et promis que des « préparations concrètes » commenceraient immédiatement.

Le gouvernement et les partenaires internationaux de la Guinée, notamment l’Union européenne et les États-Unis, ont déjà mis de côté des fonds essentiels pour que le procès puisse avoir lieu.

« La date du procès doit être fixée et des juges nommés pour juger l’affaire », a déclaré Frédéric Foromo Loua, président de MDT. « Par ailleurs le comité de pilotage devrait répondre aux éventuels besoins en suspens en matière de bâtiments et organiser les procédures de logistique et de sécurité en vue du procès. Enfin il faudrait prendre les mesures adéquates pour assurer la participation de Dadis Camara, qui est actuellement en exil au Burkina Faso ».

La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête préliminaire sur la situation en Guinée en octobre 2009. La CPI agissant comme un tribunal de dernier recours, elle ne prendrait le relais que si les juridictions nationales ne peuvent pas, ou ne veulent pas, instruire et juger les affaires pour lesquelles elles sont compétentes.

« Le procès du 28 septembre 2009 nécessite un appui politique au plus haut niveau afin de démarrer », a conclu Abdoul Gadiry Diallo, président de l’OGDH. « Le président Condé a affirmé auparavant son engagement à mettre fin à l’impunité. Le président doit agir en faveur des victimes en appuyant sans équivoque l’ouverture du procès et le ministre de la Justice doit s’assurer qu’il s’ouvre dans les plus brefs délais. »

Source : communiqué FIDH




Situation des enfants en conflit avec la loi en Guinée


Lois #224


Dans un rapport publié en 2015, l’UNICEF présente une analyse de situation des enfants en Guinée. Cette Analyse de Situation des Enfants est un rapport d’information sur le pays d’origine qui fournit des informations sur les conditions de vie en Guinée. Nous republions ici un extrait concernant les enfants en conflit avec la loi.


L’article 345 du Code de l’enfant[1] dispose qu’en aucune circonstance, la peine capitale ou l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne seront prononcés pour des infractions commises par des enfants âgés de moins de 18 ans au moment des faits.

Le CRC (Committee on the Rights of the Child) [2] déclare en 2013: ‘Le Comité accueille favorablement la création d’un tribunal pour mineurs à Conakry et l’organisation de formations à l’administration de la justice pour mineurs dans tous les tribunaux de première instance, mais il constate avec préoccupation que:

a) En dehors de la capitale, les tribunaux, de même que les juges, les procureurs et les professionnels, ne sont pas spécialisés;

b) La privation de liberté est la peine la plus courante pour les enfants en conflit avec la loi, y compris pour des enfants âgés de 13 ans à peine;

c) Les enfants sont placés en détention provisoire pendant de longues périodes jusqu’à ce que la cour d’assises puisse examiner leur cas; que les procès ont lieu en audience publique et que les enfants sont rarement représentés en justice, en raison de la pénurie d’avocats;

d) Les enfants sont détenus avec des adultes et que le nombre d’établissements de détention pour mineurs est insuffisant;

e) Beaucoup d’enfants en conflit avec la loi sont incarcérés pour des infractions mineures, sans que leurs parents soient informés de leur détention;

f) Les enfants ne s’expriment pas librement pendant les interrogatoires de police ou les auditions; leurs aveux sont parfois obtenus par la torture.’

Le gouvernement guinéen[3] indique en 2011 que, hormis les maisons centrales[4] de Conakry, Kindia et N’Zérékoré, les lieux de détention sont dépourvus de quartier pour mineurs. Les enfants partagent la même cour que les adultes. Le 24 juillet 2014, Sabou Guinée a décompté 105 mineurs dont 9 filles en détention à la maison centrale de Conakry. Parmi les mineurs, seuls 23 ont été condamnés tandis que les autres se trouvent en détention préventive. Ils sont principalement poursuivis pour vol (47), vol à main armée (10), viol (2), coups et blessures (4), abus de confiance (1), bagarre (1), incendie volontaire (1), vagabondage (7), assassinat (8), fétichisme (1). Sabou Guinée a constaté que les enfants de sexe féminin et masculin sont logés séparément mais que les enfants ne sont pas séparés des adultes. Des mineurs sont détenus en dehors du quartier des mineurs. C’est le cas des toutes les filles mineures. Le gouvernement guinéen[5] signalait en 2011 que dans la prison de Siguiri aussi, les mineurs ne sont pas séparés des adultes.


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Le Code de l’enfant[6] dispose que les enfants de 10 à 13 ans ne peuvent faire l’objet que de mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation prévues par la Loi. (art. 339 alinéa 4); l’enfant de 13 à 18 ans ne peut être détenu provisoirement dans une Maison d’arrêt par le juge d’instruction qu’en dernier ressort et s’il estime impossible de prendre toute autre disposition (art. 341 al 1); Si la prévention est établie, le tribunal prend une des mesures suivantes: 1) remise de l’enfant à sa famille; 2) placement jusqu’à l’âge de 18 ans soit chez une personne digne de confiance, soit dans un centre de rééducation approprié (art. 343 al .3); lorsqu’un enfant de 13 à 18 ans est prévenu d’un délit: le Tribunal pour enfants pourra toujours prononcer soit une mesure éducative, soit un travail d’intérêt général. Les articles 328 à 337 du Code de l’enfant[7] portent sur la médiation qui a pour objectif d’arrêter les effets des poursuites pénales, d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction et de contribuer au reclassement de l’auteur de l’infraction.

Selon plusieurs sources[8], dans la pratique, les mineurs en conflit avec la loi ne peuvent pas bénéficier d’alternatives à la détention dans les conditions prévues par la loi car il n’y a ni médiateurs préfectoraux, ni centres surveillés pour mineurs délinquants, ni dispositifs de travail d’intérêt général.

Parmi toutes les sources consultées dans le cadre du présent rapport, aucune information sur l’existence de groupes spécifiques surreprésentés dans le système de justice pour mineurs n’a pu être trouvée.

Des entretiens réalisés dans le cadre du présent rapport[9] indiquent que dans les communautés, les personnes qui ont été détenues en prison sont parfois marginalisées et parfois rejetées après leur libération.


NOTES

[1] Code de l’Enfant Guinéen – LOI L/2008/011/AN DU 19 AOUT 2008 [https://sites.google.com/site/guineejuristes/CODEENFANTGUINEEN.pdf (consulté le 10 janvier 2015)].

[2] Comité des Droits de l’Enfant (CRC) Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de la Guinée adoptées par le Comité des droits de l’enfant à sa soixante – deuxième session (14 janvier-1er février 2013).

[3] Comité Guinéen de Suivi de la Protection des Droits de l’Enfant (CG/SPDE) Rapport initial sur l’application de la charte africaine des droits et du bien- être De l’enfant (cadbe) (décembre 2011).

[4] Il y a deux types de prisons en Guinée : les maisons centrales au niveau des régions et les prisons civiles au niveau préfectoral.

[5] Comité Guinéen de Suivi de la Protection des Droits de l’Enfant (CG/SPDE) Rapport initial sur l’application de la charte africaine des droits et du bien- être De l’enfant (cadbe) (décembre 2011).

[6] Code de l’Enfant Guinéen – LOI L/2008/011/AN DU 19 AOUT 2008 [https://sites.google.com/site/guineejuristes/CODEENFANTGUINEEN.pdf (consulté le 10 janvier 2015)].

[7] Code de l’Enfant Guinéen – LOI L/2008/011/AN DU 19 AOUT 2008 [https://sites.google.com/site/guineejuristes/CODEENFANTGUINEEN.pdf (consulté le 10 janvier 2015)].

[8] Comité Guinéen de Suivi de la Protection des Droits de l’Enfant (CG/SPDE) Rapport initial sur l’application de la charte africaine des droits et du bien-être De l’enfant (cadbe) (décembre 2011); Chargé de promotion des Droits de l’Homme au Bureau de l’HCDH –Guinée, entretien du 2 août 2014.

[9] Responsable de l’antenne de Sabou Guinée à Labé, entretien du 5 août 2014; Chargé de promotion des Droits de l’Homme au Bureau de l’HCDH –Guinée, entretien du 2 août 2014.


Lire le rapport complet: Analyse de Situation des Enfants en Guinée