Toma et Toma mania, les enjeux politiques exacerbent les clivages


Point de vue


Les Toma et les Toma Mania cohabitent depuis plusieurs siècles dans cette partie de la Guinée. Selon plusieurs historiens, les Toma seraient les plus anciens dans la région forestière. Facinet Béavogui dans son ouvrage Les Toma (Guinée et Libéria) au temps des négriers et de la colonisation française rappelle toutefois, que « le pays d’habitation actuel (la préfecture de Macenta) n’a pas été le premier où ils auraient habité ». Pour cet historien, les populations Toma auraient migré du nord vers le sud (Kérouané, Beyla vers Macenta). Jean Marie DORE dans son ouvrage La résistance contre l’occupation coloniale en Guinée Forestière: Guinée 1800-1930 confirme ce séjour des Toma dans la savane avant de descendre plus au Sud dans la sylve. Les sources notent cette migration vers le Sud entre 1570 et 1600.

Si les Toma et les Toma mania se disputent très souvent la paternité de la ville de Macenta, plusieurs historiens soutiennent que les Toma mania sont le résultat d’un métissage culturel et biologique entre les communautés Toma et Malinké. Une migration Malinké qui se situerait autour du XIIIème et du XIXème siècle

Dans un article intitulé Guinée : le prix d’une stabilité à court terme, Paul Chambers souligne qu’il existe en région forestière « une ligne de clivage importante entre les deux principaux groupes de population, les « peuples forestiers » – principalement Kissi, Toma, Guerzé et Mano – et les peuples d’origine mandingue – Malinké, Konianké, Kouranko, Manian. » L’auteur rappelle les évènements qui ont abouti à des violences intercommunautaires notamment en 1991, lors de l’élection controversée d’un maire malinké à la tête de la capitale régionale, Nzérékoré, qui avait provoqué le mécontentement des populations Guerzé ou encore « les oppositions entre Loma et Mandingo dans la guerre du Liberia se sont propagées en Guinée ».

Si ces conflits ont des causes historiques, économiques, sociales et culturelles, la récurrence des violences intercommunautaires dans la région forestière est aussi la résultante des « manipulations politiques ainsi que les défaillances et dysfonctionnements des structures administratives et judiciaires de la région. »

Les points d’achoppement entre les communautés sont nombreux. Dans un rapport de 2016 de l’ONG Action pour le Développement Communautaire, intitulé Les pactes communautaires, outils de prévention des conflits et de consolidation de la paix : le cas de la Guinée forestière et des pays limitrophes, Libéria, Sierra Léone et Côte d’Ivoire, on peut lire les points de vue des autochtones sur les allogènes et vice versa. Les premiers reprocheraient aux seconds « L’arrogance et le non-respect envers ceux qui les ont accueillis », « le refus de parler la langue locale (de celui qui a accueillis) et volonté d’imposer leur langue », « le refus d’accorder leur fille en mariage à l’autochtone alors que l’inverse est courant », « l’accaparement des terres de culture prêtées et occupation abusive des terrains non octroyés »… Quant aux allogènes, ils reprocheraient aux autochtones « le refus de reconnaître l’allogène comme membre à part entière de la communauté villageoise malgré l’ancienneté de leur installation dans le village »…

Les auteurs de ce rapport soulignent que les tensions sont aggravées quand les enjeux sont politiques notamment quand des « étrangers » expriment la volonté d’occuper certaines responsabilités politiques. Ici, les étrangers sont les allogènes.

Cette réalité constitue un terreau fertile pour le clientélisme politique et les manipulations.

Dans son ouvrage Le conflit ethnique: sa nature et les moyens de sa prévention par la communauté internationale, Witold Rackza définit les conflits identitaires comme des « différends culturels, économiques, juridiques, politiques ou territoriaux entre deux exemples ou plusieurs groupes aux origines différentes ». Il y a conflit de ce type lorsqu’un groupe se persuade, à tort ou à raison, qu’il est menacé de disparaître soit sur le plan physique, soit sur le plan politique, par la domination exclusive d’un autre groupe qui lui est insupportable. Dans le même ordre d’idées, François Thual dans Les conflits identitaires, souligne que « la survie réelle ou fantasmatique du groupe est en jeu, quand celui-ci se sent dépossédé non seulement d’un territoire ou de son territoire, mais plus gravement lorsqu’il se sent dépossédé de son devoir de vivre, de son identité et de sa spécificité ».

En Guinée, les enjeux politiques sur fond de manipulations et d’instrumentalisation des communautés mettent en danger la cohabitation pacifique et fragilisent le vivre ensemble.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




[Repost] Remettre la locomotive de la décentralisation en marche


Gouvernance


Dans le contexte africain surtout subsaharien, la décentralisation « est perçue [  ] comme une voie par laquelle passeront l’élargissement, l’approfondissement et le raffermissement du processus démocratique, mais également comme le chemin accéléré du développement local[1]».

L’espoir ambitionné par les gouvernements africains est que les collectivités issues de ces reformes peuvent favoriser les initiatives locales en leur offrant un espace géographique et institutionnel de concertation et de dialogue. La participation des populations à la réalisation des politiques de développement dans les domaines qui les touchent est censée assurer leur adhésion à leur mise en œuvre, et du coup, une plus grande implication des populations à la prise de décisions les concernant[2]. Un des objectifs poursuivis par la politique de décentralisation est de rapprocher le processus de décision des citoyens et de favoriser ainsi l’émergence d’une véritable démocratie de proximité.

Comme l’écrivait Tocqueville dans son ouvrage « De la démocratie en Amérique » publié en 1835 « un pouvoir central, quelque éclairé, quelque savant qu’on l’imagine, ne peut embrasser à lui tout seul tous les détails de la vie d’un grand peuple ». En d’autres termes, La décentralisation laisse aux individus le soin de s’occuper eux-mêmes de leurs affaires et préserve donc leur liberté.

Entre décentralisation et développement local, il y va plus que d’un accommodement entre deux modes de gestion – l’un, redistributif de compétences centrales vers les périphéries de l’État, l’autre, participatif à la base, des forces qui composent une communauté. La population, et donc le citoyen sont au centre du processus de décentralisation. Une démarche décentralisatrice purement juridique et administrative, ne pourrait prétendre produire du développement local. La décentralisation implique un partage du pouvoir, des ressources et des responsabilités[3].

Des acquis fondamentaux aux ratés institutionnels : les collectivités locales remplacent les pouvoirs révolutionnaires locaux

À l’accession à l’indépendance en 1958, les autorités guinéennes d’alors avaient optées pour un système de planification rigide et fortement centralisé sous un régime de Parti Etat : Le Parti Démocratique de Guinée (PDG). Ce parti politique avait sous son contrôle l’ensemble des structures administratives et politiques du pays à travers ses cellules politiques de base: les Pouvoirs Révolutionnaires Locaux (PRL). Ce système n’avait pas tardé à montrer ses limites qui découlaient essentiellement de la faible implication des populations dans l’identification et l’exécution des actions de développement.

Après la prise du pouvoir par l’armée en 1984, dans son discours programme du 22 décembre 1985, le nouveau président promettait l’instauration d’une démocratie et d’un État de droit en Guinée. Avec l’appui des bailleurs de fonds notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, le gouvernement s’engageait dans un processus de libéralisation et de décentralisation axé sur la participation des populations au redressement socioéconomique du pays.

En matière de décentralisation, la Guinée devenait ainsi l’un des premiers pays de la sous-région à implanter, sur l’ensemble de son territoire, les formes de la décentralisation, soit aujourd’hui 38 communes urbaines et 304 communes rurales.

Mais c’est dans la méconnaissance des principes mêmes de la décentralisation, dans l’incompréhension des mandats des élus et dans un climat de tension autour du nouveau partage de pouvoir que les collectivités dites décentralisées furent instituées. Les cadres administratifs responsables de la formation et de l’encadrement des élus des collectivités ne disposaient ni des moyens techniques, ni des ressources humaines pour remplir cette mission qui leur était dévolue.

Certes, on reconnaissait dans les textes gouvernementaux cette volonté d’améliorer les conditions de responsabilisation des acteurs à la base pour atteindre les objectifs de développement et le renforcement de la démocratique locale. Dans les faits, l’administration publique n’avait pas forcément la capacité de procéder adéquatement au transfert graduel des compétences. La méfiance des populations à tout processus imposé par le « haut », ainsi que les tergiversations des entités administratives préfectorales et régionales, acceptant difficilement de perdre certains pouvoirs, ont nui à la décentralisation effective.

Un Code des collectivités locales pour préciser la décentralisation

Adopté le 5 mai 2006, le code des collectivités locales est l’instrument juridique qui précise le transfert de 32 compétences aux collectivités locales (Art. 29 du code des collectivités locales) avec des missions spécifiques concernant globalement : l’encadrement de la vie collective, la promotion et le renforcement de l’harmonie des rapports entre les citoyens, la gestion des biens collectifs, la promotion du développement économique, social et culturel de la communauté, et la fourniture aux citoyens de services pour satisfaire leurs besoins et leurs demandes.

Selon la constitution guinéenne, l’organisation territoriale du pays est constituée par les circonscriptions territoriales (préfectures et sous-préfectures) et les collectivités locales (régions, communes urbaines et rurales) (Art. 134 de la constitution). La création, l’organisation et le fonctionnement des circonscriptions territoriales relèvent du domaine réglementaire et quant aux collectivités locales leur création et réorganisation relèvent de la loi (Art. 135). Si les circonscriptions territoriales sont administrées par un représentant de l’État assisté d’un organe délibérant, les collectivités locales quant à elles s’administrent librement par des conseils élus, sous le contrôle d’un délégué de l’État qui a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois (Art. 136).

Dotées de la personnalité morale, d’autorités propres et de ressources, les collectivités locales possèdent un patrimoine, des biens matériels et des ressources financières propres, qu’elles gèrent au moyen de programmes et de budgets ; elles sont sujettes de droits et d’obligations. Elles s’administrent librement par des Conseils élus qui règlent en leur nom, par les décisions issues de leurs délibérations, les affaires de la compétence de la collectivité locale. Elles concourent avec l’État à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi qu’à la protection de l’environnement et à l’amélioration du cadre de vie (Art. 2 du code des collectivités locales).

Dans la Constitution du 19 avril 2010, il est prévu la mise en place d’un Haut conseil des collectivités locales, organe supérieur consultatif, a pour mission de suivre l’évolution de la mise en œuvre de la politique de décentralisation, d’étudier et de donner un avis motivé sur toute politique de développement économique local durable et sur les perspectives régionales (Art. 138).

L’organisation des élections locales : la longue marche vers les bureaux de vote

Maintes fois reportées, les dernières élections communales ont eu lieu en 2005 sous le règne du président Lansana Conté. Cette situation est la résultante d’un contexte politique marqué par une instabilité politique (disparition en décembre 2008 du président Lansana Conté, début d’une transition militaire avec le capitaine Moussa Dadis Camara puis le général Sékouba Konaté).

Élu en 2010, le président Alpha Condé procédera en 2011 au remplacement des élus locaux dont le mandat avait expiré depuis 2010, par des délégations spéciales. Selon l’opposition, les collectivités locales sont désormais dirigées par des personnes nommées par l’exécutif et non élues par les populations. Une décision qui sera dénoncée par l’opposition à travers des manifestions de rues, de séries de revendications et de dialogues. Le 17 août 2015, après une rencontre entre le leader de l’UFR Sidya Touré et le président Alpha Condé, ce dernier accepte le principe de recomposition des conseils communaux au prorata des résultats obtenus par chaque parti politique lors des législatives de 2013, pour remplacer les 28 délégations spéciales installées en 2011 et les autres élus locaux dont les mandats avaient expiré en 2010. Au total, 128 communes sur 342, dont 38 rurales et 90 urbaines, seront recomposées.

Comme les violations des lois électorales et les contestations de l’opposition se suivent et se ressemblent en Guinée depuis plusieurs années, le nouveau code électoral promulgué le 27 juillet 2017 par Alpha Condé, fruit de l’accord politique du 12 octobre 2016 signé entre la mouvance et une partie de l’opposition n’échappera pas à cette logique de rapport de forces.

Cet accord prévoit que le conseil de quartier ou district soit désigné au prorata des résultats obtenus par les listes de candidatures à l’élection communale. L’argument avancé est la complexité que représente l’organisation des élections dans les 3 763 quartiers et districts du pays. Dans son arrêt 023 du 15 juin 2017, la Cour constitutionnelle avait relevé l’inconstitutionnalité de plusieurs dispositions du nouveau code électoral. Toutefois le réexamen du code électoral a été soumis à l’Assemblée nationale non pas en séance plénière mais au niveau de la commission des lois. Ce qui constitue une autre entorse à la procédure parlementaire.

Douze ans après les dernières élections locales de 2005, la commission électorale nationale indépendante (CENI) a fixé la date de ces élections au 4 février 2018, une date approuvée par toutes les parties en compétition. Malgré les quelques difficultés signalées lors du dépôt des candidatures ou encore de la distribution des cartes d’électeurs, la CENI maintient son chronogramme et rassure les acteurs de la tenue effective de ces élections à la date indiquée.

Mobilisation politique, manque de moyens et influence négative de la tutelle rapprochée : des collectivités locales affaiblies

La finalité de la mise en œuvre d’un processus de décentralisation est de réussir le développement socio-économique dans des domaines qui souffrent trop souvent de l’inefficacité des administrations publiques et d’un pouvoir décisionnel trop centralisé.

En Guinée, le clientélisme politique a fini par transformer les collectivités locales en bastions politiques au service de la mobilisation partisane. Cette politisation à outrance dans la gestion des collectivités locales est préjudiciable à la mobilisation de la dynamique locale.

Dans un rapport publié en 2012 intitulé « Débats locaux sur le processus de décentralisation » publié conjointement par le ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation, le conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSC-G) et l’association nationale des communes de Guinée (ANCG) il ressort des dysfonctionnements importants dans la gestion des collectivités locales. On peut lire dans ce rapport que les élus locaux, dans leur grande majorité considèrent que la décentralisation a été un transfert de compétences qui n’a pas été suivi de transfert de moyens leur permettant d’exercer les compétences qui leur sont transférées. Une réalité qui contraste avec les mesures annoncées dans la lettre de politique nationale de décentralisation et de développement local où on peut lire : « La décentralisation ne prendra corps, que si les transferts prévus dans le code des collectivités sont opérationnalisés, que les collectivités disposent des moyens de les assurer ».

Les élus locaux se plaignent du manque de subventions de l’État et de la faiblesse des ressources mobilisables au niveau local. C’est ce qui, selon eux, explique le faible taux d’exécution de leurs plans de développement local (PDL).

Ils dénoncent aussi leur marginalisation, par la tutelle, dans la mobilisation et la répartition des recettes locales. Selon leurs dires, ils ignorent généralement l’étendue de l’assiette fiscale sur la base de laquelle ils perçoivent leur part de ressources partagées.

Ils soutiennent que les collectivités locales sont également victimes d’abus d’autorité de la part de la tutelle rapprochée. Dans la plupart des cas, les élus locaux sont inféodés à la tutelle rapprochée de crainte de sanctions. Pour illustrer cet état de fait, un élu d’une commune urbaine affirme :

« On n’ose pas refuser de donner de l’argent à un Préfet ; on est obligé de laisser une bonne partie de la taxe superficiaire à la préfecture ; les maigres ressources sont souvent utilisées pour la prise en charge de missions et de délégations qui viennent à tout moment et on n’ose pas présenter une facture ; il y a des secrets profonds que je ne peux pas dénoncer ». Il poursuit: « Je dis, en parlant de la pression financière exercée par l’administration territoriale sur les maigres ressources des collectivités, que : au lieu que l’enfant tète la mère, c’est plutôt la mère qui tète l’enfant ». Un autre élu soutient en ces termes : « Lorsque l’autorité au sommet vient affamée, la base est obligée de subir ».

Pour maintenir de bons rapports avec leurs tutelles, les collectivités locales acceptent d’être soumises à des dépenses extra budgétaires. Dans la plupart des localités, les dépenses effectuées par les sous-préfets, préfets et gouverneurs sont effectuées à partir des cotisations imposées aux collectivités locales. C’est par exemple le cas lorsqu’il s’agit d’organiser des festivités ou de recevoir des hôtes de marque.

Concernant le déficit d’autorité dont souffrent les collectivités locales, les interrogés soulignent que l’absence de critères de choix basés sur la compétence des élus a permis à des élus locaux âgées et pour la plupart analphabètes d’être à la tête de bon nombre de collectivités locales. À cause de cet état de fait, les multiples formations dont ont bénéficié les collectivités locales ont eu très peu d’impact sur la capacité des élus locaux. Dans ce contexte, le code des collectivités locales qui est peu diffusé est faiblement maitrisé par les élus.

Décentralisation en Guinée, une expérience inachevée mais peut mieux faire

Face à l’optimisme de Alhassane Condé, ancien ministre et auteur de l’ouvrage « la décentralisation en Guinée, une expérience réussie » publié en 2003, nous pensons que la décentralisation en Guinée est une expérience inachevée. Le code des collectivités locales qui l’instrument juridique de mise en œuvre de la décentralisation souffre du manque de textes d’application pouvant faciliter son appropriation par les élus locaux. Du coup, sa maîtrise par les acteurs locaux est insuffisante. Un autre facteur est le taux élevé d’élus analphabètes au sein des conseils locaux et l’âge relativement élevé de ces élus qui expliquerait aussi cette faible connaissance du contenu des textes réglementaires de la décentralisation.

Malgré les nombreux programmes de renforcement de capacité des collectivités locales, les résultats obtenus sont en deçà des attentes exprimées. Cette réalité est d’ailleurs reconnue dans la lettre de politique nationale de décentralisation et de développement local où des recommandations sont formulées en ces termes : « Le renforcement de capacité n’est pas la somme de programmes de formation et d’équipements. Renforcer les capacités implique de prendre en compte trois niveaux interdépendants : le niveau individuel qui concerne les compétences des individus, le niveau organisationnel qui concerne la performance des organisations et le niveau systémique qui touche à la gouvernance (institutions et normes) ».

Un autre axe qui soutient ce constat d’expérience inachevée de la décentralisation en Guinée concerne le transfert de moyens permettant aux collectivités locales d’exercer les compétences qui leur sont transférées. Selon le rapport de 2012 du ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation, le conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSC-G) et l’association nationale des communes de Guinée (ANCG), les dotations et subventions de l’État sont quasi-inexistantes aussi bien pour les collectivités locales que pour la tutelle chargée de veiller à leur bon fonctionnement. Les ressources financières mobilisées ou mises à la disposition des collectivités locales sont partout insuffisantes.

Au lendemain des élections locales du 4 février 2018 et la récurrente tradition de contestations des résultats électoraux en Guinée, nous formulons le vœu qui est aussi un défi lancé aux acteurs nationaux de la décentralisation d’œuvrer pour un nouveau départ de la locomotive de la décentralisation avec à son bord le développement local.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com

Cet article a été publié pour la première fois en 2018





[Repost] Comment la Guinée a-t-elle été peuplée ? [Par Dr Bano Barry]


Etudes


« Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables “Gardez-vous d’écouter cet imposteur; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne!” » (Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité, 1755).[1]

Comment la Guinée a-t-elle été peuplée ? Qui en sont les premiers occupants et qui en sont les derniers ? Ceux qui habitent la Guinée en 2014, d’où viennent-ils ? Par où sont-ils passés ? Quel groupe ethnique a fait quoi, avec quel groupe, contre quel autre groupe et dans quelles circonstances ? Ces interrogations sont les préoccupations de cet article.

Ces interrogations plongent leurs racines dans l’histoire du mouvement migratoire et de la mise en place des populations guinéennes ou tout simplement dans l’histoire de la Guinée. Puisqu’il s’agit de l’histoire, il est possible que certains disent que nous ne sommes pas la bonne personne pour traiter de ce sujet. En effet, n’étant pas historien[2]de formation, certains pourraient s’offusquer que nous parlions à la place des spécialistes.

Nous savons qu’il existe en Guinée des historiens de très haut niveau; ils sont à la fois de l’ancienne et de la nouvelle génération. Ces historiens, nous le croyons fermement, ont la qualification requise et le savoir suffisant pour faire cet article à notre place.

Cependant, tout sociologue est un peu un historien. En tous cas, tout sociologue est obligé de faire de l’histoire, car les faits sociaux au centre de la recherche du sociologue ont un passé. Et cette réalité qu’étudie le sociologue est historique, c’est-à-dire qu’elle est datée et circonscrite dans un espace géographique et temporel. C’est autant dire que la sociologie et l’histoire se complètent sans se confondre. Cette complémentarité indéniable est suffisamment expliquée par G. SMETS (1929 : 89)[3] qui disait que :

« La sociologie n’atteint au réel qu’à travers l’histoire, mais l’histoire n’explique le réel que grâce à la sociologie ».

Partant, on pourrait dire que le sociologue apporte à l’historien le cadre théorique sans lequel son étude n’est que narration, technique que le journaliste maîtrise mieux que lui. D’ailleurs, l’un des plus grands historiens américains, G. E. HOWARD[4], affirmait, pour étayer cette complémentarité, que « l’histoire est la sociologie du passé et la sociologie l’histoire du présent ».

En fait, nous écrivons pour faire écrire. Nous écrivons dans l’espoir que notre ignorance, nos errements et nos égarements, que nous revendiquons et acceptons, vont amener les historiens à sortir de leur silence assourdissant et « historique » pour faire face aux dérives de la politique politicienne qui falsifie l’histoire de la Guinée et des Guinéens de nos jours. Peut-être qu’en écrivant et en nous trompant, les historiens qui sont les mieux placés pour nous entendre et comprendre notre cri de cœur, vont rompre leur silence, leur mutisme et leur indifférence face à leur devoir, leur mission et leurs responsabilités.

Dans cet article, il y aura des trous et des inexactitudes. Les uns et les autres découvriront notre ignorance et la faiblesse de notre documentation sur certains groupes ethniques et sur certains aspects. Et comme disait Amadou Ham Pâté BAH, dont nous sommes un disciple livresque :

« Je ne cherche pas à avoir raison, plutôt je cherche à ce que nos raisons et nos diverses vérités édifient la vérité vraie ».

Nous souhaitons que nos lecteurs ne gardent qu’une seule chose de ce texte : notre volonté de privilégier ce qui unit les Guinéens dans leur passé et aussi dans le présent, car comme le disait Professeur Djibril Tamsir NIANE (1963 : 21) :

« Il faut prendre garde, parce que l’histoire reste très vivante encore et vous n’êtes pas sans savoir que des querelles qui remontent parfois au 13ème et au 12ème siècles peuvent resurgir avec une recrudescence inattendue ».

Cet article est donc une façon de faire taire les « scientifiques » de certaines radios privées de Conakry, les « insulteurs publics » et les « révisionnistes historiques » qui brisent, chaque fois qu’ils ouvrent la bouche, ce qui reste de la Guinée : notre pays.

Je cherche à déconstruire le discours qui falsifie pour humilier, le discours qui divise pour rabaisser, le discours qui incite à la haine et à la violence. Il y a longtemps que j’ai appris, pour avoir duré sur les bancs de l’école, que l’histoire d’une nation, celle enseignée et diffusée, est une « reconstruction » intelligente pour apaiser les passions et flatter le « vouloir vivre ensemble ».

Face aux pyromanes de Guinée qui veulent manger, se vêtir et se loger en mentant et en falsifiant pour faire plaisir aux égos de leur mentor, j’ai pensé qu’il est temps que quelqu’un assume en puisant et rendant public une petite partie des travaux des historiens de Guinée (je ne nomme personne pour ne pas insulter ceux qui ne le seront pas) et les centaines de diplômés qui ont réalisé des mémoires sur les mouvements migratoires et la mise en place des populations guinéennes, malheureusement, rarement consultés de nos jours. C’est à tous ces devanciers que je voudrais rendre hommage[5] en présentant, sans les dénaturer, leurs travaux non publiés et souvent utilisés par les vendeuses pour emballer du « takoula » et du « malè gato » dans la cour des écoles publiques et privées et à leurs abords ou gardés dans les caves moisies et obscures des bibliothèques publiques du pays.

LE PEUPLEMENT DE LA GUINÉE

Faire l’historique du peuplement de la République de Guinée est un exercice à la fois simple et complexe. Il est simple, car il est toujours possible de « répéter » les nombreux écrits réalisés sur certaines des populations de ce pays avec le risque de reproduire des vérités connues, parfois reconstruites, souvent parcellaires et forcement tronquées.

L’exercice est complexe, car il existe peu de documentation sur le peuplement de toutes les populations guinéennes et celle qui existe porte sur certains groupes, en particulier (baga, soussou, Peul, kissi et malinké) et est souvent des partis pris ethnologiques. Il est encore très difficile de faire de l’histoire en Afrique car cet exercice, comme le disait Boubacar BARRY (1975 : 12)[6], « se heurte à des sérieuses difficultés, car entre légende et histoire, la frontière est souvent indécise. »

C’est avec ces précautions et ces limites que nous aborderons la question du peuplement. C’est dire, autant que possible, nous viserons à être exhaustif tout en évitant les stéréotypes et les clichés faciles d’écriture mais réducteurs de la réalité historique et sociologique. Nous nous abstiendrons de présenter l’organisation sociale, les mœurs et les coutumes des différentes populations qui constituent la mosaïque humaine guinéenne. Cette question est suffisamment importante pour être diluée à l’intérieur du présent article.

S’il est difficile de dire avec une date précise à quelle époque remonte l’arrivée des premières vagues de populations dans les différentes régions du territoire qui est aujourd’hui désigné par le nom de République de Guinée, la plupart des documents disponibles et utilisés par les historiens qui s’intéressent à la question des mouvements migratoires des populations situent le début de l’occupation de ce territoire autour du moyen âge africain (approximativement entre le Vème et le XVIème siècles). En fait, cette période, comme toutes ces périodes éloignées et mal documentées, est arbitraire et correspondrait davantage à la période à partir de laquelle il existerait des documents plus ou moins fiables et utilisables (souvent de sources arabes) dans le cadre des canaux scientifiques.

On sait, cependant, avec certitude que le dessèchement du Sahara et la chute de l’empire du Ghana (1076) ont eu pour conséquence une très grande mobilité des populations africaines de l’Ouest. Cette mobilité s’est poursuivie, et s’est prolongée avec la naissance et la disparition de tous les empires et Etats de la région (Mali au XIIIème siècle, Songhaï au XVème siècle, Ségou au XVIIème siècle, Foutah Djalon au XVIIIème siècle, Macina au XIXème siècle, etc.) qui se sont succédé sur ce vaste espace qui va du désert à la lisière de la forêt en passant par la savane et les zones montagneuses du Foutah Djalon.

On sait aussi depuis les travaux de l’historien Djibril Tamsir NIANE[7], qui s’est appuyé sur ceux de Maurice DELAFOSSE (1912)[8], que :

« Les noirs ne sont pas autochtones, en cela toutes les traditions locales sont unanimes et on connaît la tendance générale en Afrique Occidentale à faire venir les ancêtres de l’Est. » (1960 : 43).

Ce point de vue est aussi celui de la quasi-totalité des spécialistes de la question qui s’accordent à reconnaitre que, pour l’essentiel, les populations de la Guinée sont originaires du Sahel et que ces populations sont arrivées sur le territoire guinéen par vagues successives au cours des siècles. La première conséquence de cette conclusion est simple : nous sommes tous des «étrangers» à part égale dans les pays dans lesquels nous vivons présentement, les premiers comme les derniers arrivés.

Cela dit et pour faciliter la lecture lourde et fastidieuse du présent article, nous allons, pour en aérer la lecture, le découper en de petits morceaux avec des titres que nous espérons significatifs.

LES COTIERS DE LA GUINEE (MANDENYI, SOUSSOU, BAGA, NALOU, LANDOUMA, MIKHIFORE)

LES MANDENYI

Les Mandenyi seraient les premiers occupants de la zone côtière de la Guinée. Cette affirmation est celle de Zainoul A. SANOUSSI (1969 : 25)[9] qui défend dans son Mémoire de Fin d’Etudes Supérieures que : « les traditions et les documents s’accordent pour dire que les 1er occupants de la zone comprise entre Dubréka, Conakry, Coyah et Forécariah seraient les Mandenyi »

Les rares historiens qui se sont intéressés à la migration des Mandenyi s’accordent sur deux choses. La première est de considérer qu’ils auraient occupé, selon CONTE, reprenant André ARCIN (1911 : 186)[10], « tout le versant Sud-Ouest du Foutah d’où ils furent en partie expulsés à la suite du refoulement général des Baga du Nord vers la mer ». La seconde est de considérer que du Foutah Djalon, les Mandenyi seraient descendus dans la région forestière (entre Faranah et Macenta) avant de migrer vers la côte en traversant le territoire actuel de la Sierra Leone.

C’est probablement pour cette raison que Demba CONTE (1979 : 21)[11] a affirmé dans son Mémoire que : « Forécariah a été habité par une population de souche Mandeyi dont le pays d’origine serait aux confins de Macenta et de Guéckédou ». Ce sont les mêmes propos que l’on retrouve dans les écrits d’André ARCIN (1909 : 14) « les Mandeyi, tout comme les Baga, sont venus du Solina actuel ». Dans tous les cas, en 2014, il y a plus de Mandenyi en Sierra Leone qu’en Guinée. Ce qui atteste, on ne peut plus mieux, leur pérégrination dans la région Ouest africaine.

LES SOUSSOU

Ce que l’on désigne en français par le mot Soussou se désignent eux-mêmes Sosoé ou Sosé. Pour faire simple, on dira dans ce texte les « Soussou » pour les désigner. Mahawa BANGOURA (1972)[12] relate qu’ils seraient venus du Mali après la victoire de Soundiata KEITA sur Soumangourou KANTE à la suite de la défaite de ce dernier à la bataille de Kirina en 1235. Pour BANGOURA (1972), du Mali, les Soussou auraient emprunté quatre voies :

  • Le 1er groupe aurait passé par Sibi Menien pour trouver asile dans l’actuelle Haute Guinée et au Foutah Djalon avant de rejoindre le littoral guinéen. Il semble que ceux qui ont séjourné au Foutah Djalon se seraient scindés en deux groupes : le premier aurait longé le bassin du Konkouré pour occuper le Kabitaye, le Labaya et le Bramaya et le second aurait longé le cours des scories, se serait emparé du Benna et de Tamisso avec les Mandeyi avant de s’installer dans le Kemalaye, le Kissi-Kissi, le Soumbouya et le Moricanie;
  • Le 2ème groupe serait parti vers le Sénégal et aurait été assimilé par les Wolofs ;
  • Le 3ème groupe aurait traversé le Sénégal avant de contourner le Foutah Djalon pour rejoindre la côte guinéenne ;
  • Le 4ème groupe aurait longé le fleuve Niger pour aller en Guinée Forestière tout en conservant les noms de famille comme KANDE, BAMBA et SOUMAORO (BANGOURA, 1972 : 14).

Sur ces quatre trajectoires migratoires, l’unique que l’on retrouve dans les écrits de Jean SURET-CANALE[13], qui sont antérieurs à ceux de Mahawa BANGOURA, est la troisième route migratoire. En effet, Jean SURET-CANALE (1970) s’appuyant sur la tradition orale du Rio Pongo affirme qu’« il est probable que les soussous soient venus des vallées moyennes du Bafing et de la Gambie vers le littoral, en contournant la région du Foutah par la vallée du Cogon, à une époque très ancienne » (1970 : 47).

Pour Cheick Sidy Mohamed DIALLO (1975)[14], les Dialonké et les Soussou auraient migré du Ghana vers 1250. Pour être si affirmatif, il s’appuie non seulement sur ses propres recherches sur le terrain mais aussi sur les travaux antérieurs de Maurice GAUTHIER (1908 : 12)[15] qui soutenait que :

« C’est probablement mal accueillis par les Banbaras qui peuplaient le Soudan méridional que les Dialonké durent continuer leur marche vers le Sud jusqu’au Foutah actuel où ils s’établirent »

Ces versions ne sont pas totalement différentes de celles Charles Emmanuel SORRY (1974)[16]. Sans les faire venir de loin comme les autres, il reconnait toutefois leur mouvement d’Est-Ouest. Pour lui, les Soussou seraient des chasseurs d’éléphants originaires de Funyi et de Sangalan aux abords de la Falémé. A la quête d’éléphants, ils se dirigèrent d’Est vers l’Ouest. Dans cette marche, ils auraient utilisé le trajet relaté par SURET-CANALE (1970), c’est-à-dire en passant par le Cogon avant d’être repoussés par les Badiaranké vers le Sud-ouest. C’est ce groupe qui se serait agrandi en absorbant et en assimilant certains membres des autres groupes qui seraient arrivés plus tard comme les Baga et les Landouma. Enfin, l’on notera que de nos jours, la plupart de ceux qui l’on désigne par le nom de Soussou occupent surtout le Sud de la région maritime : Conakry, Kindia, Coyah, Forécariah et Dubréka, alors que le Nord est majoritairement peuplé par les autres ethnies du littoral tels les Baga, les Nalou, les Landouma, etc.

Après avoir fait ce bref rappel historique sur les Soussou de Guinée dans leur trajectoire migratoire, il reste plusieurs questions sans réponses. La première question est de savoir si les Dialonké et les Soussou sont un et même peuple ? La seconde question est de savoir si l’empire Soso a été fondé par les Soussou, les Dialonké ou un autre groupe humain ? Cette dernière question pose indirectement celle de l’appartenance ethnique de Soumangourou KANTE, le roi du Soso.

Sur la première question, Cheick Sidy Mohamed DIALLO (1975) ne répond pas directement, mais se contente d’affirmer que si les deux groupes (Sousou et Dialonké) ne sont issus du même peuple, les seconds sont rattachables à l’embranchement du premier nommé à cause de l’identité quasi-totale de leurs deux langues. Pour l’affirmer, il s’appuie sur la tradition orale qu’il rapporte.

Il est vrai qu’en écoutant un Dialonké et un Soussou parler leur langue, on décèle des mots identiques avec quelques différences ou nuances linguistiques. Ces nuances linguistiques ne permettent ni d’infirmer ni de confirmer qu’il s’agit d’un même et unique groupe ethnique. On peut supposer que ces différences pourraient s’expliquer par des migrations différenciées dans le temps et l’espace et par la longue cohabitation avec les Malinké dans le Manding et les Peul au Foutah Djalon. Ces différentes cohabitations auraient eu pour effets des emprunts réciproques.

On pourrait affirmer, à la suite de Jean SURET-CANALE, la « parenté linguistique » entre les deux groupes (Soussou et Dialonké), cependant nous ne soutiendrons pas, vaille que vaille, que les deux groupes constituent un même peuple. Des recherches ponctuelles, intenses et suivies sont nécessaires pour trancher la question sur ce lien parental entre Dialonké et Soussou.

Sur la seconde question, la réponse de Maurice DELAFOSSE (1912) est catégorique. Ce chercheur, affirme, à la suite de IBN KHALDOUM, que les :

« Sossé [   ] ont été longtemps confondu à celui des Soussou, alors que, à mon avis, ces derniers n’ont jamais participé à sa formation ni à sa gloire : c’est tout au moins ce qui résulte d’un examen consciencieux des traditions locales, comme de la lecture attentive de quelques documents écrits » (1912 : 162).

Pour Maurice DELAFOSSE (1912), la constitution du Soso en un empire est le prolongement de l’affaiblissement de l’empire du Ghana par les Almoravides. Sur les lambeaux de l’empire du Ghana et après que la domination berbère eut pris fin en 1090, un Etat vassal du nom du Royaume de KANIAGA put, à son tour, devenir un empire avec comme capitale Soso et comme premier dirigeant des princes Soninké de la dynastie des DIARISO qui venaient de l’intérieur de l’empire du Ghana.

Il semblerait que c’est sous le règne de Banna-Boubou (1100-1120) que des Peul qui appartenaient au clan des So ou Férobhè se seraient métissés avec les dirigeants Soninké du Royaume de KANIAGA :

« C’est ce qui fit donner aux descendants de ces unions le nom de Sossé (descendance des SO) ; plus tard, l’emploi de cette appellation s’étant généralisé, elle fut appliquée à tous les habitants de KANIAGA ou tout au moins à toute la casse dirigeante. C’est également cette circonstance qui fit donner le nom de Soso (village des SO) à la capitale de l’Etat » (Maurice DELAFOSSE (1912 : 164).

Sur la seconde interrogation toujours, il y a peu de chance que Soumangourou KANTE soit Soussou ou Dialonké. Il est fort probable qu’il soit un Malinké. On sait, à travers l’histoire relatée par Maurice DELAFOSSE (1912), que Soumangourou KANTE est le fils d’un usurpateur de pouvoir du nom de Diaara KANTE.

Maurice DELAFOSSE (1912) affirme qu’à la mort de Birama DIARISO (le dernier prince de la dynastie des DIARISO), la lutte pour la succession va opposer les neufs fils issus de deux épouses du défunt roi. C’est cette bataille fratricide qui va conduire les enfants de la seconde épouse à faire appel au plus grand soldat du Royaume du nom de Diaara KANTE. Ce dernier va aider à vaincre les enfants de la première épouse, mais finira par prendre le pouvoir aux mains des enfants de la seconde épouse qui eux-mêmes ne s’entendirent pas après leur victoire. Soumangourou KANTE (1200 environ à 1235) est donc l’héritier de Diaara KANTE et se serait sous son règne que l’empire Soso atteindra son apogée et son déclin.

Au vu de ses éléments et de ce que nous savons de Soumangourou KANTE et du patronyme KANTE hier et aujourd’hui, il est difficile de soutenir que celui-ci ne serait pas Malinké. En effet, comment expliquer qu’on ne trouve nulle part, en dehors du Manding, assez de familles KANTE à l’échelle communautaire ? Pourquoi les KANTE, eux, sont-ils restés si massivement dans le Manding après la défaite militaire de leur roi et la décision de les reléguer au simple statut d’homme de caste au service de la nouvelle dynastie du vainqueur de Kirina ? Peut-on alors supposer que la plupart des KANTE qui seraient restés dans le Manding auraient changé de nom pour se confondre et éviter des représailles ? Peut-on, enfin, croire que ceux qui ont préféré partir ont gardé leur nom de famille par souvenir et/ou par fierté ? Ce sont là des questions d’importance capitale qui, pour leurs réponse, demandent de la volonté, de courage et des moyens appropriés pour mener des recherches pluridisciplinaires, suivies et intenses à plusieurs niveaux dans la sous-région.

D’ici là, on peut se permettre certaines hypothèses qui ouvrent de nouvelles pistes de recherches. On peut, par exemple, légitimement se douter du fait que les descendants de Soumangourou KANTE ne soient pas encore dans les limites de l’ancien empire de son fondateur. Aussi, si les KANTE sont restés dans le Manding, et on sait qu’ils l’ont été pour la majorité d’entre eux, c’est probablement parce que le pouvoir n’appartenait pas à tous les KANTE. Si cette hypothèse est la bonne, on pourrait dire que ceux qui ont émigré après Kirina l’ont fait pour quitter une zone de trouble où la sécurité n’était pas encore rétablie et non parce qu’ils ont perdu un pouvoir qui n’était pas collectif, mais bien individuel.

En plus, les armes (couteaux, flèches, coupe-coupe, sabre, etc.) sont le fait des forgerons et donnent un avantage certain à ceux qui les ont, à ceux qui les fabriquent, mais surtout à ceux qui savent les utiliser à des fins politiques. En tous cas, l’histoire du Soundiata KEITA, tout comme celle du Foutah Djalon, montre très clairement que les armes utilisées lors de la bataille de de Kirina ou de Talansan n’ont été confectionnées ni par les KEITA, ni par les Peul musulmans. Les uns et les autres en ont fait des moyens de conquête et de conservation du pouvoir politique à leurs propres fins, souvent au détriment d’autres dont certains avaient le secret du fer.

Enfin, l’on a toujours pensé, depuis l’empire du Mali, que les KANTE sont des forgerons[17], il se pourrait que tous les KANTE d’avant Kirina ne soient pas tous des forgerons de fabrication et d’usage. Soumangourou, tout comme d’autres chefs après lui, aurait eu juste le génie et la force de commander sa fabrication, de contrôler sa circulation et d’administrer son usage dans son empire. Car, la maitrise du fer, disons des armes, a toujours joué un rôle essentiel dans l’accès et l’exercice du pouvoir.

LES AUTRES COTIERS

Il semble qu’avant d’arriver sur le long du littoral, les Baga, les Landouma et les Nalou ont aussi transité par la région du Foutah Djalon. Arrivés en ces lieux depuis le haut Moyen Age et devenus sédentaires, ils s’occupaient essentiellement de l’agriculture et d’élevage. Ils seraient refoulés vers les côtes atlantiques par les Dialonké qui occupaient alors les plateaux du Nord et du Centre du Foutahh d’où certains parmi eux seraient, plus tard au XVIIIe siècle, refoulés à leur tour par les Peul musulmans.[18]

LES BAGA

Reprenant F. K. Voeltz, MOUSER(1999)[19] écrit que le mot « Baga » dérive du susuxuy bae, « la mer », et raka, « de là », d’où baeraka, « ceux de la mer », terme utilisé pour désigner ceux qui vivent le long de la côte. Une conclusion allant dans le sens de ce que WILSON (1961: 1) indiquait il y a quarante ans, lorsqu’il remarquait que « Baga » est plutôt prononcé Baka par les intéressés et les Temne.

Dans le cours développé par Zaïnoul A. SANOUSSI et ses autres collègues du Département d’Histoire-Sociologie, d’Histoire-Philosophie et autres binaires de l’époque de l’Institut Polytechnique « Gamal Abdel Nasser » de Guinée, intitulée « la mise en place des populations guinéennes »[20], il est affirmé que les Baga seraient l’une des toutes premières migrations du Tekrur vers la côte. En tous cas, les explorateurs portugais notent la présence des Baga dès le XVIème siècle le long des côtes atlantiques de la Guinée. Ils auraient emprunté plusieurs chemins et à des périodes étalées sur plusieurs siècles. Ce qui aurait conduit à l’existence de plusieurs groupes sociolinguistiques Baga.

MOUSER (1999) nous apprend qu’en 1885, le révérend P.H. DOUGHLIN divise les Baga en Baga Koba, Baga Kakisa, Baga Nus ou Baga Noirs, Mikhii-Fori et Baga Kalum. Quand à Denise PAULME (1956)[21], il distingue de son côté les embranchements suivants de Baga :

  1. Mandori autour de l’embouchure du Rio Componi (ils cohabitent avec les Nalous). Ils viendraient de la zone comprise entre Télimélé et Kindia ;
  2. Sitémus à l’embouchure du Rio Nunez demeurant surtout dans la région du Nunez (village de Katoko, Katongoro, Kawtel) (ils auraient migré de la région de Labé vers la zone de Kamsar) ;
  3. Koba au Sud du Pongo ;
  4. Kakissa (ou Sobané) sur les côtes entre le Cap Verga et le Rio Pongo ;
  5. Pukur ou Binani Baga (ils seraient l’un des plus anciens groupes et auraient migré de l’actuelle Préfecture de Gaoual sous aucune pression particulière). Dans le Binani (Préfecture de Gaoual, il est encore possible de retrouver certains lieux de passage des Baga avec des zones de fétiches qui restent encore des endroits gardés intacts par les populations Peul de la zone) ;
  6. et enfin, après le Konkouré, les Baga de Kalum auxquels s’ajoutent les Baga Foré et le groupe Buluñits entre le Nunez et le Cap Verda (ils auraient migré de Timbo et seraient l’un des derniers groupes à migrer vers la côte).

Nous avons donc, sous une même appellation Baga, un groupe diversifié et sans doute assez mixte.

LES LANDOUMA OU LES LAND-MEN

Les données de la tradition suggèrent que le nom de « landuma » leur aurait été attribué par les premiers explorateurs anglais. Les Landouma seraient donc l’expression anglaise de « land man » (homme du territoire, paysan).

Pour Marie Paul FERRY et Lansana SANDE (2000)[22], « Landouman » a une étymologie possible, ce serait le nom qui fut donné dès le XVIIème par les Anglais, aux hommes qu’ils voyaient le long de la côte depuis leurs bateaux: land-man en anglais signifie simplement paysan ». Reprenant Marie Yvon Curtis (1996), FERRY (2000) aurait fait remarquer que le mot apparaît pour la première fois chez le compilateur espagnol Sandoval (1623) sous la forme Landama, et qu’on le retrouve ensuite en 1664 chez André de Faro. Si l’interprétation de Ferry est exacte, ces derniers auteurs auraient en ce cas employé le terme donné par les navigateurs anglais et c’est celui qui aurait perduré dans le temps.

Les Landouma auraient deux noms : landouma et tyapi. Le nom de « tyapi » serait celui par lequel les autres populations voisines, notamment les Peul les nommeraient. Il semble se dégager deux noms pour le même peuple : les Landouma restés dans la région de Koundara sont appelés par le nom de tyapi alors que ceux qui vivent dans le Kakandé (Préfecture de Boké) gardent le nom de Landouma. Paul PELISSIER (1966 : 524)[23] dira que :

« Une partie de ces Cocoli-Landouma ont dû quitter leur pays d’origine situé au nord de Kadé, chassés par les Foulas, et ils sont venus chercher une nouvelle patrie dans les forêts désertes qui couvrent le pays situé entre le Rio Compony et le Rio Nunez ».

Alors que ceux-ci devenaient des Landouman, ceux établis au pied de la falaise de Kumbia, étaient nommés « Tyapis » par les coloniaux français sous l’influence de leurs interprètes Peul. La question qui reste sans réponse est de savoir quel est le nom de ce groupe humain avant le XVIIème ?

C’est la trajectoire migratoire des Landouma qui est suffisamment documentée. Il semblerait que les Landouma seraient venus du Tekrur, comme les Bagas, et seraient arrivés au Foutah Djalon à la même période que les Puulis sous la direction de Koly Tenguela avec lesquels ils s’affrontèrent dans la zone comprise entre les Préfectures de Télimélé et de Pita selon Aliou WANN et Bubakar BA (1974)[24]. Du Foutah Djalon, les Landouma auraient migré, selon ces deux auteurs, à partir de Kököli (l’Ouest de Gaoual) vers la côte sous la conduite de Manga DIBI. C’est ce patriarche qui aurait donné à la nouvelle région d’arrivée des Landouma, le nom de Kakandé qui signifierait « quand on a vu une fois ce pays on ne le quitte plus ».

LES NALOU

Pour Zainoul A. SANOUSSI (1969), même si l’on ne connaît pas la date d’arrivée des Nalou le long des côtes guinéennes, il y aurait au moins une certitude : les portugais auraient signalé leur présence depuis le XVème siècle.

Les Nalou auraient séjourné au Foutah Djalon aux environs du XIIIème siècle comme les Landouma et les Baga et auraient été refoulés vers la côte par les Dialonké aux environs du XIVème siècle. Du Foutah Djalon , il y aurait eu deux vagues de migration des Nalou.

La première vague se serait dirigée vers le Badiar (à la lisière des frontières de la Guinée, du Sénégal et de la Guinée-Bissau) à la suite des affrontements avec les Dialonké. De nos jours, aucune étude ne permet de savoir ce que cette vague serait devenue. On peut penser que ce groupe aurait été assimilé, mais il est impossible à ce niveau de connaissance de dire lequel des groupes vivants dans cette zone l’aurait fait.

La seconde vague aurait quitté le Foutah Djalon, bien plus tard aux environs du XVIIIème siècle. Ce serait ce groupe qui serait arrivé dans le Kakandé (Préfecture de Boké). Chez les Nalou comme chez les Baga, on noterait plusieurs sous-groupements. Ainsi, on parlerait, selon Rouguyatou DIALLO (1974)[25] de :

  • Nalou Basintyé (les Nalou de la terre ferme) ;
  • Nalou Babiniké (les Nalou des rizières) ;
  • Nalou Kubu ;
  • Nalou Köööl, etc.

Cette différenciation à l’intérieur du même groupe, comme on a pu le constater ailleurs, est le résultat de la migration à des périodes différentes et à des effets environnementaux et sociaux sur chaque vague de migration.

LES POPULATIONS DU NORD DE LA GUINÉE

LES TANDA

Toutes les populations du Nord de la Guinée sont-t-elles des « Tanda » ? Pour Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972)[26] la réponse est affirmative. Pour ces deux auteurs, le terme « Tanda » est donc générique et sert à désigner un groupe de population qui regrouperait les Könyagui, les Basari et les Badiaranké.

Le mot serait aussi un mot peul et serait donc, selon TECHER, cité par Naye DYENG et Mundekeno SAA, la désignation en pular des populations présentant certains caractères communs : des personnes qui se promènent le torse nu[27].

Pour ces auteurs, il y aurait plusieurs catégories de Tanda. Le premier groupe serait les Bassari qu’ils nomment aussi « Tanda Donka » ou porteurs de fourreaux (l’étui en bambou est appelé dönka). Le second groupe serait les « Tandas Mayo » (Tanda du fleuve en pular). Ils parleraient la même langue que les Bassari. Un troisième groupe serait constitué des « Tandas Boeni » (ou Tanda du rocher). Le quatrième groupe serait les « Tandas Badi » (Tanda de la moitié) qui habiteraient dans le N’Gamu dans le Sud-Est des provinces orientales de Tambakunda (République du Sénégal). Le cinquième groupe serait les « Tandas Ban’dé » et habiteraient le Sud-Est du cercle de Kedougou (République du Sénégal).

La plupart des auteurs consultés par Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972), comme RANCON (1894), TECHER (1933), André ARCIN (1911) partagent l’idée que les Bassari et le Cönyagui seraient venus dans leurs sites actuels en deux vagues : avant l’arrivée de Koli Tenguella et juste après son passage dans la région. Ils auraient été des acteurs importants dans l’armée de ce dernier lors de sa conquête du Tekrur.

Les membres de la première vague auraient d’abord séjourné dans le Damantan (République du Sénégal) avant de se fixer dans le Nord de la Guinée entre les territoires d’habitation des Tanda et des Bassari (entre les Préfectures de Koundara et de Mali). La seconde vague aurait été sur le sillage de la migration de Koli Tenguella. Pour DELACOUR (1947), cité par Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972), « l’arrivée des Tanda dans la région qu’ils occupent actuellement date de 1522, date à laquelle ils vinrent à la suite de Koli Tenguella parti du pays Mandé ».

Les Bassari seraient venus de l’empire du Ghana vers le XVIIème siècle et se seraient installés dans plusieurs parties du Foutah Djalon avant de se fixer dans leur habitat actuel (en partie en Guinée et en partie au Sénégal) c’est-à-dire à la lisière de la frontière Guinéo-sénégalaise. Selon GIRARD (1993:43), ces derniers se dénomment eux-mêmes les « Be-liyan » signifiant « les fils de la pierre » (de la latérite) alors que se fondant sur des notes de TAUXIER, FERRY (2000) donne pour sa part l’étymologie basar, c’est-à-dire lézard. Pendant longtemps, ils ne pratiqueraient que la chasse. Reprenant la narration de Monique de LESTRANGE (1955), Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972) affirment que :

« Les Bassaris et les Coniaguis et d’autres familles établis dans le haut N’Gabou ont eu leur berceau sur les bords du Niger qu’ils ont abandonné avec la grande migration de Koli-Tenguella vers le XIVème siècle. Cette émigration s’est répandue dans toute la vallée du Haut Sénégal, et un groupe principal est descendu dans le Foutah Djalon ».

Les Köniagui, eux, se désignent par le terme de « AWOEN » et parlent la langue « Wamëy ». Ils seraient venus de l’empire du Ghana, bien avant la plupart des populations actuelles de la Guinée. Djibril Tamsir NIANE, dans son ouvrage intitulé « Koli Tengella et le Tékrour », relatant l’épopée victorieuse de ce héros peul mentionne la présence des Könyagui dans la région de Koundara dès le XVIème siècle.

Les Badiaranké, eux, seraient apparentés aux Bassari et Koniagui et sont installés sous et sur la montagne du même nom qu’eux : le mont badiar. Pour Lestrange de LESTRANGE (1955: 1)[28], la désignation Badiaranké « semble avoir été donnée par les Peuls » et signifierait : « captifs des Peuls ». Cette version est manifestement erronée, car dans le mot « Badiaranké » il n’existe pas dans le préfixe, ni dans la racine ni dans le suffixe une composante du mot captif en pular (Matyoudho, esclave ou Djéyadho qui appartient à quelqu’un).

Pour d’autres historiens, les Badiaranké ne seraient qu’une dénomination locale des « mandinko » de l’empire du Gabou qui eux-mêmes ne sont que le résultat de la migration mandingue avec le métissage des populations diolas de la région de Casamance. Ne serait-il pas possible de considérer le nom « Badiaranké » comme l’expression de ceux qui sont au Badiar (la montagne sur laquelle et autour de laquelle ce peuple vit).

Dans leur Mémoire de Fin d’Etudes Supérieures, Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972), signalent un autre point de vue non moins importante tiré d’un auteur portugais du nom de L. CORRELA qui défend que les Badiaranké « seraient issus du métissage entre les ‘les Tilibanos (mandingue)’ arrivés dans la région vers 1800 sous la direction de Tramane SANE et des Coniaguis autochtones ». Cependant, le fait que les Badiaranké soient les seuls groupes ethniques de Guinée qui, tout en portant le nom de famille du père, se réclame du lignage de la mère devrait inciter à plus de prudence sur le lien entre Badiaranké et Mandinko.

Ce que cette historiographie laisse dans l’ombre est le processus par lequel la différenciation s’est faite entre des populations qui seraient identiques et qui vivent sur des territoires contigües. Comment des populations, appartenant au même groupe (disons Tanda pour faire simple), sont devenues Könyaguis, Bassaris et Badiaranké ? Une thèse en histoire sur le sujet ne serait pas vaine.

LES POPULATIONS DU CENTRE ET DE L’EST DE LA GUINÉE

LES DIALONKE

Tous les historiens de la Guinée s’accordent à dire que les Dialonké seraient arrivés au Foutah Djalon autour du XIème siècle. Il semblerait, selon Cheick Sidy Mohamed DIALLO (1975), que la première vague migratoire des Dialonké daterait de 1250 et se serait passé à l’intérieur de l’empire du Ghana. Cette première vague, selon GAUTIER (1908), aurait été mal accueillie par les Bambara qui peuplaient le Soudan Méridional La seconde vague migratoire serait consécutive à la victoire de Soudiata KEITA sur Soumangourou KANTE après la bataille de Kirina en 1235.

On retrouve le même point de vue dans les écrits de KANTE (1995) qui date la migration des Dialonké de l’actuel territoire de la République du Mali à partir de la bataille de Kirina en 1235 entre Soundiata KEITA et Soumangourou KANTE, le roi du Soso.

La seconde migration des Dialonké serait consécutive à la victoire des musulmans contre les non-musulmans lors de la bataille de Talansan en 1725. Après cette bataille certains se seraient dirigés vers la côte guinéenne et auraient rejoint des populations qu’ils avaient eux-mêmes repoussées auparavant. D’autres sont restés au Foutah Djalon et se sont convertis à l’Islam au Sud et au Centre du Foutah Djalon. D’autres seraient allés vivre dans le Nord-est (Saré Kindja dans la préfecture de Koubia, Ganfata dans la préfecture de Tougué et surtout Balaki-Sangalan dans la Préfecture de Mali) qui en se soustrayant (le cas de Balaki-Sangalan), qui en se soumettant de façon lente et progressive à l’autorité du Foutah Djalon et à la nouvelle religion; d’autres, enfin, seraient allés vers la région actuelle de Faranah et de la Sierra Leone où ils vont fortifier le Solima en une province assez solide et qui pendant longtemps se constituera en un « état vassal » au Foutah-Djalon.

De nos jours, on peut schématiquement distinguer quatre zones d’habitation des Dialonké en Guinée :

  • Un groupe de Dialonké vit encore au Foutah Djalon (Koubia, Tougué, Mali et Gaoual) avec une identité Dialonké réelle, même si plusieurs parmi eux sont locuteurs de deux langues : la leur et le pular ;
  • Un second groupe de Dialonké a été absorbé par les Peul er parfois n’ont aucune conscience d’une autre identité que celle Peul ;
  • Un troisième groupe vit dans la région de Faranah. Ces Dialonké utilisent souvent deux langues : la leur et le maninka ;
  • Un quatrième groupe vit en Basse Guinée et particulièrement à Conakry et revendique une identité Soussou.

LES PEUL/FOULACOUNDA/TOUCOULEUR

Les Français disent le « peul » ou « poular » pour désigner ce groupe humain qui se désigne lui-même par « pullo » au singulier et « fulbhè » au pluriel et ils disent parler du « pular ». Il semblerait que le mot « peul » leur aurait été attribué par les Wolof avant d’être repris par les français.

Il n’y a pas de consensus entre les chercheurs sur la date exacte de la première migration des Peul au Foutah Djalon. Les documents historiques disponibles notent deux vagues migratoires de Peul en Guinée. Ces deux vagues sont venues en des périodes éloignées les unes des autres dans le temps et à plusieurs endroits.

Les premiers Peul non islamisés nommés puuli[29]  auraient migré sur le territoire actuel de la Guinée en de petites vagues à partir du IXème siècle. DIALLO (1975 : 30) affirme que c’est vers le XIIIème siècle que la migration des Peul animistes prendra de l’ampleur pour devenir massive autour du XIVème siècle. Du Sahara, ils auraient atteint le Bambouk à partir duquel le groupe se scinde en deux : les premiers se dirigèrent vers le Ouassoulou et les seconds longèrent les vallées du Tinkisso et du Bafing pour atteindre le Foutah Djalon.

Pour certains historiens comme ES SADI, dans son « Tarrech es sudan », Tenguella, père de Koli, avait rallié à son bord les « arbe » (pluriel de ardo) « feroobe, wolarbe et uururbe et tous les yaalalbe » (pluriel de jaalaalo) de son clan pour se tailler un empire dans le Kingi (le Fuuta Kingi) au nez et à la barbe des Askia Sonray. L’armée de l’Askia, commandée par, son frère Amar, marcha contre Tenguela le père et le poursuivit jusqu’à Diâra, où elle le défit et le tua en 1512. C’est après la mort de son père que Koli Tenguela[30] va récupérer les troupes qui restaient de son père pour rappliquer à l’Ouest au Tekrur, en passant par le Foutah Djalon. Dans cette contrée, il va mettre en place un Etat avec une capitale située dans l’actuelle préfecture de Télimélé. C’est de là qu’il va lever une armée et remonter vers l’Ouest entrainant avec lui une armée dans laquelle étaient incorporés des Dialonké, des Malinké, des Köniagui, des Baga, des Nalou, des Diola, des Serère, bref tous les peuples trouvés sur le chemin du Tekrur qu’il rebaptisera du nom de « Foutah Tooro »[31]. Le territoire de Tekrur qu’il annexa, il lui donna le nom de Fouta en souvenir du Fuuta Kingi de son père et auquel il adjoignit Tooro, une des provinces du Fouta (KANE, 2004).

Cette remontée et la prise du pouvoir dans le Tekrur en 1552 aura pour conséquence d’imposer sa dynastie (Denyankobé[32]), sa langue (le pular) et la culture Peul à toutes les populations du Royaume. Ce serait ainsi que toute la région du Fouta Tooro devenue majoritairement « foulaphone » Halpulaar’en (ceux dont la langue est le Pular avec une forte dominance Toucouleur).

Plusieurs siècles plus tard (XIXème siècle), El hadj Omar TALL fera le même chemin, mais en sens inverse. Du Foutah Tooro, il descendra au Foutah Djalon, traversera Dinguiraye pour remonter vers le Fouta Kingi pour affronter Hamadou-HAMADOU, et le tuer en 1862, le fils de Sékou HAMADOU et petit-fils de Sékou HAMADOU fondateur de la dynastie des BARRY du MASSINA.

Selon le professeur KANE (2004), auteur du livre: « La première hégémonie Peule : Le Fuuta Tooro de Koli Tenguella à Almaami Abdul », l’assimilation Peul des ethnies du Tekrur aurait commencé avant l’avènement de Koly Tenguela, mais atteindra son point culminant et la plus parfaite intégration ou la « foulanisation » des descendants de la tribu du Tekruri, que sont les Toucouleur (Ly, Sy, Kane, Wane, Tall, Aw, etc.).

La seconde vague migratoire des Peul en direction du territoire actuel de la Guinée est celle de la fin du XVIème siècle jusqu’au XVIIIème siècle. Païens, puis islamisés, des Peul et des Toucouleur quittent les territoires actuels du Mali, du Sénégal et de la Mauritanie à des périodes de désordre, de guerres avec désormais une nouvelle foi : l’Islam.

Les Peulhs musulmans du Foutah Djalon auraient donc suivi deux voies principales et ce, à des périodes plus ou moins différentes pour arriver, s’installer et se sédentariser et fonder l’Etat théocratique du Foutah Djalon: La voie du Nord venant du Fouta Tooro et du Bundu (essentiellement) et la voie de l’Est venant principalement du Macina.

Ils arrivèrent par groupes et par étapes, les uns passant par les contreforts des montagnes de la Préfecture de Mali, les autres en traversant la Préfecture de Koundara avant de rejoindre les montagnes qui surplombent le fleuve Komba en direction de Lélouma et de Labé et par l’Est en pénétrant dans le Dinguiraye pour rejoindre les vallées de Mamou. Ils vont se fixer en plusieurs points du Foutah Djalon poussant devant eux leurs nombreux troupeaux de bœufs et de talibé (élèves et étudiants). Ils s’y fixaient à leur tour en faisant ce que d’autres avaient fait avant eux : refouler certains et absorber d’autres.

Selon Cheick Sidy Mohamed DIALLO (1970)[33], ces différentes vagues migratoires se faisaient en famille et en clan. De l’Est, principalement du Macina vont arriver les Dayèbhè[34] (BARRY) qui vont s’installer en lignage : les Seydiyanke à Timbo (Préfecture de Mamou) et les Seriyankebhè à Fougoumba (Préfecture de Mamou). Les Férobhè (SOW) vont s’installer dans Kébali non loin de Fougoumba et de Timbo. Certaines de ces vagues se seraient installées elles dans l’actuelle préfecture de Tougué (ce sont les Koulounnanké Balla et Simpé). Les Ururbhè vont s’installer dans deux endroits différents en fonction des clans : les Koulounnabhe à Koïn (Préfecture de Tougué) et les Helâyâbhe à Timbi-Touni (Préfecture de Dalaba).

Les Irlabhé (DIALLO) et une partie des Ururbhé, quand à eux sont arrivés par le nord. Les DIALLO vont se repartir en lignage. Les Khaldouyabhè vont occuper région du Nord de Labé, un autre lignage « Diâlobhe » va s’installer dans le Kolladhe (Préfecture de Tougué), Kankalabé (Préfecture de Dalaba) et Timbi-Madina (Préfecture de Pita) et un troisième lignage « Thimbobhè » va s’installer dans Bhouria (Préfecture de Mamou).

Parmi cette vague, d’autres, après avoir séjourné dans le Foutah Djalon, l’ont quitté pour continuer leur chemin vers d’autres localités et dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest. C’est le cas des Peul du Nigéria dont certains seraient partis de Sokoto dans la Préfecture de Mamou pour se retrouver après une très longue migration dans l’actuelle République Fédérale du Nigéria.

La question qui n’est pas réglée est le cas des « Foulacounda » ou « Foulakounda ». Les Foulacounda sont-ils le reliquat des Puuli (les premiers Peul animistes venus les premiers au Foutah Djalon) ou une autre vague migratoire ? Etymologiquement, le terme « Foulacounda » ressemble à un mot composite de « Foula, pour désigner les Peul » et « Counda qui pourrait signifier un diminutif de Koundara ». Pour Alvares de ALMADA (1594 : 54), cité par Gérard GAILLARD (2000)[35] les FulaKunda sont des groupes descendants de captifs ou d’assimilés « sujets du Mandingue ». Cette version est reprise, selon Gérard GAILLARD (2000) un demi-siècle plus tard par Richard JOBSON (1623) qui l’atteste en disant des Fulakunda, « des Fulbies, vivant sur les bords de la Gambie et tout à fait assujettis aux Mandingos ».

Pourtant, il y a une autre version qui dit que les Fulakanda sont le résultat du métissage entre agriculteurs noirs-africains et pasteurs berbères dans le Tekrur. Ce groupe de base s’est éparpillé jusqu’en 1460 quand un groupe armé dirigé par DIALLO Demba bat les Wolofs et les Banhung, traverse le Haut-Sénégal et la Gambie et atteint le Rio Grande où elle est finalement écrasée par les Biafada (NIANE, 1989: 55)[36]. DIALLO Demba tué, son armée détruite, « les survivants ont dû se regrouper, non loin de là, vers le Foutah Djalon. Cette dispersion première serait, selon AMSELLE (1989: 77) à l’origine d’une nouvelle aventure politique et d’une refondation ». Les Fulakunda seraient donc le reste de cette armée d’invasion qui est restée aux confins Nord de la Guinée, à la lisière de la Guinée-Bissau et du Sénégal.

LES PEUL DU OUASSOULOU OU LES « WASSOULOUNKE »

Selon CISSE (2000) dans le Tome 2 de « La grande geste du Mali, citant l’histoire orale du Mali de Wâ Kamissoko », les Peul du Wassoulou (zone à cheval entre la République du Mali, de la Guinée et de la Côte d’Ivoire) auraient migré du Fouladougou[37] (dans l’actuelle République du Mali) pour fuir les guerres perpétuelles de l’armée de Bintou Mari KOROMA.

Ils se seraient dispersés en trois vagues : certains seraient restés à Fouladougou, d’autres se seraient implantés à Brigo et la troisième vague serait descendue plus au Sud pour fonder le Ouassoulou ou Wassoulou. Ce terme serait une prononciation en un seul mot du groupe de mots « Wa solon ou Oua Solon » qui signifie en bamanakan[38] (aller se confier). C’est ce dernier groupe de migrants peul qui va se disperser en deux : l’un va rester dans le Ouassoulou et l’autre descendra plus au Sud. Ces derniers sont les Peul animistes du groupe de Koli Tenguella. Ce point de vue est aussi celui de KOUYATE (1978 : 29)[39] qui dit :

« L’arrivée des Peul au Wassulu se situe à la même période que l’invasion des Peul animistes dans le Foutah Djalon sous le commandement de Koly Tenguela au XVème siècle ».

DEVEY (2009 : 32), Géographe et historienne va dans le même sens dans son livre intitulé « La Guinée » quand elle écrit :

« Le Wassoulou: vaste territoire Peul  occupé jadis par les Bambara, qui s’étend sur les rives du Sankarani entre le Mali, la Guinée et la côte- d’Ivoire ».

Les Peul du Wassoulon sont donc ces Peul sédentarisés, devenus agriculteurs[40] qui se sont fortement métissés avec les Malinké et auxquels ils ont emprunté la langue et certaines normes culturelles tout en gardant leur patronyme (Diallo, Diakité, Sidibé et Sangaré) et aussi certains traits forts de leur identité ethnique peul. D’ailleurs les griots du mandingue ne se trompent pas lorsqu’ils disent, pour vanter les Peul du Wassoulou, « Bugutudu ani Bugubô, Fila sinani, Djatra sinani »[41].

Les Wassoulonké se désignent Peul et les Malinké, avec lesquels ils vivent en harmonie, les désignent comme des Peul. Lors des cérémonies comme le mariage, le baptême et autres activités sociales, la part (viande, colas et autres biens symboliques) dédiée aux Ouassoulonké dans le manding est celle de tous les Peul qu’ils soient du Oassoulou, du Foutah Djalon, du Macina ou du Foutah-Tooro.

LES DIAKANKE ET LES SARAKOLLE

Les Diakanka et Sarakollé ont aussi migré au Foutah Djalon. Ils seraient des Soninké qui auraient migré de Dia (village de Macina). Ils auraient transité dans Djambokhoum (République du Mali), à Bambouk (Sénégal) vers le XVIème siècle en fondant le village de Diackaba dans ce pays. Il semble que de ce village, ils se seraient dispersés vers les autres localités des pays limitrophes du Mali (Guinée, Gambie et Côte d’Ivoire).

La communauté Diakhanké[42] s’articulerait autour de quatre clans : SOUARE, DRAME, GUIRASSY, FADIGA. Ces quatre clans sont appelés les quatre foyers ou (boloun naano ou boulou naano)[43]. À ces quatre clans se seraient ajouté les DIAKHITE-KABA, les SYLLA, les GASSAMA-DIABY, les DANSOKHO, les DIAKHABY, les SAVANE, les BADIO, les SAKHO, etc.

L’installation des Diakanka au Foutah Djalon est relativement récente et correspondrait à la prédominance des Peul et de l’Islam. Pour l’essentiel, les professeurs d’Histoire de l’Institut Gamal Abdel Nasser disent que : « les Diakanka s’installeront au Foutah Djalon dans de gros villages, à l’abri et sous la protection des Peul avec lesquels ils développeront des relations de cousinage assez poussées ». On les retrouve nombreux un peu partout, particulièrement dans le Koubia, Tougue, Mamou, Mali, Dalaba, Gaoual et Koundara.

LES MALINKE

NIANE (1960), parlant de l’occupation du Manding, affirme que « toutes les traditions malinké attestent que la terre était déjà occupée, les premiers occupants n’étaient pas de race manding ». Les Korogba auraient précédé les Malinké en Haute Guinée. Les Bambara et les Dialonké auraient aussi précédé les Malinké avant d’être refoulés plus au nord, pour les premiers et vers l’ouest pour les seconds, sous le règne de Soundiata KEITA. Lors de la fondation de l’empire du Mali[44], Soundiata KEITA pour vaincre Soumangourou KANTE parvient à unifier les différentes tribus Malinké (KEITA, KONDE, TRAORE, KOUROUMA, CAMARA), à rassembler sous son commandement les armées de différents petits royaumes en lutte contre l’empire Soso avant de sortir victorieux.

A la suite de cette victoire, Soundiata KEITA va étendre son empire sur une grande partie de l’Afrique de l’Ouest. C’est son expédition militaire la plus éloignée qui ira détruire les états dans le Sine (actuel Sénégal) et établir, en se métissant aux populations locales (les Diola), l’Etat du Gabou (qui va couvrir l’intégralité de la Guinée-Bissau, la Casamance, la Gambie et la partie nord de la Guinée, Gaoual et Koundara) (Sékéné Mody CISSOKO, 1981)[45].

A partir des XVème et XVIème siècles, la chute de l’empire du Mali accélère la migration des Malinké qui s’installèrent dans les régions septentrionales de l’actuelle Côte d’Ivoire et plus au Sud de la Guinée dans la région actuelle de la Guinée Forestière. Une région dans laquelle ils vont se métisser aux Kpèlè pour donner les Konianké et avec les Loma pour donner les Toma-mania.

LES MANINKA-MORY

Les Maninka-Mory, dont les actuels noms de famille sont CISSE, DIANE, KABA, SANOH seraient d’origine Sarakollé du Moyen-Niger dans le Ghana. Après la disparition de l’empire du Ghana par suite d’un dessèchement progressif du désert et des attaques armées des almoravides, les Sarakollé se dispersèrent.

Ils seraient arrivés dans l’actuelle préfecture de Kankan autour du XVIIème siècle. Et selon les traditions écrites de Kankan, les Maninka-Mory sont originaires de Diafounou (Soudan). A la suite de guerres, ces « Diafounounké » quittèrent leur pays et vinrent demander l’hospitalité aux tribus malinké du Haut-Niger (en particulier aux KONDE qui occupaient la région de Kankan). Les Malinké accueillirent les nouveaux migrants qui finirent par se créer une province[46] à l’intérieur du Manding : le Baté[47] Géographiquement, le Baté longe le fleuve Milo avec 12 villages dont les principaux sont : Kankan, Karafamoudouya, Nafadji, Bakonko, Fodécariah.

Ces Sarakollé adoptèrent le malinké comme langue et apportèrent avec eux l’Islam d’où le nom qu’on leur donna: Maninka-Mory (ce qui veut dire marabouts des Malinké). Certains de ces Maninka-Mory, en particulier des TURE, YANSANE et FOFANA, quitteront Kankan vers la fin du XVIIIème siècle à la suite de démêlées avec Burama KONDE (un farouche animiste), traversent le Foutah Djalon, le Kanya, le Sumbuya pour s’échouer sur les bords du Kissi-Kissi (le Morya). Ce sont leurs descendants qui sont dans les préfectures de Kindia et de Forécariah auxquels la communauté soussou leur a donné le nom de : Moryanais. D’autres feront une courte migration et s’arrêteront entre Bissikirima et Dabola. Les plus nombreux, les KABA, SANOH, DIANE, CISSE, sont restés dans le Baté.

LES KONIANKA

De même que les « Toma-manian » sont le croisement culturel des Malinké et des Loma, les Konianka seraient, selon Ibrahim Kalil TURE (1973)[48] le croisement entre Malinké et Kpèlè. Selon Ibrahim Kalil TURE, à la chute de l’empire du Mali et des désordres qui s’en sont suivis, il y a eu deux grandes vagues migratoires en direction de la région forestière.

La première concernait en majorité des KONDE et des KURUMA qui auraient repoussé des Djalonké plus en profondeur dans l’actuelle préfecture de Faranah et un peu plus en profondeur dans le Foutah Djalon.

La seconde vague migratoire était composée davantage de KEITA et de KAMARA. La rencontre entre les deux communautés Malinké dans la forêt et les Loma (à l’époque où la forêt couvrait très certainement les préfectures de Beyla, de Kérouané et de Kissidougou) donna naissance deux nouveaux groupes humains : les Konianké et les Toma-mania.

LE SUD DE LA GUINEE (KISIA/LOMA/KPELE)

Les Kisia, les Loma et les Kpèlè habitent, très majoritairement, dans la région dite forestière de la Guinée. M’Bala Friki CAMARA (1980 : 9)[49] partage l’idée selon laquelle, c’est l’assèchement du Sahara qui aurait poussé les populations qui habitent la région forestière de la Guinée à redescendre vers le Sud. Il ira jusqu’à affirmer que dans cette région (le Sud de l’Afrique de l’Ouest) ne vivait aucune population avant le dessèchement du Sahara.

LES KISIA

Aly Gilbert IFFONO (1975)[50] dans son mémoire de Diplôme d’Etudes Supérieures avoue d’abord que le pays d’origine des Kisia reste peu connu. Cet aveu fait, il soulève les différentes hypothèses et en discutent la pertinence et la cohérence. Il prend appui sur deux versions.

La première fait descendre les Kisia de Fa-Magan, un roi vaincu par Soundiata KEITA en 1228 et qui aurait migré avec sa famille et se serait senti sauvé en arrivant à la lisière de la forêt et aurait déclaré en maninkaka « Mbara kissi ». La seconde version affirme que les Kisia sont des migrants qui ont dû se battre avec les mains nues pour vaincre des populations trouvées sur place (entendez la région d’habitation actuelle des Kisia). Les vaincus auraient donné aux vainqueurs le nom de « Kisi-Kisi » : une expression qui désigne ceux qui les auraient refoulés.

Analysant ces deux hypothèses, Aly Gilbert IFFONO (1975) arrive à la conclusion qu’elles souffrent de plusieurs lacunes. Par exemple, Aly Gilbert IFFONO (1975) se demande, avec beaucoup de justesse, comment expliquer que les descendants de Fara-Magan parlent une langue différente de celle de leur origine ? Pour la seconde hypothèse, il constate que celle-ci ne dit pas d’où viennent les Kisia, même si la version dit comment ils se sont installés. La conclusion à laquelle est parvenue Aly Gilbert IFFONO (1975) est qu’au XIIIème siècle les Kisia étaient déjà dans la région qu’ils occupent actuellement. Cette thèse n’est pas celle de SURET-CANALE (1971 : 173)[51] qui affirme de son côté que les Kisia :

« Chassés au XVIIème siècle du Sud-Est du Foutah-Djalon par les Dialoké, les Kisia étaient originairement des cultivateurs semi-nomades dont la culture fondamentale était le fonia ».

Quelle que soit la période d’arrivée et d’installation des Kisia dans leur lieu d’habitation actuel, on peut être d’accord avec Aly Gilbert IFFONO (1975) pour dire que le mouvement migratoire des Kisia s’inscrit dans le vaste mouvement migratoire des populations Ouest-africaines consécutif au desséchement du Sahel, à l’invasion et à la destruction de l’empire du Ghana. La particularité de ce mouvement réside dans le fait que les Kisia semblent être avec les Mandeyi et, semble-t-il les Baga, les populations guinéennes qui ont fait la trajectoire Est-Ouest-Sud. C’est-à-dire du Sahel vers le Foutah Djalon avant de redescendre vers le Sud de la Guinée et à la côte pour les Mandenyi et les Baga.

LES LOMA

Les Loma se désignent eux-mêmes par le nom de « Lomagi ». Il semble que les Loma seraient les plus anciens établis dans la région forestière. Pourtant, certains des historiens qui ont travaillé sur la mise en place des Loma, comme Facinet BEAVOGUI (1975 : 11)[52], sont catégoriques : « le pays d’habitation actuel (la préfecture de Macenta) n’ pas été le premier où ils auraient habité ». Pour cet auteur, les Loma auraient migré du Nord vers le Sud, de la région de Kérouané et de Beyla vers Macenta. Pour arriver à cette affirmation, Facinet BEAVOGUI (1975) se serait appuyé sur les traditions relatées par les populations et les documents produits par les missionnaires et les explorateurs.

Selon Facinet BEAVOGUI (1975), les Loma auraient été refoulés du triangle de Kérouané, Beyla et Kissidougou par la migration Malinké autour du XIIIème et du XIXème siècle. Cette migration Malinké et la cohabitation avec les Loma aura comme conséquence la création d’un groupe nouveau : Les Toma-Manian qui sont le résultat d’un métissage culturel et biologique entre les deux communautés.

LES KPELE

Le mot Kpèlè signifierait le pays. Le pluriel de Kpèlè donnerait Kpèlègha et au singulier Kpèlèmum qui signifierait : Kpèlè pour pays et « mum » pour personne. On peut donc dire que Kpèlèmum serait un terme qui désigne « une personne du pays ». Les Kpèlè disent parler la langue Kpèlèwoo.

Dans le souvenir collectif des Kpèlè relaté par CAMARA (1980 : 22), ils disent être « tombés du ciel entre Böola et Beyla ». Mais puisque nous savons que personne ne tombe du ciel, on peut dire que la région de Beyla serait le souvenir, non encore oublié, de la migration Kpèlè vers les préfectures de N’Zérékoré, de Yomou et du Libéria. La migration Kpèlè vers la zone forestière résulterait du même mouvement qui a poussé celle des Loma : la migration Malinké avant la fondation de l’empire du Mali et plus après sa chute.

LES DJÖÖTAMUM, LES KÖLÖGHA ET LES MANOO

Les Djöötamum et les Kölögha sont des populations qui ont presque totalement disparu. Elles ont été absorbées linguistiquement et culturellement par les Kpèlè avec lesquels ils partagent la même langue, à quelques exceptions près, la culture et la zone d’habitation.

Les Djöötamum sont un groupement humain dont la décomposition du nom donnerait, selon Pépé Pierre CAMARA (1970)[53], Djöö pour descendant, töö signifierait ancêtre et mum, la personne. Cette combinaison signifierait que les Djöötömum sont les personnes descendantes des ancêtres. Ils parleraient le Djööwötawoo qui serait une variante du Kpèlè. Ils habitaient à l’Est de la préfecture de N’Zérékoré et dans une partie de la Côte d’Ivoire. De nos jours, ils se confondraient aux Kpèlè, pour ceux qui vivent en Guinée.

Les Kölögha est le pluriel de Kölömum qui, décomposé, donnerait, selon Pépé Pierre CAMARA (1970), pays (Kölön) et personne pour le suffixe mum. Les Kölögha habiteraient dans la même zone que les Djöötamum. Eux aussi ont pratiquement disparus.

Les Manoo sont un groupement humain qui, par décomposition donnerait : manon pour pays et mum pour personne. Manomum serait le pluriel de Manoo. Il semblerait que c’est par déformation que les Manoo sont appelés par le terme de Manon. Ils occuperaient, selon Jerome DELAMOU (1979)[54], le Sud et le Sud-Est de la Guinée Forestière et surtout au Libéria où ils seraient plus nombreux qu’en Guinée.

CONCLUSION

Nous sommes au terme du présent article. Pour conclure cette longue et fastidieuse revue de l’occupation, nous allons tenter de répondre aux questions de départ qui ont motivé le présent travail.

La première question que nous nous étions posée était de savoir comment la Guinée a-t-elle été peuplée ? Les lectures faites et les synthèses réalisées permettent de dire que la migration a été la principale source première du peuplement de la Guinée. Pour l’essentiel, les populations qui peuplent le territoire actuel de la République de Guinée sont des populations migrantes. Elles le sont au même titre que tous les peuples noirs de l’Afrique de l’Ouest. Contrairement à la croyance populaire, ces mouvements migratoires ne sont pas tous linéaires et les populations ne se sont toutes fixées définitivement au même endroit. Pour l’essentiel, cette grande zone qui va des territoires actuels du Sénégal, de la Gambie, de la Mauritanie, de la Guinée-Bissau, de la Guinée, du Mali, du Burkina, du Niger et une bonne partie du Nord du Nigéria et du Sud de l’Algérie et du Maroc était une zone de circulation d’hommes, d’idées et de marchandises.

D’où venons-nous ? Les travaux de Maurice DELAFOSSE, de Cheick Anta DIOP et de Djibril Tamsir NIANE ont établi, suffisamment, cette route migratoire à partir du Ghana. L’assèchement du Sahara suivi des légendaires sécheresses qui s’abattirent sur l’empire du Ghana, les multiples et longues guerres des empereurs, les invasions des Almoravides (Ghana en 1076 et autres conflits de l’époque) essentiellement pour des raisons politiques et économiques et les guerres intestines au sein des entités politiques (empires, royaumes et autres structures politiques) sont parmi les causes de ce vaste mouvement migratoire qui a traversé l’Afrique de l’Ouest du VIIIème au XIXème  siècle.

En fait, tous les groupes humains qui peuplent la Guinée proviendraient des éclatements successifs des empires médiévaux et des Etats/Royaumes qui se sont effondrés dans la longue marche de l’histoire des peuples de l’Afrique de l’Ouest. Tous ces groupements humains seraient venus, par vagues successives, parfois distantes de plusieurs siècles, en suivant divers chemins avant de s’installer dans une seule et parfois dans plusieurs régions de la Guinée. Pour l’essentiel, nous venons tous, à des périodes différentes, de cette région du Sahel et/ou du Sahara. Comme moi, chaque guinéen peut retrouver la trajectoire migratoire de sa famille.

Qui en sont les premiers et les derniers occupants ? Difficile de le dire avec exactitude. On peut admettre que parmi les populations qui vivent encore sur le territoire dénommé « République de Guinée », les Mandenyi et les Loma seraient les plus anciennement établis. On pourrait aussi continuer à égrener l’ordre d’arrivée de tous les autres comme pour établir un ordre de préséance. Pourtant, à y regarder de près, ceux qui revendiquent de « l’autochtonie » s’avèrent toujours, peut-être sans le savoir, des allogènes par rapport à d’autres. Peut-être que tout le groupe n’est autochtone, mais la personne qui parle et qui revendique son « autochtonie » devrait regarder son histoire familiale, sa généalogie avant de revendiquer un statut qui n’est peut-être pas le sien.

Et puis, un « autochtone » n’a de droit de préséance que sur le sol qu’il occupe et/ou qu’il exploite. Le reste de la terre appartient à Dieu, si on est croyant ; à l’Etat si l’on est partisan de Thomas HOBBES ; à celui qui la met en valeur si l’on est partisan de John LOCKE et à personne si l’on en croit Jean-Jacques ROUSSEAU.

Certes, nous ne sommes pas venus tous à la même période. Certains sont venus avant les autres, d’autres sont venus après d’autres, d’autres enfin sont venus plus tardivement que la plupart des uns et des autres. Mais nous sommes tous venus en Guinée avant le 2 octobre 1958, la seule date qui permet de distinguer le Guinéen et l’étranger. Car c’est à cette date que la Guinée a cessé d’être « française » pour être « guinéenne ». Et même cette date, la loi permet de devenir « Guinéen » après elle.

Qu’il me soit permis de demander à ceux qui fixent la date de la « Guinéité », d’indiquer la date historique de migration qui intègre et/ou exclut, la date à partir de laquelle un groupe pourrait être moins « Guinéen » que les autres « Guinéens ». Cette question est d’autant plus importante qu’il semble qu’en 2014, on pouvait penser qu’après « l’ivoirité » en Côte d’Ivoire et ses affres politiques, sociaux et économiques ; l’avènement du « kényan » Barack OBAMA à la présidence des USA, du « hongrois » SARKOSY à la présidence dans le « royaume républicain » de la France, du « catalan » VALLS à la primature du même pays, de la « madrilène » HIDALGO à la mairie de la ville lumière, Paris « Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! »[55], on épargnerait à la Guinée la question de la « Guinéité ».

Quel chemin avons-nous emprunté ? Pour l’essentiel, les populations qui habitent le Foutah Djalon, la Basse Guinée et certaines localités de la Guinée Forestière ont toutes transité par les montagnes du Foutah Djalon en empruntant, presque, les mêmes chemins : les contreforts du mont Loura, les collines escarpées entre Dinguiraye et Tougué avant d’aller vers le Centre, l’Ouest ou le Sud.

Celles qui auraient passé par le Centre ont certainement traversé Labé, Pita, Télimélé et/ou Gaoual avant de se rendre au bord de l’Océan Atlantique. En allant vers le Nord-Ouest, elles ont arpenté les montagnes de Guingan et de Termessé avant de fouler le sable de Youkounkoun, de Koundara, de Saréboido, de Koumbia avant de marcher sur les sols « bauxitiques » de Wédoubourou, de Sangarédi et de Boké. Celles qui ont emprunté le chemin de l’Est ont dû souffrir sur le Bowal de Koubia et les vallées escarpées qui coupent le chemin entre Koladhè et Ditinn, les pentes qui bordent Dinguiraye et les collines sur le chemin de la Guinée Forestière.

Qui a fait quoi à qui, comment et dans quelle circonstance ? A cette interrogation, les mouvements migratoires montrent que chaque groupe a repoussé son ou ses prédécesseurs avant de subir le même sort par un nouveau groupe. Ces mouvements migratoires enseignent que la plupart des populations qui vivent actuellement en Guinée ont trouvé d’autres populations qu’elles ont refoulées avant de se faire refouler par une autre vague migratoire : chacune a été accueillie, tolérée et installée par la précédente, a collaboré avant de s’opposer à celle qui l’a précédée, l’a vaincue en attendant de subir le même sort plusieurs siècles plus tard par des nouveaux arrivants.

Les Soussou ont repoussé les Mandenyi. Les Nalou, Baga, Landouma ont été repoussés par les Dialonka vers la côte avant de les rejoindre sous la poussée des Peul convertis à l’Islam. C’est aussi les Dialonka qui auraient refoulé les Kisia vers la Guinée Forestière qui eux-mêmes ont repoussé d’autres pour s’installer.

Les Bambara et les Dialonka ont été repoussés de la Haute Guinée par les Malinké triomphants. En descendant plus au Sud, les Malinké ont aussi repoussé les Loma dans le Kerouané et les Kpèlè dans le Beyla. Repoussés par les Malinké, les Dialonka ont aussi, sur le chemin, repoussé d’autres peuples qui habitaient le Foutah Djalon avant de subir le même sort avec l’arrivée du Peul islamisé dans la région.

Qu’il me soit permis de rappeler à tous les Guinéens et à tous ceux qui parlent de la Guinée sans la connaître, qu’il n’y a en Guinée que deux groupes linguistiques (deux familles de langues pour parler comme les linguistes) : le groupe mandé qui regroupe le maninka, le sosoxui, le dialonka, le lomagi, le kpèlèwoo etc. et le groupe atlantique qui regroupe le tanda, le pular, le toucouleur, le kisiéi, le baga, le nalou et même d’autres langues de pays voisins comme le ouolof, le sérère, le diola au Sénégal et le balante en Guinée-Bissau.

On peut donc dire qu’au cours de leur histoire, les groupes humains qui constituent la mosaïque humaine de la Guinée se sont mis en place à la suite de nombreux et vastes mouvements migratoires et de conquêtes. Deux modèles d’implantation ont été observés : soit par brassage, métissage et cohabitation de populations d’origines géographiques différentes ; soit par assimilation ou refoulement plus au Sud (Guinée Forestière) ou plus à l’Ouest (sur la côte) des anciens occupants par les nouveaux venus.

Ces mouvements, ces processus de domination, de libération, d’émancipation, d’absorption et de différenciation, sont le propre de l’histoire des peuples, de tous les peuples. Pour s’en convaincre, il ne faut pas aller loin. Il suffit de lire l’œuvre d’Ibn KHALDOUM, de son nom complet Abou Zeid Abdur-Rahman Bin Mohamad Bin Khaldoun al-Hadrami Muqaddima, « Introduction à l’histoire universelle » et le « Livre des considérations sur l’histoire des Arabes, des Persans et des Berbères ». Dans ces ouvrages, Ibn KHALDOUM dévoile le processus de prise de conscience, de mobilisation, de lutte et de prise de pouvoir et celui du déclin de toutes les dynasties régnantes.

On peut aussi lire l’illustration de ce processus historique dans les deux tomes de Maurice DELAFOSSE sur l’histoire des Empires, Royaumes et Etats dans l’Afrique de l’Ouest. On se rendra compte que tous les peuples qui composent la mosaïque humaine de nos Etats de l’Afrique de l’Ouest ont chacun, à une certaine période, généré des grands hommes et une histoire respectable. Les Soninké (du VIIIème au XIème siècle dans l’empire du GANA) ; les Almoravides ou Berbère (du XIème au XIIème siècle) ; la dynastie Soninké des Askia (1493-1591) ; les Mossis (XIème au XXème siècle) avec l’empire GOURMANTOHE, OUAGADOUGOU, YATENGA et FADANGOURMA ; la dynastie des NIAKATE, des DIAKHATE, DIAGATE, DIARISO et DOUKOURE (XIème au XIIIème siècle) dans le Royaume de DIARA ; la dynastie des DIAWARA (1270 à 1754) dans le Royaume de DIARA ; les Soninké dans le SOSO ou l’empire du KANIAGA (XIème au XIIIème siècle) et les deux KANTE (Diaara et Soumangourou) ; les Malinké avec l’empire du MALI (XIème au XVIIème siècle) et la dynastie des KEITA ; Koli Tenguella BAH dans le TEKRUR (1555 à 1776) ; Le Foutah Djalon et ses Almamy (XVII ème au XIX ème) ; la dynastie des DIALLO (XVème au XIXème siècle) et la dynastie des BARI (1810-1862) dans l’empire Peul du MASSINA ; les Banmana de SEGOU et du KAARTA (XVIIème au XIXème siècle) ; les Toucouleur au XIXème avec El-haj-Oumar TALL et le Royaume Mandingue de Samory TOURE (XIXème siècle).

Nous venons de terminer un compte rendu de lecture sur la mise en place des populations guinéennes. Nous n’avons que le mérite de la patience et de l’écriture. Les erreurs et les confusions que l’on trouvera sont les nôtres, pas celles des auteurs que nous avons cités ni de ceux ont accepté de corriger la version de base.

Si des personnes plus avisées que nous trouvent des incohérences, vous voudrez bien apporter les rectifications, car nous avons pris un risque énorme en écrivant dans un domaine qui n’est pas de notre spécialité et qui est très éloigné de notre époque. Etre rectifié participe au processus d’apprentissages, mais l’insulte est indécente à celui qui a osé.



NOTES

[1]Jean Jacques ROUSSEAU (1775), « Discours sur l’inégalité et les fondements de l’inégalité parmi les hommes », Bordas, 1985, Collection Univers des lettres Bordas, Paris.

[2]Je suis sociologue et de formation et d’activités.

[3]G. SMETS (1929) ; « Centre international de synthèse », Fondation pour la Science, n°1, 1929 : 89.

[4]G. E. Howard (1904); « A History of matrimonial institutions », Chicago, Londres, University of Chicago Press, volume 3, P : 7.

[5]C’est aussi le moment de rendre hommage à des linguistes, des littéraires et des historiens qui ont accepté de lire et de corriger cet article avant sa publication. A eux, je nous disons merci.

[6]Boubacar BARRY (1975) ; « Monographie historique du Diwal de Koyin, de la mise en place des populations à l’implantation coloniale », DES, IPGAN, Conakry, Guinée. Cet auteur n’est naturellement pas à confondre avec le Professeur Boubacar BARRY de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal).

[7]Djibril Tamsir NIANE (1960) ; « Mise en place des populations de la Haute-Guinée », Recherches Africaines, Conakry. No. 2, avril. 1960. pp. 40-53.

[8]Maurice DELAFOSSE (1912) ; « Haut-Sénégal-Niger, Le pays, les peuples, les langues, l’histoire, les civilisations », Emile Larose, Paris, France.

[9]Zainoul A. SANUSSI (1969) ; « Civilisations et histoire des Nalou, du 18ème siècle à la conquête coloniale française », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[10]André ARCIN (1911), Histoire de la Guinée française, Editions Challamel, Paris.

[11]Demba CONTE (1977) ; « Monographie historique du Moria, des origines à l’implantation coloniale française », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[12]Mahawa BANGOURA (1972) ; « Contribution à l’histoire des Sosoe du XVIème au XIXème siècle », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[13]Jean SURET-CANALE (1970) ; « la République de Guinée », éd. sociales, Paris.

[14]Cheick Sidi Mohamed DIALLO (1975) ; « Contact de civilisations et brassage culturel dans le Foutah traditionnel », DES, IPTJNK, Kankan, Guinée.

[15]M. GAUTHIER (1908) ; « Monographie du cercle de Labé », Dossier N° 6, Archives nationales, Conakry, Guinée.

[16]Charles Emmanuel SORRY (1974) ; « Monographie historique du Rio pongo du 15ème siècle à la fin du 19ème siècle », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[17]Il est même possible que ceux qui appartiennent à des castes ne l’étaient pas avant la constitution et la consolidation de l’empire du Mali. Les travaux de Maurice DELAFOSSE montrent que, par exemple, l’existence d’une dynastie DIAWARA dont les descendants non pas eu le même statut à l’intérieur de l’empire du Mali.

[18]Seuls ceux qui n’auront pas accepté d’embrasser l’Islam prôné par les Peul musulmans après leur victoire sur les non-musulmans en majorité Djallonke et Pullis à la bataille de Talansan en 1725, vont quitter le pays.

[19]Bruce MOUSSER (1999) ; « Qui étaient les Baga ? », Perception européenne, 1793-1821, Paris, France.

[20]Ce cours a eu plusieurs titulaires avec plusieurs intitulés. Le dernier intitulé du cours est : « histoire de Guinée : de la mise en place des populations à l’indépendance » et n’est hélas dispensé qu’au sein du département d’Histoire.

[21]Denise PAULME (1956) ; « Structures sociales en pays baga Guinée Française » Bulletin de Institut français, Afrique noire série XVIII 1-2 1956, P 98-116.

[22]Marie Paul FERRY et Lansana SANDE (2000) ; « Le passé des langues : Tyapi autrefois, Kokoli aujourd’hui », sous la direction de G. GAILLARD in « Migrations anciennes et peuplement actuel des côtes guinéennes », l’Harmattan, 5-7 rue de l’Ecole Polytechnique, 75005, Paris, France.

[23]Paul PELISSIER (1996) ; « Campagnes africaines en devenir », Cahiers d’études africaines, Année 1996, Volume 36, Numéro 143, p. 540–543.

[24]Aliou WANN et Bubakar BA (1974) ; « Les relations entre le futa Djalon théocratique et les principaux royaumes de la Basse-côte : des origines à l’implantation coloniale », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[25]Rouguyatou DIALLO (1974) ; « Monographie historique du Bagatay de la région administrative de Boké des origines à 1958 », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[26]Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972) ; « La résistance Könyagui à la pénétration française de 1902-1904 », DES, IPK, Kankan, Guinée.

[27]Cette interprétation pose plus de questions que de réponses. Chez les Peul de Guinée, le mot « Tanda » est un adjectif qui sert habituellement à désigner une personne qui est souvent torse nue. Cependant, dans le pular « être nu » ne se dit pas « Tanda », mais « bhorti ». Il se pourrait que le mot « Tanda », pour désigner ce peuple, ne provienne pas des Peul. Mais les Peul utilisent le nom de ce groupe comme un adjectif pour désigner des attitudes au sein de son propre groupe : « lorsqu’un Peul est torse nu, on dit de lui qu’il est un Tanda ».

[28]Lestrange MONIQUE (de) (1956) ; « Les Cogniagui et les Bassari », In: Population, 11e année, n°2, 1956 p. 374.

[29]Il est difficile de déterminer d’où vient ce nom de « pulli ». Dans le pular actuel des Peul de Guinée, le mot « puuli » veut dire un albinos. Il est aussi possible que ce mot « puuli » ait été mal orthographié phonétiquement. Il pourrait signifier tout simplement, avec une déformation phonétique, le singulier des Peul (Pullo). Cependant, SURET-CANALE (1964: 26) a un avis critique sur l’arrivée des Peul au 10ème siècle au Foutah Djalon, car selon lui les « Tarikhs locaux ont tendance à démontrer l’antiquité de la présence dans le pays des maîtres actuels ».

[30]Il existait deux polémiques sur Koli Tenguella. Pour certains, il serait descendant, par sa mère de Nana KEITA, fille de Soundiata KEITA le fondateur de l’empire du Mali. Pour d’autres, Koli Tenguella n’aurait aucun lien avec Soundiata. Son lien avec Soundiata ne serait que la volonté des personnes de cette époque à forger un passé glorieux derrière un ancêtre qu’on veut rendre exceptionnel. La seconde polémique est plus récente et est proposée par Gérard GAILLARD (2000) qui considère que Koli et Tenguela sont deux personnes différentes. Si telle hypothèse était vraie, comment expliquer qu’une seule personne soit arrivée au Tekrur et y a fondé un Etat et une dynastie sans le second ?

[31]On pourra lire avec beaucoup d’intérêt, Claude Halle (1960), « Notes sur Koli Tenguella, Olivier de Sanderval et les Ruines de Gueme-Sangan », Recherches Africaines, no 1, janvier-mars 1960, Oumar Kane, La première hégémonie Peule : le Fuuta Tooro de Koli Teŋella à Almaami Abdul, Karthala, Presses universitaires de Dakar, 2004, et Djibril Tamsir Niane, « Les Tenguella », dans Histoire des Mandingues de l’Ouest : le royaume du Gabou, Karthala, Paris, 1989.

[32]Pluriel de « Denianke » qui est la généalogie des BAH.

[33]Cheick Sidi Mohamed DIALLO (1975) ; « Contact de civilisations et brassage culturel dans le Fouta traditionnel », DES, IPTJNK, Kankan, Guinée.

[34]L’auteur de cet article est du clan des Dayèbhè « qui est connu sous les noms de BARI, SANGARE (chez les Wassoulonkè), et qui correspond au clan Toucouleur des SY et au clan Mandé des SISSE » (Maurice DELAFOSSE, 1912 : 231) et du lignage des « Wouyaabhè de Daara Labé ». Mon aïeux patriarcal le plus ancien connu de mon lignage se nomme Moussa Diaga qui lui-même est le père Hamady Pathé Baîlo. C’est le fils de ce dernier du nom de Moussa Tanga (connu sous le nom de Bambari BARI) qui aurait quitté le Fuuta Kingi dans le Bakounou (entre Nioro et Diara) pour pénétrer par Dinguiraye (Baylo) et se fixer à Timbo. Son fils du nom d’Ousmane Djalaaheera fera le trajet de Timbo à Labé et se fixera à Daara Labé et aura trois fils : deux seront tués par les païens. C’est le troisième du nom de Mamadou Dewo Allah qui survivra et aura trois garçons dont le troisième et le plus jeune dénommé Moussa Tafsir fera les études coraniques dans le Bhoundu (Sénégal actuel), avec Alpha Mamadou Cellou (futur Karamoko Alpha mo Labé) et Alpha Amadou Kolladé (cinquième Almamy du Foutah Djalon), et sera le fondateur de la mosquée de mon village. Entre Moussa Tafsir et moi, il y a cinq ascendants que sont dans l’ordre : Mamadou Billo, Aliou Zainoul, Mamadou Kolon frère d’Alpha Oumar Rafiou (l’un des érudits du Foutah Djalon), Alpha Abdoul Gadiri, Mamadou Kolon et moi-même (Alpha Amadou Bano).

[35]Gérard GAILLARD (2000) ; « Migrations anciennes et peuplement actuel des côtes guinéennes », l’Harmattan, 5-7 rue de l’Ecole Polytechnique, 75005, Paris, France.

[36]Djibril Tamsir NIANE (1989) ; « Histoire Des Mandingues De L’ouest – Le Royaume Du Gabou », Khartala, Paris, France.

[37]Etymologiquement, village des Peul.

[38]Bamanakan est la langue des Bambara.

[39]Lancéi KOUYATE (1978) ; « Contribution à l’étude de la société traditionnelle du Wassulu présamorien », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[40]Selon Muriel DEVEY (2009) ; Réné CAILLE aurait été impressionné par l’ardeur au travail et les soins que les Wassoulonké apportaient aux champs.

[41]Avec leurs bœufs et leurs génisses, les DIALLO, DIAKITE, SIDIBE et SANGARE s’installent ; mais ils décampent aussi vite.

[42]Pierre Smith (1965) ; « Notes sur l’organisation sociale des Diakanké. Aspects particuliers à la région de Kédougou », Cahiers du Centre de recherches anthropologiques, n° 4, pp. 263-302.

[43]Les quatre foyers de base des Diakanka.

[44]Mandé, Mandingue ou Mali, pays d’origine des Mandingue ou Malinké serait le nom du pays du roi « lion » : Soundiata KEITA.

[45]Sékéné Mody CISSOKO (1981) ; « De l’organisation politique du Kabu », Ethiopiques, Revue Négro-africaine de Littérature et de philosophie, numéro 28 numéro spécial.

[46] La province de Baté est le principal centre religieux de la Haute-Guinée. Dans cette province, c’est Kankan qui tient le premier rôle et où résident les membres de la famille chérifienne parmi lesquels se recrutent l’Imam, le Cheikh de la Haute-Guinée.

[47]Le Baté est composé de deux mots : Ba qui signifie fleuve et Té entre (entre les fleuves), c’est-à-dire entre les fleuves que l’on désigne dans la géographie officielle de la Guinée le Milo et le Sankarani (Djon).

[48]Ibrahim Kalil TURE (1973) ; « Monographie historique de la ville de Keruwane : des origines à l’implantation coloniale française », IPGAN, Conakry, Guinée.

[49]M’Bala Friki CAMARA (1980) ; « Monographie historique de la Guinée Forestière : des origines à l’implantation coloniale », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[50]Aly Gilbert IFFONO (1975) « Histoire et civilisation du groupement des Kisia, des origines à la colonisation », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[51]Jean SURET-CANALE (1971) ; « Afrique Noire, l’ère coloniale, 1900–1945 », Editions sociales, Paris.

[52]Facinet BEAVOGUI (1974) ; « Etudes des structures économiques et sociales de la société traditionnelles Loma », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[53]Pépé Pierre CAMARA (1970) ; « La pénétration coloniale dans la région de N’Zérékoré », DES, IPGAN, Conakry, Guinée

[54]Jerome DELAMOU (1979) ; « la monographie historique de la région de N’Zérékoré : de l’implantation coloniale à l’indépendance », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[55]Discours du Général De Gaulle à la mairie de Paris à la libération de Paris lors de la seconde guerre mondiale.


Pr Alpha Amadou Bano Barry (Sociologue) Enseignant-Chercheur Actuel Ministre de l’éducation
Auteur de “Les violences collectives en Afrique: le cas guinéen”

Cet article a été publié pour la première fois en 2012





Et si on réécrivait le discours d’investiture de Alpha Condé? Discours de renaissance pyro-démocratique [Abdoul K. Diallo]


Politique


Chers Guinéens ! Laissez-moi m’agiter un peu ! Aujourd’hui est un grand jour qui marque pour notre pays la renaissance par fausse-couche, de notre quatrième faux-pas. Aujourd’hui, en vrai, est le jour de renaissance de la pyro-démocratie et nous le fêtons tous dans la joie ! Théoriquement, voilà ce qui s’est passé. J’ai organisé des élections que j’avais gagné d’avance. J’ai financé ces élections de ma propre poche sans l’aide de l’opposition. La Guinée et tous les autres perdants savaient d’avance que les femmes, les jeunes et les pauvres virtuels allaient m’élire net. Alors que tous les électeurs étaient masqués, à mon tour j’ai masqué quelques urnes, puis j’ai maquillé quelques juges, et j’ai émasculé tous les sofas. Tout ça sur fond de patriotisme indiscutable, je jure ! Il était vraiment inévitable de gagner même si la Guinée perdait.

Chers Guinéens ! Chers compatriotes ! Après dix ans de danse renouvelée, puis renouvelée, puis renouvelée, je vous conte à travers ce discours mon plus vieux rêve. Il y a dix ans je plongeais dans un rêve royal profond et impressionnant. Je rêvais les yeux gravement ouverts que des ministres se servaient du denier public comme ils se serviraient de leurs poches. Je rêvais que tellement qu’ils avaient amassé de sous, ces ministres manquaient de coffres et qu’alors ils usaient des poches et portemonnaies de leurs femmes et de ceux de leurs rejetons. Je rêvais de tout mais ne pouvais rien faire. J’ai même vu un ministre se cacher derrière la copine de sa troisième concubine pour envoyer mon énième concubine me demander de signer des contrats qui étouffaient pour la énième fois la Guinée. Je rêvais que je signais tout sans trop regarder. Que voulez-vous ? C’était juste un rêve les yeux largement ouverts ! Mais je vous dis que j’ai observé tout. J’y ai même coopéré des fois contre ma volonté. Je vous jure ! Vous savez sans doute que je suis un homme de bonne foi et que Sheytan est mon meilleur témoin. Et donc, pas besoin de trop jurer !

Croyez-moi chers compatriotes ! Je vous jure que c’est Sheytan qui me montrait toutes les affaires louches dans ce rêve et m’invitait à ne pas me précipiter dans mes réactions jusqu’en 2020. Alors, j’avais poliment obéi et attendu pour le bonheur de la patrie mal bénie et pour le bien-être du peuple endormi ! Nous voilà aujourd’hui en 2020, et  j’en avais éternellement soif ! Je vous jure que j’ai compris le Guinéen mais lui, ne semble pas m’avoir compris. Je vous dis ici plus haut qu’ailleurs que je me suis maintenant réveillé et que je m’efforcerai de ne plus rêver à partir d’aujourd’hui, mais d’agir vite. Le Guinéen ordinaire est loin de moi, et donc impossible à comprendre et à servir quel que soit le vieux amour que je cache à mon cœur pourri pour lui. Peu importe ! Le Guinéen que j’ai compris c’est ce soi-disant ministre qui me sert en se servant de la patrie et qui voudrait bien que je reste éternellement au sommet à son propre bonheur même si la Guinée perdait. J’ai compris ce ministre et il m’entendra désormais. Sheytan m’a aidé à sortir du rêve et à avertir ces vieux vautours de la charogne nationale. J’ai tout compris et je vais agir désormais. Je ne vais pas trop parler parce qu’aujourd’hui est un grand jour. Que ces vautours soient avertis ou cuits ! Je m’en fous ! Aujourd’hui est le jour de la renaissance de la pyro-démocratie que vous n’oublierez jamais, je vous le jure !

Chers compatriotes ! Il me vient des sagesses qui vous plairont surement ou bien qui vous déplairont éperdument. Je m’en fous ! Des sagesses des années soixante qui vous éveilleront et vous grandiront. Des sagesses de cons politiques qui pullulaient sans gêne, et brillaient de sauvagerie sans honte aucune. Des sagesses de merdre et de peine. Des sagesses de fous et de voyous. Je vous le jure ! C’est Sheytan qui me les rappelle et j’y crois ! Vous savez bien que je ne suis pas le premier pyro-démocrate de la Guinée. Vous savez bien que mes racines poussent et que fanent mes fleurs depuis les années d’indépendance. Ce furent des années de grands bruits, de sang, et d’avortement politique. Des années de mauvais départ dont je ne suis pas responsable. Un mauvais départ que j’ai tenté avec toutes mes forces ou de blanchir ou de repeindre plus joliment. Ces années ont la carapace dure et m’empêchent de travailler encore aujourd’hui. Vous ne pouvez pas l’imaginer ! J’ai vraiment tout fait pour m’en défaire. Hélas ! Sheytan est mon seul témoin et c’est un muet ! Croyez-moi yandi !

Sachez qu’il a toujours été tristement très facile de berner et torturer ce beau peuple de Guinée ! Il y a plus de soixante ans les gens parlaient de lavage de cerveau, de déformation des pensées politiques et sociales, de colonisation culturelle, de contrôle du peuple par le peuple, et d’opposition de la patrie à la nation. Des années de domestication politique de l’homme dans son entièreté. Quels souvenirs !? Sheytan en a fait une liste qu’il m’a solennellement remis et dont je fais une priorité de développement aujourd’hui ! Je me souviens de tout ça et j’en ferai bon usage !

Chers compatriotes ! Je vous jure que désormais l’aliénation, le changement de mentalité, ou la renaissance de la pyro-démocratie, ne se feront pas sans vous. Je vous jure que rien ne se fera sans vos greniers, vos chèvres, vos moutons, ou sans vos belles juments. Rien ne se fera sans votre être, endormi ou éveillé, domestiqué ou ridiculisé, vidé de son cerveau ou surexcité. Sheytan mon vieux pote nous facilitera cela avec beaucoup de tact. Ne vous en faites pas trop ! Vous verrez des miracles tomber du ciel ! Vous verrez bien que c’est beau d’appartenir entièrement à son état ! D’en dépendre entièrement et de servir aveuglement. Il y a tant d’autres miracles qui vous attendent !

Chers compatriotes ! Comprenez-moi bien ! Si mes deux premiers mandats c’était pour m’enraciner et pour vous amener à vous opposer entre vous, sachez que ce nouveau mandat est le début miraculeux d’une autre aventure que vous comprendrez peut-être plus tard si vous le voulez. C’est votre mandat. C’est vous qui me l’avez voulu et c’est vous qui me l’avez imposé. C’est vous qui me l’avez taillé et vêtu. Du fond du cœur, je ne pouvais pas refuser votre déclaration d’amour. Et alors je me suis laissé aller, à votre rythme. Maintenant, oublions le passé et faisons autrement. Ça veut dire quoi autrement ? Désormais, nous devons tout changer même ce que j’avais voulu changer dans la blague sans succès. Je compte sur vous. Je compte sur les banques immortelles et les voyous  qui me servent de ministres. Je compte sur ce peuple oublié qui vit dans de beaux villages militarisés ou pillés, minés ou maudits. Je compte sur les cadres larrons reconvertis de notre belle patrie. Ces gens-là je ne les connaissais pas mais en les observant en 10 ans je vous jure que je les ai compris. Il est désormais urgent d’amorcer le dernier virage vers l’émergence virtuelle.

Désormais aimer et servir la Guinée, exige de passer sous mes radars moitié nu, moitié poilu, et de me servir à gogo avant tout. Les vrais patriotes ne sont plus ceux qui se battent pour le Guinée, honnêtement ou malhonnêtement. A mon brillant avis, les vrais patriotes sont ceux que j’ai chargé de démentir ces autres Guinéens qui aiment à tort la patrie. Eh oui ! Il ne sera plus permis à tout le monde d’aimer la Guinée car, toute seule, la Guinée s’aimera suffisamment. Notre nouvelle façon d’honorer la patrie consistera à domestiquer sans fanfares ni cordes, les juges et les sages. Désormais nos juges seront sélectionnés parmi nos plus beaux mécréants, et nos sages seront choisis parmi les plus nobles ignorants. Cette nouvelle façon de faire nous aidera à faire des omelettes sans casser des œufs, et à reculer aisément sans glisser. Les yeux fermés, les narines bouchées, je jure de ne plus désormais laisser le soleil briller pour tout le monde, tout le temps. Je jure de dérober les valeurs de la patrie qui prétendaient nous unir à tort, alors qu’elles nous divisaient à raisons. N’ayez craintes mes chers compatriotes ! Sheytan nous mènera brillamment à bon port !

Je profite de cette occasion pour saluer les nouveaux dictateurs africains qui rêvent tant de devenir empereurs. Sheytan sait bien que nous sommes nombreux autour de cette table de subordination des nations et des peuples. Mon souhait, à travers mon nouveau mandat, est d’exporter mon panafricanisme et de briser ainsi toutes ces frontières afin de mettre tous les enfants africains mal conçus au sommet des peuples. Soudons-nous chers empereurs pour que le peuple africain ne manque ni de commandements, ni de rêves inachevés. Il y va de notre propre intérêt ! Je vous jure que ce fut trop facile d’endormir tout mon peuple et je vous passerai gratuitement le secret de ma réussite.

Je rêve que ces envieux africains nous obéiront encore plus longtemps malgré les petites agitations.  Vive la patrie qui me sert tant ! Vive le peuple qui m’admire follement ! A bas les autres peuple qui prétendent s’éveiller et qui se plaignent de l’empire et de l’empereur !

Amoureusement,

Votre roi nouvellement ragaillardi

Abdoul K. Diallo

Spécialiste des politiques forestières

La Hayes, Pays-Bas





Affaire 200 milliards GNF: les Associations de presse dénoncent la citation à comparaître délivrée à l’encontre de trois journalistes


Gouvernance


Déclaration

Les Associations de presse AGUIPEL, URTELGUI, AGEPI, REMIGUI, UPLG ont été surprises d’apprendre que les journalistes, Youssouf Boundou Sylla de Guineenews, Ibrahima Sory Traoré de Guinee7 et Moussa Moise Sylla de l’Inquisiteur, ont reçu une « citation à comparaitre devant le tribunal correctionnel » de Kaloum, pour le 15 décembre 2020.

Cette « convocation » fait suite à la requête de Madame Zénab Dramé, ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle qui accuse ces journalistes des faits de « diffamation » sur sa personne.

Les Associations de presse soutiennent les journalistes « convoqués » et condamnent les agissements de Mme Dramé, qui n’a pas attendu les conclusions de l’enquête ouverte par le procureur pour détournement de deniers publics, suite aux révélations de la presse, pour porter plainte contre les journalistes pour « diffamation », comme si, elle était déjà blanchie par la justice. 

En tout état de cause, les Associations de presse rappellent que les  lanceurs d’alerte et les dénonciateurs de corruption et infractions assimilées doivent bénéficier d’une protection spéciale de l’Etat contre les actes de représailles ou d’intimidation, selon l’article 100  de la Loi /L2017/041/AN du 4 juillet 2017 portant Prévention, Détection et Répression de la Corruption et des Infractions Assimilées.

Elles considèrent que la démarche de la Ministre est une manœuvre dilatoire pour empêcher l’instruction en cours pour détournement de deniers publics et une action d’intimidation de la presse.

Elles exhortent les autorités judiciaires à préserver leur indépendance et à respecter leur serment en évitant d’appliquer les consignes de punition des journalistes données par le Premier Ministre dans un communiqué du gouvernement.

Elles réaffirment leur soutien aux journalistes concernés et continueront à dénoncer les détournements des derniers publics, la corruption, la gabegie, comme l’a souhaité le Président de la République.

Les Associations de presse condamnent, vigoureusement, cette tentative d’intimidation de la presse, et défendront de toutes leurs forces la liberté de la presse chèrement acquise.

Conakry, le 6 décembre 2020

Ont signé:

L’Association Guinéenne de la Presse en Ligne (AGUIPEL)

L’Union des Radios et Télévisions Libres de Guinée (URTELGUI)

L’Association Guinéenne des Editeurs de la Presse Indépendante (AGEPI)

Le Réseau des médias en ligne en Guinée (REMIGUI)

L’Union de la Presse Libre de Guinée (UPLG)


Pour comprendre cette actualité





Système éducatif guinéen: l’autre grand corps malade de la République


Gouvernance


Il est largement admis que l’éducation est un moyen de lutter contre toutes les formes de pauvreté. Plus une population est éduquée, plus elle est productive. L’éducation conditionne la modification des comportements sociaux. Elle est le jalon de la compétitivité des États.

François Dubet et Danilo Martucceli dans leur ouvrage intitulé A l’École : sociologie de l’expérience scolaire, rappellent que l’institution scolaire n’a pas qu’une fonction instrumentale à savoir produire simplement des qualifications, mais selon eux, elle « produit aussi des individus ayant un certain nombre d’attitudes et de dispositions ». Ils soutiennent qu’être citoyens, non seulement ça s’apprend, mais ce doit être aussi un désir partagé pour assurer « la pérennité d’une communauté de destin ». D’un autre point de vue, on relie souvent la vitalité démocratique d’une société à la qualité de l’éducation citoyenne promue par son système éducatif.

La population guinéenne est caractérisée par un faible niveau d’instruction. Selon le recensement général de la population et de l’habitat de 2014, environ 32% des personnes âgées de 15 ans et plus sont alphabétisées, contre 68% de personnes non alphabétisées. Le système éducatif guinéen est confronté à des problèmes structurels qui accentuent son incapacité à améliorer la qualité de l’offre et son attractivité.

Financement du secteur en deçà de la moyenne des pays de la sous-région

Le système éducatif guinéen dans son ensemble souffre de sous-financement depuis une longue période. Selon le document Programme sectoriel de l’éducation 2015-2017, en 2005, la part des dépenses courantes du secteur sur les ressources propres de l’État (hors dons et hors secteur minier) était de 14%. En 2012, la même donnée s’établit à 14,8%, une valeur peu différente.

Sur le financement public du secteur de l’éducation, une note de l’AFD nous apprend qu’en 2013, le budget de l’éducation a représenté 3,2 % du PIB (par rapport à 4,7 % au niveau mondial) et 15,2 % du budget de l’État (contre une moyenne de 17 % pour l’Afrique subsaharienne). La même note souligne que l’arbitrage entre sous-secteurs n’était pas favorable à l’éducation de base et en deçà des objectifs fixés par la communauté internationale (la part du budget allouée au primaire était relativement faible, de 43,3 %, tandis que celle allouée au supérieur s’élevait à 32,5 %). La part de l’enseignement primaire dans les ressources publiques allouées au secteur a diminué de 51% en 2002 à 47% en 2008 puis à 43% en 2013. Malgré un certain effort croissant de consacrer au secteur de l’éducation des ressources publiques, cela reste en deçà de la moyenne des pays de la sous-région.

Dans un rapport d’analyse sectorielle publié en 2019 par l’UNESCO intitulé Guinée : Analyse du secteur de l’éducation et de la formation, Pour l’élaboration du programme décennal (2019-2028), les auteurs révèlent que le peu de ressources matérielles et financières disponibles sont dirigées principalement vers les services dont les activités sont les plus urgentes (préparation des examens, statistiques) et non les plus importantes en termes de qualité de l’éducation (formation du personnel administratif, des enseignants, élaboration des plans annuels).

La qualité, un des objectifs de l’Éducation pour tous

Dans une publication intitulée Perspectives : L’école au service de l’apprentissage en Afrique, publiée en 2018, la Banque Mondiale dresse un constat alarmant sur la qualité de l’éducation en Afrique. Selon l’institution, l’Afrique a fait d’incontestables progrès pour augmenter la scolarisation dans le primaire et le premier cycle du secondaire. Pourtant, près de 50 millions d’enfants restent non scolarisés et la plupart de ceux qui fréquentent l’école n’y acquièrent pas les compétences de base indispensables pour réussir dans la vie.

Elle souligne que la faiblesse des acquis scolaires dans la région [Afrique] est préoccupante : « trois quarts des élèves de deuxième année évalués sur leurs compétences en calcul dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne étaient incapables de compter au-delà de 80 et 40 % ne parvenaient pas à effectuer une addition simple à un chiffre. En lecture, entre 50 et 80 % des élèves de deuxième année ne pouvaient pas répondre à une seule question tirée d’un court passage lu et un grand nombre étaient incapables de lire le moindre mot. »

Si le défi de la scolarisation dans le primaire est en passe d’être gagné en Afrique avec plus de 80 % des enfants qui achèvent ce cycle, la qualité de l’enseignement proposé reste un défi.  

Au cours d’une conférence sur l’école de demain pour l’Afrique organisée par l’AFD en 2018 à Paris, le péruvien Jaime Saavedra, directeur pour l’Éducation de la Banque mondiale résumera les enjeux en ces termes « La scolarisation n’est pas l’apprentissage ». En d’autres termes, sans une éducation de qualité, la scolarisation ne suffit pas. Les chiffres sont inquiétants : « parmi les enfants scolarisés en Afrique subsaharienne, 93 % n’ont pas acquis les compétences de base en lecture et 86 % en mathématique. »

Dans un article intitulé Les défis de l’éducation dans les pays riverains de la méditerranée, Jean-Claude Vérez soutiendra que « privilégier la qualité de l’éducation plutôt que la quantité revient à dissocier acquis des élèves et taux de scolarisation, formation d’une élite et fuite des cerveaux, hausse du nombre de diplômés et chômage massif de ces mêmes diplômés, formation générale et employabilité, etc. » Chimombo cité par Fatou Niang dans un article intitulé L’école primaire au Sénégal : éducation pour tous, qualité pour certains, soutiendra cependant que « s’il est théoriquement admis que l’élargissement de l’accès à l’éducation devrait aller de pair avec l’amélioration de la qualité, réaliser conjointement ces deux objectifs peut être difficile pour les pays d’Afrique subsaharienne ».


« La scolarisation n’est pas l’apprentissage »

Jaime Saavedra


Depuis la conférence mondiale sur l’éducation pour tous de Jomtien en 1990, les organisations internationales ont adjoint à l’objectif d’expansion quantitative de l’éducation l’impératif d’amélioration de la qualité. Mais il a fallu attendre le Forum mondial sur l’éducation pour tous de Dakar en 2000 pour que la « qualité » soit au centre du débat sur le développement de l’éducation particulièrement en Afrique subsaharienne. À cet effet, l’objectif 6 de l’Éducation pour tous illustre l’importance d’intégrer l’enjeu « qualité de l’éducation » dans les politiques publiques des États « Améliorer sous tous ses aspects la qualité de l’éducation dans un souci d’excellence de façon à obtenir pour tous des résultats d’apprentissage reconnus et quantifiables – notamment en ce qui concerne la lecture, l’écriture et le calcul et les compétences indispensables dans la vie courante. »

Le défi de l’éducation pour tous que la communauté internationale s’est engagée à relever à Dakar, en 2000, a entraîné une hausse importante des besoins en personnel enseignant. L’Afrique subsaharienne n’échappe pas à cette réalité. Non seulement elle manque de ressources enseignantes, mais elle constitue aussi une partie du monde qui fait face à une croissance rapide de sa population en âge de fréquenter l’école.

Faible qualification du personnel de l’éducation, difficiles conditions d’enseignement et corruption

De façon générale, l’insuffisance de personnel qualifié pour assurer une bonne gestion administrative courante et conduire les politiques de réformes est une problématique majeure en Guinée. Le secteur de l’éducation n’échappe pas à cette réalité.

Dans un rapport synthèse de 2019 sur les ODD intitulé Les pays sont-ils en bonne voie d’atteindre l’ODD 4 ?, les auteurs du rapport soulignent que la proportion d’enseignants formés chute en Afrique subsaharienne.

Rappelons que la cible 4.c des ODD vise « D’ici à 2030, accroître considérablement le nombre d’enseignants qualifiés, notamment au moyen de la coopération internationale pour la formation d’enseignants dans les pays en développement, surtout dans les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement ».

Cependant, en Afrique subsaharienne, selon ce même rapport de 2019 sur les ODD, seuls 64 % d’enseignants du primaire et 50 % d’enseignants du secondaire ont reçu les formations minimum organisées requises, et ce pourcentage est en baisse depuis 2000 à la suite du recrutement d’enseignants contractuels sans qualifications pour combler les déficits à un coût moindre.

En Guinée, selon le rapport d’Évaluation sommative de l’appui du GPE à l’éducation au niveau des pays publié en mai 2020, « des mesures ont été prises pour introduire de nouvelles méthodologies et de nouveaux modes de formation des enseignants ». Mais selon les auteurs du rapport, « ces mesures sont en partie demeurées au stade d’essai et ne s’étendent pas encore à l’ensemble du pays. Elles comprenaient, entre autres : la mise à l’essai d’un programme de formation initiale de trois ans pour enseignants de niveau préscolaire dans trois centres de formation des enseignants; l’introduction d’une formation des enseignants en cours d’emploi sur la pédagogie de la lecture dans les petites classes; le soutien à quatre centres de formation des enseignants ». Les données dans ce rapport du Partenariat mondial pour l’éducation, indiquent une pénurie d’enseignants formés (seulement 19,5 pour cent) dans les écoles secondaires publiques et, dans une moindre mesure, dans les écoles primaires.

Sur la problématique de la défaillance du système éducatif guinéen et les faibles taux de réussite au baccalauréat, l’ancien ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Bailo Teliwel, dans une interview en 2019 soulignait que « Le plus important n’est pas la régression des taux d’admission mais bel et bien la régression de la qualité de l’enseignement ». Il faut rappeler que la Guinée a connu en 2018 (26,04 %) et 2019 (24,38 %) les taux de réussite au baccalauréat les plus faibles de son histoire. Pour ce professionnel et ancien acteur du système éducatif guinéen, « l’admission et le taux qui le chiffre sont les résultats d’un système et d’un processus qui est bien antérieur à l’examen. » Selon lui, cette situation est la résultante de plusieurs facteurs « les équipements, les infrastructures, la pédagogie, la qualité de l’administration, les activités scolaires et extra scolaires, l’encadrement parental et social, les politiques éducative, sociale et économique, les comportements, notamment des élites etc. »


Il faut rappeler que la Guinée a connu en 2018 (26,04 %) et 2019 (24,38 %) les taux de réussite au baccalauréat les plus faibles de son histoire.


Pour illustrer les conditions d’enseignement et la dévalorisation du métier d’enseignant en Guinée, EsterBotta Somparéet AbdoulayeWotem Somparé dans un article intitulé La condition enseignante en Guinée : des stratégies de survie dans le champ scolaire et universitaire guinéen, racontent des anecdotes qui ironisent la pauvreté de ces acteurs essentiels du système éducation « Je ne donnerai jamais ma fille à un enseignant, c’est un gendre trop pauvre » déclare un père, ou encore « Vous n’êtes qu’un enseignant, vous ne pourrez jamais acheter ça ! » réponse à un professeur d’université qui demande le prix d’une voiture à un vendeur. Ces auteurs rappellent le contraste du métier d’enseignant aujourd’hui en Guinée avec « le prestige dont cette profession était entourée à l’époque coloniale. »

La question du salaire des enseignants et son impact sur la qualité de l’éducation reste problématique. Il n’est plus à démontrer la corrélation entre un salaire attrayant et l’attractivité de la profession. Un salaire attrayant permet d’attirer et de retenir les diplômés les plus qualifiés dans la profession d’enseignant. Le salaire a toujours été au cœur des revendications du syndicat des enseignants guinéens avec son corollaire de grèves quasi permanentes ces dernières années.

Sur le matériel pédagogique dérisoire voire inexistant, il est rapporté dans un article publié dans Jeune Afrique intitulé Guinée : pourquoi les enseignants sont-ils en grève ?, les interrogations d’un enseignant guinéen « Avec les cours théoriques seulement, les élèves comprennent difficilement. Mais comment effectuer des travaux pratiques sans laboratoire ? », « Il n’y a même pas de bibliothèque ! » poursuit-il. Se prononçant sur les effectifs pléthoriques dans les salles de classe, l’enseignant témoigne qu’ils s’élèvent à « 130 élèves, voire plus » par salle de classe.

Cette situation renvoie à la problématique du financement du secteur et l’utilisation des fonds d’appui au secteur de l’éducation. Selon le rapport du Partenariat mondial pour l’éducation publié en mai 2020, en Guinée, comme dans de nombreux pays à faible revenu, le secteur est essentiellement financé par l’État, mais la majorité des dépenses d’investissement sont financées par des organismes externes. Par conséquent, les principales réalisations en matière de mise en œuvre des plans sectoriels dépendent du soutien des bailleurs de fonds. Toujours selon ce rapport, « L’aide publique au développement (APD) consacrée à l’éducation en Guinée est passée de 38,1 millions de dollars américains en 2015 à 47,1 millions de dollars américains en 2017 ».

La corruption affecte négativement la disponibilité et la qualité des biens et services éducatifs. Elle réduit les dépenses d’éducation, favorise le gaspillage et la mauvaise allocation des recettes de l’État.

Dans Écoles corrompues, universités corrompues : que faire ? publié en 2009, Hallak et Poisson définissent la corruption dans le secteur de l’éducation comme « une utilisation systématique d’une charge publique pour un avantage privé, qui a un impact significatif sur la disponibilité et la qualité des biens et services éducatifs et, en conséquence, sur l’accès, la qualité ou l’équité de l’éducation. »

Ces auteurs énumèrent les conséquences de la corruption dans le milieu éducatif selon trois principaux aspects : l’accès à la ressource éducative, la qualité du système éducatif et l’équité du système éducatif. Il ressort des conclusions de ces auteurs que la corruption influence négativement ces trois aspects et est un frein au développement social.

Lamia MOKADDEM dans un article intitulé La corruption compromet elle la réalisation de l’éducation pour tous ? : les canaux de transmission, souligne quant à elle, que  « plusieurs études et données empiriques mettent en évidence que les pays où les niveaux de corruption sont les plus faibles tendent à avoir des services publics très efficaces et à réaliser les meilleures performances éducatives. »

Classée parmi les pays les plus corrompus dans le monde, la Guinée occupait la 130e place sur 180 pays de l’Indice de la Perception de la Corruption dans le secteur public de Transparency International 2019. Selon une enquête Afrobarometer de 2020, une écrasante majorité (82%) des Guinéens évaluent la performance du gouvernement dans la lutte contre la corruption comme étant « plutôt » ou « très » mauvaise. Toutes les formes de corruption ont cours en Guinée, aussi bien la corruption active que la corruption passive. Le phénomène touche tous les secteurs de l’administration avec une ampleur plus grande dans les services de l’économie et des finances (douane, impôts, marchés publics…).


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Tierno Monenembo ne reculera pas car «Les dictatures, on ne les fuit pas, on les confronte [ ]»


Politique


Depuis quelques jours, des Etats-Unis, de France, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Mali et d’ailleurs, des bonnes âmes soucieuses de ma liberté et de ma vie m’adressent des messages d’alerte : il paraît que ma vie est en danger. Je devrais me méfier, baisser le ton, adoucir mes propos et peut-être même quitter le pays.

Eh bien non, je ne me méfierai pas, je ne baisserai pas le ton et surtout, surtout, surtout, je ne quitterai plus jamais mon pays sauf pour les besoins d’une conférence, d’un Salon du Livre ou d’un check-up médical. Je ne viens pas de Haute-Volta moi, je suis d’ici moi. Mon père est enterré au cimetière de Coléah, ma mère, à celui de Dixinn, mes aïeux reposent à Porédaka.

Déjà, à la fin des années 60, ceux de ma génération avaient commis la grave erreur de fuir le régime bestial de Sékou Touré. Aujourd’hui encore, le pays entier continue d’en payer le prix. Les dictatures, on ne les fuit pas, on les confronte, on leur crache dessus, on les abat.


Je ne me méfierai pas, je ne baisserai pas le ton et surtout, surtout, surtout, je ne quitterai plus jamais mon pays sauf pour les besoins d’une conférence, d’un Salon du Livre ou d’un check-up médical.


Cette magistrale leçon de l’Histoire, je l’ai parfaitement assimilée à présent. Je ne reculerai plus jamais devant un despote. La liberté a un prix et ce prix, je suis prêt à le payer comme l’ont déjà fait nombre de nos compatriotes. Je pense aux centaines de morts qui jalonnent les deux mandats du sinistre Alpha. Je pense aux dizaines de disparus, aux milliers de prisonniers politiques. Je pense en particulier à Ousmane Gaoual, Sékou Koundouno, Chérif Bah, Etienne Soropogui Oumar Sylla, Saïkou Oumar, Ismaël Condé, Souleymane Condé et les autres. Je pense à vous tous vaillants patriotes guinéens qui croupissez dans les geôles d’ Alpha Condé pour avoir refusé de renoncer à votre dignité de citoyens. Je m’incline humblement devant votre foi et votre bravoure.

Les Guinéens en ont jusque-là. Ils sont tous prêts à mourir pour recouvrer leur liberté. Ils sont prêts à consentir les sacrifices qu’il faut, cela prendra le temps que cela prendra. Ils savent que le despotisme est déjà derrière eux.

Le régime archaïque d’Alpha Condé n’est que le dernier maillon d’une espèce en voie de disparition. Après 62 ans de chaos absolu, ils savent qu’ils sont près du but : c’est pour bientôt, le soleil de la liberté, le jour de la concorde et du bien-être collectif.

Pour ma part, non seulement je ne quitterai pas le pays, mais je suis prêt à mourir. Rien de plus beau que de mourir pour la liberté ! Il y a des moments où la plume ne suffit pas. Il y a des moments où l’écrivain doit abandonner sa table de travail pour descendre dans l’arène. Le romancier ne doit pas se contenter de prendre la parole, il doit aussi prendre la rue, se tapir dans les tranchées ou se jucher sur les barricades. « Un poème dans la poche, un fusil dans la main », disait d’ailleurs mon ami congolais, Emmanuel Dongala. De Garcia Lorca à Paul Eluard, de Tahar Djaout, à Ken Saro Wiwa, c’est quand le poète tombe sous les balles des barbares que la littérature prend tout son sens. Et qu’est-ce que la littérature sinon, ce bataillon armé de mots qui depuis la nuit des temps occupe les avant-postes du combat pour la liberté : liberté d’être, liberté de penser, liberté de dire, liberté d’aller et de venir, liberté de créer, liberté de rêver.

Non, je ne reculerai pas. Non, je ne me méfierai pas. Non, je ne n’adoucirai pas mes propos. Je continuerai vaille que vaille à dire merde à ce régime de merde.

Advienne que pourra !

Tierno Monénembo





Des ONG se mobilisent pour exiger la libération de Oumar Sylla Fonikè Mengué [Communiqué]


Justice


Depuis deux mois, Oumar Sylla, alias Foniké Menguè – membre du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) et coordinateur adjoint de Tournons La Page (TLP-Guinée) – est détenu arbitrairement à la prison centrale de Conakry. Il est accusé d’attroupement illégal, de trouble à l’ordre public, d’atteinte à la sûreté de l’état et de destruction de biens publics.

Le 29 septembre 2020, Oumar Sylla a été violemment arrêté par des hommes en civil en pleine rue dans la commune de Matoto à Conakry alors qu’il s’apprêtait à participer à une manifestation organisée par le FNDC pour protester contre la candidature du Président Alpha Condé à un troisième mandat. Emmené à la Direction de la Police Judiciaire (DPJ), il a été interrogé sans que ses avocats n’aient pu l’assister. Leur entrée dans les locaux de DPJ leur a été refusée ce qui est une atteinte aux droits de la défense. Quelques heures plus tard, le procureur du tribunal de Mafanco a décidé de placer Oumar Sylla sous mandat de dépôt et de le faire incarcérer à la prison centrale de Conakry.

Ce militant de la société civile n’en est pas à sa première arrestation et détention arbitraires. Déjà interpellé le 17 avril 2020 pour « diffusion de fausses informations », l’accusation avait été jugée non fondée par la chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Dixinn. Oumar Sylla avait alors été libéré le 27 août 2020 après plus de quatre mois d’incarcération abusive.

« Si l’état de droit fonctionne en Guinée, il est attaqué par le pouvoir politique qui abuse de sa capacité à faire arrêter les militants de la société civile. Ce harcèlement doit cesser. La place des défenseurs des droits humains n’est pas en prison » s’insurge Agir ensemble pour les droits humains.

Oumar Sylla a également échappé de peu à une arrestation le 12 octobre 2019 lorsque six autres figures de la société civile avec qui il était en contact ont été appréhendées à la veille d’une manifestation contre le changement de Constitution.

La situation d’Oumar Sylla est révélatrice du traitement des représentants de la société civile guinéenne qui se sont mobilisés pour demander le respect de la Constitution et dénoncer la volonté du président Alpha Condé de se maintenir au pouvoir.

« Nous condamnons fermement la nouvelle détention arbitraire d’Oumar Sylla qui n’est qu’une illustration supplémentaire de la répression généralisée à l’encontre de toutes les voix dissidentes en Guinée » déplore l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT).

Les organisations signataires de ce communiqué appellent les autorités guinéennes à remettre en liberté, immédiatement et sans conditions, Oumar Sylla, à mettre un terme à la persécution que subissent ceux qui expriment de manière pacifique leur opposition aux autorités au pouvoir et à garantir les droits fondamentaux reconnus par la Constitution guinéenne.

Contacts presse :

Tournons La Page  : Marc Ona Essangui – marc.ona@brainforest-gabon.org

Tournons La Page Guinée : Ibrahima Diallo – pdhguinee2011@gmail.com

Agir ensemble pour les droits humains : Thibaud Kurtz – t.kurtz@aedh.org

Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT) : Emmanuelle Morau – emorau@fidh.org – Iolanda Jaquemet – ij@omct.org

Front Line Defenders : Mariam Sawadogo- msawadogo@frontlinedefenders.org






Guinée: Violences et répression postélectorales [Human Rights Watch]


Droits de l’Homme


Les autorités devraient ouvrir des enquêtes sur l’usage excessif de la force et traduire les responsables en justice.

(New York) – La période postélectorale en Guinée a été entachée de violences et d’actions répressives qui ont fait au moins 12 morts, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. À la suite du scrutin présidentiel du 18 octobre 2020, les forces de sécurité ont recouru à une force excessive pour disperser les manifestations dirigées par l’opposition dans la capitale, Conakry.

Le principal candidat de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, a été assigné à résidence de facto, en l’absence d’inculpation, du 20 au 28 octobre. L’un des principaux organes d’information en ligne de Guinée a été suspendu du 18 octobre au 2 novembre, et les réseaux Internet et téléphonique ont été gravement perturbés voire suspendus entre le 23 et le 27 octobre. Ces mesures ont entravé la capacité des habitants à communiquer, à obtenir des informations ou à rendre compte des événements en cours.

« Les actions brutales menées contre des manifestants et d’autres personnes à Conakry se sont inscrites dans un contexte de répression généralisée qui a fragilisé la crédibilité des élections », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les autorités devraient maitriser les forces de sécurité, enquêter sur les individus impliqués dans des exactions et les sanctionner, et tous les dirigeants politiques devraient demander d’urgence à leurs partisans de s’abstenir de toute violence. »

Lire la suite sur le site de Human Rights Watch





L’élection en Afrique ou la délégitimation d’un « rite démocratique »


Analyse


Légitimer et renforcer des pouvoirs autoritaires, l’élection en Afrique ressemble plus à une simple formalité administrative qu’à une consécration de la démocratie. De Fukuyama qui parle d’un verni démocratique à Michalon qui n’hésite pas à soutenir la suppression de l’élection présidentielle en Afrique, le « théâtre démocratique » expression de Antoine Glaser pour qualifier les élections dans certains pays africains, apparait comme un rendez-vous en absurdie.

L’acte électif est dévalorisé. Dans un article intitulé La démocratie en Afrique: succès et résistances, Babacar Guèye souligne que « L’acte électif n’a de sens, au fond, que s’il permet à terme l’alternance démocratique [  ] » Or, selon l’auteur, « les manipulations électorales, intimidations et recours à la force qui émaillent bien des élections en Afrique sont les signes du refus d’accepter les règles du jeu démocratique ».

Dans le même ordre d’idées, Philippe Aldrin dans un ouvrage collectif intitulé Politiques de l’alternance: sociologie des changements (de) politique, soutient qu’une alternance au pouvoir est un « indicateur de bonne santé démocratique » parce qu’elle est supposée porteuse de changements politiques et sociaux. Les enquêtes Afrobaromètre arrivent à la même conclusion « Dans le système politique particulier à l’Afrique, une alternance au pouvoir insuffle l’espoir populaire selon lequel la performance gouvernementale sera améliorée. » En d’autres termes, « les Africains désirent des élections transparentes, surtout celles porteuses d’alternance ».


Une alternance au pouvoir est un « indicateur de bonne santé démocratique »


Entre démocratie et autoritarisme, les régimes hybrides jouent les intermédiaires (des régimes autoritaires civils qui organisent des élections pour légitimer leur position). Avec une façade compétitive, des consultations manipulées, des institutions factices, ces régimes hybrides africains sont un mélange d’éléments de démocratie (institutions, élections) avec des pratiques autoritaires.

Cependant, « l’élection ne fait pas la démocratie ». Pour Pierre Jacquemot, elle « n’est la démocratie que si elle est l’aboutissement d’un long processus, adossé à une ossature institutionnelle suffisamment robuste pour porter une justice indépendante, garantir les libertés fondamentales, apporter du développement et traquer la corruption ».

En dénonçant « la pseudo démocratie africaine », le journaliste Vincent Hugeux dans un essai intitulé Afrique : le mirage démocratique, est catégorique : c’est une « mascarade ». Selon lui, « Jeunes ou vieux, les caïmans du marigot ont appris à manier le lexique du pluralisme, de la transparence et de la bonne gouvernance [  ] pour mieux s’affranchir de ses effets ». L’auteur dénonce le « tour de passe-passe » que constituent les modifications constitutionnelles avant les scrutins. Des modifications, selon lui,  qui « ont l’apparence de la légalité, mais constituent autant de forfaitures sur le plan éthique et politique ».

Une « démocratie procédurale ». Pour Pierre Jacquemot, elle « renonce à convaincre de la nécessité du politique, désarme le jeu social et rend, entre deux élections, le citoyen superflu. Il en résulte, pour la population pauvre, un sentiment diffus d’impuissance [  ] ». Quant au professeur britannique Nic Cheeseman, il qualifie l’Afrique de « continent remarquablement divisé», avec «presque autant de démocraties défectueuses (15) que de régimes autocratiques (16) parmi les 54 États du continent».

Dans un article publié dans le foreign affairs, intitulé The Retreat of African Democracy. The Autocratic Threat Is Growing, Nic Cheeseman et Jeffrey Smith soulignent qu’un « bon indicateur de l’état de santé de la démocratie en Afrique comme ailleurs consiste à observer si les dirigeants quittent effectivement le pouvoir au terme prévu par leur mandat. Ils sont de plus en plus nombreux à mener des “coups d’État constitutionnels” qui leur permettent de récrire la loi [  ] ». En citant le Freedom House, ces deux auteurs révèlent que 11 % seulement du continent africain est politiquement “libre”, et le niveau moyen de la démocratie n’a cessé de reculer au cours des quatorze dernières années. Cette tendance est confirmée par le score du continent en matière de processus électoral et de pluralisme qui demeure le plus faible du monde. Selon le Democracy Index 2019 deThe Economist Intelligence Unit 3,99/10 contre une moyenne planétaire de 5,9/10. Le journaliste et chercheur indépendant, Régis Marzin, dans un rapport intitulé Démocraties, dictatures et élections en Afrique : bilan 2019 et perspectives 2020 dénote quant à lui, que sur les 582 élections enregistrées entre 1990 et 2019, 294 relèveraient de la « mascarade».

Le contrôle des commissions électorales

Dodzi Kokoroko, dans un article intitulé Les élections disputées : réussites et échecs publié en 2009 dans la revue Pouvoirs, souligne que la « grandeur de l’élection célébrée par sa consécration constitutionnelle s’éclipse rapidement devant les déceptions et régressions engendrées dans la pratique. »

Entre l’habillement normatif et le mode opératoire des institutions et juridictions constitutionnelles, le contraste est saisissant. Si la création de commissions électorales et des cours constitutionnelles est perçue comme une avancée démocratique, censée « en théorie » garantir la transparence, l’indépendance et l’impartialité dans la gestion du processus électoral, force est de reconnaitre que la réalité est aux antipodes de cet habillement normatif parfois « sacralisé ».

Le contrôle des institutions en charge des élections apparait comme un enjeu central pour la conquête et la conservation du pouvoir politique en Afrique.

Eugène Le Yotha Ngartebaye dans sa thèse intitulée Le contentieux électoral et la consolidation démocratique en Afrique francophone. Trajectoire comparative du Bénin et du Tchad (2014), souligne que « l’issue de l’élection ne se joue plus dans les urnes, mais dans les capacités à maitriser et disposer de ces institutions. C’est ce qui explique la politisation outrancière des commissions électorales avec en prime une prépondérance des membres désignés par le parti au pouvoir. » Une lecture partagée par Danielle Béatrice dans un article intitulé Changement des mentalités et changements institutionnels : des impératifs pour crédibiliser la démocratie en Afrique,qui affirme que « l’amélioration de la démocratie et de la vie politique dans les pays afri­cains nécessite une véritable autonomie des institutions responsables des élections et une limitation des pouvoirs des chefs d’État. » Pour elle, les institutions chargées du suivi des élections ont perdu leur crédibilité. Cela est sans doute « dû à la corruption qui sévit dans nos pays africains et au manque d’autonomie desdites institutions. »

La sincérité et l’intégrité du vote en question

Les manipulations du vote se révèlent être une pratique courante dans un environnement où l’administration est partisane et l’organe en charge des élections est instrumentalisé. En guise d’exemple, la loi prévoit un dépouillement sur place dans les bureaux de vote. Cependant, on assiste le plus souvent au déplacement des urnes par la force. Une pratique relevée par Dodzi Kokoroko dans son article Les élections disputées : réussites et échecs. Selon cet auteur, « ce transfert des urnes permet à l’administration de remplacer les urnes dont le contenu est jugé défavorable au pouvoir par des urnes plus dociles, aux résultats facilement contrôlables. La falsification des procès-verbaux constitue l’étape suprême de la machine de fraude électorale. Elle est généralement orchestrée par des représentants locaux de l’administration générale (préfets et sous-préfets) qui vont corriger les résultats. »

Dans le même ordre d’idées, Pierre Jacquemot dans un article intitulé les élections en Afrique, marché de dupes ou apprentissage de la démocratie ? publié en 2019 dans la Revue internationale et stratégique explique que « [  ] la falsification des procès-verbaux, si elle est utilisée peut commencer dans le bureau de vote, mais elle intervient le plus souvent dans un transfert ou un lieu de compilation régional, ou encore dans un lieu de rassemblement national ». Pour cet universitaire et ancien diplomate, « l’élection africaine est la résultante d’une réelle appropriation des normes officielles du jeu électoral conjuguée à des pratiques de contournement de ces règles ». L’auteur n’hésite pas à soutenir que « la transgression fait partie intégrante du jeu électoral africain ». De plus en plus sophistiquée, l’ingénierie de la fraude électorale atteint des proportions inquiétantes en Afrique. Vincent Darracq et Victor Magnani dans un article intitulé Les élections en Afrique : un mirage démocratique ? expliquent que « des savoir-faire multiples, de plus en plus sophistiqués, sont développés par les opérateurs politiques et leurs « petites mains » pour « orienter » les résultats des scrutins ».


« l’élection africaine est la résultante d’une réelle appropriation des normes officielles du jeu électoral conjuguée à des pratiques de contournement de ces règles »

Pierre Jacquemot


Les chercheurs Nic Cheeseman et Brian Klaas, dans un ouvrage intitulé « How to rig an election » qui traite des stratégies au moyen desquelles les tricheurs politiques et leurs auxiliaires administratifs faussent les scrutins démocratiques soutiennent que « Contrairement à ce que l’on pense généralement, les dirigeants autoritaires qui acceptent de tenir des élections sont généralement en mesure de rester au pouvoir plus longtemps que les autocrates qui refusent d’autoriser la population à voter. » En d’autres termes, selon ces auteurs « un autocrate perd rarement une élection ».

Face à cette situation de fraude électorale systématique, les contestations des résultats font désormais partie intégrante du processus. Un fait caractéristique des élections en Afrique, selon Pierre Jacquemot dans une interview sur Francetvinfo. Dans le même ordre d’idées, le sociologue ivoirien Alfred Babo, dans un article dans Le Monde intitulé Faut-il continuer d’organiser des élections présidentielles en Afrique ? affirme que « la contestation des résultats est devenue quasi consubstantielle à l’exercice de ces scrutins ».

Pour conclure, citons cette observation de Alix Boucher de Africa Center, dans un article intitulé Désamorcer la crise politique en Guinée « l’expérience montre que les chefs d’État africains qui sont restés au pouvoir pendant plus de 10 ans ont accumulé les actes de répression et de corruption et généré instabilité financière, sous-développement et conflits dans le pays. »


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur @GuineePolitique




La Guinée, piégée par ses richesses minières


SCAN TV & VIDÉO [LE CHOIX DE LA RÉDACTION]


Entretien avec THOMAS DIETRICH

Extrait Le Média (27 oct. 2020)





Des commissaires de la CENI dénoncent des graves anomalies qui remettent en cause la sincérité des résultats provisoires [Document]


Déclaration


Commissaires de la CENI, nous venons par la présente, dénoncer les graves anomalies dans l’organisation de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020. Ces anomalies affectent la sincérité des résultats provisoires proclamés par la CENI ce samedi 24 octobre 2020.Les causes sont nombreuses et profondes; elles se retrouvent à chaque étape du processus. Et à chaque fois, nous avons exprimé, certains collègues et moi,notre préoccupation en plénière et dans des déclarations.Pour rester focalisé sur l’élection présidentielle, voici quelques motifs de ces dérives:

  • La mauvaise foi dans l’interprétation des textes de loi, notamment la Loi 044 et la Loi portant Code électoral révisé;
  • L’implication de l’Administration dans tout le processus, au point d’en être en réalité, le principal organisateur des élections en Guinée en lieu et place de la CENI qui en porte le chapeau;
  • Le manque de recours contre les mauvaises décisions de la CENI. L’organisation de l’élection présidentielle du 18 octobre a connu plusieurs failles entre autres:
  • Le chronogramme qui a volontairement annulé l’affichage des listes électorales;-La cartographie électorale qui a pénalisé de nombreux électeurs privés de leur droit de vote;
  • La conception, la confection et la gestion des documents électoraux en dehors de la CENI et hélas en son nom;
  • Le refus obstiné de l’élaboration des procédures de remontée et de traitement des résultats de l’élection depuis le bureau de vote;
  • Le refus de réceptionner des PV de bureaux de vote (BV) dans des CRTPV (Commission de Réception et de Transmission des Procès-Verbaux) préfectorales ou communales, privant plusieurs électeurs de leur droit de vote et des candidats des suffrages de leurs électeurs;
  • La présence d’écart entre les suffrages exprimés et la somme des suffrages obtenus par les différents candidats et, le déversement de cet écart sur le nombre total de bulletins nuls sans aucune base juridique.


Document complet à télécharger ici


Quelques Extraits

Pour faire annuler le vote de certains BV réputés être des fiefs de l’opposition, les Présidents de ces bureaux de vote concernés se sont volontairement absentés et ont été remplacés par d’autres personnes en vertu de l’article 70 du code électoral révisé.A la fin du dépouillement, les commissions de réception des PV ont refusé de réceptionner les PV de ces bureaux de vote, prétextant que ces PV doivent être déposés par les Présidents de BV initialement désignés. En ce sens, le cas de la commune urbaine de Dubréka est un bon exemple.

L’absencevolontairede certains Présidents de bureau de vote à l’ouverture


Dans plusieurs bureaux de vote dans tout le pays, le dépouillement n’a pas eu lieu sur place conformément à l’article 80 du code électoral révisé. Des agents de l’USSEL ont fait irruption dans les BV pour récupérer et transporter les urnes vers des destinations inconnues, ce, sans les membres de bureau de vote. Il nous a été remonté les cas des circonscriptions électorales de Dubréka avec pas moins de dix (10) bureaux de vote concernés, de Nzérékoré, Yomou, Kankan et Coyah.

L’irruption des agents de l’USSEL pour empêcher le dépouillement dans certainsbureaux de votes


La substitution et/ou la disparition des PV au niveau des commissions de réception a été dénoncée dans plusieurs circonscriptions.Quelques fois,le PV reçu à la CRPTV était remplacé par un nouveau qui est alors transmis à la CACV pour la centralisation; ailleurs, le PV a simplement disparu. En conséquence, les résultats du bureau de vote n’étaient pas pris en compte. D’après les informations qui nous ont été remontées, très souvent, la substitution se faisait la nuit quand le travail s’arrêtait et que les assesseurs et délégués des partis candidats n’étaient plus présents; cela se faisait aussi avec la complicité des agents de l’USSEL qui sécurisaient les lieux.Cela a été constaté à Dabola, Nzérékoré, Yomou, Macenta, Kissidougou, Coyah, Boffa, Koundara, Faranah pour ne citer que ceux-là.

La disparition et la substitution des PV


Afin de faire annuler les PV de certains bureaux de votes, il nous a été remonté que certains membres de CRTPV ou de CACV se sont permis d’ouvrir sciemment les enveloppes scellées contenant les PV de certains BV, dans le seul but de faire invalider ces PV en les considérant comme«Enveloppe non scellées». Les cas de la circonscription de Kaloum (surtout à Coronthie) et de Boké sont des exemples

L’ouverture des enveloppes scellées afin de faire annuler les votes du BV concerné





Amnesty International confirme “des tirs à balles réelles par les forces de défense et de sécurité sur des manifestants” en Guinée


Guinée. Des récits de témoins, des vidéos et images satellites analysées confirment les tirs à balles réelles par les forces de défense et de sécurité sur des manifestants.

  • Elles ont fait usage d’armes de guerre à Conakry et Labé
  • Une scène de tirs en banlieue de la capitale géolocalisée par des images satellites
  • L’Union africaine et la CEDEAO silencieuses face à cette répression à huis-clos

Des récits de témoins, des images satellites et des vidéos authentifiées et analysées par Amnesty International confirment que les forces de défense et de sécurité guinéennes ont tiré à balles réelles sur des protestataires après l’élection présidentielle contestée du 18 octobre.

De nombreux morts et blessés ont été recensés lors de manifestations et d’émeutes. Des habitations et des biens ont été détruits. Internet et les liaisons téléphoniques ont été perturbés ou coupés le vendredi 23 et le samedi 24 octobre. Un site d’information est toujours suspendu. Amnesty International est préoccupée par le silence de l’Union africaine et de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) face à l’ampleur des violations des droits humains infligées aux Guinéens.

L’usage d’armes à feu doit cesser et la mort de manifestants, de passants et de responsables locaux du Front national de défense de la Constitution (FNDC) doit faire l’objet d’enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces. Si des informations laissent présumer des responsabilités pénales, les personnes concernées doivent être déférées à la justice pour des procès équitables devant des tribunaux civils.

Fabien Offner, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International.

Lire la suite…





Guinée: «Les États-Unis condamnent les violences [ ] et appellent à la transparence dans le processus de tabulation du vote»

Dans une déclaration republiée par l’ambassade des États-Unis en Guinée, le Secrétaire d’État adjoint Tibor Nagy souligne que “les État -Unis condamnent les violences en Guinée et appellent à toutes les parties à y mettre fin immédiatement”.








À partir du 26 octobre 2020, tous les guinéens dans la rue “jusqu’au départ du dictateur Alpha Condé” [Déclaration FNDC]


Déclaration


Le FNDC appelle le Peuple de Guinée à des manifestations dans tout le pays à partir de ce lundi 26 octobre 2020 jusqu’au départ du dictateur Alpha Condé

Le FNDC a le profond regret de constater depuis quelques jours des scènes de violences dans plusieurs villes du pays causant une dizaine de pertes en vie humaine dont Boubacar Baldé et Daouda Kanté, respectivement Coordinateur de l’antenne FNDC à Sonfonia Gare 2 (Conakry) et à Pita. Tous les deux ont été tués par balles des forces de défense et de sécurité aux ordres d’Alpha Condé.

Des pillages de commerces et d’habitations ont été également orchestrés par le régime pour terroriser les populations et installer le chaos dans le pays dans le seul but de permettre à Alpha Condé de se maintenir au pouvoir au-delà de ses deux mandats légaux.

Le FNDC condamne énergiquement ces dérives dictatoriales et le déchirement du tissu social par l’exécution des nombreuses menaces « d’affrontement, de mort et de guerre» proférées par Alpha Condé contre sa propre population depuis le début de son processus de coup d’État constitutionnel.

Nous interpellons la communauté internationale à réagir face aux violations insupportables des droits humains par le régime et à prendre d’urgence des sanctions ciblées contre les auteurs et commanditaires de ces crimes.

Conformément à ses déclarations précédentes notamment celles du 25 mars 2020 et du 16 octobre 2020, le FNDC demeure fidèle à ses principes et à ses engagements d’empêcher le troisième mandat d’Alpha Condé et de ne reconnaître aucune institution illégale et illégitime issue de mascarades électorales ou de blanchiment de coup d’État civil.

C’est pourquoi, le FNDC appelle le Peuple de Guinée à des manifestations dans tout le pays à partir de ce lundi 26 octobre 2020 jusqu’au départ du dictateur Alpha Condé pour permettre une refondation totale de l’État Guinéen et le débarrasser de tout système corrompu.

Nous appelons les forces de défense et de sécurité à être républicaines en refusant d’obéir à tout ordre illégal et en se mettant du côté du Peuple.

Le FNDC invite toutes les forces vives du pays, tous les démocrates épris de paix et de justice à répondre à cet appel patriotique pour chasser du pouvoir Alpha Condé et son clan mafieux qui sont les seuls responsables du chaos qui s’installe dans notre pays.

Ensemble unis et solidaires, nous vaincrons!

Conakry, le 23 octobre 2020


Pour plus d’informations

https://www.facebook.com/frontnationalGN/posts/689556035309664




Présidentielle en Guinée: les titres de la presse internationale


Revue de presse


Cliquez sur l’image pour lire l’article


LES ÉCHOS

Présidentielle sous tension en Guinée-Conakry

La Guinée, petit pays d’Afrique assis sur les principales réserves de bauxite de la planète, tient dimanche des présidentielles risquées. Le président Alpha Condé a fait amender la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat.

Capture sur le site lesechos.fr

LE JDD

Présidentielles en Guinée : le dernier combat du président Alpha Condé

A 82 ans, Alpha Condé devrait être réélu dimanche président de Guinée pour un troisième mandat, alors que l’opposition l’accuse de dérives autocratiques. 

Capture sur le site lejdd.fr

AFFARINTERNAZIONALI

Presidenziali in Guinea: Alpha Condé tenta la carta del terzo mandato

Domenica 18 ottobre si terranno le tanto attese e contestate elezioni presidenziali in Guinea. A marzo i cittadini erano stati chiamati a votare per le legislative e per il referendum sulla modifica della Costituzione proposta dal presidente uscente Alpha Condé. 

Capture sur le site affarinternazionali.it


TRT WORLD

Guinea votes in tense election as ruler seeks a third term

Capture Twitter @trtworld

ALJAZEERA

Guineans set to vote in tense presidential election

After months of unrest and divisive politics, voters in Guinea set to cast ballots to elect country’s next president.

Capture sur le site aljazeera.com

NEWS18

Guineans Vote In Tense Election As President Seeks A Third Term

Capture sur le site news18.com

LE MATIN

Les Guinéens élisent leur président

La présidentielle devrait se jouer entre le sortant Alpha Condé, 82 ans, et son adversaire de longue date, Cellou Dalein Diallo, 68 ans.

Capture sur le site lematin.ch

BBC

Guinea elections: Alpha Condé takes on Cellou Dalein Diallo again

Capture sur le site bbc.com

COURRIER INTERNATIONAL

Election. En Guinée, l’heure de dire “Non” au troisième mandat

Capture sur le site courrierinternational.com

LE MONDE

Guinée : Alpha Condé se voyait en Mandela, va-t-il finir en Mugabe ?

Le président a modifié la Constitution avant le scrutin du 18 octobre afin de pouvoir effectuer un troisième mandat, en dépit de la contestation.

Capture sur le site lemonde.fr




Alpha Condé: ce président méprisant qui est devenu méprisable [Par Alpha Boubacar BALDE]


Point de vue


Il serait né le 4 mars 1938 à Boké, ce qui lui donne aujourd’hui « officiellement » 82 ans. Après deux mandats de 5 ans, il est candidat à un troisième mandat en violation de ses serments et de sa longue lutte de 40 ans dans l’opposition. En tant qu’opposant aux différents régimes au pouvoir en Guinée, l’actuel Président du RPG arc-en-ciel a été successivement à la tête de différents mouvements politiques MND (1977), UJD (1991), RPG « Rassemblement des Patriotes de Guinée », RPG « Rassemblement du Peuple de Guinée » en 1993 puis RPG arc-en-ciel depuis 2010.

Ses relations avec la Guinée qu’il feint aimer !

L’homme bien qu’ambitionnant de diriger notre pays, après ses études en France, n’a commencer à fouler le sol guinéen qu’après les années 1990. A sa décharge, il avait fait l’objet de condamnation à mort par contumace par le régime tyrannique du PDG-RDA (1958 – 1984).

Néanmoins, une chose reste certaine, malgré la prise du pouvoir par l’armée en 1984 et l’instauration du libéralisme, l’homme ne reviendra pas s’installer en Guinée pour participer à la construction de la Guinée qu’il ambitionne. Ses séjours en Guinée deviendront un peu plus fréquents à partir de 1990 suite à l’ouverture démocratique du pays en réponse à l’invitation faite par la France lors de la conférence de Baule et le discours de François Mitterrand : « la France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté ; Il y aura une aide normale de la France à l’égard des pays africains, mais il est évident que cette aide sera plus tiède envers ceux qui se comporteraient de façon autoritaire, et plus enthousiaste envers ceux qui franchiront, avec courage, ce pas vers la démocratisation ».

Les séjours de l’homme se feront au rythme des élections en Guinée après l’adoption du multipartisme intégral. Il participera à la première élection présidentielle multipartite de 1993 que lui et ses militants zélés prétendent avoir « gagner ». A l’issue de cette première élection présidentielle dans l’histoire du pays, il prendra part à toutes les autres à l’exception de celle de 2003 boycottée par l’ensemble des partis politiques de l’opposition pour manque de transparence dans l’organisation.

Cet homme méprisait tellement la Guinée, qu’il ne revenait au pays qu’a la veille des élections. La Guinée n’avait d’attrait pour lui que par le fait qu’il s’estimait assez roublard pour réussir à se faire élire président de la république. Aussitôt les élections finies et les résultats connus, l’homme repartait en France pour mener sa vie oisive à jouer au PMU et toucher les allocations de minima sociaux. La seule période durant laquelle l’homme est resté durablement en Guinée c’était lors de la législature de 1995-2002. Il faut dire que durant cette période l’homme était député. Un des rares « emploi » qu’il a occupé durant sa vie professionnelle. Pour preuve l’expérience la plus valorisante de son CV et qu’il nous rabâche à chacune de ses prises de parole c’est son poste de Président de la FEANF (Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France). Pourtant, il ne s’agit même pas d’un emploi, mais d’un poste de président au sein d’une association étudiante. Sans aucune expérience dans l’administration publique ou en entreprise, le voilà parachuté Président de la République de Guinée en 2010.

Cet homme, après ses deux mandats consacrés par la constitution, sollicite encore le vote des Guinéens pour un troisième mandat et peut être un quatrième mandat si la providence lui prête longue vie. N’oublions pas que d’après ses militants zélés, il serait au premier mandat de la quatrième république. Son objectif ultime étant de mourir au pouvoir, rien donc ne l’empêche de faire deux nouveaux mandats, s’il réussit à se maintenir aux affaires au soir du 18 octobre 2020.

Il est aux affaires depuis 10 ans mais n’a aucun bilan à présenter au peuple !

Au pouvoir depuis 2010, il n’a aucun bilan à présenter au peuple de Guinée qu’il martyrise, méprise et assassine depuis 10 ans. La normalité voudrait d’un Président sortant, qui a fait deux mandats de 5 ans et qui souhaite se maintenir au pouvoir, qu’il fasse campagne sur ses réalisations. Qu’il présente son bilan pour convaincre les électeurs de la nécessité de le maintenir au pouvoir. Qu’il montre les chantiers en cours de réalisation qui justifieraient son maintien aux affaires en vue de leur achèvement. Notre PRAC national aka Papa promesse lui fait campagne sur de nouvelles fausses promesses ! Déjà, celles de 2010 et 2015 souffrent d’un déficit de réalisation, il ne trouve pas mieux que d’en rajouter à la liste pour 2020. C’est vrai qu’il dit à qui veut l’entendre : « Le Guinéen, plus le mensonge est gros plus il y croit ». ‘‘CON VAINCU’’ de cet état de fait, l’homme n’arrête pas de mentir au peuple de Guinée. Il a une tendance compulsive à raconter des mensonges et à inventer des histoires. Un comportement méprisant pour ses militants et le peuple de Guinée.


La normalité voudrait d’un Président sortant, qui a fait deux mandats de 5 ans et qui souhaite se maintenir au pouvoir, qu’il fasse campagne sur ses réalisations.


Son mépris vis-à-vis de ses militants, du peuple et ses discours ethniques !

Le PRAC méprise tellement le peuple de Guinée, qu’il ne lui témoigne aucun respect. Son mépris est tel, qu’il estime ne pas devoir se déplacer sur notre mauvais réseau routier pour rencontrer les électeurs et solliciter leur vote pour l’élection du 18 octobre 2020. L’homme reste confortablement installé dans les dorures de son palais pour s’adresser à ses militants zélés via un système de vidéo campagne. Il nous fallait ce président indolent et méprisant pour nous inventer ce type de communication de campagne. Lors de ses interventions, il véhicule des idées tribalistes qui sapent le fondement de notre pays en tant que NATION.

KANKAN : « Si vous votez pour un autre candidat malinké, c’est comme si vous avez voté pour CDD » ;

« Le Fouta n’a présenté qu’un seul candidat CDD, aucun autre Peul n’est candidat au Fouta » ;

« Les autre candidats malinkés se sont alliés à CDD, voter pour eux revient à voter pour CDD » ;

« Vous ne devez pas oublier ce qui s’est passé à la mort de Sékou TOURE ».

SIGUIRI : « Nous sommes en guerre » ;

« Si vous chassez votre chien méchant, vous allez vous faire mordre par le chien d’autrui ».

DABOLA : « Le Vice-Président de la Sierra Leone à profiter de l’absence du Président pour aider CDD à recruter des mercenaires c’est pourquoi nous avons fermé les frontières »

Esplanade du Palais : « Il y a un leader qui compte se proclamer vainqueur le 18 octobre à 18h pour ensuite se refugier dans une ambassade en espérant les affrontements » 

SUR Rfi et France 24 : « Je n’ai jamais dit que nous sommes en guerre »

« La Guinée est classée au 4ième rang mondial en termes de ‘‘Facenews’’ » au lieu du terme anglosaxon ‘‘Fakenews’’.

Il semble qu’il ne soit pas à ses premières déclarations de ce type, des observateurs avertis affirment qu’il aurait dit lors de l’élection de 1993 « Tout malinké qui vote pour le PUP est … ». Ayant une branche mandingue dans ma famille, je m’abstiens d’aller au bout de sa phrase par respect pour ma famille malinké et les membres de cette communauté.

Des propos indignes et honteux d’un président de la république en mal de légitimité et complètement déboussolé par le désenchantement de ses militants déçus qui lui tournent le dos.

Les membres de son GOUVERNE ET MENT ne trouvent pas mieux que d’affréter des bimoteurs et hélicoptères pour rallier les différentes localités du pays faute de routes praticables. Les routes cabossées pour les militants masochistes et les avions et hélico pour les pontes égoïstes et arrogants du régime.

Voyant la mobilisation qui entoure la campagne de son challenger CDD en région forestière, il semble que notre PRAC national ait finalement décidé d’aller narguer les militants en empruntant son « hélico présidentiel ». Il faut croire que les piques sur Rfi et France 24 de CDD qui disaient que « le PRAC n’était pas en état de mener campagne sur le terrain » ont fait mouche. S’il s’est finalement décidé à sortir de Sékoutoureya, notre PRAC national ne va pas arpenter nos routes pour tester la qualité des infrastructures que lui et ses GOUVERNE ET MENT ont réalisées depuis 10 ans. Il va confortablement voyager en hélico ! Qui est fou ? Les routes cabossées c’est pour les militants zélés et maso qui n’aspirent pas au bien-être.  

D’opposant historique à président hystérique et aspirant dictateur !

Du temps où il fut opposant, l’homme avait suscité un espoir auprès d’une partie de la population guinéenne. A l’exercice du pouvoir, il s’est révélé être un président médiocre et clivant. Il a fortement fragilisé le tissu social guinéen en bâtissant un système de gouvernance qui repose sur des considérations tribales et ethniques. Aujourd’hui encore, pendant sa campagne, il continu de plus belle à propager son venin au risque de mettre le feu à notre maison commune la Guinée. Lui n’a rien à perdre, en cas de trouble, il va aller se réfugier en France dont il est ressortissant. Il n’a aucune attache familiale en Guinée dont le sort pourrait l’inquiéter. A nous peuple de Guinée de nous méfier de ce pyromane. A nous de l’envoyer à la retraite au soir du 18 octobre 2020.  


Du temps où il fut opposant, l’homme avait suscité un espoir auprès d’une partie de la population guinéenne. A l’exercice du pouvoir, il s’est révélé être un président médiocre et clivant.  


Aujourd’hui, l’homme est devenu détestable de ses militants auxquels il a menti, de ses amis qui ont honte de s’afficher à ses côtés et de ses soutiens occidentaux qui sont déçus de son entêtement à vouloir s’éterniser au pouvoir. Les seules personnes qui gravitent autour du PRAC aujourd’hui, sont celles qui se gavent de nos ressources et qui profitent de cette gouvernance chancelante pour voler les deniers publics et les militants zélés qui manquent cruellement de discernement.

D’un Président méprisant, il est devenu un Président méprisable.

A sa prise de fonction, il disait avoir hérité d’un pays sans état après 10 ans de sa gouvernance tribale, nous n’avons ni pays ni état.

Au peuple martyr de Guinée de le bouter hors du palais présidentiel au plus tard le 18 octobre 2020 pour lui rendre son mépris.

A ses militants zélés je dis ceci : « lorsque la rage sévit dans la cité, et que votre chien méchant est infecté, vous ses maitres risquez d’être ses premières victimes ! l’euthanasie de votre chien méchant s’impose pour prévenir les morsures intempestives et la rage dans la famille ».

Ne faisons pas du PRAC un « DICTATEUR ». Au lendemain du 18 octobre, montrons-lui le chemin de la retraite même s’il n’a pas suffisamment cotisé pour en bénéficier.

Soyez du bon côté de l’histoire. Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise !


Alpha Bakar Le Kaizer
Un citoyen concerné

D’autres contributions du même auteur à relire

Guinée: quel avenir en ce temps de crise? [Par Alpha Boubacar BALDE]

Présidentielle en Guinée: l’alternance, l’unique option [Par Alpha Boubacar Baldé]





Guinée: Au moins 50 personnes tuées en toute impunité dans des manifestations en moins d’un an [Amnesty International]


Rapport


La répression des manifestations en Guinée, en particulier celles contre la réforme constitutionnelle permettant au président Alpha Condé de briguer un troisième mandat, a causé la mort d’au-moins 50 personnes en moins d’un an, a déclaré Amnesty International dans un nouveau rapport publié aujourd’hui, près de deux semaines avant l’élection présidentielle.

Le rapport*, Marcher et mourir : Urgence de justice pour les victimes de la répression des manifestations en Guinée documente la responsabilité des forces de défense et de sécurité, associées parfois à des groupes de contre-manifestants, dans des homicides illégaux de manifestants et de passants entre octobre 2019 et juillet 2020.

Il fait aussi état de 200 blessés, d’arrestations et détentions arbitraires et au secret d’au-moins 70 personnes pendant la même période. Par peur de représailles, plusieurs blessés par balle ont fui leur domicile. Des autorités hospitalières ont aussi refusé d’accueillir les corps de victimes tuées lors de certaines manifestations.


“Nous avons parlé à des familles meurtries qui nous ont décrit comment leurs enfants ont perdu la vie, victimes d’une balle reçue dans le dos, à la poitrine, à la tête ou au cou. Des blessés nous ont montré leurs graves séquelles au bras, genou ou pied, causées par des armes à feu, des grenades lacrymogènes ou même des véhicules des forces de sécurité.”

Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.


« Nous avons parlé à des familles meurtries qui nous ont décrit comment leurs enfants ont perdu la vie, victimes d’une balle reçue dans le dos, à la poitrine, à la tête ou au cou. Des blessés nous ont montré leurs graves séquelles au bras, genou ou pied, causées par des armes à feu, des grenades lacrymogènes ou même des véhicules des forces de sécurité, » a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

« Exercer son droit à la liberté de réunion pacifique reste toujours dangereux en Guinée, où l’impunité des violations des droits humains est demeurée la règle pendant ces dix dernières années. Des actes concrets sont attendus de la part des autorités pour que justice soit rendue aux victimes et à leurs familles. »

Basé sur des entretiens menés avec plus de 100 personnes et des analyses de documents officiels, de vidéos et de photographies, le rapport apporte la preuve que les autorités ont agi en contradiction avec les normes nationales et internationales. Les forces de défense et de sécurité ont eu recours aux armes à feu de manière illégale dans plusieurs villes du pays.

Entre octobre 2019 et février 2020, plus de 30 personnes ont ainsi perdu la vie lors de manifestations contre le projet de changement de constitution. Parmi elles, 11 ont été tuées par balles, touchées à la tête, au thorax ou à l’abdomen.


Les gendarmes ont tiré sur un des jeunes. Alpha Oumar est venu le sauver et on lui a tiré sur la jambe. Ensuite des manifestants sont venus le bastonner. Il a rendu l’âme quelques minutes après.

Un membre de la famille du conducteur de moto-taxi Alpha Oumar Diallo touché par balle le 22 mars


Le 22 mars 2020, jour du double scrutin législatif et référendaire boycotté par l’opposition, a été particulièrement meurtrier, avec au moins 12 manifestants tués dont neuf par balle. Amnesty International a reçu plusieurs témoignages et authentifié des photographies et des vidéos qui confirment l’implication de groupes de jeunes contre-manifestants aux côtés des forces de défense et de sécurité.

Conducteur de moto-taxi âgé de 18 ans, Alpha Oumar Diallo a été touché par balle le 22 mars puis tabassé à mort par des contre-manifestants à Conakry.

Un membre de sa famille a déclaré : « Les gendarmes ont tiré sur un des jeunes. Alpha Oumar est venu le sauver et on lui a tiré sur la jambe. Ensuite des manifestants sont venus le bastonner. Il a rendu l’âme quelques minutes après. »

Entre avril et juillet 2020, sept personnes ont été tuées lors de manifestations en faveur d’une meilleure desserte en électricité, et lors de protestations contre la gestion des barrages sanitaires installés dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.

Des dizaines de blessés par balle

Amnesty International a documenté des dizaines de blessés par armes à feu. Par exemple, au moins 15 personnes ont été blessées lors des marches d’octobre et de novembre 2019, dont huit par des armes à feu, selon des entretiens réalisés par l’organisation avec des victimes et des membres du corps médical.

Un maçon de 29 ans, est devenu paraplégique le 14 octobre 2019 après avoir été atteint par une balle entrée par le cou et ressortie par le dos. Il a déclaré à Amnesty International : 
« […] On marchait vers les gendarmes qui étaient protégés par des casques. L’un d’eux, camouflé, a tiré sur nous. Il a tiré sur un ami tué sur le coup, puis il a tiré sur moi. Il était caché, je ne l’ai pas vu… Je demande aux autorités de s’occuper de moi pour que je puisse retrouver la santé et que je puisse à nouveau marcher. Je ne dors pas à cause de la douleur. »

Les forces de défense et de sécurité ont parfois blessé des personnes en les heurtant avec un véhicule, ou suite à des tirs de grenades lacrymogènes. Un homme a succombé à ses blessures quelques jours après avoir été écrasé le 22 mars par un véhicule de la gendarmerie. « Il courait quand il a été heurté. Ses deux pieds et sa tête ont été écrasés. … Il a été opéré mais est mort car il avait perdu beaucoup de sang », selon un témoignage.

Des corps refusés dans des morgues

Le 22 mars, certains corps de personnes décédées durant des manifestations n’ont pas été acceptés dans des morgues des hôpitaux publics, après y avoir été transportés par des parents ou des passants.

« Des informations crédibles laissent penser que les autorités ont empêché l’accueil dans les hôpitaux de corps de victimes déplacées sans la présence d’un officier de police judiciaire, » a déclaré Samira Daoud.

« Le refoulement de ces corps par les hôpitaux publics signifie que les victimes ne figurent pas dans le bilan des morts du gouvernement. En conséquence, les familles n’ont pas obtenu de certificat de décès et il n’y a pas eu d’autopsie facilitant l’ouverture d’une enquête judiciaire. »

La quasi-totalité des enquêtes restées sans suite

Les autorités ont fréquemment annoncé l’ouverture d’enquêtes sur les cas de personnes tuées lors de manifestations. Mais elles sont restées sans suite pour la quasi-totalité d’entre elles, bafouant ainsi le droit à la justice des victimes de violations de droits humains ou de leurs familles.

Des menaces, la peur de subir des représailles et l’absence de confiance dans la justice ont conduit des victimes ou leurs proches à se cacher et à ne pas porter plainte. Parmi les familles des 12 personnes tuées les 21 et 22 mars, une seule a déclaré à Amnesty International avoir porté plainte.

Interdiction des manifestations

Le rapport met également en relief les nombreuses atteintes au droit à la liberté de réunion pacifique. Par exemple, au moins 10 interdictions de manifester contre le projet de changement de constitution ont été recensées en quatre mois dans le pays.

Les motifs invoqués par les autorités sont restés plus vagues les uns que les autres, et contraires au droit international. À Kindia par exemple, en novembre 2019, les autorités ont interdit une manifestation parce que : « le lundi est le premier jour de la semaine, jour où l’Administration tout entière commence le travail, jour où les élèves, étudiants doivent aller en classe, et la population qui doit aussi vaquer à ses occupations quotidiennes. »

Soixante-dix personnes ont été arrêtées et détenues arbitrairement pour avoir protesté notamment contre le projet de réforme constitutionnelle. Plusieurs d’entre elles ont raconté à Amnesty International le traitement inhumain ou dégradant subi durant leur détention.
Des membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) dont deux femmes qui ont tenté de dissuader des électeurs d’aller voter ont été arrêtés le 22 mars 2020 dans la région de Boké par certains habitants qui les ont tabassés. Conduites en détention par la gendarmerie, les deux femmes ont été menacées de viol, selon leur récit.

L’activiste Abdoulaye Oumou Sow, qui a été arrêté le 11 octobre 2019, a été détenu dans une « cellule noire » de 17 h jusqu’au lendemain à 13 h. Il raconte à Amnesty International :
« […] J’ai demandé qu’on me sorte la bouteille remplie d’urine pour me permettre de mieux respirer, mais malheureusement les agents ont refusé, et pire ils m’ont dit de la boire au cas où j’aurais envie de me désaltérer. »


Quiconque sera élu à l’issue de l’élection présidentielle du 18 octobre prochain sera tenu de garantir que des enquêtes et poursuites soient menées sur toutes ces violations, et que les personnes suspectées soient traduites devant les tribunaux compétents.

Samira Daoud


« Ces comportements de l’armée violent les lois internationales contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. À ce rythme, il est fort à craindre que l’impunité favorise la répétition de ces violations et la défiance envers les institutions, » a déclaré Samira Daoud.

« Quiconque sera élu à l’issue de l’élection présidentielle du 18 octobre prochain sera tenu de garantir que des enquêtes et poursuites soient menées sur toutes ces violations, et que les personnes suspectées soient traduites devant les tribunaux compétents. »


Cet article est republié à partir de amnesty.org. Lire l’original ici


*Lire le rapport: Marcher et mourir : Urgence de justice pour les victimes de la répression des manifestations en Guinée





Présidentielle guinéenne: ce que chacun devrait faire [Par Hadiatoullaye DIALLO]


Point de vue


Les Guinéens sont une nouvelle fois appelés à voter le 18 Octobre 2020 pour élire un nouveau Président de la République.  Après des centaines de morts pour rien et le scrutin controversé et troublant du 22 Mars 2020, le vote du 18 Octobre qui se présentait comme une promenade de santé pour le Président sortant, semble désormais, avec la candidature du principal opposant au nom de l’UFDG, porteur des prémices de tous les dangers.

Nul n’ignore le fait que la Guinée est coutumière de la violence politique et ce, depuis l’indépendance. Tous les pouvoirs se sont appuyés sur l’extrême pauvreté et l’analphabétisme des populations pour faire de la corruption ordinaire et de l’ethnostratégie, les instruments de la manipulation et de la division pour régner. Les trois générations de Guinéens qui se sont succédées depuis 1958, année de l’indépendance, ont attendu et attendent comme une évidence le moment du décompte macabre des jeunes gens qui osent défier le Pouvoir du moment. 

Alpha Condé a passé 10 ans au pouvoir. Qu’est ce qu’il nous a offert de bien? Il a été une déception de fond en comble et ce, sur toute la ligne.

Il a foulé au pied nos valeurs ancestrales de dignité, de respect de la parole donnée et du respect de la vie d’autrui. Il a bradé nos ressources minières pendant 10 ans sans aucune retombée mesurable sur la vie des populations environnantes ou éloignées. Il a dépensé en dix ans plus de trois milliards de dollars pour, dit-il, donner l’électricité au pays mais à date, aucune ville de la Guinée n’a le courant 24h/24. Il a accentué la pauvreté et provoqué un exode massif des populations rurales vers la capitale, de la capitale vers les pays étrangers par voie clandestine. Il a dégradé tout le système scolaire du pays ainsi que notre système sanitaire. Il a institutionnalisé le vol et la corruption en système de gouvernance

Il a compromis l’avenir des jeunes et des femmes en les privant de l’accès au travail marchand durable, rémunérateur et formateur. Il a transformé les populations guinéennes en populations oisives et assistées. Il a opposé les différentes composantes sociales de notre pays en transformant leurs complémentarités en facteurs de conflits et même de haine. Il est le principal artisan du régionalisme et de l’ethnocentrisme dans notre pays. Il a tué l’espoir d’une démocratie respectueuse de la Constitution. Comme si les guinéens n’avaient pas autant et suffisamment mal. Il a durablement abîmé l’image de la Guinée en voulant se maintenir à vie au pouvoir.

Mais une fois ce constat fait, faut-il considérer cette situation cauchemardesque comme une fatalité ? Assurément non ! Oui nous pouvons être parfois très pessimistes mais nous avons des raisons de croire que tout n’est pas joué pour rester cloué dans ce trou.


[ ] le progrès durable du pays dans la stabilité ne résultera que de l’union sacrée de toutes les filles et tous les fils autour de l’amour du pays et de ses habitants, du travail, de la justice et du patriotisme économique.


Je n’ai aucun doute que chaque Guinéen aime la Guinée à sa façon. Il y a ceux qui profitent de chaque régime pour se graisser et ceux qui œuvrent à leur manière pour notre développement. Cependant, le progrès durable du pays dans la stabilité ne résultera que de l’union sacrée de toutes les filles et tous les fils autour de l’amour du pays et de ses habitants, du travail, de la justice et du patriotisme économique.

Signature d’une Plateforme commune

Dans le cadre du vote du 18 Octobre 2020 pour l’élection présidentielle, quoique le processus soit biaisé, je propose aux candidats l’élaboration et la signature d’une Plateforme commune permettant de garantir la reconnaissance des résultats par toutes et tous, et la préservation de de la vie des citoyens innocents. Voici des points qui peuvent meubler cette plateforme :

  • Invitation de leurs militants à aller calmement voter en refusant de répondre aux provocations
  • Engagement irrévocable de ne rien entreprendre qui oppose une partie des Guinéens contre une autre, de ne céder ni à l’incitation de la haine ni à l’ethnocentrisme
  • Engagement du Gouvernement à ne procéder à aucune répression des manifestations pacifiques organisées par les candidats dans le cadre de la campagne électorale,
  • Demande formelle auprès de l’Union Africaine et de la CEDEAO (même si on doute de leur fiabilité, mais elles auraient au moins été mises en garde) pour une représentation physique de ces Institutions dans tous les bureaux de vote du pays, en particulier ceux qui sont rattachés aux chefs-lieux des 33 Préfectures,
  • Engagement des candidats à se faire physiquement représenter dans chaque bureau de vote, histoire de sécuriser le vote et de nous éviter la pagaille qui résulte de la magouille,
  • Engagement de la CENI à ne travailler qu’à partir des procès-verbaux issus des bureaux de vote et de justifier publiquement toute correction éventuelle,
  • Engagement du Gouvernement à effectuer toutes les opérations logistiques avec la participation effective des représentants des candidats de toutes les sensibilités,
  • Engagement des candidats à accepter les résultats provisoires sécurisés publiés par la CENI après concertation préalable avec eux en présence des représentants de la communauté internationale,
  • Engagement des candidats à appeler leurs partisans à la retenue et au calme jusqu’à la publication des résultats par la CENI.

Aux candidats de se souvenir des drames qui ont émaillé notre pays et des sacrifices qui ont été consentis pour ce pays depuis des années pour agir comme il faut afin de nous sortir de cette situation, ne serait-ce que pour le respect des principes démocratiques. Vous jouez avec nos vies, alors vous n’avez pas droit à l’erreur. Si vous vous êtes décidés à envoyer les citoyens à ces élections, assurez-vous de ne pas vous jouer de nous une énième fois. 

Appel aux jeunes et femmes

Je vous demande de ne pas vous laisser corrompre par des générosités de façade avec de l’argent détourné des caisses de l’Etat, notre argent. Vous êtes des composantes importantes de notre pays, au nom de qui déjà, plusieurs promesses ont été formulées mais sans jamais être tenues.

Pendant 10 ans, ni vous ni vos enfants n’ont eu accès à un travail décent. Vous n’avez connu que des promesses non tenues. Pendant 10 ans, le régime en place a cherché à vous opposer à vos voisins. Depuis 10 ans, vous n’avez pas eu les moyens de vivre des fruits de votre travail ayant du mal à joindre les deux bouts. Durant toutes ces années, vous avez vécu d’espoirs déçus, de mensonges et de détournement de deniers publics érigés en valeurs cardinales.

Pendant 10 ans, vous n’avez pas eu les moyens de donner une bonne éducation scolaire à vos enfants. Les injustices envers la jeune fille et la femme se sont aggravées : la déscolarisation, les mutilations génitales, les mariages précoces, les violences conjugales. Vous n’avez pas eu les moyens de vous soigner correctement. Vous n’avez eu accès en permanence ni à l’eau potable courante ni à l’électricité. Pendant 10 bonnes années, votre situation s’est constamment dégradée. Ils ont tout promis mais ils n’ont rien fait. Voulez-vous continuellement vivoter ou bien aspirez-vous à une vie plus décente ?

Appel aux forces de défense et de sécurité

Je vous demande de ne pas trahir le peuple de Guinée, de demeurer des forces de protection et non de répression.

Vous êtes une composante des populations de la République de Guinée et c’est au nom du peuple de Guinée et pour le protéger que vous avez le privilège de porter des armes. Vous êtes au service de la Nation et non d’un régime déviant et autoritaire. Vous n’avez aucune obligation d’obéir à un ordre manifestement illégal et répressif d’où qu’il vienne. Vous appartenez à la Nation Guinéenne et à ce titre, vous êtes, comme tous les citoyens, comptables de vos actions. Vous devez être le creuset de la composition nationale sans aucune place pour la discrimination car vous avez la charge de protéger le pays et tous les citoyens sans distinction. Vous ne pourrez pas dire demain que vous ne saviez pas ou que vous n’avez fait qu’obéir aux ordres. Vous êtes individuellement identifiables et vos familles sont intégrées aux populations. Alors, ces populations se souviendront de vous et de votre comportement à leur égard. Vous ne devez jamais oublier que la vie est un don de Dieu et que votre devoir est de la protéger en toutes circonstances. Une dernière chose, sachez que, tôt ou tard vous répondrez de vos actes.

Citoyens et Citoyennes de Guinée, Si nous avons décidé d’aller aux élections le 18 Octobre 2020, nous devons accepter de configurer tous les paramètres qui vont avec. Ceci commence par accepter d’aller voter et voter surtout utile. Même si nous, nous restons pessimistes quant à une crédibilité des résultats issus des urnes, votons quand même.

Apprenons aux politiques à nous respecter et à honorer leurs engagements.

Faisons en sorte que celui qui succédera Alpha Condé sache qu’il a un peuple à gouverner et non un troupeau de moutons. Mais avant, nous devons créer des conditions pour que ce dernier n’ait aucune chance de se foutre davantage de nous ! La balle est dans le camp de chacun de nous, Bon match !

Que Dieu bénisse et protège les guinéens, Qu’Il châtie tous ceux qui nuisent à ce pays ainsi qu’à ses habitants !


Par Hadiatoullaye DIALLO

Une autre contribution à relire

Putsch constitutionnel: le peuple n’a pas dit son dernier mot! [Par Hadiatoullaye DIALLO]





Présidentielle en Guinée: l’alternance, l’unique option [Par Alpha Boubacar Baldé]


Point de vue


Le 18 octobre prochain, le peuple martyr de Guinée se rendra dans les urnes pour choisir le futur Président de la République. Dans cette joute électorale, douze candidats ont été retenus par ce qui nous sert de « COUR CONSTITUTIONNELLE ». Cette cour, en violation de tous les principes juridiques, a validé une constitution falsifiée qui aurait été adoptée lors du « REFERENDRAME » du 22 mars 2020.

La logique et le respect de la lutte menée au sein du FNDC, auraient voulu que les partis membres de ce front ne participent pas à l’élection. Par principe et par respect vis à vis des martyrs de cette lutte, beaucoup n’adhèrent pas à la participation de certains partis membres du FNDC. J’ai moi aussi émis des réserves sur la participation à cette élection dans un premier temps, avant de me raviser pour en comprendre plus ou moins les motivations.

Le boycott des législatives et du « REFERENDRAME » n’a pas empêché le pouvoir despotique du PRAC, de mettre en place un « PARLE-MENT » et des « DÉPITÉS » élus avec moins de 1000 voix. Selon des éléments de langage sortis des laboratoires de communication du RPG, véhiculés çà et là par des « COMIS-NIQUANT », en participant à l’élection présidentielle, les partis d’opposition reconnaissent implicitement le « PARLE-MENT » et la « Pseudo constitution ». Conscients du caractère illégitime du double scrutin de mars 2020, ils cherchent par tous les moyens à lui donner un semblant de légitimité. Les stratèges du RPG sont en réalité déboussolés par la participation de l’UFDG. Cette participation ne faisait pas partie des scénarii envisagés.

Dans le paysage politique Guinéen actuel et parmi les participants à l’élection du 18 octobre, l’UFDG est le seul qui soit en mesure de battre le RPG à plate couture. Depuis 10 ans, c’est le seul parti qui a refusé de se compromettre avec le RPG.

En réalité, toutes les luttes pouvant mener à l’alternance sont à mettre en œuvre pour déloger cette inaptocratie.

Oui, l’Espoir est permis

L’espoir est certes mince mais il existe tout de même. Nous n’avons pas le droit de nous résigner. « La résignation est un suicide quotidien » disait BALZAC. Charly Teddy lui disait ceci : « La folie du pouvoir se nourrit de la résignation de ceux qui en subissent les affres ».

Il est vrai que :

  • Le scrutin du 18 octobre se déroule dans des conditions particulièrement défavorables aux opposants à ce régime de sociopathes ;
  • Toutes les institutions sont inféodées à cette administration de roublards;
  • Le fichier électoral est taillé sur mesure ;
  • Le candidat du RPG est le président en exercice qui utilise les moyens de l’Etat pour se pérenniser au pouvoir ;
  • Ce qui nous sert de FDS et Armée est à la solde d’un homme et non au service du peuple ;
  • La probabilité est forte que le vote des citoyens ne soit pas correctement retranscrit par une CENI partisane ;
  • Les opposants (partis politiques, FNDC et société civile) ont des stratégies différentes pour arriver à l’alternance.

L’espoir est certes mince mais il existe tout de même. Nous n’avons pas le droit de nous résigner.


Une chose est actuellement perceptible en Guinée, le ras le bol de la population vis à vis de cette administration immorale et décadente. Il y a comme une brise marine de changement qui souffle sur toute l’étendue du territoire national. Elle souffle si fort qu’elle part de la cote atlantique pour rentre dans les terres pour atteindre les bastions jusque-là jugés imprenables du RPG.

La déception des populations face au calvaire qu’elles vivent a fini par transcender les considérations tribales. Ces considérations qui jusqu’aujourd’hui, les rattachaient à un parti qui, en 10 ans de gouvernance n’a pas été en mesure d’améliorer leur condition de vie. La population est déçue du Président qui, lorsqu’il était opposant a promis monts et merveilles et qui à l’exercice du pouvoir s’est révélé être de la plus grande incompétence. Il s’est en réalité révélé être la plus grande imposture politique de notre pays. D’opposant qui prêchait la démocratie et l’alternance, une fois au pouvoir il se veut Président à vie. Quelle roublardise !

Le peuple de Guinée doit cesser d’être passif pour se libérer de l’imposture.

Pour une convergence des luttes pour l’alternance

Dans cette configuration politique, tous les mouvements d’opposition ont le même objectif : L’ALTERNANCE. Il est vrai que les stratégies retenues sont différentes, participation pour certains, boycott pour d’autres.

Il est de la responsabilité des leaders de ces différents mouvements de sensibiliser leurs militants respectifs sur l’objectif commun qui est « L’ALTERNANCE ». Il ne sert à rien de s’invectiver mutuellement sur les stratégies retenues par les uns et les autres, cela rend service à la mouvance présidentielle et au RPG. Les forces doivent être mise en commun pour dénoncer le 3ème mandat et les résultats médiocres du PRAC.

Aux partis politiques dans les starting-blocks pour l’élection du 18 octobre, le peuple de Guinée accueille favorablement la coalition pour l’alternance mise en place cette semaine. Ne décevez pas l’espoir du peuple d’arriver à l’alternance au soir du 18 octobre 2020. Vous devez restaurer la morale et l’éthique dans le paysage politique Guinéen. Montrez-nous qu’il y a encore des gens honorables parmi les hommes politiques Guinéens qui méritent d’être suivis. Vous devez mobiliser au-delà de vos électorats traditionnels. Il est vrai que certains partis qui ne participent pas à l’élection disent qu’ils ne donneront pas de consigne de vote, cela est tout à fait logique avec leur posture et c’est leur plein droit.


Il est de la responsabilité des leaders de ces différents mouvements de sensibiliser leurs militants respectifs sur l’objectif commun qui est « L’ALTERNANCE ».


Cependant, vous devez respecter, les décisions des états-majors des partis politiques qui ont choisi le boycott. Néanmoins, ils ne vous interdisent pas de séduire leur électorat lors de votre campagne par des discours inspirants, apaisants, rassembleurs et optimistes. À vous de séduire au-delà de vos militants, à vous de faire voter pour l’alternance.

Le peuple est prêt pour le changement, il cherche le Leader qui l’incarne. Celui qui portera la lutte et mènera à cette alternance qui est vitale à la survie de notre Nation.


Alpha Bakar Le Kaizer
Un citoyen concerné

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