RSF demande la libération du journaliste guinéen Amadou Diouldé Diallo


Politique


Inculpé pour “offense au chef de l’Etat”, un journaliste de la Radio télévision guinéenne (RTG) est emprisonné depuis plus de deux semaines alors que la Guinée a dépénalisé les délits de presse. Reporters sans frontières (RSF) demande sa libération immédiate et sans condition et exhorte les autorités à mettre fin aux emprisonnements arbitraires de journalistes.

Le journaliste sportif de la RTGAmadou Diouldé Diallo, reste en prison. La Cour d’appel de Conakry a refusé le 10 mars dernier sa demande de libération conditionnelle. Interpellé sans convocation préalable, le samedi 27 février, à la suite de son passage dans l’émission “L’œil du Lynx” de la radio privée Lynx FM où il s’était exprimé sur le président Alpha Condé et les violences ethniques dans le pays, le journaliste qui est détenu depuis le 1er mars, est inculpé pour “offense au chef de l’Etat”. En mauvaise santé, il a dû être évacué le lendemain de son incarcération dans un hôpital de Conakry.

Contactés par RSF, deux de ses avocats, Alseny Aïssata Diallo et Mohamed Traoré, ont dénoncé une violation de la loi sur les médias, insistant sur le fait que les délits de presse sont dépénalisés dans le pays et ne doivent ainsi pas donner lieu à un emprisonnement. Il ont également annoncé avoir introduit une nouvelle demande de mise en liberté, qui est en cours d’examen.

Rien ne peut justifier le maintien en détention de ce journaliste, dont nous demandons la libération immédiate et sans condition, déclare le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF, Assane Diagne. Les délits de presse étant dépénalisés depuis 2010, l’incarcération de Amadou Diouldé Diallo est illégale et témoigne de la volonté des autorités guinéennes de censurer les voix discordantes. Nous les exhortons à se conformer au respect des dispositions de la loi sur les médias et à libérer ce journaliste qui est actuellement en mauvaise santé.”

En Guinée, les journalistes sont régulièrement arrêtés ou gardés à vue en raison de leur travail. Le mois dernier, le journaliste sportif Ibrahima Sadio Bah a été condamné à six mois de prison ferme et à payer une amende de 500 000 francs guinéens (environ 40 euros) pour ‘’diffamation, injures publiques et dénonciation calomnieuse’’ à l’encontre du président de la Fédération guinéenne de football (FEGUIFOOT), Mamadou Antonio Souaré.

En janvier dernier, la condamnation sur la base du code pénal de trois journalistes de la radio Nostalgie, avait suscité de vives réactions poussant le ministre de la Justice à instruire le parquet de faire une déclaration d’appel contre la décision.

La Guinée occupe la 110e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.

RSF 17 mars 2021





Journalistes condamnés: «stupéfaction» et «indignation» dans la presse privée guinéenne


Déclaration


Les Associations professionnelles de la presse privée guinéenne (URTELGUI, AGUIPEL, AGEPI, REMIGUI, APAC-Guinée, SPPG, UPF, UPLG), ont, avec stupéfaction et indignation, pris connaissance de la condamnation pour diffamation, par le TPI de Kaloum, ce mercredi, 13 janvier 2021, de trois journalistes de la Radio Nostalgie Guinée, à ‘’deux mois de prison assortie de sursis et à une amende de 500 000 GNF, chacun’’. Il s’ agit de :

1- Thierno Madjou BAH

2- Ibrahim Sory Lincoln Soumah

3- Sidi Diallo.

Nous, Associations de presse, au nom de l’ensemble de notre corporation, rejetons fermement et catégoriquement, ce procès et ce verdict qui ont curieusement eu pour base et fondement le Code pénal, le code de procédure pénale et la L002.

Nous rappelons que le délit de diffamation reproché à ces trois journalistes, ne doit être examiné et sanctionné qu’au visa de la seule loi 002, portant Liberté de presse en Guinée.

Par conséquent, l’URTELGUI, l’AGUIPEL, l’AGEPI, le REMIGUI, l’APAC-Guinée, le SPPG, UPF, UPLG exigent l’annulation de ce verdict très mal à propos, qui rappelle d’ailleurs, les épreuves vécues ces dernières années par la presse guinéenne, dans des affaires judicaires antérieures, ayant fait l’objet d’un traitement attentatoire à la liberté des journalistes en Guinée.

Les Associations de la presse guinéenne expriment leur totale solidarité et leur soutien résolu aux trois journalistes dont elles saluent en même temps, le civisme tout au long de ce curieux procès de plus de 2 ans.

En fin, les Associations de presse se tiennent aux côtés des Avocats de nos trois confrères, pour obtenir l’annulation de ladite condamnation et, elles se réservent le droit d’entreprendre toute action légale visant à dénoncer ce verdict liberticide.


Signataires

URTELGUI

AGUIPEL

AGEPI

REMIGUI

APAC-Guinée

SPPG

UPF

UPLG





« Non, vous n’avez pas le droit ! » : des journalistes écrivent au président Alpha Condé [Par Bachir Sylla et Nouhou Baldé]


Monsieur le Président de la République, Professeur Alpha Condé

Au regard de la situation de crise sociopolitique qui prévaut dans notre
très cher pays, il nous a paru opportun, en tant que journalistes et citoyens
guinéens à part entière, d’utiliser cette forme populaire de lettre ouverte
pour nous adresser à vous, Excellence Monsieur le Président de la République.

En le faisant ainsi, nous espérons tout simplement contribuer à notre
manière à vous montrer la porte de sortie honorable qu’on voudrait vous voir
emprunter à l’orée de la fin de votre dernier mandat constitutionnel à la tête
de notre cher et beau pays. Nous estimons qu’en tant qu’ancien opposant
historique, vous n’avez pas le droit de sacrifier votre long combat pour
l’instauration de la démocratie et l’Etat de droit en Guinée.

– Vous n’avez pas le droit de renier votre passé et de décevoir vos anciens
camarades de lutte depuis les bancs de l’école jusqu’à votre élection à la tête
de la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France) que vous aimez
à présenter comme votre plus grande réussite durant votre parcours
universitaire.

– Vous n’avez pas le droit de donner tort à ceux qui ont cru en vous depuis
toujours pour incarner les idéaux de paix, de justice et d’équité dans notre
pays qui n’a que trop souffert des régimes autocratiques depuis son
indépendance, le 02 octobre 1958.

– Vous n’avez pas le droit de donner raison aux anciens dictateurs : Ahmed Sékou Touré et Général Lansana Conté, qui vous ont fait condamner (respectivement à mort par contumace et à cinq ans de prison ferme) parce qu’ils voyaient en vous un assoiffé de pouvoir, guidé par ses intérêts personnels.

– Vous n’avez pas le droit de trahir la mémoire de vos anciens compagnons de
la CODEM (Coordination de l’opposition démocratique), du FRAD (Front pour
l’alternance démocratique) et des Forces vives de la nation dont les plus
illustres ne sont plus de ce monde : Bâ Mamadou, Siradiou Diallo, Professeur
Alfa Sow, Ahmed Tidjani Cissé, Jean Marie Doré, Charles Pascal Tolno… Avec eux,
vous vendiez l’idée d’une Guinée libre et prospère une fois que vous seriez
arrivés aux affaires. Nous (coauteurs de cette lettre) étions là, en tant que
journalistes (historiens du présent) pour le témoigner.

– Vous n’avez pas le droit de briser le rêve de millions de jeunes et de femmes d’ici et d’ailleurs qui vous avaient porté dans leurs cœurs sans jamais vous avoir vu à l’œuvre avant votre avènement à Sékhoutouréya.

– Vous n’avez pas le droit de démériter votre titre de premier président
démocratiquement élu de la Guinée qu’on vous affuble.

– Vous n’avez pas le droit de plonger notre nation dans l’incertitude et le
chaos, en engageant la Guinée dans un tripatouillage constitutionnel ! Même si
l’objectif était d’aider et de protéger la Guinée et les futures générations de
ce pays, vous vous êtes déjà très mal pris et ne réussirez pas anéantir toutes
les forces sociopolitiques qui défendent la Constitution actuelle.

– Vous n’avez pas le droit de refuser à notre chère Guinée que son premier président démocratiquement élu organise des élections dans la paix et la quiétude pour passer la main à un autre président tout aussi démocratiquement élu.

– Vous n’avez pas le droit d’être insensible à l’assassinat d’au moins 25
Guinéens depuis le début des manifestations contre votre hypothétique projet de
nouvelle constitution.

– Vous n’avez pas le droit d’ignorer les sages conseils de feu Kèlèfa Sall,
le très respecté ex président de la Cour Constitutionnelle qui, en recevant
votre serment pour votre second mandat en cours vous demandait humblement «
d’éviter les chemins interdits en démocratie » pour ne pas « succomber aux
mélodies des sirènes révisionnistes ».

– Vous n’avez pas le droit de minimiser les cadres de votre parti, le RPG,
et la coalition arc-en-ciel qui vous ont aidé à gagner- sur le fil- la
présidentielle de 2010 et à rempiler 5 ans plus tard, au point de ne pas avoir
un présidentiable parmi eux.

– Vous n’avez pas le droit d’empêcher les jeunes cadres et les enfants des
martyrs du RPG de jouir (même sans vous) des privilèges du pouvoir, en refusant
de vous faire remplacer par un d’entre eux à la tête du parti et aussi du pays.

– Vous n’avez pas le droit de fouler au pied votre panafricanisme affiché et vos discours qui revendiquent la rupture d’avec les pratiques rétrogrades qui ont miné notre pays.

– Vous n’avez pas le droit de faire regretter à des activistes des droits
humains et à des artistes comme Tiken Jah Fakoly dont la chanson « Libérez
Alpha Condé » défie le temps et l’espace pour s’imposer comme un hymne à la
liberté qu’on pourrait dédier à tout détenu politique.

– Vous n’avez pas le droit de sortir par la petite porte comme vos anciens
homologues : Laurent Gbagbo, Blaise Compaoré, Omar El Béchir et autres Yaya
Jammeh que vous avez aidé à exfiltrer de Banjul, grâce aux bons offices de
votre ministre conseiller, Tibou Kamara, pendant que les forces de la CEDEAO
menaçaient de frapper le cœur du pouvoir gambien.

– Vous n’avez pas le droit de denier aux 12 millions de Guinéens la possibilité
de vous trouver un remplaçant, à la fin de votre dernier mandat, en 2020. «
J’ai beau chercher, je ne trouve aucun argument qui justifierait que je me
sente irremplaçable… », disait votre homologue nigérien, Mahamadou Issoufou,
avant de s’interroger : « Nous sommes 22 millions de Nigériens, pourquoi
aurais-je l’arrogance de croire que nul ne peut me remplacer ? ».

– Vous n’avez pas le droit de ne pas vous inspirer des cas de Nicéphore
Soglo (ancien président Bénin) et de Goodluck Jonathan (ancien président du
Nigéria), actuellement déployés à Conakry pour une mission de bons offices par
le National Democratic Institute et la Fondation Koffi Anan. Le choix de ces
deux anciens présidents qui ont volontairement quitté le pouvoir à la fin de
leurs mandats constitutionnels n’a rien de fortuit. Il vise notamment à vous
démontrer, personnellement, qu’il y a une vie après la présidence.

Monsieur le président, votre silence assourdissant dans le débat que vous imposez à la Guinée, au-delà des morts et des pertes économiques, rétrécit chaque jour davantage le boulevard d’une sortie honorable qui marquerait les générations futures.

Pourtant, parmi les dates les plus symboliques de votre histoire, votre fin
de règne occupera une place de choix. Des Guinéens presqu’anonymes il y a
quelques mois sont devenus des héros de la République pour simplement avoir
subi ce qu’une bonne partie de l’opinion publique estime être des effets
pervers d’une justice aux ordres.

Espérant n’avoir heurté ni votre sensibilité ni commis un péché de
lèse-majesté, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la
République, l’expression de notre haute considération.

Conakry, le 11 décembre 2019


Bachir Sylla Administrateur du site Guinee-eco.info
Nouhou Baldé Administrateur Général du site Guineematin.com

Cet article est republié à partir de guineematin.com. Lire l’article original