[Révélations] Françafrique: Parfum de corruption en Guinée


Un projet français capable de séduire des pontes du CAC 40 pour exploiter une mine de bauxite en Guinée tourne au vinaigre : entre paradis fiscaux et corruption, dictature tropicale et néocolonialisme, récit d’un incroyable scandale, au cœur d’une Françafrique qui ne veut pas mourir.

  • En 2013, un jeune entrepreneur français, Romain Girbal, acquiert de manière douteuse un permis d’exploitation d’un gisement de bauxite en Guinée.   
  • En 2015, Girbal crée en France l’Alliance minière responsable (AMR), qui devait révolutionner le secteur minier par des pratiques éthiques et respectueuses de l’environnement. Le projet a séduit l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, qui a ouvert à Girbal son carnet d’adresses, et lui a permis de faire entrer au capital de l’AMR Anne Lauvergeon ou encore Xavier Niel.
  • Mais très vite, l’entreprise française se montre incapable de lever les fonds nécessaires à l’exploitation de la mine. Elle va alors céder de manière déguisée son gisement à une entreprise à capitaux majoritairement chinois, la Société minière de Boké (SMB). La SMB est cornaquée par des proches du président guinéen, Alpha Condé. De plus, elle pollue allégrement l’environnement et appauvrit les populations locales.   
  • Les bénéfices de la cession du gisement de bauxite, qui se chiffrent en plusieurs dizaines de millions d’euros (certains parlent même d’un montant total de 171 millions d’euros), se perdent dans les paradis fiscaux. En exclusivité pour l’enquête du Média, Arnaud Montebourg fait part de sa colère et de ses soupçons : d’après lui, cet argent aurait pu enrichir le clan d’Alpha Condé. Un dictateur qui multiplie les violences à l’égard de sa population et se trouve dans le viseur de la Cour Pénale Internationale. 

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« Nous devons tout abandonner » Impact du barrage de Souapiti sur les communautés déplacées en Guinée [HRW]


Forcées à quitter les habitations et les terres de culture de leurs ancêtres, dont une grande partie est déjà inondée ou en passe de l’être, les communautés déplacées ont du mal à nourrir leurs familles, à rétablir leurs moyens de subsistance et à vivre dignement.


RÉSUMÉ

Le barrage de Souapiti, qui devrait à terme fournir 450 mégawatts après sa mise en service en septembre 2020, est le projet d’énergie hydraulique le plus avancé parmi plusieurs nouveaux projets planifiés par le gouvernement du président guinéen Alpha Condé. Le gouvernement guinéen estime que l’énergie hydraulique peut accroître considérablement l’accès à l’électricité, dans ce pays où seule une fraction de la population peut y accéder de façon fiable.

La production par le barrage de Souapiti, néanmoins, a un coût humain. Le réservoir du barrage va entraîner le déplacement d’environ 16 000 habitants de 101 villages et hameaux. Fin 2019, le gouvernement guinéen avait déplacé 51 villages et, selon ses déclarations, il prévoyait de réaliser les réinstallations restantes en un an. Forcées à quitter les habitations et les terres de culture de leurs ancêtres, dont une grande partie est déjà inondée ou en passe de l’être, les communautés déplacées ont du mal à nourrir leurs familles, à rétablir leurs moyens de subsistance et à vivre dignement.

Le projet de Souapiti met en lumière le soutien de la Chine à l’énergie hydraulique dans le monde ainsi que le rôle des investissements chinois dans des projets d’infrastructure de grande échelle en Afrique. La China International Water and Electric Corporation (CWE) — filiale en propriété exclusive de l’entreprise publique chinoise Three Gorges Corporation, deuxième constructeur de barrage au monde — construit le barrage et elle en sera la détentrice et l’opératrice conjointement avec le gouvernement guinéen.

Le barrage de Souapiti fait aussi partie du projet « Initiative Ceinture et route » (Belt and Road Initiative, BRI) de la Chine, qui consiste à investir plus d’un trillion de dollars US dans des infrastructures situées dans quelque 70 pays et qui a soutenu d’importants projets hydroélectriques en Afrique, en Asie et en Amérique latine. La banque publique chinoise d’export-import (China Eximbank) a prêté plus de 150 milliards de dollars US (plus d’un trillion de yuans) pour soutenir les projets BRI et finance le barrage de Souapiti par le biais d’un prêt de 1,175 milliard de dollars US. En réponse aux critiques que soulève l’impact environnemental et social des projets BRI, le président chinois Xi Jinping a promis en avril 2019 que les projets BRI soutiendrait « un développement ouvert, propre et écologique ». 

Ce rapport décrit les impacts du barrage de Souapiti sur l’accès des populations déplacées aux terres, à l’alimentation et aux moyens de subsistance. Il se fonde sur plus de 90 entretiens avec des personnes déjà déplacées, des communautés qui doivent l’être et des villages sur les terres desquelles ces personnes sont réinstallées, ainsi qu’avec des chefs d’entreprise et des responsables gouvernementaux engagés dans le processus de réinstallation. Il formule des recommandations quant à la façon d’améliorer les réinstallations à l’avenir, et décrit les voies de recours dont les communautés déjà déplacées ont besoin.

Le processus de réinstallation de Souapiti est le plus important que connaisse la Guinée depuis son indépendance. Les personnes déplacées sont déjà, pour la plupart, extrêmement pauvres : selon les estimations tirées d’une évaluation de 2017, le revenu quotidien moyen dans cette région est de 1,18 dollar US par personne. Le barrage, s’il avait été construit selon les plans initiaux, aurait causé le déplacement de 48 000 personnes, mais l’agence gouvernementale qui supervise les déplacements, dénommée « Projet d’aménagement hydroélectrique de Souapiti » (PAHS), a décidé de réduire sa hauteur et donc la taille de son réservoir afin de faire diminuer le nombre de personnes à réinstaller.

Les habitants déplacés à cause du barrage sont réinstallés dans des maisons en béton situées sur des terrains cédés par d’autres villages. À ce jour, ils n’ont pas obtenu les titres fonciers attachés à leurs nouvelles terres, ce qui engendre, pour l’avenir, un risque de conflit foncier entre les familles déplacées et les communautés hôtes. Les déplacements rompent des liens sociaux et culturels de longue date entre les familles vivant dans cette région. « Dans notre culture, les liens sociaux et familiaux sont essentiels », a expliqué un habitant déplacé. « Des familles élargies sont déchirées. À chaque fois que nous avons quelque chose à fêter ou que nous devons faire un deuil en famille, la distance se fait sentir. »


Les habitants déplacés à cause du barrage sont réinstallés dans des maisons en béton situées sur des terrains cédés par d’autres villages. À ce jour, ils n’ont pas obtenu les titres fonciers attachés à leurs nouvelles terres, ce qui engendre, pour l’avenir, un risque de conflit foncier entre les familles déplacées et les communautés hôtes.


Les moyens de subsistance des communautés sont en outre menacés par les inondations causées par le réservoir de Souapiti, qui touchent de vastes zones de terres agricoles. Le réservoir du barrage va en définitive inonder 253 kilomètres carrés de terres. Selon les estimations, cette surface inclut 42 kilomètres carrés de cultures et il y pousse plus de 550 000 arbres fruitiers. Un document de projet de 2017 avertissait sans ambages : « Les populations déplacées auront en général des terres moins favorables que celles qu’elles cultivent depuis plusieurs générations ».

Des dizaines d’habitants déplacés ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils éprouvaient déjà des difficultés à nourrir adéquatement leurs familles. « Les gens ont faim ; parfois, je ne mange pas pour pouvoir nourrir mes enfants », a confié une femme déplacée du village du district de Tahiré en 2019. Les habitants de plusieurs villages ont affirmé qu’avant leur déplacement, ils cultivaient leur propre nourriture, alors qu’à présent, ils devaient trouver assez d’argent pour l’acheter sur les marchés locaux. « Maintenant que nous n’avons plus nos champs, nous vendons peu à peu notre bétail afin de joindre les deux bouts », a livré un éleveur et agriculteur local. « Nous sommes fragiles comme des œufs à cause de la souffrance qui règne ici », a estimé un leader communautaire réinstallé en 2019. « Ce n’est que grâce à Dieu que nous survivons. »

Les représentants du PAHS ont reconnu que les déplacements constituaient une menace pour les moyens de subsistance des communautés. « Lorsque l’on déplace un village, on casse la chaine de vie qu’il faut tenter de rétablir », a expliqué le directeur environnement et développement durable du PAHS. Le PAHS a affirmé vouloir ramener les communautés vers un niveau de vie égal ou supérieur à celui dont elles bénéficiaient avant leur réinstallation. Bien qu’il n’offre pas de terrains agricoles de substitution aux populations déplacées, il a affirmé qu’il les aiderait à cultiver leurs terrains restants de façon plus intensive et à trouver de nouvelles sources de revenus comme la pêche ou l’élevage.

Les habitants déplacés, cependant, n’ont encore reçu aucune assistance de ce type. « Nous ne demandons rien d’extraordinaire. Préparer le terrain pour que nous puissions poursuivre nos activités, une zone de pâturage pour élever notre bétail. Tenir les promesses qui ont été faites », a affirmé le président du district de Tahiré, qui englobe plusieurs villages réinstallés en juin 2019.

Les normes internationales en matière de droits humains exigent que les populations réinstallées disposent d’un accès immédiat aux sources de subsistance, et que les sites de réinstallation prévoient un accès aux possibilités d’emploi. Les plans d’action préparés en 2015 et 2017 pour piloter la réinstallation recommandaient que le PAHS commence son travail sur les programmes de restauration des moyens de subsistance dès le début de la construction du barrage, en 2015. Cependant, fin 2019, le PAHS n’avait toujours pas commencé à mettre en œuvre les mesures de rétablissement de moyens de subsistance, et les populations déplacées ne recevaient aucune assistance pour les aider à restaurer leurs vies agricoles anciennes. Le PAHS a affirmé à Human Rights Watch qu’« [il] est en train de redoubler d’efforts pour investir sur la restauration des moyens de subsistance dans les prochains mois, et ce, pour les années à venir ».

Les normes internationales en matière de droits humains exigent que les populations réinstallées disposent d’un accès immédiat aux sources de subsistance, et que les sites de réinstallation prévoient un accès aux possibilités d’emploi.

Le PAHS a souligné qu’à court terme, le gouvernement a fourni une assistance alimentaire (deux livraisons de riz durant une période de six mois et des espèces pour couvrir les besoins essentiels de base) aux familles déplacées. « Cela aide les gens à se remettre sur pied », a ajouté un représentant du PAHS. Mais les habitants ont répliqué qu’étant donné le temps qu’il faudrait pour trouver de nouveaux moyens de subsistance, cela ne suffisait pas. « Nous avons consommé l’aide distribuée en un peu plus d’un mois à peine », a précisé le père d’une famille de cinq enfants qui a dû quitter Warakhanlandi pour être réinstallée en juin 2019. Les normes internationales recommandent que les communautés déplacées reçoivent une assistance jusqu’à ce qu’elles atteignent les niveaux de vie qui étaient les leurs avant leur réinstallation.

Le PAHS a également affirmé offrir aux habitants une indemnisation pour les arbres et les cultures qui poussaient sur les terrains inondés, mais il ne fournit aucun paiement compensant la valeur du terrain lui-même. Par conséquent, ni les terres en jachère des agriculteurs pratiquant la rotation des cultures ni les terrains de pâturage n’ont fait l’objet d’indemnisations.

Le manque de transparence du processus d’indemnisation et le manque d’informations adéquates sur le mode de calcul des indemnités attisent également le mécontentement lié aux sommes versées. Certains habitants ont dit n’avoir encore reçu aucune indemnité. D’autres ont affirmé avoir été indemnisés pour leurs cultures pérennes, telles que les arbres fruitiers, mais n’avoir rien reçu pour leurs cultures annuelles telles que le riz ou le manioc. « Le gouvernement nous a donné ce qu’il voulait. Nous avons accepté l’argent sans négocier parce que nous ne connaissions pas la valeur de nos ressources », a déploré un chef de village. Plusieurs femmes ont ajouté que la majorité des indemnisations a été payée aux pères de famille ou aux personnes endossant la fonction de leader communautaire, les femmes n’ayant donc qu’un rôle limité concernant l’utilisation de l’argent.

Le manque de transparence du processus d’indemnisation et le manque d’informations adéquates sur le mode de calcul des indemnités attisent également le mécontentement lié aux sommes versées. Certains habitants ont dit n’avoir encore reçu aucune indemnité.

Dans tous les villages visités par Human Rights Watch, les habitants ont raconté qu’ils s’étaient plaints auprès des représentants du PAHS ou de l’administration locale concernant le processus de réinstallation, mais qu’ils n’avaient reçu aucune réponse, ou que les réponses qui leur avaient été faites étaient sans rapport avec leurs préoccupations. « Quelqu’un vous dit de transmettre [votre réclamation] à un tel. Ils vous demandent d’attendre. Il y a son supérieur, aussi. À qui sommes-nous supposés nous adresser ? », s’est interrogé un leader communautaire du district de Konkouré. Le PAHS a confié à Human Rights Watch qu’il avait « pris du retard » dans la mise en place d’une politique officielle relative aux réclamations, et qu’il ne l’avait fait qu’en septembre 2019, alors que 50 villages avaient déjà été déplacés. Le PAHS n’a pas fourni d’explications concernant ce retard. En décembre 2019, 110 réclamations avaient déjà été soumises au nouveau mécanisme de plainte.

Le PAHS a précisé que pour les réinstallations à venir, des accords sont en cours de négociation avec les communautés, afin de stipuler les responsabilités du PAHS durant le processus. Cette démarche pourrait en principe aider à clarifier les droits des personnes déplacés, mais dans l’accord transmis par le PAHS à titre d’exemple, les obligations de ce dernier sont résumées en un seul paragraphe, et les questions clés telles que la pénurie de terres cultivables et l’appui à la restauration des moyens de subsistance ne sont pas abordées de façon détaillée. Le PAHS devrait aussi garantir qu’avant de signer les accords, les habitants auront pu consulter des conseillers juridiques indépendants, choisis par leurs soins.

Par ailleurs, pour résoudre les problèmes de fond que rencontrent les villages déjà réinstallés, le PAHS devrait négocier des accords avec les ménages déjà déplacés, décrivant comment le PAHS traitera les questions d’accès aux terres et aux moyens de subsistance, ainsi que toute autre question liée à la qualité des logements et des infrastructures sur les sites de réinstallation. Le PAHS devrait également examiner les indemnités versées jusque-là et expliquer clairement comment elles ont été calculées. Tout paiement insuffisant devrait être immédiatement complété.

Le processus de réinstallation défectueux lié à la construction du barrage de Souapiti prouve également la nécessité, pour les sociétés chinoises, les banques chinoises et leurs ministères tutelle, de garantir que les projets BRI et les autres investissements chinois à l’étranger respectent les droits humains. CWE, dans un message électronique adressé à Human Rights Watch, a affirmé que le processus de réinstallation est à la charge du gouvernement de la Guinée mais a ajouté qu’en tant qu’actionnaire dans le projet de Souapiti, la compagnie, « participe à la réinstallation et joue un rôle de superviseur. » CWE, ainsi que China Eximbank, devraient utiliser leur influence afin d’assurer que les représentants du PAHS apportent des réponses aux problèmes soulevés dans le présent rapport.

Enfin, d’autres projets hydrauliques se pointant à l’horizon, le processus de réinstallation lié au barrage de Souapiti devrait alerter le gouvernement guinéen sur la nécessité de se doter d’une réglementation et d’une procédure de supervision plus solides. Le gouvernement devrait, après consultation avec la société civile et les communautés impactées, rédiger et adopter des réglementations qui définissent clairement les droits de quiconque perd l’accès à son terrain ou est réinstallé en raison de projets de développement de grande ampleur.

« Nous quittons notre maison pour le développement de la Guinée », a résumé un leader communautaire du centre de Konkouré pour Human Rights Watch. « Nous voulons que le gouvernement nous aide, sinon, nous allons souffrir. »


L’intégralité du rapport


hrw.org





Guinée: Un référendum entaché de violences [HRW]

Les autorités devraient enquêter sur les abus et strictement contrôler les forces de sécurité.


En Guinée, les forces de sécurité ont réprimé dans la violence des partisans de l’opposition avant et pendant la tenue, le 22 mars 2020, du référendum constitutionnel et des élections législatives, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.                                                                                              

Les forces de sécurité ont tué au moins huit personnes, dont deux enfants, et blessé une vingtaine d’autres. Depuis la mi-février, les forces de sécurité ont également arrêté des dizaines de partisans présumés de l’opposition et fait disparaître de force au moins 40 autres. Selon des responsables gouvernementaux, neuf membres des forces de sécurité au moins ont été blessés par des manifestants, qui ont également vandalisé des bureaux de vote, brûlé du matériel électoral et menacé les électeurs le jour du scrutin. Le 22 mars, des soldats armés, des gendarmes et des policiers ont été déployés, dans des camionnettes et à pied, dans la capitale guinéenne, Conakry. Ils ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles sur des manifestants, faisant au moins six morts, dont une femme, et blessant au moins huit hommes.

« Les forces de sécurité guinéennes ont répondu aux manifestations massives par une violence brutale », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les manifestations se poursuivront vraisemblablement à l’approche des élections, et donc le gouvernement guinéen devrait immédiatement imposer un strict contrôle aux forces de sécurité nationales. Les dirigeants de l’opposition devraient aussi faire tout leur possible pour aider à mettre fin à la violence. »

L’intention prêtée au président Alpha Condé de briguer un troisième mandat présidentiel lors des élections prévues pour la fin de l’année est à l’origine des manifestations. En décembre 2019, Condé, âgé de 81 ans, a rendu public le texte du nouveau projet de constitution qui, selon ses partisans et ses opposants, ouvrirait la voie à la mise en œuvre d’un troisième mandat. En conséquence, une coalition d’organisations de la société civile, de syndicats et de partis politiques a appelé à des manifestations régulières depuis la mi-2019 et boycotté le référendum. Le 27 mars, la commission électorale guinéenne a annoncé que le nouveau projet de constitution avait été adopté avec plus de 90 % des voix.

Les conclusions de Human Rights Watch s’appuient sur des entretiens téléphoniques menés en mars et début avril avec 60 victimes, membres des familles des victimes et témoins de violations, ainsi qu’avec 15 personnels soignants, journalistes, avocats, membres des partis d’opposition et représentants de la société civile. Human Rights Watch a analysé des photographies et des séquences vidéo pour corroborer les récits des victimes et des témoins. Nous avons également contacté Albert Damatang Camara, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, par téléphone et WhatsApp, et partagé avec lui par e-mail nos conclusions le 23 mars, en lui posant des questions spécifiques, auxquelles Camara n’a pas répondu.

D’après plusieurs témoins, les forces de sécurité étaient parfois accompagnées de civils armés de couteaux et de machettes, qui s’en sont pris aux manifestants, tuant au moins un jeune homme, Diallo Nassouralaye. Certains partisans de l’opposition ont lancé des pierres et autres projectiles sur les forces de sécurité. Des violences ont également éclaté à l’extérieur de la capitale, notamment à Kindia, au nord-est de Conakry, à Kolaboui et Sangaredi, dans l’ouest du pays, et à Nzérékoré, dans le sud-est.

Un témoin a décrit les circonstances au cours desquelles un gendarme a tué à bout portant Issa Yero Diallo, une femme âgée de 28 ans résidant dans le quartier d’Ansoumanyah plateau, à Conakry : « Le gendarme a menacé cette femme avant de lui tirer dessus. Les gens qui se trouvaient là ont essayé de le dissuader, mais il lui a tiré une balle dans le cou. » Selon les habitants, la femme a été prise pour cible après avoir contribué à obtenir la remise en liberté d’un homme arrêté par les gendarmes plus tôt dans la journée. Le ministre Camara a déclaré aux médias le lendemain qu’un gendarme soupçonné du meurtre avait été arrêté.

Le 20 février et le 5 mars à Conakry, les forces de sécurité ont tué deux adolescents et, le 6 mars, arrêté deux membres en vue de l’opposition. Les 11 et 12 février, 40 hommes, dont au moins deux enfants et trois adultes atteint de déficience intellectuelle, ont fait l’objet d’arrestations arbitraires par des membres des forces de sécurité lors de raids menés à Conakry, avant d’être conduits dans une base militaire située à environ 700 kilomètres de Soronkoni, dans l’est de la Guinée. Ils y ont été détenus en l’absence de tout contact avec le monde extérieur, les autorités ayant refusé de reconnaître leur détention jusqu’au 28 mars, date à laquelle 36 d’entre eux ont été remis en liberté et quatre autres transférés à la prison centrale de Conakry où ils sont toujours en détention.

Dans un communiqué de presse en date du 22 mars, le ministre Camara soutient que le référendum « s’est déroulé dans des conditions pacifiques sur l’ensemble du territoire », mais que « certains militants ont tenté de semer la terreur » à Conakry et dans d’autres villes. Dans un entretien accordé aux médias le 31 mars, il a confirmé que six personnes avaient perdu la vie à Conakry le 22 mars, dont une personne ayant succombé à un accident vasculaire cérébral, précisant que les autorités avaient ouvert des enquêtes.

Alors que davantage de manifestations sont prévues dans la perspective des élections plus tard cette année, les autorités guinéennes devraient demander aux forces de sécurité nationales de faire preuve de retenue et de respecter les Lignes directrices pour le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois lors des réunions en Afrique, adoptées par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. En vertu de ces instruments, les responsables de l’application des lois ne peuvent recourir à l’usage de force que lorsque cela est strictement nécessaire et en vue d’atteindre un objectif légitime de maintien de l’ordre.

La CADHP, le Représentant spécial du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union européenne, la France et les États-Unis ont tous condamné ou exprimé leur inquiétude devant les violences suscitées par le référendum. Le 4 mars, le Rapporteur spécial de la CADHP pour la Guinée a appelé le gouvernement à respecter la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et à garantir des élections libres, équitables et transparentes. Dans une résolution en date du 11 février, le Parlement européen s’est déclaré préoccupé de la montée des tensions politiques et des violences en Guinée.

Les partenaires internationaux de la Guinée et autres institutions, en particulier l’Union africaine, la CEDEAO, le Conseil de sécurité de l’ONU, l’UE et les États-Unis devraient accroître la pression sur le président Condé et son gouvernement et exiger l’ouverture d’enquêtes et de poursuites judiciaires crédibles pour les violations récentes, a préconisé Human Rights Watch.

En cas d’échec des autorités guinéennes à répondre à ces préoccupations relatives aux droits humains, les États-Unis devraient envisager des sanctions ciblées contre les hauts responsables gouvernementaux responsables de violations, notamment des interdictions de voyager et des gels d’avoirs.

L’UE et ses États membres devraient envisager d’élargir le régime de sanctions en vigueur à l’encontre de la Guinée et rappeler aux autorités du pays les conséquences d’un échec à prendre en compte de façon adéquate les préoccupations relatives aux droits humains.

« Des mesures vigoureuses sont nécessaires dès à présent avant que la situation ne se détériore davantage et qu’une force disproportionnée ne soit utilisée contre les manifestants à l’approche des élections », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Les partenaires de la Guinée devraient indiquer clairement que des conséquences seront tirées si des manifestants se font tirer dessus ou des partisans de l’opposition sont portés disparu. »

Contexte

Les débats sur la révision de la constitution guinéenne de 2010 ont commencé début 2019, le parti au pouvoir RPG-Arc-en-ciel ayant appelé en mai les citoyens à soutenir le projet de constitution. Bien que le texte présenté par Condé en décembre 2019 maintienne une limite de deux mandats présidentiels, ses partisans ont déclaré qu’il reprenait tout à zéro, ce qui lui permettrait donc de se présenter en 2020. Condé a déclaré le 10 février que, en cas d’adoption d’une nouvelle constitution, « [son] parti décidera » s’il sera candidat à sa propre succession.

Le 28 février, Condé a reporté le référendum constitutionnel et les élections législatives, initialement prévus le 1er mars, au 22. Les organisations internationales et régionales, dont l’UA, l’Organisation internationale de la Francophonie et la CEDEAO, ont refusé d’envoyer sur place des observateurs, affirmant que la liste électorale manquait de crédibilité.

Depuis octobre 2019, une coalition d’organisations non gouvernementales et de partis d’opposition, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), a organisé de nombreuses manifestations contre le référendum constitutionnel en Guinée.

Bien que le gouvernement ait dans certains cas autorisé la tenue de ces manifestations, la plupart du temps, les forces de sécurité les ont dispersées en arrêtant des participants ou en usant de gaz lacrymogènes et en leur tirant dessus à balles réelles. Human Rights Watch avait précédemment signalé qu’au moins 30 personnes avaient été tuées pendant les manifestations entre octobre 2019 et janvier 2020. Le FNDC estime que les forces de sécurité ont tué 44 personnes depuis octobre 2019. Les manifestants auraient également tué au moins un gendarme lors de manifestations en octobre, selon le gouvernement, bien que les manifestants affirment que celui-ci a été abattu par un autre gendarme.

Violence le jour du référendum à Conakry et dans d’autres villes

Le 22 mars, de violents affrontements ont éclaté à Conakry, notamment dans les quartiers de Wanindara, Hamdallaye, Coza, Sofonia, Ansoumania, Cimenterie et Simbaya, entre des dizaines de groupes favorables au référendum et d’autres qui lui étaient opposés, et entre opposants au référendum et forces de sécurité. Des manifestants ont brûlé des pneus, dressé des barricades dans les rues et lancé des projectiles sur les forces de sécurité qui ont riposté avec des gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles. Le ministre de la Sécurité a déclaré que des manifestants violents avaient saccagé des bureaux de vote, menacé des électeurs et brûlé du matériel électoral, une information confirmée par Human Rights Watch.

Deux témoins ont déclaré à Human Rights Watch que des soldats, des gendarmes, des policiers et des civils armés de machettes avaient lancé des pierres sur une maison du quartier de « Petit Simbaya », où vivaient des partisans de l’opposition connus. Lorsque Diallo Nassouralaye, âgé de 19 ans, qui vivait à proximité, est sorti pour vérifier ce qui se passait, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur lui. « Il a été touché à l’abdomen », a précisé un témoin. « Je l’ai emmené dans un centre de soins tout proche, mais il est décédé sur place. » Le médecin qui s’est occupé de la victime a confirmé à Human Rights Watch que Nassouralaye est arrivé vers 13 heures et est décédé 10 minutes plus tard d’une blessure par balle à l’abdomen.

Selon deux témoins, des gendarmes ont abattu Thierno Oumar Diallo, un homme âgé de 25 ans, lors d’affrontements entre partisans du référendum et des opposants dans le quartier de Kakimbo vers 15 heures. Une source médicale a confirmé que l’homme était décédé des suites d’une blessure par balle au cou. L’un des témoins, frère de la victime, a déclaré :

Des gendarmes sont intervenus lors des affrontements et ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles. Des témoins m’ont dit qu’en plus de mon frère, ils avaient tué deux autres hommes et blessé quatre autres. Mon frère est mort instantanément ; d’une balle dans le cou. J’ai emmené son corps dans un centre de soins proche puis à la morgue, mais le personnel médical a refusé de le prendre en charge. J’ai donc ramené sa dépouille à la maison et nous l’avons enterré le lendemain.

Deux témoins ont expliqué que des gendarmes avaient tiré à balles réelles lors d’affrontements entre des partisans du référendum et des membres de l’opposition dans le quartier Hamdallaye de Conakry, tuant Hafiziou Diallo, un homme âgé de 28 ans. Un parent de la victime a été témoin du meurtre :

Nous sommes descendus dans la rue pour protester contre le vote. Il y avait des partisans du référendum en tenue civile, armés de couteaux, et des gendarmes. Nous leur avons jeté des pierres et les choses ont dégénéré. Les gendarmes, une dizaine d’entre eux, ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles. Les gens se sont enfuis, mais mon oncle a été touché par une balle et s’est effondré devant moi. Il a été touché à la poitrine.

Human Rights Watch a examiné les photographies du corps et consulté des sources médicales qui ont corroboré ces témoignages.

Un policier a tué Thierno Hamidou Bah, âgé de 25 ans, lors d’une manifestation organisée par l’opposition dans le quartier de Kinifi, selon deux témoins entendus par Human Rights Watch. L’un d’eux a déclaré :

Nous étions dans la rue pour dire non au référendum. Nous étions là pour exprimer notre colère. Nous avons lancé des pierres sur la police. Elle a tiré sur la foule à balles réelles et touché trois personnes, dont mon ami, qui a été atteint à la poitrine et s’est effondré devant moi. Je l’ai transporté dans un centre de soins, où il est décédé.

Un médecin qui a examiné le corps a confirmé que l’homme avait reçu une balle dans la poitrine. Human Rights Watch a également consulté des photographies de la blessure.

Des violences sporadiques se sont poursuivies à Conakry le 23 mars, notamment dans les quartiers de Cosa et Wanindara, où des émeutes ont été signalées, et à Baylobaye, où les forces de sécurité ont tiré sur un homme après être entré par effraction chez lui. « Trois policiers sont entrés chez moi à 15 heures. Je m’y trouvais avec ma femme et mon fils. Ils nous ont accusés de ne pas nous rendre aux urnes. L’un d’eux m’a passé à tabac à l’aide de sa matraque et saisi mon téléphone. Mon fils s’est disputé avec eux et a reçu une balle dans le bras. Je l’ai emmené dans un centre de soins où elle lui a été retirée », a relaté le père de la victime. Human Rights Watch s’est également entretenu avec le médecin qui l’a soignée.

Des violences ont éclaté dans d’autres villes et villages de Guinée le 22 mars. Selon les médias, des manifestants ont saccagé des bureaux de vote à Kindia, au nord-est de Conakry, et à Kolaboui à l’ouest, et harcelé le personnel électoral de Télimélé. Des habitants et des journalistes ont également signalé qu’à Nzérékoré, capitale de la Guinée forestière, des incidents liés aux élections ont déclenché des affrontements intercommunautaires et confessionnels entre des membres armés de la communauté de Guerze, formée majoritairement de chrétiens ou d’animistes, et l’ethnie armée Konianke, principalement musulmane, plusieurs personnes ayant été tuées et des propriétés incendiées.

Des gendarmes ont blessé un homme âgé de 20 ans lors d’une manifestation anti-référendum à Sangaredi, dans l’ouest de la Guinée. Un témoin et un proche de la victime ont indiqué à Human Rights Watch que des gendarmes avaient tiré à balles réelles sur la foule : « Il était 10 heures du matin ; nous étions dehors pour protester contre le vote. Les gendarmes ont tenté de nous disperser. Certains leur ont jeté des pierres. J’ai entendu au moins deux coups de feu. Mon frère a été touché d’une balle à l’épaule et s’est cassé le bras en tombant. »

N’ayant pu être hospitalisée à Sangaredi, la victime a été conduite le lendemain à Conakry. Human Rights Watch a examiné les dossiers médicaux et s’est entretenu avec le médecin qui l’a soignée.

Violences et arrestations préréférendaires

Le 20 mars, la police a tiré à balles réelles lors d’une manifestation organisée par l’opposition dans le quartier Bomboly de Conakry, blessant un homme âgé de 18 ans. La victime s’est entretenue avec Human Rights Watch : « Je me rendais au domicile de mon frère quand je me suis retrouvé au milieu d’une manifestation. Certains participants se sont montrés violents et s’en sont pris à la police en lui jetant des pierres. Celle-ci a riposté en lançant des grenades lacrymogènes puis en tirant à balles réelles. Tout le monde a pris la fuite. J’ai également couru pour me mettre en sécurité. J’ai entendu quatre coups de feu avant de m’effondrer au sol. Une balle m’avait atteint à l’épaule droite. »

Le 6 mars, les forces de sécurité ont procédé à l’arrestation arbitraire de Sekou Koundouno et Ibrahima Diallo, deux membres de premier plan de la direction du FNDC, au domicile de Diallo. Celui-ci a déclaré qu’au moins 20 policiers, dont certains étaient masqués, sont entrés par effraction chez lui à Conakry vers 19 heures, procédant à leur arrestation en l’absence de mandat. La loi guinéenne prévoit pourtant qu’un mandat est nécessaire, à moins que l’individu ne soit pris en flagrant délit. L’épouse de Diallo, qui a été témoin de l’arrestation, a décrit la scène à Human Rights Watch :

J’ai demandé aux policiers s’ils avaient un mandat. Cela les a contrariés. L’un d’eux m’a attrapé par le col de ma chemise et poussé contre un pot de fleurs. Puis ils ont mis la maison sens dessus dessous avant d’arrêter mon mari et Koundouno, qui a été escorté à moitié nu, sans son pantalon ni ses chaussures.

Diallo a déclaré que ses yeux étaient bandés dès qu’il est monté à bord du véhicule de police et que lui et Koundouno ont été détenus à la Direction de la police judiciaire, à Conakry, sans accès à leurs avocats pendant une semaine. Les juges d’instruction ont inculpé les deux membres du FNDC d’ « outrages envers les fonctionnaires » et d’« atteinte et menace à la sûreté et à l’ordre publics », avant de les remettre en liberté sous caution le 13 mars, en l’attente de nouvelles enquêtes. Les deux hommes ont été invités à comparaître devant les juges chaque semaine.

Lors de manifestations à Conakry le 5 mars, deux témoins ont déclaré que les forces de sécurité, dont des policiers et des gendarmes, avaient lancé des gaz lacrymogènes sur des partisans de l’opposition et tué un garçon âgé de 17 ans, heurté à la tête par une grenade. Human Rights Watch a également reçu des informations selon lesquelles les forces de sécurité ont blessé neuf autres hommes lors de ces manifestations. Les gendarmes ont agressé un journaliste français après qu’il les a filmés en train de passer à tabac un homme non armé, avant de l’expulser du pays. Les participants ont déclaré que certains manifestants violents avaient blessé des policiers en leur jetant des pierres.

Le 4 mars, vers 13 heures, une dizaine de policiers et de gendarmes sont entrés par effraction au domicile d’un imam de 51 ans dans le quartier de Wanindara à Conakry, et l’ont roué de coups ainsi que d’autres membres de sa famille. Ils ont ensuite procédé à l’arrestation arbitraire de trois des membres de sa famille et d’un voisin. Selon des témoins et des résidents, les forces de sécurité recherchaient l’auteur d’une vidéo qui montrait la police en train de se servir d’une femme comme bouclier humain à Conakry le 29 janvier. L’imam a déclaré à Human Rights Watch :

Des policiers et des gendarmes sont entrés par effraction dans ma résidence, ont tiré un coup de feu et défoncé la porte d’entrée. Ils ont fouillé les neuf maisons du complexe résidentiel, les ont mises sens dessus dessous. Un gendarme m’a frappé à la tête avec une louche qu’il avait prise à mes femmes. « Je vais te casser la tête », m’a-t-il dit. Les gendarmes ont également frappé deux de mes voisins, dont une femme de 80 ans souffrant de problèmes de surdité et de vue. Puis ils ont arrêté mes fils, mon frère et un voisin. Ils n’avaient aucun mandat. »

Les quatre hommes arrêtés ont été conduits dans deux postes de gendarmerie des quartiers de Matoto et Cosa. Les fils et le frère de l’imam ont été remis en liberté le même jour après le paiement d’un million de francs guinéens (environ 104 dollars). Son voisin a été relâché le lendemain après le versement de 250 000 francs guinéens (environ 26 dollars).

Le 19 février, des gendarmes et des policiers ont violemment réprimé une manifestation menée par le FNDC dans le quartier de Wanindara en lançant des grenades lacrymogènes et en tirant à balles réelles. Ils ont blessé au moins un manifestant, un chauffeur âgé de 26 ans, alors qu’il tentait de prendre la fuite : « Certains gendarmes sont descendus de leur véhicule et ont pourchassé des manifestants à pied. J’ai couru et tenté de me cacher, mais un gendarme m’a tiré dans la cuisse. J’ai été conduit à l’hôpital, où je suis resté alité 10 jours. La balle se trouve toujours dans ma jambe. » Cet homme a également confié qu’il était à peine en état de marcher et ne pouvait plus travailler. Human Rights Watch a également interrogé un de ses amis qui a été témoin de l’incident, ainsi que le médecin qui l’a soigné.

Disparitions forcées

Human Rights Watch s’est entretenu avec 10 hommes victimes de disparitions forcées pendant une quarantaine de jours à la suite de leur arrestation arbitraire par les forces de sécurité à Conakry les 11 et 12 février. Ils ont déclaré avoir été détenus sans aucun contact avec le monde extérieur avec 30 autres personnes, dont au moins deux enfants et trois hommes atteints de déficience intellectuelle, dans une base militaire de Soronkoni, à 700 kilomètres de Conakry. Human Rights Watch a également parlé à leurs avocats et à plusieurs membres de leurs familles et amis qui ont corroboré leurs témoignages. Pendant leur détention, les autorités ont refusé de reconnaître qu’elles savaient où se trouvaient ces hommes.

En vertu du droit international, une disparition forcée est toute forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve. La Guinée n’a pas signataire de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

D’anciens détenus et avocats ont déclaré que, à l’exception de quatre personnes transférées à la prison centrale de Conakry, les 36 autres avaient été remises en liberté le 28 mars, sans inculpation ni document attestant de leur arrestation et de leur détention.

Les dix hommes avec qui s’est entretenu Human Rights Watch ont déclaré qu’on ne leur avait jamais fourni d’explication quant aux raisons de leur arrestation et de leur détention. Mais ils ont affirmé que les forces de sécurité qui les avaient arrêtés, comme les militaires qui assuraient leur détention à Soronkoni, les avaient accusés de soutenir l’opposition. Selon l’un de ces ex-détenus, âgé de 20 ans, un policier lui a dit au moment de son arrestation : « C’est vous qui barricadez les routes, semez le trouble et vous opposez au pouvoir en place. » « Ils m’ont accusé d’être un criminel et de faire souffrir mon pays. Je leur ai répondu que je n’étais qu’un chauffeur de taxi. Tiens-toi tranquille et tais-toi, m’ont-ils rétorqué », a témoigné un autre ex-détenu, âgé de 36 ans.

En vertu du droit guinéen et du droit international, les individus arrêtés doivent être directement incarcérés dans des lieux de détention reconnus, comme des postes de police ou de gendarmerie, et avoir immédiatement accès à leur avocat et à leurs familles. Toutes les personnes détenues devraient être conduites rapidement devant un juge pour l’examen de la légalité et la nécessité de leur détention.

Cependant, les hommes interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir été détenus dans une base militaire et privés de contact avec le monde extérieur. « Détenir quelqu’un dans un camp militaire est contraire à notre législation », a indiqué à Human Rights Watch un avocat guinéen défendant les détenus. « Les autorités devraient cesser de penser que la Guinée est une autre planète. Nous avons des lois interdisant la détention de suspects en dehors des lieux officiellement prévus à cet effet ». Âgé de 26 ans, un ex-détenu a déclaré : « Ma famille ignorait où je me trouvais. Ils pensaient que j’étais mort. »

D’autres ont décrit les conditions de leur détention comme sordides. « Nous étions 40 dans une cellule comportant une seule porte, fermée la plupart du temps, avec deux petits trous dans le mur », a déclaré l’un d’entre eux, âgé de 23 ans. « C’était insuffisamment aéré, il faisait très chaud. Beaucoup se sont sentis mal à cause de la chaleur, certains se sont effondrés ». Un autre a expliqué qu’on ne leur donnait pas assez d’eau, et qu’il dormait sur le sol sans matelas et n’était souvent pas autorisé à se rendre aux toilettes situées à l’extérieur, ce qui l’obligeait à uriner dans des bouteilles.


hrw.org





Afrique 2019: le courage des populations face à la répression [Amnesty International]


En Guinée, où les autorités ont interdit plus de 20 manifestations pour des motifs flous et excessivement généraux, les forces de sécurité ont continué à attiser les violences lors des rassemblements et au moins 17 personnes ont été tuées en 2019.


Dans
toute l’Afrique subsaharienne, des manifestants ont bravé des tirs et
les coups pour défendre leurs droits. Face aux conflits et la répression
qui perdurent, ils ont fait preuve d’un courage immense. Bilan d’un an
d’enquête en Afrique.

En
2019, nous avons vu l’incroyable pouvoir du peuple s’exprimer lors de
manifestations de grande ampleur organisées dans toute l’Afrique
subsaharienne. Du Soudan au Zimbabwe, de la République démocratique du
Congo (RDC) à la Guinée, des personnes ont bravé une répression brutale
pour défendre leurs droits.

Dans certains cas, ces manifestations ont abouti à des changements importants : après la chute d’Omar el Béchir, qui dirigeait le Soudan de longue date, le nouveau régime a promis des réformes favorables aux droits humains. De la même façon, à la suite de manifestations, une série de réformes relatives aux droits humains ont été lancées par l’État éthiopien. Malheureusement, d’autres changements nécessaires sont bloqués par des gouvernements répressifs, qui continuent à commettre des violations en toute impunité.

Répression violente orchestrée par l’État

Dans toute la région, des défenseurs des droits humains ont été persécutés et harcelés pour s’être opposés ouvertement aux autorités. Le Burundi, le Malawi, le Mozambique, l’Eswatini (anciennement Swaziland), la Zambie et la Guinée équatoriale ont intensifié la répression du militantisme en 2019.

Au Malawi, par exemple, les militants qui ont organisé et
conduit des manifestations contre une fraude électorale présumée, à la
suite des élections de mai, ont été attaqués et intimidés par de jeunes
cadres du parti au pouvoir et poursuivis en justice par les autorités.
Le scrutin présidentiel a finalement été annulé par les tribunaux et le
pays se prépare à une autre élection, qui se tiendra cette année.

Au
Zimbabwe, au moins 22 défenseurs des droits humains, militants, membres
de la société civile et responsables de l’opposition ont été inculpés
pour leur rôle présumé dans l’organisation de manifestations contre la
hausse du prix des carburants décidée en janvier 2019. Les forces de
sécurité se sont livrées à une répression violente, qui a fait au moins
15 morts et des dizaines de blessés.

En Guinée, où les
autorités ont interdit plus de 20 manifestations pour des motifs flous
et excessivement généraux, les forces de sécurité ont continué à attiser
les violences lors des rassemblements et au moins 17 personnes ont été
tuées en 2019.

Dans 17 pays d’Afrique subsaharienne, des journalistes ont été arrêtés et détenus arbitrairement en 2019. Au Nigeria, par exemple, on a enregistré 19 cas d’agression, d’arrestation arbitraire et de détention de journalistes, dont beaucoup faisaient l’objet d’accusations controuvées.

Au Burundi, les autorités ont continué à réprimer les activités des défenseurs des droits humains et des organisations de la société civile, notamment en leur infligeant des poursuites et de longues peines d’emprisonnement.

Malgré tout… des victoires !

En dépit du contexte maussade, certaines victoires notables ont été remportées dans le domaine des droits humains l’an dernier.

Au
Soudan, des manifestations de grande ampleur ont mis fin au régime
répressif d’Omar el Béchir en avril 2019 et les autorités désormais au
pouvoir ont promis de vastes réformes destinées à améliorer l’exercice
des droits humains. L’État éthiopien, quant à lui, a abrogé la
législation encadrant la société civile qui restreignait les droits aux
libertés d’association et d’expression et a présenté au Parlement une
nouvelle loi remplaçant la législation antiterroriste draconienne.

En RDC, les autorités ont annoncé la libération de 700 détenus, dont plusieurs prisonniers d’opinion.

On a aussi constaté des victoires individuelles. En Mauritanie, le blogueur et prisonnier d’opinion Mohamed Mkhaïtir a été libéré après avoir été détenu arbitrairement pendant plus de cinq ans.

L’impunité pour les violations des droits humains était toujours monnaie courante, mais de modestes avancées ont été réalisées en 2019. En Somalie, la population a vu pointer une lueur d’espoir lorsque le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM) a reconnu pour la première fois, en avril 2019, avoir tué des civils lors de frappes aériennes visant Al Shabaab, ouvrant ainsi la possibilité pour les victimes d’obtenir réparation.

Par ailleurs, les tribunaux de droit commun de la République
centrafricaine ont progressé dans l’examen d’affaires concernant des
atteintes aux droits humains commises par des groupes armés. La Cour
pénale spéciale a reçu 27 plaintes et commencé ses enquêtes l’an
dernier.

En 2019, des militants et des jeunes ont défié l’ordre établi. En 2020, il faut que les dirigeant·e·s écoutent leurs revendications et œuvrent à des réformes qu’il est nécessaire d’amorcer de toute urgence et qui respectent les droits de tous.


amnesty.fr


Rapport complet





Mascarade électorale et référendaire en Guinée: l’union européenne remet en question la validité du processus


Le caractère non inclusif et non consensuel de ces scrutins et du fichier électoral porte atteinte à la crédibilité de ces élections. L’absence d’observation régionale et internationale reconnue remet également en question la validité du processus.

Déclaration de la Porte-parole de l’UE sur les élections législatives et le référendum constitutionnel du 22 mars 2020 en Guinée


Guinée: déclaration de la Porte-parole sur les élections législatives et le référendum constitutionnel du 22 mars

Le
double scrutin du 22 mars s’est tenu dans un climat de forte tension
émaillé par des violences causant plusieurs morts. Ces actes de violence
et l’usage disproportionné de la force par les forces de l’ordre sont
inacceptables.

Le caractère non inclusif et non consensuel de ces scrutins et du
fichier électoral porte atteinte à la crédibilité de ces élections.
L’absence d’observation régionale et internationale reconnue remet
également en question la validité du processus. Les clivages
intercommunautaires se creusent dangereusement.

L’Union européenne renouvelle son soutien aux initiatives de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union africaine et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) susceptibles de réhabiliter le processus électoral, de désamorcer les tensions et de renouer un dialogue entre toutes les parties.

Virginie BATTU-HENRIKSSON Spokesperson for Foreign Affairs and Security Policy + 32 (0)470 18 24 05


eeas.europa.eu





Violences électorales en Guinée: la CEDEAO condamne et «relève toute la pertinence de ses recommandations»


La Commission de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a pris acte du double scrutin des élections législatives et référendaire tenu le 22 mars 2020 en République de Guinée.

Communiqué de la CEDEAO sur la Guinée (25 mars 2020)





Le FNDC appelle «les forces de défense et de sécurité à se mettre du côté du peuple»


Il est hors de question pour le FNDC de reconnaître une Institution ou une Constitution issue de cette mascarade électorale. Le peuple de Guinée ne reconnaît que la Constitution de 2010.

Déclaration N°92 du FNDC (25/03/2020)


Déclaration

En pleine épidémie de coronavirus, Alpha Condé a organisé un
simulacre de vote malgré des cas avérés d’infection, exposant ainsi les
populations guinéennes à la pandémie.

Le FNDC félicite le peuple de Guinée pour avoir massivement suivi, sur l’ensemble du territoire national, le mot d’ordre de s’opposer au coup d’état constitutionnel que Alpha Condé avait décidé de perpétrer le 22 mars 2020.

Le FNDC se réjouit de la détermination et du sens élevé de responsabilité avec lesquels le peuple de Guinée a empêché cette forfaiture.

Le FNDC déplore et condamne énergiquement les violences exercées sur les populations civiles par les forces de défense et de sécurité puissamment appuyées par les unités spéciales de l’Armée et une milice aux ordres du Pouvoir.
Ces violences inouïes ont entraîné la mort, dans des conditions atroces, de 9 personnes à Conakry, une à Dubréka, une à Mamou, plus de 21 personnes à Nzérékoré selon un bilan provisoire et une centaine de blessés par balles.

Au cours de ces tristes journées de terreur, des lieux de culte ont été incendiés et des bâtiments publics et privés ont été pillés et vandalisés par les forces de l’ordre et la milice aux ordres du Pouvoir.
Le FNDC présente ses condoléances aux familles éplorées et à tout le peuple de Guinée. Nous réaffirmons notre soutien et notre solidarité à toutes les victimes de ces violences, à toutes les personnes torturées, blessées et emprisonnées pour avoir défendu notre Constitution.

Nul besoin de démontrer l’échec du coup d’état constitutionnel du 22 mars 2020 grâce au combat mené par le peuple de Guinée uni et rassemblé autour du FNDC et des valeurs essentielles de la Nation.

Il est hors de question pour le FNDC de reconnaître une Institution ou une Constitution issue de cette mascarade électorale. Le peuple de Guinée ne reconnaît que la Constitution de 2010.

Le FNDC remercie la communauté internationale pour son soutien à la lutte légitime du peuple de Guinée en vue de l’instauration de la démocratie et l’État de droit.

Enfin, le FNDC appelle :
• le peuple de Guinée à plus de détermination dans la lutte pour la préservation des acquis démocratiques et pour la restauration de la dignité et de la fierté du guinéen.
• la communauté internationale à la mise en place d’une Commission d’enquête indépendante sous l’égide des Nations Unies pour faire la lumière sur les crimes commis dans le cadre des manifestations pour la défense de la Constitution guinéenne.
• les forces de défense et de sécurité à arrêter les violences contre les citoyens et à se mettre du côté du peuple dont elles tirent exclusivement la légalité et la légitimité de leur mission.
• le peuple de Guinée à rester uni et mobilisé pour mettre un terme au régime dictatorial d’Alpha Condé et à faire face au défi de la lutte contre le coronavirus.

Ensemble unis et solidaires, nous vaincrons !

Conakry, le 25 mars 2020





Vote du 22 mars en Guinée: les États-Unis condamnent la violence et expriment leur inquiétude


La communauté internationale s’est déclarée vivement préoccupée par le processus d’enrôlement électoral, et par l’absence de dialogue public sur la nouvelle constitution que le gouvernement de guinéen a manqué de régler.


Les États-Unis condamnent la violence et expriment leur inquiétude à l’égard du vote du 22 mars en Guinée

Les États-Unis expriment leurs vives inquiétudes face à la violence
qui a entouré le vote en Guinée le 22 mars, et condamnent fermement
toutes les exactions. Nous demandons au gouvernement guinéen d’enquêter
de manière rapide et transparente sur tous les décès liés aux
manifestations et aux élections, que les résultats de ces investigations
soient rendus publics dès que possible. La communauté internationale
s’est déclarée vivement préoccupée par le processus d’enrôlement
électoral, et par l’absence de dialogue public sur la nouvelle
constitution que le gouvernement de guinéen a manqué de régler. Nous
partageons ces préoccupations.

Les États-Unis sont un ami et un soutien indéfectible de la Guinée sur son chemin vers la démocratie et le développement depuis son indépendance en 1958. Nous continuerons à soutenir les objectifs de la Guinée pour renforcer sa démocratie et assurer la prospérité de tous ses citoyens.


gn.usembassy.gov





Mohamed Ibn Chambas «Je condamne avec la plus grande fermeté tous les actes de violence [ ]» en Guinée


« Je condamne avec la plus grande fermeté tous les actes de violence, l’usage excessif de la force qui ont provoqué des pertes de vie humaines et de nombreux blessés, ainsi que les violences à connotation intercommunautaire qui se sont déroulés dans la région de Nzérékoré »

Mohamed Ibn Chambas, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS)


Le
Représentant spécial Mohamed Ibn Chambas condamne tous les actes de
violence, l’usage excessif de la force et appelle les Guinéens à se
mobiliser contre les violences intercommunautaires

Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef
du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel
(UNOWAS), Mohamed Ibn Chambas, suit avec une grande préoccupation le
développement de la situation en Guinée.

Dans le communiqué
qui a suivi sa dernière mission en Guinée, le 12 mars 2020, le
Représentant spécial avait appelé avec insistance les autorités
nationales, les acteurs politiques et ceux de la société civile à
recourir exclusivement au dialogue pour trouver une solution pacifique
et constructive à leurs différends.

La journée des consultations législatives et référendaires du 22 mars dernier a été malheureusement marquée par une recrudescence d’une violence abjecte.

«
Je condamne avec la plus grande fermeté tous les actes de violence,
l’usage excessif de la force qui ont provoqué des pertes de vie humaines
et de nombreux blessés, ainsi que les violences à connotation
intercommunautaire qui se sont déroulés dans la région de Nzérékoré » a
déclaré le Représentant spécial.

«
Dans un moment inédit où le monde entier se mobilise pour protéger des
vies humaines contre la pandémie du COVID-19, les autorités guinéennes
et tous les acteurs nationaux ont la responsabilité politique, morale et
éthique de s’unir pour protéger les citoyens de la pandémie et de la
violence », a-t-il ajouté.

«
Je présente mes sincères condoléances aux familles des victimes et au
peuple guinéen. J’appelle, en ces moments difficiles, les autorités
nationales, les leaders religieux et communautaires, les responsables
politiques, les acteurs de la société civile et tous les citoyens, à se
mobiliser contre la violence et à s’engager dans le dialogue pour sortir
de la crise. Plus que jamais, un sursaut de tous les guinéens est
urgent pour refuser la violence et s’unir pour consolider la paix, la
stabilité et le développement en Guinée », a déclaré Mohamed Ibn
Chambas.

Les Nations Unies sont prêtes à soutenir les efforts des guinéens pour un dialogue constructif, garant d’une solution pacifique à la crise.


unowas.unmissions.org





Pour la France «le caractère non inclusif de ces élections [ ] n’a pas permis la tenue d’élections crédibles» en Guinée


Guinée – Point de presse de la porte-parole (24 mars 2020)

La France suit avec préoccupation la situation en Guinée, après
l’organisation, ce dimanche 22 mars, d’élections législatives et d’un
référendum en vue d’un changement de Constitution. Elle condamne les
actes de violence qui ont entraîné, durant cette journée, la mort de
plusieurs Guinéens.

Le caractère non inclusif de ces élections et non consensuel du
fichier électoral, ainsi que le rôle joué par des éléments des forces de
sécurité et de défense excédant la simple sécurisation du processus,
n’ont pas permis la tenue d’élections crédibles et dont le résultat
puisse être consensuel. La France relève aussi l’absence d’observation
régionale et internationale à l’occasion de ce double vote.

La France soutiendra les initiatives de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’OIF pour désamorcer les tensions en Guinée et restaurer rapidement un dialogue entre toutes les parties. Elle appelle tous les acteurs guinéens, quels qu’ils soient, à la responsabilité et à la plus grande retenue.


diplomatie.gouv.fr





Guinée: les acquis de la démocratisation de 2010 remis en cause [FIDH]


Comme
redouté, le référendum constitutionnel et les élections législatives du
22 mars ont donné lieu à de nouvelles violences. Au moins 10 personnes
ont été tuées par des forces de l’ordre et forces armées, qui ont une
nouvelle fois tiré à balles réelles contre les manifestants, des bureaux
de votes ont été saccagés et des personnes souhaitant se rendre aux
urnes agressées. Alors que les militaires ont joué un rôle central dans
ce double scrutin entâché de graves irrégularités, boycotté par
l’opposition et dénoncé à l’avance par les organisations régionales et
internationales, nos organisations demandent à ce que les militaires
restent cantonnés dans leurs casernes, et que des enquêtes judiciaires
soient systématiquement diligentées, afin de poursuivre et sanctionner
les auteurs de ces violences.

Les résultats du double scrutin partiellement boycotté du 22 mars semblent connus à l’avance. Ils semblent également consacrer la voie vers une nouvelle mandature du Président Alpha Condé, 82 ans, en levant l’interdit constitutionnel d’une troisième candidature, et en lui offrant un parlement très majoritairement acquis à sa cause. En verrouillant ainsi l’espace politique, ces élections contribueront sans doute à isoler le pays sur la scène internationale, tout en faisant peser sur lui le risque d’un nouveau cycle de violences politiques graves.

« Le rôle croissant joué par les forces militaires tout au long des élections nous laisse craindre un retour à la militarisation de la vie politique Guinéenne et aux années de répression. Nous appelons le gouvernement guinéen et les forces d’opposition à tout faire pour éviter de nouvelles violences, à renouer avec un dialogue politique constructif, et à œuvrer dans l’intérêt des populations guinéennes dans leurs ensemble »

Drissa Traoré, Secrétaire général de la FIDH.

Le rôle joué par les forces armées dans ces élections est-elle un indicateur sur le rôle qui leur sera assigné dans les prochains mois ? Après que toutes les unités de l’armée de terre aient été « mises en alerte » et déployées dans l’ensemble du pays dès le 25 février en prévision des échéances électorales, les forces militaires ont étroitement accompagné les élections du 22 mars. Elles étaient non seulement largement présentes, mais contrairement à l’article 80 et suivants du code électoral, qui exige que le dépouillement des votes soit effectué dans les bureaux de vote, plusieurs urnes contenant ces bulletins ont été transportées, soit dans les mairies, soit dans les préfectures, soit dans des garnisons militaires pour y être dépouillées.

Les forces armées ont également participé à la répression contre les manifestants,
alors que la sécurisation des élections aurait dû relever des seules
forces de police et d’unités spécialisées chargées de veiller à la
sécurisation des élections. Des bérets rouges, unité s’étant illustrée
lors des massacres du 28 septembre 2009, auraient selon plusieurs
témoignages tiré à balles réelles contre les manifestants.

Dans la région Est du pays, notamment à N’Zérékoré, la ficelle ethnico-religieuse a été utilisée par certains pour opposer les populations.

Des affrontements entre communautés, entraînant des pertes en vies
humaines et des destruction de lieux de culte (deux églises et une
mosquée) ont été signalés.

La société civile a également été ciblée, le travail de certains
journalistes entravé. Le domicile d’un des leaders du Front National
pour la Défense de la Constitution (FNDC) : Mamadou Bailo Barry, a ainsi été attaqué le jour de l’élection à Ratoma, par un groupe de jeunes militants du parti au pouvoir, accompagnés des forces de l’ordre.

Enfin, le siège de l’association des victimes, parents et amis du 28 septembre : l’AVIPA, qui lutte depuis 10 ans avec nos organisations pour que les responsables civils et militaires du massacre du stade soient enfin traduits en justice, a fait l’objet d’une tentative d’intrusion par des agents de l’unité spéciale de sécurisation des élections, qui ont proféré menaces et injures.

« Nous dénonçons l’attaque du siège de l’AVIPA le jour des élections et appelons les autorités à ouvrir une enquête pour situer les responsabilités et en poursuivre les responsables. Ces tentatives d’intimidation des acteurs de la société civile guinéenne luttant contre l’impunité sont graves et inacceptables. Nous continuerons à documenter les violences commises, saisir les autorités judiciaires, et à lutter contre l’impunité, endémique dans notre pays »

Abdoul Gadiry DIALLO, Président de l’OGDH.


FIDH (24/03/2020)





Coronavirus/Guinée Politique se mobilise : le message en poular, soussou et malinké [Vidéo]


#Sensibilisation coronavirus
Chacun peut faire quelque chose, pensons à ceux qui ne comprennent pas la langue française. Une vidéo dans les langues locales (Poular, Soussou et Malinké) pour sensibiliser les populations guinéennes.


Aissatou Noumou Diallo pour guineepolitique.com




Le crash de la démocratie guinéenne: quelques titres de la presse nationale


Le crash de la démocratie guinéenne : la presse nationale s’interroge


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Guineenews



Guineematin


Ledjely


Mosaiqueguinee


Visionguinee


Africaguinee





Violences, mascarade électorale et des morts en Guinée : les titres de la presse internationale


Violences, mascarade électorale et des morts en Guinée : la presse internationale en parle


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La CROIX


RFI


EL PAIS


TAZ


France 24


Financial Afrik


Mediapart


Le Temps


The Guardian


WakatSéra


TV5 Monde


Aljazeera


Le Monde





La Guinée clôture une violente journée de référendum et de législatives


La
Guinée a vécu dimanche un référendum et des législatives ternis par des
violences, avec la mort d’au moins 10 manifestants tués par les forces
de l’ordre selon l’opposition, qui a boycotté ces scrutins pour faire
barrage à un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé.

Ce
bilan n’a cependant pu être confirmé de source indépendante et les
autorités n’étaient pas joignables pour réagir aux affirmations de
l’opposition.

Le vote, dont le terme était fixé à 18H00 (GMT et
locales), a été progressivement clôturé dimanche à Conakry où des
bureaux ont fermé plus tôt que prévu à cause des incidents, selon un
journaliste de l’AFP.

Les manifestants anti-Condé ont “bravé les balles des forces de l’ordre qui ont arrêté massivement, tiré aveuglément, molesté cruellement, tuant au moins 10 personnes et blessant par balle plusieurs dizaines” de personnes, a indiqué dans un communiqué le FNDC, le collectif de partis d’opposition et de la société civile qui lutte contre un éventuel troisième mandat de M. Condé

Le
FNDC “appelle à intensifier les manifestations demain lundi 23 mars et
mardi 24 mars 2020 avec pour objectif ultime le départ du dictateur
Alpha Condé”.

Au moins 32 manifestants avaient jusqu’à dimanche après-midi été tués depuis le début à la mi-octobre de la vague de protestation, qui a également coûté la vie à un gendarme, selon un décompte de l’AFP. M. Condé, 82 ans, a été élu en 2010 et réélu en 2015.

Aucune indication n’était disponible dimanche soir sur la
participation, les résultats et leur date de publication. Les
responsables de l’Administration territoriale (Intérieur) et la
Commission électorale n’ont pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

L’actuelle
Constitution limite à deux le nombre de mandats, la nouvelle que
propose M. Condé également. Mais, accusent ses opposants, elle lui
permettrait de remettre son compteur à zéro afin de se succéder à
lui-même fin 2020.

– attaque contre des gendarmes –

Le début
du vote, prévu à 08H00 (GMT et locale), a commencé à l’heure indiquée
dans un bureau proche du palais présidentiel à Conakry mais il a été
perturbé à de nombreux endroits, selon un journaliste de l’AFP et des
témoins qui ont affirmé avoir constaté une faible participation.

A
Ratoma (banlieue de Conakry), des jeunes ont attaqué des gendarmes
devant des bureaux de vote dans une école. Une autre école dans la même
zone a été attaquée et le matériel électoral saccagé.

Des affrontements ont eu lieu dans des banlieues de Conakry comme Cosa, Hamdallaye, Dar-es-salam et Lambanyi.

Des
troubles sont aussi survenus à Mamou (centre), à Boké (ouest) et à
N’Zérékoré (sud-est), selon des témoins. Du matériel électoral a été
détruit dans des localités comme Kobéla (sud), Dinguiraye (nord-est) et
Konah (nord-est).

“J’espère que tout se passera dans la paix et la
tranquillité et que le peuple guinéen, comme en 1958, montrera sa
maturité”, a déclaré, après avoir voté à Conakry, le président Condé, en
allusion au “non” de la Guinée, alors colonie française, au référendum
organisé par De Gaulle et qui a ouvert dès 1958 la voie à l’indépendance
du pays ouest-africain.

Le référendum et les législatives
avaient été reportés à la dernière minute il y a trois semaines dans un
climat de vives tensions.

C’est surtout le projet de nouvelle Constitution qui déchaîne les passions.

– Troisième mandat? –

M.
Condé assure qu’il s’agit de doter son pays d’une Constitution
“moderne”. Elle codifierait l’égalité des sexes, interdirait l’excision
et le mariage des mineurs. Elle veillerait à une plus juste répartition
des richesses en faveur des jeunes et des pauvres. Mais M. Condé
entretient le flou sur sa volonté ou pas de briguer un troisième mandat.

Les remises en cause internationales quant à la crédibilité du vote se sont succédé, étayées par la présence sur les listes électorales de 2,5 millions de noms douteux, soit le tiers du fichier.

Les
recommandations des organisations internationales sur le fichier ont été
“intégralement prises en compte”, a affirmé le président Condé dans un
discours publié samedi sur la page Facebook de la présidence guinéenne.

L’opposition
avait promis de boycotter le vote et d’en empêcher la tenue. La
persistance des troubles n’a pas dissuadé le gouvernement d’organiser
les scrutins, pas même l’apparition récente du coronavirus.

La
Guinée a déclaré deux cas de contamination dont un a été guéri, a
annoncé samedi le gouvernement. La présence du Covid-19 suscite
l’attention dans un pays où la fièvre Ebola a fait 2.500 morts entre
2013 et 2016.

Des chefs d’Etat ouest-africains ont annulé leur mission de bons offices prévue au cours de la semaine. Avant le vote, deux grandes organisations régionales avaient renoncé à déployer leurs observateurs ou bien les avaient rappelé.

Par Mouctar BAH AFP


Cet article est republié à partir de information.tv5monde.com. Lire l’original ici





En Guinée, Alpha Condé joue son va-tout


Le référendum dimanche en Guinée couplé à des législatives ont été conçues par le président Alpha Condé pour s’accrocher au pouvoir malgré son âge et la contestation populaire.

81 ans et
président de la République de Guinée depuis 2010. Alpha Condé entend
bien le rester. Pour y parvenir, il a organisé un double scrutin qui
doit se tenir ce dimanche, couplant ainsi élections législatives et
référendum constitutionnel qui lui permettrait de briguer un troisième
mandat présidentiel. Grâce à la crise du coronavirus
qui a lui a permis d’annuler la médiation de la Communauté économique
des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), il y a fort à parier que
celui qui fut une figure majeure de l’opposition lors des régimes
précédents, parvienne à ses fins.

L’opposition
a immédiatement réagi en appelant mercredi à un boycott électoral
général et à descendre dans les rues pendant le week-end afin d’empêcher
ce que certains désignent comme “un coup d’Etat constitutionnel”. Dans
une allocution filmée, l’un des coordinateurs nationaux du Mouvement
FDNC (Front national pour la défense de la Constitution) Sékou Koundouno
a appelé les Guinéens à “se lever” pour faire de ces deux journées un
élan de protestation historique. “Nous avons mis en place une batterie
de stratégies. Nous allons lancer l’alerte rouge afin d’enterrer ce rêve
suicidaire.”

Pour le gouvernement, l’élection ne va “sûrement pas répandre le virus”

Le
FNDC a également dénoncé les manœuvres de l’Etat pour censurer Internet
et des supposées pratiques illégales de mise sur écoute téléphonique.
Des groupes de la société civile, quant à eux, ont demandé au chef
d’Etat guinéen de reporter le scrutin jusqu’à la fin de l’épidémie de
coronavirus. Le porte-parole du gouvernement, Amadou Damaro Camara, a
rétorqué “que les deux cas répertoriés de personnes infectées ne
pouvaient empêcher le reste du pays à exercer son droit de vote. Et que
l’élection n’allait sûrement pas répandre le virus.”   

Alpha
Condé avait pourtant bien commencé. Bon élève, il avait été envoyé en
France à l’âge de 15 ans afin de poursuivre ses études. Il passe alors
son bac au lycée Turgot à Paris où il sympathise avec Bernard Kouchner
qu’il considère comme son frère. Puis c’est la Sorbonne et la faculté de
droit où il décroche un doctorat d’Etat en droit public. Très vite, il
devient un militant de la cause africaine et s’impose au fil des ans
comme une figure majeure de l’opposition guinéenne. Il fonde trois
partis politiques dont le Mouvement national démocratique (MND) qui
passera de la clandestinité à la lutte légale en 1991.

En 2000, il est arrêté pendant vingt mois, jugé et condamné par une cour spéciale à cinq ans de prison. Son arrestation suscite un mouvement de protestation local et international. Madeleine Albright, ancienne Secrétaire d’Etat américaine se déplaçant même à Conakry, afin de rencontrer le célèbre opposant. Jacques Chirac s’impliquera aussi personnellement. Il sera libéré une année plus tard par une grâce présidentielle. Aujourd’hui, ses opposants lui reprochent d’avoir oublié tous les combats pour la justice et la liberté menés dans sa jeunesse.


Cet article est republié à partir de lejdd.fr. Lire l’original ici





Le président de la Commission de l’Union Africaine préoccupé par la situation en Guinée


La Commission de l’Union africaine appelle le gouvernement et tous les acteurs politiques et sociaux à promouvoir un dialogue politique inclusif afin d’organiser les élections dans un climat apaisé et consensuel.

Communiqué de Presse du Président de la Commission de l’UA sur la Guinée






Pour l’UE «les conditions d’organisation d’un scrutin sérieux et apaisé [ ] ne sont actuellement pas réunies» en Guinée


Les conditions d’organisation d’un scrutin sérieux et apaisé, dont le résultat puisse être accepté par tous, ne sont actuellement pas réunies.

Déclaration de la porte-parole de l’UE sur le double scrutin du 22 mars 2020 en Guinée


République de Guinée : déclaration de la porte-parole sur le double scrutin du 22 mars

La Guinée aborde dans un contexte de polarisation extrême le double
scrutin du 22 mars, élections législatives et référendum constitutionnel
tel que décidé par le gouvernement.

Les conditions
d’organisation d’un scrutin sérieux et apaisé, dont le résultat puisse
être accepté par tous, ne sont actuellement pas réunies.

L’Union Européenne réaffirme son soutien total aux initiatives de la CEDEAO et de l’Organisation Internationale de la Francophonie pour amener les autorités guinéennes à organiser des élections crédibles et inclusives. Elle appelle les acteurs politiques à la responsabilité face aux enjeux et défis auxquels est confrontée la Guinée.


eeas.europa.eu





Observation électorale: la CEDEAO décline l’invitation du gouvernement guinéen


La CEDEAO serait prête à envoyer une mission d’observation pour les élections si celles-ci sont inclusives

Réponse de la CEDEAO au ministre guinéen des affaires étrangères


Nous avons souhaité que la période de report du scrutin soit mise à profit pour renouer le dialogue entre tous les acteurs politiques

Réponse de la CEDEAO au ministre guinéen des affaires étrangères






Le rapport de l’OIF qui pointe les failles du processus électoral en Guinée


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