« Toutes les sociétés divisées sont condamnées à la régression » [Par Tierno Monénembo]


Interview


Quand avions- nous constaté progressivement les actes d’ethnocentrisme et de racisme en Afrique en générale et en particulier en république de Guinée et comment ont-ils évolué négativement ?

Les conflits dus aux problèmes fonciers et aux différences en matière de culture et de religion sont inhérents à toutes les sociétés. En Afrique et en particulièrement en Guinée, le colonisateur (depuis Faidherbe, surtout) a aggravé les différences en sortant les ethnies de leur dynamique historique, en les figeant dans le temps. Et les décolonisateurs qui ont succédé aux colonisateurs n’ont rien fait pour remédier à cet état de fait. Ce qui fait qu’aujourd’hui, un mur de verre sépare nos ethnies qui, sorties du même moule historique et culturel, ont longtemps pratiqué l’osmose et la réversibilité. Dans les temps anciens, un Diallo venu du Fouta-Djalon et installé en Haute-Guinée devenait après quelques années, un Camara, un Traoré ou un Fofana. Inversement, un Condé venu de Haute-Guinée et installé au Fouta-Djalon, devenait facilement un Bah. Personnellement, je connais plein de Bah de Pita qui sont en vérité des Condé venus de Kankan ou de Kouroussa.  A Faranah, Siguiri et ailleurs, on ne compte pas le nombre de Camara ou de Fofana qui ne sont rien d’autre que des Diallo venus de Mamou ou de Dalaba.

Notre malheur est que nos dirigeants ont détourné à leur profit la fameuse règle du « diviser pour régner » chère au colonisateur.

L’ethnie chez nous est une plaisanterie. Savez-vous par exemple que les Peuls, les Malinkés et les Soussous viennent tous des Sarakolés (Les soussous, les vrais, par leur père et leur mère ; les Peuls, par leur mère et les Malinkés, par leur père) ? Savez-vous que ceux que les Blancs ont appelés les Forestiers sont en fait des Proto-Mandingues, c’est-à-dire des Mandingues d’avant la création de l’empire.   

Quelles en sont des causes profondes de ces actes ethnocentriques et de racisme en Afrique et en particulier en Guinée ?

De tout temps, les différences ont nourri les conflits. Seulement, la psychologie des sociétés a beaucoup évolué ces dernières années du fait du fulgurant progrès technique, intellectuel et moral. Généralement, les êtres humains s’acceptent mieux aujourd’hui qu’il y a des siècles. Malgré la Somalie, la Syrie et l’Afghanistan, malgré la Birmanie et le Congo, jamais le monde n’a connu une période aussi pacifique. Savez-vous que dans la Préhistoire, 40% de l’Humanité mourait dans les guerres ?

Mais revenons au problème ethnique guinéen. Et permettez-moi de répéter ce que j’ai plusieurs fois dit ou écrit ailleurs : pour moi, le djihadisme et le tribalisme ne sont pas des causes objectives, ce sont les conséquences de la mal-gouvernance Deux cas illustrent parfaitement cela : la Côte d’Ivoire et la Somalie. Sous Houphouet- Boigny, toutes les ethnies d’Afrique de l’Ouest vivaient en Côte d’Ivoire et elles ne se sont pas fait la guerre ; au contraire, elles ont produit la meilleure économie d’Afrique de l’Ouest. Au contraire, la Somalie qui est peuplée à 100% de Somalis, musulmans à 100%, parlant somali à 100% a éclaté en 5 morceaux à cause des conneries de ses dirigeants.

Ceci dit, les sociétés harmonieuses, ça n’existe pas. Les conflits sont inhérents à la vie humaine. Mais ils disparaissent ou deviennent parfaitement supportables quand la gouvernance est bonne.

Quelles sont les conséquences sur la vie sociale, économique, religieuse et politique dans notre pays ?  Quelques exemples africains et mondiaux.

Qu’elle soit familiale ou nationale, les conséquences de la division sont connues, c’est le dysfonctionnement social, la discorde politique et la stagnation économique. Toutes les sociétés divisées sont condamnées à la régression. En Afrique, la Somalie citée plus haut en est un bel exemple, le Rwanda de Habaryamana aussi. Ailleurs, dans le monde, ce sont les conflits ethniques et religieux qui ont eu raison de la belle Yougoslavie de Tito. 

Comment faire du jeune guinéen un acteur et un ambassadeur de la déconstruction des consciences racistes et ethnocentriques ?  

C’est simple : il faut le former. Il faut d’urgence lui apprendre son histoire et sa géographie. Au Mali, Alpha Oumar Konaré a institué deux choses qui m’ont particulièrement  ravi : la vulgarisation du tourisme scolaire et la diversification des bibliothèques. Lire et voyager,  ça civilise la bête humaine !

Notre système éducatif doit faire comprendre au petit Guinéen que sa langue, son village et son ethnie ne sont pas les seuls, qu’il y a d’autres langues, d’autres villages, d’autres ethnies. Qu’il se rende compte dès son plus jeune âge de la diversité ethnique et culturelle de son pays et qu’il se prédispose à l’assumer. Vous s savez, la citoyenneté n’est pas une chose innée, ce n’est pas un produit naturel. On ne cueille pas la citoyenneté comme on cueille la mangue. La citoyenneté est un produit artificiel et récent. Elle est apparue (dans sa version moderne tout au moins) avec la Révolution Française de 1789.  Je répète que le citoyen, ça ne cueille pas, ça se fabrique. Le citoyen cela se fabrique de toute pièce dans le moule de l’école dans celui de l’armée. Question : dispense-t-on des cours d’instruction civique en Guinée ?

Quelle stratégie pour lutter contre le phénomène dans nos pays ?

D’abord, en l’appréciant à sa juste valeur : le tribalisme en Guinée est loin d’égaler celui de certains pays d’Afrique. Mon ami Milly Honomou qui a longtemps vécu au Burundi me disait l’autre jour : « Ici, le tribalisme, c’est de la blague ! Au Burundi, il n’y a même pas la parenté à plaisanterie. Là-bas, c’est 50 000 morts pour le moindre écart de langage». Chez nous, le tribalisme, c’est de la pure et simple manipulation politique. Comme je l’ai dit plus haut, nous n’avons même pas d’ethnie au sens vrai du terme. De ce point de vue, avec un minimum de bonne volonté, il n’y a pas de pays aussi facile à gouverner que la Guinée. La configuration malienne par exemple est beaucoup plus complexe : c’est un pays multiracial, multiethnique et multiconfessionnel.

Quel message que doit porter les jeunes leaders d’opinion de Guinée pour impacter les générations montantes positivement ?

Mon message à moi est le suivant : l’ethnie n’est pas un handicap, ce n’est pas une barrière infranchissable, non plus. Notre diversité ethnique est une richesse. Eh bien, enrichissons-nous mutuellement !

Quel est le rôle des jeunes dans la déconstruction des consciences ethniques et racistes en Afrique et en particulier en Guinée ?

La conscience ethnique n’est pas un délit, c’est même un droit. Le délit, le crime, c’est d’opposer les ethnies les unes autres. L’unité nationale, ce n’est pas la suppression des ethnies, c’est la reconnaissance pleine et entière de chacune et de toutes.

Une interview réalisée par Jean-Zézé GUILAVOGUI





Les États-Unis dénoncent la poursuite des arrestations de membres de l’opposition politique en Guinée [Déclaration]


Politique


L’ambassade des États-Unis se félicite de la récente libération provisoire de quatre membres de l’opposition politique après huit mois de détention provisoire. Il s’agit d’une étape positive vers la réconciliation nationale.

Ce geste contraste fortement avec l’arrestation et la détention de la figure de l’opposition Kéamou Bogola Haba le 14 juillet par le gouvernement guinéen. Cette dernière détention suggère que le gouvernement guinéen continue à arrêter et à réduire au silence les voix politiques de l’opposition.

Les États-Unis réaffirment que l’État de droit et la liberté d’expression sont au cœur d’une démocratie stable, fonctionnelle et crédible.

Chacun mérite le droit de s’exprimer, comme le stipule la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Les États-Unis appellent le gouvernement guinéen à renforcer le pluralisme politique et le respect des droits de l’homme, notamment la liberté d’expression et la tenue d’audiences publiques et équitables sans retard excessif pour les personnes qui restent en détention provisoire.

Mettre fin à l’apparence de détentions pour des raisons politiques contribuera à restaurer la confiance du public et de la communauté internationale dans la démocratie guinéenne et à encourager le dialogue politique, qui ne peut réussir que si toutes les parties sont convaincues qu’il peut y avoir une issue positive.





Parti politique et droit de manifester, «une arme citoyenne que le constituant met à sa disposition» [Par Maître Mohamed Traoré]


Opinion


Au lendemain des élections nationales de 2020, un groupe de partis politiques se disant de l’opposition constructive a exprimé son intention de faire désormais la politique “autrement” par opposition à d’autres qu’ils considèrent, à mots couverts, comme des fauteurs de troubles. Parmi eux, il y en a qui ont affirmé qu’ils ne sont pas des opposants qui jettent des cailloux ou brûlent des pneus. Ces propos leur ont valu beaucoup d’ovations de la part du pouvoir et de ses partisans.” S’opposer autrement” signifiait dans leur entendement, privilégier le dialogue, critiquer tout en faisant des propositions concrètes. Ils ont qualifié cette approche d’opposition constructive.

Ce sont les mêmes partis politiques qui fustigent les manifestations politiques. Ils mettent dos à dos le pouvoir et l’opposition dite radicale et certains d’entre eux soutiennent même parfois que ceux qui appellent à manifester sont les seuls responsables des morts, blessés et casses liées aux manifestations. En faisant un bilan à mi- parcours de l’action de cette opposition “constructive”, on peut bien se demander qu’est-ce qu’elle a pu obtenir du pouvoir par les biais de sa stratégie consistant à “s’opposer autrement”. En tout cas, la dérive hégémonique du pouvoir dans l’espace politique reste toujours marquée, les libertés individuelles sont de plus en plus bafouées.

Quant au chef de file de l’opposition, un des concepteurs de cette ” manière différente de faire la politique”, il est totalement mis à l’écart depuis qu’il a eu ” l’outrecuidance” de critiquer le président de la République. Certains disent que l’opposition dite radicale devrait changer de stratégie en ne fondant pas son action sur les manifestations sur la voie et les espaces publics.

Mais avec l’ostracisme dont le chef de file de l’opposition est l’objet, on constate que même en usant d’une stratégie “apaisée” ou en utilisant une méthode ” douce” à la limite de la langue de bois, l’opposition “dialoguiste” n’obtient rien puisque le pouvoir ne lâche rien, ne cède rien.

Cette opposition s’était empressée de se réjouir à l’annonce de la mise en place d’un cadre de dialogue politique et social et la nomination du secrétaire permanent dudit cadre. Mais des semaines après, on peut se demander si elle est aussi enthousiaste qu’elle l’était au départ.

En définitive, quand cette opposition appelle à un changement de stratégie et condamne les manifestations, l’on est en droit de se demander si elle est vraiment de bonne foi puisque sa propre stratégie tarde à produire des résultats. Encourage-t-elle l’immobilisme ? L’expérience montre d’ailleurs que très souvent, la plupart des partis politiques qui ont la dent dure envers les manifestations sont ceux qui ne peuvent pas mobiliser et dont les activités se limitent à la présence de leurs dirigeants dans les médias.

Sinon, aucun parti politique ne peut se priver de cette arme citoyenne que le constituant met à sa disposition. C’est pour cette raison que la constitution de 2020 a encore repris le droit de manifester.

Au lieu de critiquer les manifestations, il serait plus utile d’amener l’État à repenser plutôt sa gestion des manifestations à moins qu’on ne veuille faire le jeu du pouvoir en contribuant à la restriction et, bien plus grave, à la suppression de fait du droit de manifester.


Ce texte a été publié pour la première fois sur le compte Facebook de l’auteur.

Maître Mohamed Traore est avocat, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Guinée

Le titre de l’article est un choix de notre rédaction





Guinée: La récente libération de prisonniers ne doit pas faire oublier le maintien en détention de près de 60 autres depuis la période électorale


Politique


  • La décision de non-lieu pour 40 détenus décrispe l’espace civique
  • Des opposants politiques renvoyés devant le tribunal
  • Le militant pro-démocratie Oumar Sylla doit être libéré

La décision de non-lieu ou de renvoi en procès concernant 97 personnes en détention provisoire depuis leur arrestation dans le contexte de la contestation de l’élection présidentielle d’octobre dernier est un pas positif vers le respect des libertés et des principes de procès équitable en Guinée, a déclaré Amnesty International jeudi 8 juillet 2021.

Nous saluons l’avancée des procédures concernant les personnes arrêtées pendant la période électorale. C’est un pas positif pouvant contribuer à la décrispation de l’espace civique, caractérisé depuis le début de la période électorale par des arrestations arbitraires d’opposants et d’activistes, et une répression de presque toutes leurs manifestations. 

Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

« Nous saluons l’avancée des procédures concernant les personnes arrêtées pendant la période électorale. C’est un pas positif pouvant contribuer à la décrispation de l’espace civique, caractérisé depuis le début de la période électorale par des arrestations arbitraires d’opposants et d’activistes, et une répression de presque toutes leurs manifestations », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Une ordonnance de renvoi datée du 29 avril 2021, consultée par Amnesty International, a acté la libération de 40 personnes à la suite d’un non-lieu, sur un total de 97 en détention provisoire depuis octobre dernier pour différents chefs d’inculpation en lien avec des discours ou des actions prises durant la période électorale. Les 57 autres détenus ont été renvoyés devant le tribunal de Dixinn dans la capitale Conakry pour être jugés.

Par ailleurs, une grâce présidentielle a été accordée les 18 et 22 juin, à quatre personnes, dont trois s’opposaient au troisième mandat du président Alpha Condé. Il s’agit de Mamadi Condé, Souleymane Condé et Youssouf Diabaté. Leur libération intervient à la suite de demandes de pardon qu’elles ont exprimées après plusieurs mois de détention.

Ces libérations ne doivent néanmoins pas faire oublier que des dizaines d’autres personnes sont en détention provisoire depuis plus de sept mois, dont des opposants politiques, et qu’un activiste pro-démocratie, Oumar Sylla, est détenu arbitrairement, simplement pour s’être exprimé. 

Samira Daoud

« Ces libérations ne doivent néanmoins pas faire oublier que des dizaines d’autres personnes sont en détention provisoire depuis plus de sept mois, dont des opposants politiques, et qu’un activiste pro-démocratie, Oumar Sylla, est détenu arbitrairement, simplement pour s’être exprimé. Ce dernier doit être libéré immédiatement et sans conditions, tandis que les autres personnes doivent être jugées sans délai selon des procédures justes et équitables, ou libérées », a déclaré Samira Daoud.

Parmi les personnes renvoyées devant le tribunal de Dixinn pour être jugées, se trouvent quatre responsables de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, opposition), Ibrahima Chérif Bah, Ousmane « Gaoual » Diallo, Mamadou Cellou Balde et Abdoulaye Bah, ainsi qu’Etienne Soropogui, président du mouvement politique allié Nos valeurs communes. Amadou Djouldé Diallo, membre de la cellule de communication de l’UFDG, a lui aussi été renvoyé devant le tribunal.

Selon l’ordonnance de renvoi, les charges pour « meurtre et complicité de meurtre » ont été abandonnées contre eux mais ils sont inculpés chacun pour tout ou partie des charges suivantes : « atteinte aux institutions de la république », « trouble à l’État par la dévastation et le pillage », « participation à un mouvement insurrectionnel », « menace de violence ou de mort par le biais d’un système d’information », et « production, diffusion et mise à disposition d’autres de données de nature à troubler l’ordre public ou la sécurité publique. »

« Aucune date d’audience n’a encore été fixée, des visites leur ont été refusées, leur mandat de dépôt, arrivé à expiration, n’a pas été renouvelé, en violation du Code de procédure pénal », a déclaré à Amnesty International l’un des avocats du collectif de la défense.

Ce collectif avait annoncé en février 2021 la suspension de sa participation à la procédure, au motif du « caractère fallacieux des chefs d’inculpation, des détentions arbitraires prolongées, et de la violation répétée et intolérable des droits de la défense. »

Également parmi les 57 personnes renvoyées devant le tribunal, huit le sont pour l’attaque d’un train de la compagnie minière russe Rusal, le 23 octobre 2020 à Sonfonia (Conakry), au cours de laquelle quatre agents des services de défense et de sécurité ont trouvé la mort.

Oumar Sylla en détention arbitraire depuis bientôt 10 mois

Le militant pro-démocratie du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) Oumar Sylla, demeure en détention arbitraire depuis bientôt 10 mois. Arrêté le 29 septembre 2020 à Conakry alors qu’il s’apprêtait à participer à une manifestation organisée par le FNDC pour protester contre la candidature du président Alpha Condé à un troisième mandat, il a été condamné lors de son procès en appel le 10 juin 2021 à trois ans de prison ferme pour « communication et divulgation de fausses informations, menaces notamment de violences ou de mort ».

Après trois mois de détention provisoire, Oumar Sylla avait entamé une grève de la faim le 25 décembre 2020 pour exiger la tenue de son procès.

Les autorités doivent immédiatement et sans conditions libérer Oumar Sylla, ainsi que toutes les personnes arbitrairement détenues pour avoir voulu exercer leur droit à la liberté d’expression. 

Samira Daoud

« Les autorités doivent immédiatement et sans conditions libérer Oumar Sylla, ainsi que toutes les personnes arbitrairement détenues pour avoir voulu exercer leur droit à la liberté d’expression », a déclaré Samira Daoud.

Parmi les cinq responsables de l’UFDG et de Nos valeurs communes détenus, Ibrahima Chérif Bah, 73 ans, Abdoulaye Bah, et Ousmane « Gaoual Diallo », ont été hospitalisés ces derniers mois pour des problèmes de santé, tandis que Ismaël Condé, autre opposant en détention, a été admis à l’hôpital après s’être « volontairement ébouillanté le visage et le torse avec de l’eau chaude, » selon le ministère de la Justice.

Selon des membres de la famille de Ibrahima Chérif Bah – détenu depuis le 30 novembre 2020 – contactés par Amnesty International, une évacuation d’urgence à l’étranger lui a été refusée, bien qu’il ait « des difficultés à suivre son traitement car il est compliqué de lui faire parvenir ses médicaments en raison des restrictions de voyages. »

Le ministère de la Justice avait annoncé le 20 avril 2021 son admission à l’hôpital, en rapportant que son état avait été jugé « médicalement stable » par « une équipe médicale composée d’éminents cardiologues. »

Amnesty International s’associe à l’appel formulé le 25 mars 2021 par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, demandant aux autorités d’examiner les moyens de libérer les personnes particulièrement vulnérables à la COVID-19, notamment les détenus les plus âgés et ceux malades.

Entre décembre 2020 et janvier 2021, Amnesty International avait documenté et communiqué sur la mort de quatre personnes, dont trois militants ou sympathisants de l’UFDG, pendant leur détention provisoire à la prison centrale de Conakry.

Menaces contre des opposants politiques

Des pressions et menaces continuent par ailleurs d’être exercées contre des opposants politiques.

Le président et l’un des vice-présidents de l’UFDG ont ainsi été interdits de sortie du territoire à plusieurs reprises, et le passeport du président du parti a été confisqué par les autorités sans base légale, en violation de leur droit à la liberté de mouvement.

Morlaye Sylla, militant de l’UFDG en Guinée-Bissau, a reçu en 2019, 2020 et 2021 des menaces de mort de la part d’un responsable de l’ambassade de Guinée et d’un proche du consul dans ce pays, en raison de ses activités politiques et de ses publications critiques envers le pouvoir.
En dépit d’une plainte déposée en 2020 à la police judicaire de Bissau suite à une agression, le militant a déclaré à Amnesty International qu’aucune suite n’a été donnée à ses alertes jusqu’à présent.

Amnesty International appelle les autorités bissau-guinéennes à prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit à la liberté d’expression, et faire cesser ces menaces.

Complément d’information

Après les violences consécutives à la tenue de l’élection présidentielle contestée du 18 octobre 2020, le procureur général de la Cour d’appel de Conakry avait annoncé le 31 octobre 2020 l’interpellation de 325 personnes. D’autres avaient ensuite été arrêtées au mois de novembre, dont plusieurs membres de l’UFDG et de Nos valeurs communes.

Une semaine après l’élection présidentielle organisée dans un contexte de répression du droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, Amnesty International avait conclu à des tirs à balles réelles sur des passants et des protestataires à Conakry la capitale et Labé au nord du pays, par les forces de défense et de sécurité.


Amnesty International





Guinée : légitimité et confiance, les deux «institutions invisibles» qui empêchent le dialogue politique


Politique


Le 2 juin dernier, dans une tribune, trois responsables du parti d’opposition, Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), arrêtés après la présidentielle de 2020 et inculpés pour « trouble à l’État par la dévastation et le pillage, atteinte aux institutions de la République, participation à un mouvement insurrectionnel, menace de violences ou mort par le biais d’un système informatique, diffusion et la mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler l’ordre public » clamaient une fois de plus leur innocence en réfutant « toutes les accusations de violence quelles qu’elles soient et qui seraient susceptibles de mettre en danger la paix sociale, de menacer la sécurité de nos compatriotes et de nos institutions ».

Dans ce dossier politico-judiciaire, les trois détenus politiques signataires de la tribune appellent à « l’impartialité de l’institution judiciaire, mais aussi à la neutralité de l’Exécutif ». Ils formulent l’espoir que, le « déroulement et l’issue qui en sortira constitueront un jalon essentiel dans la volonté de décrispation du climat politique ». Ils estiment « que ce serait là, un des premiers gages d’ouverture d’un dialogue constructif ». Enfin, les trois responsables politiques pensent « qu’il est fondamental d’œuvrer dans ce sens afin d’amorcer le processus d’apaisement par le dialogue et la concertation dans le souci de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale ».

Face aux diverses interprétations de cet « appel » au « dialogue » (résultat d’un curieux emballement médiatique) qui est plutôt un appel à l’institution judiciaire pour un traitement impartial du dossier, la direction de l’UFDG publie une déclaration dans laquelle, elle réitère la position du parti par rapport au dialogue politique qui, selon elle, « relève exclusivement de la direction nationale du parti et de ses instances compétentes ». Il n’en fallait pas plus pour alimenter les débats sur des « dissensions » qui mineraient ce parti d’opposition notamment, autour de la question d’un éventuel dialogue avec le pouvoir. Divisés sur la question, les acteurs politiques du pays font le tour des médias pour défendre les arguments qui sous-tendent leur positionnement. Rappelons que le 27 janvier dernier, un décret a été publié, instaurant un « dialogue politique et social » entre acteurs institutionnels, politiques et sociaux. Dans un contexte d’impasse politique et de difficultés financières (les récentes conclusions du FMI convergent dans ce sens), le gouvernement guinéen se voit contraint de rééditer sa recette traditionnelle, une fois le dos au mur : l’appel au dialogue. Après avoir bravé tous les interdits de la démocratie (modification de la constitution pour se maintenir au pouvoir, violation des droits de l’Homme), le pouvoir de Conakry s’est retrouvé isolé sur la scène internationale et souffrirait d’un manque de légitimité auprès d’une grande majorité des populations.

Comme en 2015, l’appel au dialogue est avant tout une contrainte pour le pouvoir qui se trouve acculé de toute part. La décrispation du climat politique, gage de confiance des investisseurs et d’autres partenaires financiers, devient une conditionnalité pour la normalisation des relations bi et multilatéraux. Pour ce faire, la participation à ce dialogue des ténors de l’opposition politique est un gage de crédibilité et le gouvernement est conscient du poids réel des partis d’opposition (le rétropédalage dans le projet mort-né de fabriquer une nouvelle opposition avec son chef de file est un exemple éloquent).

L’union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo est catégorique sur la question du dialogue. Pour ce parti de l’opposition, le dialogue n’est pas d’actualité. Lors d’une réunion extraordinaire du conseil politique du parti, le 9 juin dernier, il a été décidé ce qui suit : le parti s’abstient de tout commentaire sur la question du dialogue politique tant que « Les cadres et militants de l’UFDG de l’ANAD et du FNDC seront maintenus en prison ; les bâtiments de l’UFDG abritant son siège et ses bureaux seront fermés et occupés par les forces de défense et de sécurité ; le président du parti, son épouse et ses proches collaborateurs seront arbitrairement privés de leurs droits et libertés de voyager ».

En revanche, pour l’union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré, le dialogue est la seule issue possible pour résoudre la crise que traverse le pays. Dans une déclaration publiée le 30 décembre dernier, l’UFR lance « un appel à la concertation pour qu’au moins, le travail recommence et que les Guinéens puissent voir le bénéfice de tous ces débats politiques qui n’en finissent pas ».

Quant au parti de l’espoir et le développement national (PEDN) de Lansana Kouyaté, son parti « n’ira pas à ce dialogue ». Invité de l’émission « Sans Concession » de Guinéenews le 8 juin dernier, Lansana Kouyaté reste sceptique sur les véritables objectifs de ce dialogue : « Comment voulez-vous qu’on parte au dialogue dont on sait d’avance que c’est pour peut-être avoir du temps, pour que les choses se calment et qu’on passe à autres choses ».

Député et président de l’union des forces démocratiques (UFD), Baadiko Bah, dans un entretien accordé à Guineenews au mois de janvier dernier, est encore plus dubitatif sur la sincérité de cet appel au dialogue. Pour cet opposant, le dialogue est « un gadget pour amuser la galerie, faire semblant qu’on est ouvert à dialoguer sans que ça n’ait aucune portée pratique pour résoudre les véritables problèmes auxquels font face la Guinée ».

Dans une déclaration rendue publique le 20 juin dernier, le parti MoDel dirigé par Aliou Bah, exprime sa position sur la question du dialogue et reste ferme « il [le parti] ne se sent ni intéressé ni concerné par un simulacre de dialogue tel qu’il est annoncé et se déroule actuellement ».

Dialogue politique inter-guinéen, un espace d’insincérité

En août 1993, l’archevêque de Conakry, le cardinal Robert Sarah, dans une déclaration intitulée « la Guinée, une famille à construire » présentait un diagnostic assez critique de la société guinéenne dans son ensemble. Il disait ceci : « Le guinéen ne respecte plus rien, ni sa vie, ni la vie des autres, ni le bien des autres, ni les coutumes ou valeurs traditionnelles, ni les principes sacrés de la religion. Plus rien n’arrête le guinéen quand il a décidé de détruire, d’assassiner, de voler. Nous vivons, en conséquence, dans une société anarchique. [  ] Nous n’avons pas de projet de société cohérent. Nous naviguons à vue, inventant et improvisant des solutions, à la merci des évènements et des situations. » Dans un contexte de tensions politiques sur fond de violences au moment où la Guinée s’apprêtait à organiser ses premières élections (présidentielle et législatives) multipartistes, ces propos décrivent une société guinéenne malade.

Pour ce très respecté responsable religieux, cette Guinée peut s’en sortir car elle dispose des ressources nécessaires, mais il faudrait qu’il y ait une « vigoureuse volonté d’application du pouvoir judiciaire [ ] de façon à ne plus laisser impunis les grands crimes et à défendre efficacement les droits des plus faibles » Selon lui, sans volonté d’application, « la forêt des lois ne résout pas les problèmes essentiels ».

Vingt-huit ans après cette déclaration, la Guinée d’aujourd’hui semble fidèle à ce diagnostic et les acteurs sont presque les mêmes, à quelques exceptions près.

Les élections en Guinée ont toujours été des périodes d’exacerbation des violences. D’un côté nous avons une machine répressive de l’Etat qui n’hésite pas tirer sur sa population et de l’autre, des oppositions de plus en plus déterminées à se faire entendre en usant des seuls moyens dont elles disposent, à savoir, les manifestations de rue et les recours devant les tribunaux du pays même si elles savent à quoi s’attendre de l’appareil judiciaire. Lors de ces élections, deux facteurs contribuent à la cristallisation des tensions : la légitimité et la validité du processus. Toutes les tentatives et actions de contournement et d’instrumentalisation des règles du jeu électoral engendrent des contestations et ces dernières produisent de la violence.

Pour reprendre la formule de Carlos Santiso, de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale, une organisation intergouvernementale dont la mission est de promouvoir la démocratie durable dans le monde : « Les élections ne sont pas l’égal de la démocratie ». En observant la situation de la démocratie dans de nombreux pays, Santiso arrive à la conclusion que « les processus de démocratisation empruntent assez souvent des voies irrégulières, imprévisibles et parfois réversibles dans des environnements politiques changeants ».

Dans son ouvrage, La contre-démocratie, publié en 2006, Rosanvallon présente trois piliers qui, selon lui, compose l’expérience démocratique : le gouvernement électoral-représentatif qui assure l’assise institutionnelle, la contre-démocratie qui assure une certaine vitalité contestataire et le travail réflexif du politique qui assure une densité historique et sociale à la démocratie. Cependant, souligne l’auteur, ces trois dimensions intègrent des pathologies qui doivent pouvoir être surmontées. Selon lui, le gouvernement électoral-représentatif tend à se transformer en aristocratie élective, la contre-démocratie serait hantée par le populisme et l’antipolitique et le travail réflexif du politique risque d’être selon lui, aspiré par la facilité « décisionniste ».

Célébrée par tous les observateurs comme un tournant démocratique majeur, l’élection en 2010 de l’ancien opposant historique guinéen, avait suscité un immense espoir chez les guinéens et africains en général, même si les conditions de son accession au pouvoir laissaient déjà présager le jusqu’auboutisme du personnage pour arriver à ses fins, même par les moyens antidémocratiques. Plus de dix ans après, la déception est le sentiment le plus partagé par les guinéens. Les tendances autocratiques du régime sont bien réelles. Si la cour suprême guinéenne (symbole de la complaisance des contre-pouvoirs institutionnels) a bien entériné la « victoire » (certains diront plutôt le maintien) de Alpha Condé après la présidentielle contestée et surtout violente d’octobre 2020, force est de reconnaitre que le régime peine à asseoir son autorité parce qu’il souffre d’un manque de légitimité auprès de nombreux guinéens qui, par cet acte de la plus grande institution judiciaire du pays, ont le sentiment d’assister impuissant à une confiscation du pouvoir et redoutent de revivre un remake des dix dernières années avec ses corollaires  de violations des règles et principes démocratiques. Cette panne judiciaire (une réalité guinéenne) a pour cause une carence criarde d’indépendance de la justice, mise sous tutelle par un pouvoir exécutif oppressant.

Un président de la République avec un statut privilégie au-dessus de tous les autres pouvoirs. C’est cette relation, caractéristique des régimes africains que Claude Momo et Eric-Adol Gatsi dans un document intitulé L’exécutif dualiste dans les régimes politiques des Etats d’Afrique noire francophone, publié en 2020, tentent d’expliquer. Selon ces auteurs, la relation entre le président de la République et les autres pouvoirs « rame quasiment à contre-courant de l’idée de checks and balances chère à Montesquieu qui fait du pouvoir le contre-pouvoir du pouvoir et justifie l’étiquette de « monarque républicain » ou de « président impériale »

Pour celui qui avait promis de faire « disparaître » l’opposition de la scène politique guinéenne, la désillusion est aujourd’hui grande chez ses partisans. La lecture simpliste qui consiste à réduire « les oppositions » à l’opposition politique et plus particulièrement aux leaders de certains partis d’opposition, s’est révélée erronée. Ces dernières années, l’espace politique guinéen a connu l’émergence d’autres acteurs issus de la société civile, avec de nouvelles stratégies de lutte et une nouvelle dynamique d’engagement citoyen. Une preuve que l’exigence démocratique est de plus en plus grande chez les citoyens.

Ce citoyen n’est pas celui décrit par Richard Balme, c’est-à-dire, qui se cantonne dans un rôle minimal de pourvoyeur de voix. Il est ce citoyen qui surveille. Rosanvallon, dans un ouvrage collectif intitulé Chroniques de la gouvernance publié en 2009, explique qu’au « peuple-électeur s’ajoute le peuple-surveillant, le peuple-veto et le peuple-juge qui se manifestent dans des institutions ou de manière plus spontanée et informelle. À l’élection s’ajoute la surveillance, l’empêchement et le jugement ».

Du manque de légitimité au déficit de confiance, un « titre à gouverner » obsolète 

Dans son intervention lors du colloque « la justice du XXIe siècle » en 2014 à l’UNESCO, Pierre Rosanvallon disait qu’un pays ne fonctionne pas simplement avec des institutions et des valeurs. Il fonctionne aussi avec des « institutions invisibles », un concept développé par le prix Nobel d’économie Kenneth Arrow dans son ouvrage Les limites de l’organisation publié en 1974.

Pour ce sociologue et professeur au Collège de France, une société dans laquelle la confiance se délite, est une société dans laquelle le fonctionnement des institutions, le rapport entre les citoyens, le rapport des citoyens aux institutions, est rendu plus difficile.

La confiance occupe une place importante en démocratie. Comme nous le fait remarquer les auteurs d’un rapport de recherche publié en 2019 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) sur la crise de la confiance politique en France, où ils soutiennent que la confiance « est la valeur cardinale de la démocratie ». Selon ces auteurs, la « démocratie est le seul régime qui repose sur le consentement du gouverné. A la différence d’autres régimes politiques, la démocratie a besoin du soutien de celui sur lequel elle s’exerce ». Si le citoyen vote, il ne choisit pas simplement un candidat mais soutient la démocratie.

S’il y a bien une réalité dont l’évidence saute aux yeux, c’est bien le manque de confiance entre les acteurs politiques guinéens (un euphémisme, pour ne pas dire qu’ils se haïssent). D’ailleurs, cet environnement de détestation réciproque est propice à la fabrication de dictateurs, car ces derniers, se nourrissent des divisions. Quant aux relations de confiance entre les gouvernants et les gouvernés, elles sont aussi exécrables. Pour le citoyen, nous rejoignons Richard Balme, dans son ouvrage Les motifs de la confiance (et de la défiance) politique : intérêt, connaissance et conviction dans les formes du raisonnement politique, publié en 2003, quand il explique qu’aujourd’hui, « le citoyen aurait l’impression d’être cantonné dans un rôle minimal, se limitant à choisir épisodiquement un représentant, sans avoir la certitude que celui-ci prendra les bonnes décisions ni pouvoir l’y contraindre ».

En ce qui concerne la légitimité, elle revêt plusieurs facettes. Selon le petit Larousse, elle est « la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice, ou en équité ». Dans son ouvrage intitulé, La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité, publié en 2008, Rosanvallon explique que « Si la légitimité est au sens général du terme un simple économiseur de coercition, sa variante démocratique a pour fonction plus exigeante de tisser des liens constructifs entre le pouvoir et la société ». Dans la démocratie représentative, le vote est le principal mode de légitimation des gouvernants. Toutefois, si le peuple est la source de tout pouvoir démocratique, souligne l’auteur, il fait cependant remarquer que le verdict des urnes ne peut être le seul étalon de la légitimité. Pour lui, un pouvoir n’est désormais considéré comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression majoritaire.

Lipset, quant à lui, soutient que la légitimité implique la capacité d’un système politique à engendrer et à maintenir la croyance que les institutions politiques existantes sont les plus appropriées pour le bon fonctionnement de la société.

Eichholtzer Marie, dans un mémoire intitulé Transparence, légitimité et confiance dans la gouvernance européenne, soutenu en 2010 à Institut d’Études Politiques de Lyon, distingue deux types de légitimité : la légitimité formelle et la légitimité sociale. La première découle du bon respect des règles et des procédures. La seconde, est le lien affectif, la loyauté qui relient les citoyens à leurs institutions sur la base d’une identité collective forte et d’intérêts communs. Dans le même ordre d’idées, Rosanvallon, quant à lui, distingue trois types de légitimité : une légitimité procédurale qui est issue de l’élection qui donne un « permis de gouverner » ; une légitimité substantielle qui tient à des qualités intrinsèques, autrement dit, c’est le fait qu’en soi-même on représente quelque chose d’important ; et enfin une légitimité d’exercice qui repose sur la prise de conscience du fait que la volonté générale n’est pas simplement exprimée par le moment électoral.

Quand Alain Laquièze affirme dans un article intitulé Élection des gouvernants et légitimité démocratique, publié en 2018, que : « le gouvernant est légitime démocratiquement parce qu’il est légitime électoralement », il ressort la place prépondérante de l’élection dans l’acquisition de la légitimité. Par ailleurs, Thiébault Jean-Louis, dans un article intitulé Lipset et les conditions de la démocratie, publié en 2008 cite Larry Diamond dans son ouvrage intitulé Developping Democracy. Toward Consolidation, publié en 2000, qui établit un lien entre la légitimité et le niveau de démocratie dans un pays. Ce dernier soutient que « la légitimité est fortement corrélée avec le niveau de démocratie dans un pays. Plus une nation est démocratique, plus le système politique tend à être légitime. Les facteurs politiques (libertés civiles et politiques) sont plus importants que la simple performance économique pour prédire la légitimité d’un régime démocratique dans une nation ». Thiébault Jean-Louis, dans le même article souligne, quant à lui, que la légitimité peut être considérée comme un stock de crédibilité qui peut retarder ou réduire l’intensité des crises dans une démocratie.

Un point de vue partagé par Lipset, qui soutient que, les systèmes politiques, mêmes ceux qui sont autoritaires, ne reposent pas d’abord sur la force. L’alternative à la force est la légitimité, un « titre à gouverner » largement accepté ».

La pilule au goût amer du compromis

Polysémique, avec une certaine ambiguïté dans son interprétation, la notion de compromis selon Paul Ricœur « intervient lorsque plusieurs systèmes de justification sont en conflit ».

Si le conflit est un trait inhérent à la vie politique, comme le soutient Lipset dans son ouvrage intitulé L’Homme et la Politique, publié en 1963 (traduction française de Political Man paru en 1960), la démocratie doit être perçue comme un moyen « de canaliser ou de structurer, et non pas d’éradiquer, le conflit ». Selon cet auteur, « les luttes et rivalités pour la conquête des postes de direction, l’affrontement des partis et leur alternance dans l’exercice des fonctions de gouvernement sont les conditions d’une démocratie stable. Et sans un accord préalable sur la règle du jeu politique, sans la soumission des minoritaires aux décisions de la majorité réversible, sans la reconnaissance de la légitimité de ces décisions, il ne saurait y avoir de démocratie ».

Dans le même ordre d’idées, Paul Ricœur, dans une interview publiée par la revue Alternatives Non Violentes en 1991, souligne, quant à lui, que « le compromis est [  ] lié à un pluralisme de la justification, c’est-à-dire aux arguments que les gens mettent en avant dans les conflits ». Pour ce penseur de « l’éthique du compromis », il n’existe pas de super-règle pour résoudre les conflits, mais « on résout les conflits à l’intérieur d’un ordre homogène où les gens se reconnaissent ».

Dans le cadre d’un compromis, soutient quant à lui le professeur Thomas Meyer de l’université de Dotmund, dans une publication de 2012 intitulée L’art du compromis : le chemin vers la réalisation des idéaux dans une véritable démocratie, deux ou plusieurs parties s’engagent à renoncer à leur droit de faire valoir complètement leurs intérêts personnels, de manière à permettre à toutes les parties d’atteindre le maximum de leurs objectifs politiques. Pour cet universitaire, « la prise en compte du maximum d’intérêts et de valeurs est un objectif important de la démocratie. » Selon lui, la capacité de prendre en compte le maximum d’intérêts légitimes et de les intégrer dans les processus de délibérations et de prise de décision en politique est un principe fondamental d’une démocratie bien comprise.

En procédant à l’arrestation, à la condamnation et à l’incarcération de responsables politiques de son principal challenger, Alpha Condé fait ce que les autocrates font, à savoir, se servir de ses prisonniers comme monnaie d’échange à présenter lors d’un éventuel dialogue. Dans un tel contexte, l’envie d’atteindre un objectif politique l’emporte sur la nécessité d’aboutir à un compromis. Nous pensons que la manifestation d’une volonté réelle d’une décrispation doit venir du côté du pouvoir. Au-delà de la formalisation d’un cadre de dialogue, il est surtout important d’œuvrer pour la création de conditions favorables à un dialogue politique sincère. D’un compromis à une compromission, la frontière de l’amalgame est très étroite. En acceptant d’aller à un dialogue dans ces conditions, les partis concernés jouent leur survie en termes de crédibilité et de cohérence.

Sur les connotations péjoratives qui entourent l’idée de compromis et qui suscitent le plus souvent chez certains, une réaction de méfiance ou de rejet, Nachi Mohamed dans un article intitulé La vertu du compromis : dimensions éthique et pragmatique de l’accord publié en 2001 dans la Revue interdisciplinaire d’études juridiques, défend toutefois, « un compromis qui se distingue nettement de la compromission ». Une position que partage Ricœur dans un entretien publié en 1991 par la revue Alternatives Non Violentes où l’auteur souligne « qu’il y a méfiance à l’égard du compromis, parce qu’on le confond trop souvent avec la compromission. La compromission est un mélange vicieux des plans et de principes de références. Il n’y a pas de confusion dans le compromis comme dans la compromission. Dans le compromis, chacun reste à sa place, personne n’est dépouillé de son ordre de justification ». Par ailleurs, dans ce même entretien, Paul Ricœur pose la question : « Comment empêcher que les différends, les litiges, les conflits ne dégénèrent en violence ? ». Pour lui, le compromis est une barrière entre l’accord et la violence. Il soutient que c’est en absence d’accord que nous faisons des compromis pour le bien de la paix civique. Ce penseur du compromis, soutient que « l’intransigeance rend malheureusement impossible toute recherche de compromis ». Car, selon lui, le compromis exige la négociation.

Dans le même ordre d’idée, Daniel Weinstock, dans un article intitulé Compromis, religion et démocratie publié en 2005 dans la revue Bulletin d’histoire politique souligne qu’un « compromis se produit lorsque tous les participants à la délibération se rallient à une position qu’ils estiment inférieure à celle qu’ils adoptaient au départ. Ils s’y résignent à cause du poids indépendant qu’ils accordent à la résolution pacifique du conflit. Un compromis émerge ainsi lorsque tous estiment que le sacrifice qu’ils effectuent par rapport à leur position idéale est justifié par l’avantage que représentent le règlement du conflit et le maintien de relations pacifiques avec leurs partenaires. » Pour cet auteur, « une première condition du compromis est par conséquent que tous les citoyens et les groupes de citoyens accordent une importance suffisante au maintien du lien social. Si la préservation d’une certaine cohésion sociale est vue de manière indifférente par un ou plusieurs participants, ou si la volonté de préservation n’est pas également distribuée au sein de la société, le compromis devient impossible. »

Trop souvent pris pour de la faiblesse, l’art du compromis, comme le dénonce Frédéric Says dans un billet politique sur France culture, c’est comme s’il fallait forcément un « perdant terrassé » et un « gagnant triomphant ».

Concept paradoxal, le compromis est tantôt objet de méfiance, dévoiement du rapport à autrui, règlement sous-optimal qui aboutit à l’abandon de ses prétentions, tantôt considéré comme la meilleure option de gestion des conflits pour parvenir à une coexistence pacifique.

Dans Eloge du compromis. Pour une nouvelle pratique démocratique, Nachi Mohamed, souligne que le terme de compromis fut trop longtemps « coincé entre deux faux amis que l’on croyait proches par le sens mais qui, dans les faits, se sont avérés souvent éloignés de lui: le marchandage, la négociation habile et calculatrice entre des intérêts désincarnés ; la compromission, le renoncement aux valeurs, l’abandon des idéaux sur l’autel de l’arrangement ». Le compromis en tant que concept commun peut donc être considéré comme un mode de résolution de conflit ou, plus généralement, comme une forme de régulation sociale, c’est-à-dire un moyen de maintien de la paix civique entre des partenaires en situation de désaccord ou de conflit.

Dans le contexte guinéen, la question est : les acteurs concernés devraient-ils avaler cette pilule du compromis au goût amer ? La réponse est la formulation d’une question préalable : comment dialoguer avec un acteur dont la légitimité est remise en question ? En attendant de trouver des réponses, libérez tous les prisonniers politiques, des plus anonymes aux plus célèbres. À la justice guinéenne sous Alpha Condé, nous nous abstenons de demander l’ouverture des enquêtes sur les cas des centaines de guinéens tués ces deux dernières années, car nous savons ce qu’elle vaut : une machine répressive au service d’un autocrate. Il y aura un moment où il faudra vider tous les placards et refaire la décoration intérieure de la maison Guinée.

Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Guinée : Une élite qui refuse de rêver [ Par Tierno Monénembo]


Point de vue


L’intellectuel guinéen a un gros problème : son ventre est dix fois plus curieux que sa tête. Préoccupé de belle maison et de bonne  bouffe, de bolides et de blazers, englué jusqu’au cou dans le plus sordide des quotidiens, notre bonhomme a définitivement déserté le champ historique et culturel. Ce qui laisse la porte grandement ouverte aux  crétins et aux fripouilles. Est-ce bien malin que de se faire guider par plus petit, plus vil et plus ignorant que soi ?

Vous l’avez compris : tous les malheurs de ce pays viennent de lui. Si, dès le début, il avait pris ses responsabilités, la Guinée aurait été tout autre. Et comme notre pays est une espèce de Balnibarbi (ce pays fictif et mal fichu, imaginé par Jonathan Swift) où l’on passe son temps à dire la même chose et à répéter les mêmes gestes bref, à commettre les mêmes erreurs,  rien ne dit que le passé est derrière nous. Pour que le passé passe, il faut un minimum de rupture. Or, de rupture, il n’y en a point eu. Nos grosses têtes d’aujourd’hui ressemblent point par point à celles d’hier. Le même manque d’idéalisme, la même paresse d’esprit, le même individualisme, le même carriérisme, le même culte fanatique du quotidien, la même inguérissable naïveté ! A chaque fois que je pense à nos regrettés, brillants et prestigieux martyrs du camp Boiro, me revient en tête ce vers du poète turc, Nazim Hikmet :

« …tu es comme le mouton

 et quand le bourreau habillé de ta peau

quand le bourreau lève son bâton

tu te hâtes de rentrer dans le troupeau

et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier… »

Parfois, je sens dans l’air quelque chose qui rappelle l’odeur sulfureuse des années Sékou Touré, 1967 en particulier.  Ce fut cette année-là que notre sanguinaire « Responsable Suprême »réussit à concentrer tous les pouvoirs dans ses mains : après la chefferie traditionnelle, les partis d’opposition, les syndicats, l’armée, elle aussi passe à la trappe. C’est exactement ce qui se répète aujourd’hui : Alpha Condé est devenu aussi puissant que le Sékou Touré de 1967. Que nous réserve-t-il : un nouveau Camp Boiro ou carrément un Auschwitz voire un Buchenwald  pour engloutir à son tour ce qui nous reste de roseaux pensants ? Faudrait-il dans ce cas, rouler dans la poussière et verser des larmes de sang ? Je ne le pense pas. Les intellectuels de ce pays (de l’Afrique, plus généralement) ne sont pas  des victimes pures et simples, ce sont les complices actifs de leur propre anéantissement. Le monde est foutu quand les grands clercs plient sous le charme de la démagogie et ajoutent leur voix au bruit étourdissant de la vox populi. Penser, c’est garder à tout moment, en toute circonstance, un autre son de cloche !

Pourquoi d’après vous, les Indépendances africaines si chèrement acquises sont très vite devenues des usines à broyer des Nègres ? Tout simplement parce l’intellectuel africain (guinéen, en l‘occurrence) a renoncé au principe-même qui fait qu’un intellectuel est un intellectuel : l’esprit critique. Cette propriété qui porte les deux valeurs essentielles de la pensée : la lucidité et la liberté.

Nos intellectuels ont-ils été lucides ? Nos intellectuels ont-ils été libres ?

Critiquer les conneries du Blanc, c’était bien et même très bien mais cela ne pouvait suffire. Il fallait aussi et dès le début, critiquer nos propres conneries. Je vous assure que si dès le 3 Octobre 1958, Aimé Césaire, Cheik Anta Diop, Ki-Zerbo avaient mis le holà, Sékou Touré n’aurait pas osé faire ce qu’il a fait.

Le rôle d’une élite, c’est de tirer la société vers le haut. Et cela n’est possible que si elle se prémunit de la médiocrité et garde comme un inestimable trésor, son libre-arbitre. Le rôle d’une élite ce n’est pas de revendre des parcelles et d’amasser des dollars ; de spéculer sur le diamant ou de vendre des clous rouillés,  c’est de produire des idées fortes et des émotions saines, bref de galvaniser le peuple, de lui donner de quoi se projeter dans l’avenir en toute lucidité et en confiance. Si la dictature se perpétue dans ce pays, c’est à cause du manque cruel de parapets, de garde-fous, de contre-pouvoirs. Et il va de soi que le premier moyen de résistance est d’ordre mental ; il va de soi que le  premier contre-pouvoir est d’ordre intellectuel. La dictature reculera dans ce pays le jour où les intellectuels se réveilleront, le jour où ils se réconcilieront avec les notions d’idéal (c’est le plus beau des rêves, l’idéal !), de solidarité,  d’indépendance d’esprit et de débat d’idées.

Que nos intellectuels ne se leurrent pas : Sékou Touré, Lansana Conté, Dadis Camara, Sékouba Konaté et Alpha Condé ont trouvé leur raison d’être et leur force dans leur laxisme ou dans leur opportunisme. Qu’ils sachent bien qu’en cas de grabuge, aujourd’hui comme hier, ils seront les premiers à remplir les prisons et les tombes.

Tierno Monénembo, écrivain guinéen francophone

1986, Grand Prix littéraire d’Afrique noire ex aequo, pour « Les Écailles du ciel » ; 2008, prix Renaudot pour « Le Roi de Kahel » ; 2012, prix Erckmann-Chatrian et Grand Prix du roman métis pour « Le Terroriste noir » ; 2013, Grand Prix Palatine et prix Ahmadou-Kourouma pour « Le Terroriste noir » ; 2017, Grand Prix de la Francophonie pour l’ensemble de son œuvre.





«Persuadés de notre innocence» [lettre de trois responsables de l’UFDG détenus politiques]


Politique


Dans une lettre publiée par le site guineematin, trois responsables du parti d’opposition UFDG, arrêtés après la présidentielle et inculpés pour « trouble à l’État par la dévastation et le pillage atteinte aux institutions de la République, participation à un mouvement insurrectionnel, menace de violences ou mort par le biais d’un système informatique, diffusion et la mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler l’ordre public » demandent à tous les acteurs politiques « d’amorcer le processus d’apaisement par le dialogue et la concertation dans le souci de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale. »

L’intégralité de la lettre


Chers compatriotes,

Comme vous le savez, nous sommes incarcérés à la Maison Centrale de Conakry depuis plusieurs mois.

Prisonniers politiques pour les uns, prisonniers d’opinion ou otages politiques pour les autres, prisonniers tout court pour certains. Une chose est incontestable, nous sommes avant tout des Guinéens dont l’engagement et la lutte politique n’ont jamais été dirigés contre un individu ou un quelconque groupe de Guinéens.

Nous avons toujours mené notre combat avec le strict objectif de servir la démocratie, le respect de l’État de droit et la recherche du bonheur de nos concitoyens.

Il est important de rappeler que nous avons exclu, dès les premières heures de notre engagement politique, la conquête du pouvoir par la violence en choisissant, la voie des urnes qui demeure encore notre unique option. Ce choix démocratique est motivé par le fait que chacun d’entre nous considère que la violence ne peut être la solution et lorsqu’elle survient, nous l’avons toujours condamnée sans aucune ambiguïté. D’autant plus qu’au cours de ces dernières décennies, ce sont nos compatriotes qui ont payé le lourd tribu, du fait des violences politiques et sociales qui affectent directement de nombreuses familles et la cohésion sociale.

Pourtant, on nous accuse d’atteintes aux institutions, de pillages et même de participation à des mouvements insurrectionnels, etc. Quel fut notre stupeur à s’entendre dire être mêlés à de tels actes. Persuadés de notre innocence, nous nous sommes tous rendus volontairement devant les instances judiciaires espérant qu’elle agira avec impartialité et objectivité. De fait, nous n’avons opposé ni résistance, ni violence aux forces de défense et de sécurité, qui sont venues interpeler l’un de nous à son domicile.

Il est clair que notre probité, mais aussi les responsabilités que nous avons assumées à divers niveaux, nous empêchent tout comportement ou attitude incivique.

On comprendra aisément qu’il est impossible de remettre en cause notre engagement politique ; l’idéal qui les fonde et les nourrit. C’est pourquoi, nous rejetons toutes les accusations de violence quelles qu’elles soient et qui seraient susceptibles de mettre en danger la paix sociale, de menacer la sécurité de nos compatriotes et de nos institutions. Cela ne nous ressemble point.

S’il est établi que le procès d’hommes politiques permet de juger un État sur le plan de la démocratie et du respect des libertés fondamentales, nous souhaiterions que ce défi soit relevé par l’institution judiciaire. Que peu d’entre nous puissent croire et miser sur le succès de cette volonté n’enlève aucunement notre foi en la justice. Il revient aux autorités de notre pays et, si nécessaire, avec l’appui des pays amis, d’en être le garant ; de veiller à l’équité et l’impartialité de l’institution judiciaire ; mais aussi à la neutralité de l’Exécutif.

Bien évidemment, c’est aux magistrats de mesurer l’importance et la portée des actes qu’ils sont appelés à engager dans le cadre de « l’affaire » nous concernant. Qui pourrait douter que son déroulement et l’issue qui en sortira constitueront un jalon essentiel dans la volonté de décrispation du climat politique récemment exprimée par tous les acteurs politiques, les ONG de défense des Droits humains, les pays partenaires de la Guinée et d’une certaine manière les autorités guinéennes. Dès lors, un consensus s’est dégagé pour considérer que ce serait là, un des premiers gages d’ouverture d’un dialogue constructif, consensuel et inclusif.

Pour nous, il est fondamental d’œuvrer dans ce sens afin d’amorcer le processus d’apaisement par le dialogue et la concertation dans le souci de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale. Nous espérons pouvoir apporter notre contribution en continuant de jouer encore notre rôle sur la scène politique au service de notre pays. Nous sommes persuadés que cela est possible si chacun veillait au respect des règles d’impartialité de nos institutions et des représentants qui exercent au nom du peuple.

Nous estimons que le moment est probablement venu ; qu’une situation opportune est là et qu’il faut la saisir. Nous pensons qu’il est temps que chaque Guinéen prenne résolument l’engagement de promouvoir l’exercice d’une démocratie apaisée, l’unité et la réconciliation de tous les fils et filles de notre Guinée.

  • Ibrahima Chérif BAH Vice-président, membre du Conseil politique.
  • Ousmane Gaoual DIALLO Directeur de la Communication, Membre du Conseil politique, ancien Député.
  • Mamadou Cellou BALDÉ Coordinateur des fédérations de l’intérieur, Membre du Bureau Exécutif, ancien Député.




Almamy Bokar Biro et la France coloniale [Archives de la presse française]


RetroGuinée


GuineePolitique republie ces extraits qui présentent la version de la presse française de l’époque sur Almamy Bokar Biro Barry figure historique guinéenne.





Fouta Djalon, histoire d’une conquête [Archives de la presse française]


RetroGuinée


GuineePolitique republie ces extraits qui présentent la version de la presse française de l’époque sur la conquête du Fouta Djalon.





Almamy Samory Touré, les circonstances de son arrestation [Archives de la presse française]


RetroGuinée


GuineePolitique republie ces extraits qui présentent la version de la presse française de l’époque sur les circonstances de l’arrestation de ALMAMY SAMORY TOURE figure historique guinéenne. Le journal Mémorial de la Loire du 24 juin 1900 raconte le film des évènements.

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Arrestation du roi de Labé, Alpha Yaya Diallo [Archives de la presse française]


RetroGuinée


GuineePolitique republie ces extraits qui présentent la version de la presse française de l’époque sur les circonstances de l’arrestation de Alpha Yaya Diallo figure historique guinéenne.

Le gouverneur de la Guinée a eu connaissance des agissements de ce chef qui avait trouvé moyen d’équiper clandestinement un corps bien constitué de deux mille cavaliers armés de fusils à tir rapide, qu’il faisait venir de la colonie portugaise.

Extrait: Journal l’Eclair du jeudi 23 novembre 1905

Lorsqu’il fut arrêté, en 1905, Alpha Yaya était un véritable monarque.

Extrait: Journal le Petit Parisien du lundi 28 août 1911

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Oumar Sylla «Foniké Mengué», sept mois de détention arbitraire


Politique


Guinée. Après sept mois de détention arbitraire, le militant Oumar Sylla doit être libéré

Ce 29 avril marque les sept mois de détention arbitraire d’Oumar Sylla, coordinateur national adjoint de Tournons La Page Guinée et responsable de la mobilisation et des antennes du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) arrêté en pleine rue à Conakry alors qu’il se rendait à une manifestation contre le projet de troisième mandat du président sortant Alpha Condé.

Tournons La Page, ACAT-France, Amnesty International, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT), et Agir ensemble pour les droits humains demandent la libération immédiate et inconditionnelle d’Oumar Sylla, de tous les défenseurs des droits humains et autres personnes détenues arbitrairement en Guinée.

Que le militant Oumar Sylla, comme de nombreux autres détenus arbitrairement, soit toujours en prison simplement pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, prouve la volonté manifeste du pouvoir guinéen de continuer à museler toute voix dissidente même après l’élection présidentielle. Ils devraient tous être libérés immédiatement et sans condition. 

Les organisations signataires

« Que le militant Oumar Sylla, comme de nombreux autres détenus arbitrairement, soit toujours en prison simplement pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, prouve la volonté manifeste du pouvoir guinéen de continuer à museler toute voix dissidente même après l’élection présidentielle. Ils devraient tous être libérés immédiatement et sans condition », ont déclaré les signataires.

Le 29 septembre 2020, Oumar Sylla a été arrêté avec violence par des hommes en civil en pleine rue dans la commune de Matoto à Conakry alors qu’il s’apprêtait à participer à une manifestation organisée par le FNDC pour protester contre la candidature du Président Alpha Condé à un troisième mandat.

Emmené à la Direction de la Police Judiciaire (DPJ), il a été interrogé sans que ses avocats n’aient pu l’assister, ce qui est une atteinte aux droits de la défense. Quelques heures plus tard, le procureur du tribunal de Mafanco a décidé de poursuivre Oumar Sylla pour « attroupement illégal, trouble à l’ordre public, destruction de biens publics et atteinte à la sûreté de l’État », de le placer en détention provisoire et de le faire incarcérer à la prison centrale de Conakry.

Une prison qu’il connaît hélas bien pour y avoir déjà fait quatre mois de détention arbitraire entre le 17 avril et le 27 août 2020, accusé de « communication et diffusion de fausses informations » après avoir participé à l’émission de grande écoute « Les Grandes Gueules » sur Radio Espace FM, au cours de laquelle il a dénoncé les arrestations arbitraires et les exactions survenues dans la ville de N’Zérékoré le 22 mars 2020. Les charges retenues contre lui ont été abandonnées en août 2020.

Une grève de la faim pour être jugé

Après près de trois mois de détention provisoire, Oumar Sylla a entamé une grève de la faim le 25 décembre 2020 pour exiger la tenue de son procès. Il a mis fin à sa grève le 8 janvier 2021, après que la date de son audience a été programmée. Très affaibli, il a dû être hospitalisé le jour même.

Le 28 janvier 2021, Oumar Sylla a été condamné à 11 mois de prison ferme par le tribunal de Mafanco à Conakry pour « participation délictueuse à un attroupement susceptible de troubler l’ordre public ». Ses avocats ont immédiatement fait appel de la décision et la date de son appel est fixée au 20 mai 2021.

Oumar Sylla a également contracté le Covid-19 en mars 2021 et n’a pu bénéficier d’assistance médicale que sous la pression de l’opinion publique et de ses avocats.

Organisations signataires

1. ACAT-France
2. Agir ensemble pour les droits humains
3. Amnesty International
4. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs de droits de l’Homme
5. Mêmes Droits pour Tous (MDT)
6. Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du Citoyen (OGDH)
7. Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs de droits de l’Homme
8. Tournons La Page


Amnesty International





Pétition: Appel à la libération des prisonniers politiques en Guinée ! [Par Tierno Monénembo]

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Politique


Depuis l’accession d’Alpha Condé au pouvoir, la répression, ce mal endémique de la Guinée, a resurgi avec une virulence qui rappelle les années noires, celles des pendaisons publiques et du Camp Boiro.  On attendait de celui qui passe pour « le premier président démocratiquement élu de la Guinée » qu’il nous fasse oublier le fouet de Lansana Conté et la terreur de Sékou Touré. On attendait de l’ancien prisonnier politique la réhabilitation des Droits de l’Homme, assortie d’un respect scrupuleux de la vie humaine. Par ses paroles comme par ses actes, il se situe hélas aux antipodes de toute valeur juridique et morale.

De Décembre 2010, date de sa première élection, à aujourd’hui, les organisations des Droits de l’Homme dénombrent 260 morts et 2 000 blessés. Ces chiffres ne concernent que les personnes fauchées à balles réelles dans les manifestations de rue. Ils seraient deux fois plus élevés si l’on y ajoutait les détenus victimes de leurs conditions de détentions et les dizaines de personnes qui ont succombé aux massacres de Womé, Zogota et Galapaye.

Ces derniers mois ont été particulièrement sanglants. Sortis massivement pour faire barrage à la modification de la constitution lui permettant de briguer un troisième mandat, les Guinéens ont dû affronter non plus seulement les balles des gendarmes et des policiers mais aussi celles des soldats que le régime, pris de panique, a réquisitionnés pour aider  au rétablissement de l’ordre. 60 morts, rien que d’Octobre à Janvier ! Parallèlement, plus de 400 personnes ont été arrêtées pour les raisons les plus fallacieuses : fabrication et stockage d’armes de guerre, assassinats, complicité d’assassinats, insurrection, complicité d’insurrection, atteinte aux intérêts supérieurs de la nation etc.

Cette vague d’arrestation n’a épargné aucun quartier, aucune classe d’âge, aucune catégorie sociale. Voilà maintenant six mois que ces 400 personnes végètent à  la Maison Centrale de Coronthie sans jugement. On y trouve  des hommes politiques, des journalistes, des cadres de haut niveau mais aussi des anonymes (des familles entières parfois) cueillis nuitamment chez eux alors qu’ils dînaient ou dormaient du sommeil du juste. Mais le cynisme d’Alpha Condé ne s’arrête pas là : 150 mineurs font partie du lot. A ce jour, 20 d’entre eux ont bénéficié d’une libération conditionnelle, les autres ont été déférés devant le tribunal militaire qui en Guinée sert de siège au tribunal pour enfants.

Cette série de violences vise un objectif clair : intimider le peuple mais aussi et surtout, réduire au silence les opposants les plus irréductibles :

  • Oumar Sylla dit Foyinké Mengué, repsoonsable de la mobilisation et des antennes du FNDC (qui se retrouve pour  la troisième fois derrière les barreaux).
  • Ousmane Gaoual Diallo, ancien député, directeur de la communication du parti d’opposition, UFDG
  • Malick Condé, maire-adjoint de Matam
  • Chérif Bah, ancien gouverneur de la Banque Centrale
  • Etienne Soropogui, leader du mouvement « Nos valeurs communes »
  • Cellou Baldé, ancien député
  • Abdoulaye Bah, ancien maire de Kindia
  • Mamadi Condé dit Madic 100 frontières, militant de l’UFDG.
  • Souleymane Condé président de la section FNDC de Boston (USA)
  • Amadou Diouldé Diallo, journaliste, historien

 Détenus arbitrairement et dans des conditions inhumaines (certains sont gravement malades, d’autres même, atteints de Coronavirus), ces martyrs ne doivent pas être oubliés. J’appelle toutes les consciences, tous les démocrates épris de justice et de liberté en Afrique et ailleurs dans le monde,  à signer cette pétition pour demander la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques en Guinée.

Fait à Conakry le 25 Avril 2021.

                                                           Tierno Monénembo écrivain guinéen


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Kouroussa: les racines et les manifestations du malaise social guinéen


Chronique


Les faits : Le 17 avril 2021, une manifestation éclate dans la ville de Kouroussa. Des orpailleurs revendiquent un site d’exploitation concédé à la société Kouroussa Mining. Bilan : deux morts, plusieurs blessés, la résidence du préfet et le domicile du maire saccagés.

Parti pris. Si les manipulations des communautés et le recours à l’ethno stratégie sont les recettes les plus partagées par les autorités guinéennes, il est toutefois, difficile d’anticiper les réactions des populations guinéennes, même des plus fidèles partisans, quand la misère généralisée semble élire domicile en Guinée depuis l’arrivée au pouvoir d’un certain Alpha Condé. Ces populations de l’intérieur du pays qui payent au plus fort l’errance sans visibilité de la gouvernance actuelle et qui, jusque-là semblent se resigner en attendent la « révolution » venir de Conakry, commencent à cerner les enjeux globaux de la politique et de ses impacts sur le quotidien du citoyen. Cette fois-ci, elles semblent déterminer à jouer leur partition en refusant de se laisser « berner autrement » (en réponse au slogan « Gouverner autrement »). Conscientes de l’illégitimité des autorités issues de la forfaiture du 3ème mandat, les catégories socioprofessionnelles comptent maintenir la pression jusqu’à la satisfaction de leurs revendications sectorielles. Pour ce faire, certaines n’hésitent pas à user du chantage si nécessaire pour faire plier les imposteurs en quête de légitimité.

Quand les populations réclament de l’électricité, le gouvernement et son président augmentent la puissance (en kWh) des promesses avec une aisance consternante dans l’art de mentir sans sourciller. Quand ces mêmes populations réclament des écoles, des hôpitaux, des routes, ils s’empressent d’envoyer des missions de terrain pour le rituel d’enfumage de la « pose de la première pierre » et jamais une deuxième. Quand elles dénoncent la violation des lois de la république, ils répliquent par la violence d’état et s’activent (aidés par une horde de courtisans du net) pour entretenir leur « jardin ethnique fleuri de Alpha », qui est sans doute la seule réussite en 10 ans d’égarement de la république avec une unité nationale qui se fissure chaque jour davantage. Alpha Condé et son parti ont toujours entretenu l’illusion de détenir un bastion politique « imprenable » qui serait la Haute Guinée. Si dans les années 90, cette revendication était légitime et qu’il (Alpha Condé) pouvait continuer depuis la France à faire croire au monde entier qu’il était la seule alternative au régime militaire, il est évident que l’entrée en scène de nouveaux acteurs avec de nouvelles offres politiques depuis le début des années 2000 a été un grand désenchantement pour un parti (RPG) piloté de l’extérieur par une figure vestige du monde d’hier qui a montré ses limites à pouvoir s’adapter à cet environnement nouveau où on assiste sans cesse à l’émergence de nouveaux paradigmes politiques et une nouvelle façon de faire de la politique. Cette région de la Haute Guinée, comme toutes les régions d’ailleurs du pays, sont aujourd’hui des espaces géographiques et politiques partagés où le pluralisme politique est réel car les populations dans leur grande majorité commencent à comprendre les enjeux liés au choix éclairé des dirigeants. Le seul paramètre qui explique la survivance de cette illusion de bastion imprenable est la fraude électorale ou l’art de trafiquer la volonté des populations exprimée dans les urnes. Les populations choisissent et les arbitres électoraux désignent les vainqueurs. D’où ce manque de légitimité dont souffrent les dirigeants du pays et qui est un handicap majeur pour un régime même si les acteurs concernés entretiennent un semblant d’autorité.

Distributeur automatique de promesses

Très généreux en promesses dont la formulation porte en elle-même les germes de la rodomontade politique, le responsable du squat de Sekoutoureya est aujourd’hui rattrapé par cette manipulation à outrance qui est sa marque de fabrique assez désuète d’ailleurs parce qu’elle a fini par décrédibiliser la parole de l’homme d’état qu’il est censé incarner. 

Pour vendre la forfaiture du 3ème mandat, ils n’ont pas hésité de rééditer les mêmes promesses complètement saugrenues de 2010 qui, à force de les radoter, sans gêne et sans résultats observables, sont devenues aujourd’hui des classiques de gags politiques en Afrique. De l’usine de bonbons pour les enfants (qui d’ailleurs attendent toujours le premier bonbon) aux logements sociaux qui sont restés à l’étape « pose de la première pierre », Alpha Condé qui s’est révélé être un distributeur automatique de promesses (DAP) est aujourd’hui la risée des réseaux sociaux pour le caractère risible dans la formulation de ses promesses.

Après 10 ans d’apprentissage à sekoutoureya, l’incohérence dans les choix des politiques publiques, les faibles capacités de mobilisation des ressources et la médiocrité des prestations d’une administration publique nourrie par des théories anachroniques sur la gestion publique ont fini par conforter les sceptiques dans leur position critique sur les qualités très discutables de dirigeant de l’actuel occupant illégal de sekoutoureya.

Pendant toute cette période d’égarement de la république qui semble sans fin (même si des signes apparaissent aujourd’hui et permettent une comparaison avec certains évènements majeurs qui ont abouti à des changements de régime), les populations guinéennes quant à elles, ont été englouti par une coulée de boue politique jamais enregistrée dans le pays. Un torrent de manipulations multidimensionnelles sans précédent a déferlé sur la Guinée réveillant sur son passage les stigmates de la division semée et entretenue au lendemain des indépendances. Des pratiques politiques d’un autre âge refont surface avec un objectif qui est celui d’instaurer la terreur pour contraindre les citoyens à l’obéissance au monarque illégitime.

Détournements de deniers publics et misère des populations

Pourtant, les conséquences de la forfaiture du 3ème mandat étaient prévisibles. Un régime qui a été incapable de mobiliser et de sécuriser des ressources internes et externes en 10 ans pour financer son plan de développement, sera dans l’incapacité de faire tourner une machine d’Etat dans un contexte de réajustement des priorités chez les traditionnels partenaires au développement et chez les « amis » du monarque, affairistes miniers (ceux qui ont tiré le gros lot lors de la foire aux permis d’exploitation minière organisée à huis clos au lendemain de l’accession au pouvoir de Alpha Condé). Au détriment des petits exploitants (orpailleurs), le gouvernement n’hésite pas à vendre tout et n’importe quoi au plus offrant, quitte à sacrifier le développement des collectivités locales pour plusieurs décennies à cause du caractère contraignant des contrats pluriannuels signés par les dirigeants actuels.

Aujourd’hui la corrélation est évidente entre les multiples scandales de détournements de deniers publics et la faible capacité de l’Etat à fournir des services sociaux de base aux populations guinéennes. Plus le scandale financier est important plus la personne présumée coupable reçoit le soutien du gouvernement et en premier lieu Alpha Condé. Et le comble du « Sahara » judiciaire dans ce pays, ils sont capables d’engager une procédure judiciaire contre les lanceurs d’alerte. La diligence avec laquelle la machine judiciaire s’emballe dans ce genre de dossier est tout simplement effarant.

Les évènements de Kouroussa sont la résultante d’une gouvernance économique gangrenée par la corruption et les détournements de deniers publics. Du train de vie ostentatoire des dirigeants du pays, à la misère des populations, les compétences reconnues de manipulateur du monarque illégitime ne suffiront pas à maintenir ces populations dans l’ignorance. L’inégale redistribution des richesses issues du sous-sol guinéen, injustement accaparées par les autorités publiques et leurs « amis » miniers et le manque d’accompagnement des petits exploitants locaux, poussent les populations locales à réclamer de sites d’exploitation et à défendre cette économie de survie pour plusieurs familles.

Le problème est à Sekoutoureya et « la solution est entre nos mains ».

Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Bauxite en Guinée: enquête en France après une plainte visant Alpha Condé et des sociétés minières


Gouvernance


Une enquête a été ouverte à Paris après une plainte pour corruption dans l’exploitation de la bauxite en Guinée impliquant le président Alpha Condé, plusieurs de ses proches et des sociétés minières, dont une française, a-t-on appris mardi de source proche du dossier.

Une enquête a été ouverte à Paris après une plainte pour corruption dans l’exploitation de la bauxite en Guinée impliquant le président Alpha Condé, plusieurs de ses proches et des sociétés minières, dont une française, a-t-on appris mardi de source proche du dossier.

Cette enquête préliminaire, ouverte par le parquet national financier (PNF) en septembre, fait suite à la plainte pour « corruption, trafic d’influence et blanchiment de corruption », déposée en août par le Collectif pour la transition en Guinée (CTG).

« Nous avons des soupçons très forts de corruption entre le clan au pouvoir et des miniers », dont l’Alliance minière responsable (AMR) et la Société minière de Boké (SMB), a indiqué à l’AFP Ibrahime Sorel Keita, porte-parole du collectif qui regroupe des opposants d’Alpha Condé, président depuis 2010 et réélu en octobre pour un troisième mandat controversé.

L’AMR, fondée en 2015 par deux jeunes entrepreneurs, Romain Girbal et Thibault Launay, a obtenu un permis pour exploiter la bauxite, signé le 7 juin 2017 par le président Condé.

Une semaine plus tard, l’AMR a cédé ce gisement à la SMB, l’un des principaux exportateurs du pays, détenue par un consortium franco-sino-singapourien.

« En peu de temps, les dirigeants de l’AMR, des inconnus dans le domaine minier, ont récupéré un permis d’exploitation dans une zone importante et l’ont ensuite refilé à la SMB, moyennant une plus-value folle estimée à 200 millions de dollars », a commenté M. Sorel Keita.

L’AMR avait assuré, à l’annonce de la plainte, avoir en réalité conclu un contrat d’amodiation, « une pratique courante dans le secteur minier international, parfaitement conforme au Code minier guinéen ».

« Nous n’avons jamais fait quelque chose d’illégal en France ou en Guinée », assure désormais l’AMR, qui compte dans son conseil d’administration notamment l’ancienne patronne d’Areva Anne Lauvergeon et l’armateur Edouard Louis-Dreyfus.

« L’origine des accusations est un combat politique qui nous est étranger », ajoute l’AMR, dénonçant des attaques « incompréhensibles » et précisant tout ignorer de l’enquête.

Me Pierre-Olivier Sur, qui défend Alpha Condé, a critiqué « l’instrumentalisation de la justice tant en France qu’en Guinée » dans le cadre « d’un combat politique ».

« Je n’ai aucun élément pour me prononcer, n’ayant pas eu accès à cette plainte qui procède d’une organisation politique et s’inscrit ouvertement dans un calendrier électoral », a souligné Me François Zimeray, avocat du dirigeant de la SMB Fadi Wazni.

Le PNF n’a pas souhaité s’exprimer.

La Guinée, pays pauvre d’Afrique de l’Ouest, détient les plus grands gisements mondiaux de bauxite, minerai utilisé pour fabriquer l’aluminium.

Son extraction est considérée comme polluante et destructrice de terres agricoles, selon l’ONG Human Rights Watch.

Mediapart/AFP





RSF demande la libération du journaliste guinéen Amadou Diouldé Diallo


Politique


Inculpé pour “offense au chef de l’Etat”, un journaliste de la Radio télévision guinéenne (RTG) est emprisonné depuis plus de deux semaines alors que la Guinée a dépénalisé les délits de presse. Reporters sans frontières (RSF) demande sa libération immédiate et sans condition et exhorte les autorités à mettre fin aux emprisonnements arbitraires de journalistes.

Le journaliste sportif de la RTGAmadou Diouldé Diallo, reste en prison. La Cour d’appel de Conakry a refusé le 10 mars dernier sa demande de libération conditionnelle. Interpellé sans convocation préalable, le samedi 27 février, à la suite de son passage dans l’émission “L’œil du Lynx” de la radio privée Lynx FM où il s’était exprimé sur le président Alpha Condé et les violences ethniques dans le pays, le journaliste qui est détenu depuis le 1er mars, est inculpé pour “offense au chef de l’Etat”. En mauvaise santé, il a dû être évacué le lendemain de son incarcération dans un hôpital de Conakry.

Contactés par RSF, deux de ses avocats, Alseny Aïssata Diallo et Mohamed Traoré, ont dénoncé une violation de la loi sur les médias, insistant sur le fait que les délits de presse sont dépénalisés dans le pays et ne doivent ainsi pas donner lieu à un emprisonnement. Il ont également annoncé avoir introduit une nouvelle demande de mise en liberté, qui est en cours d’examen.

Rien ne peut justifier le maintien en détention de ce journaliste, dont nous demandons la libération immédiate et sans condition, déclare le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF, Assane Diagne. Les délits de presse étant dépénalisés depuis 2010, l’incarcération de Amadou Diouldé Diallo est illégale et témoigne de la volonté des autorités guinéennes de censurer les voix discordantes. Nous les exhortons à se conformer au respect des dispositions de la loi sur les médias et à libérer ce journaliste qui est actuellement en mauvaise santé.”

En Guinée, les journalistes sont régulièrement arrêtés ou gardés à vue en raison de leur travail. Le mois dernier, le journaliste sportif Ibrahima Sadio Bah a été condamné à six mois de prison ferme et à payer une amende de 500 000 francs guinéens (environ 40 euros) pour ‘’diffamation, injures publiques et dénonciation calomnieuse’’ à l’encontre du président de la Fédération guinéenne de football (FEGUIFOOT), Mamadou Antonio Souaré.

En janvier dernier, la condamnation sur la base du code pénal de trois journalistes de la radio Nostalgie, avait suscité de vives réactions poussant le ministre de la Justice à instruire le parquet de faire une déclaration d’appel contre la décision.

La Guinée occupe la 110e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.

RSF 17 mars 2021





En deux mois, quatre prisonniers politiques morts en détention en Guinée [Human Rights Watch]


Politique


Depuis novembre 2020, quatre partisans présumés de l’opposition politique sont décédés après avoir été emprisonnés

Quatre hommes détenus en tant que partisans présumés de l’opposition politique en Guinée sont décédés entre novembre 2020 et janvier 2021, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les quatre hommes faisaient partie des centaines de partisans ou sympathisants présumés de l’opposition arrêtés lors du référendum de mars 2020 et de l’élection présidentielle d’octobre 2020.

Les autorités guinéennes ont imputé ces décès à des maladies ou à des causes naturelles, mais des membres des familles des victimes, leurs avocats et des militants des droits humains ont déclaré que les quatre personnes étaient mortes à la suite de torture ou d’autres mauvais traitements, notamment de mauvaises conditions de détention et du manque d’accès à des soins médicaux adéquats pour de graves problèmes de santé. Le gouvernement guinéen devrait garantir une enquête approfondie, indépendante et transparente sur les circonstances de ces décès.

« Ces décès dans des circonstances suspectes soulèvent de graves préoccupations et devraient faire l’objet d’une enquête rapide et approfondie », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les autorités devraient établir la cause de ces décès, fournir tous les détails pertinents aux familles et poursuivre de manière appropriée tout individu responsable d’actes répréhensibles. »

Entre le 21 janvier et le 7 février 2021, Human Rights Watch s’est entretenu par téléphone avec neuf membres des familles des victimes, une voisine de l’une d’entre elles, quatre avocats et trois membres d’organisations guinéennes de défense des droits humains. L’organisation a également examiné six photographies révélant des lésions sur le corps de l’une des victimes. Human Rights Watch a écrit au ministre guinéen de la Justice, Mory Doumbouya, le 5 mars, pour partager ses conclusions et demander des informations relatives à des questions spécifiques, mais n’avait pas reçu de réponse au moment de la publication de ce communiqué.

Roger Bamba, âgé de 40 ans, membre du conseil des jeunes de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le principal parti d’opposition du pays, est décédé le 17 décembre. Le porte-parole du ministre de la Justice a déclaré que la cause de la mort était une cirrhose du foie, mais l’épouse de Bamba a accusé le gouvernement de « crime d’État », affirmant que Bamba n’avait pas reçu les soins médicaux adéquats après être tombé malade pendant sa détention.

Ibrahima Sow, âgé de 62 ans, est décédé un mois plus tôt, le 16 novembre. Les autorités guinéennes ont déclaré que sa mort était liée à un diabète, mais sa famille affirme qu’il est décédé des suites de sa torture en détention.

Le 5 décembre, Lamarana Diallo est décédé à l’âge de 22 ans au domicile de sa sœur, le jour de sa remise en liberté de la Maison centrale de Conakry. Des membres de sa famille et un témoin ont assuré que les gardiens de prison avaient ramené Diallo chez lui dans un état de santé déplorable et qu’il était mort des suites de sa torture en détention, une accusation rejetée par le gouvernement.

Oury Barry, 21 ans, est décédé le 16 janvier. Sa famille et son avocat ont déclaré que sa mort était survenue dans sa cellule et qu’il n’avait pas reçu de soins médicaux appropriés pour les mauvais traitements et la maladie dont il avait souffert en détention, mais les autorités ont soutenu qu’il était mort à l’hôpital de « causes naturelles ».

Quatre proches de trois des victimes ont déclaré à Human Rights Watch avoir été menacés par les autorités pour leur dénonciation des abus que ces trois hommes auraient subis derrière les barreaux. « Depuis que nous avons dit aux médias que mon père avait été torturé en prison, les autorités et les forces de sécurité sont à nos trousses », a confié l’un des proches de Sow. « Des hommes en tenue civile sont venus dans notre quartier poser des questions sur moi et ma famille. Mon frère a quitté le pays de crainte d’être arrêté. J’ai reçu des appels anonymes me demandant de rencontrer un colonel concernant le cas de mon père. J’ai peur. »

Les quatre hommes se trouvaient tous en détention provisoire à la Maison centrale de Conakry, notoire pour ses mauvaises conditions d’incarcération et sa surpopulation : conçue pour 300 détenus, elle en accueille actuellement plus de 1 500.

« La surpopulation est un grave problème dans nos centres de détention », a déclaré à Human Rights Watch l’avocat guinéen des droits humains Thierno Souleymane Baldé. « Elle est causée, entre autres, par le recours généralisé à la détention provisoire. On estime que 60% des prisonniers en Guinée font l’objet d’une détention provisoire prolongée. »

La principale prison de Conakry regorge de centaines de membres de l’opposition et de sympathisants arrêtés par les forces de sécurité au moment de la tenue du référendum constitutionnel de mars 2020 et des élections présidentielles d’octobre 2020. « Les gens sont entassés dans des conditions inhumaines et la hausse du nombre de morts est une conséquence prévisible », a constaté un avocat guinéen des droits humains représentant plusieurs détenus politiques.

Selon les médias guinéens, le 7 février, Mamadou Aliou Diaby, un détenu sourd et muet de la Maison centrale de Conakry, avait été retrouvé pendu, un drap noué autour du coup, et le 31 janvier, le corps de la cheffe cuisinière de la Maison centrale de Conakry, Mamadou Hawa Baldé, a été retrouvé sans vie dans un débarras de la prison. Les autorités ont promis de procéder à son autopsie pour établir les circonstances de sa mort, mais toujours selon les médias, Baldé fut inhumée le 1er février sans que ce fût le cas. Les autorités n’ont pas fait de déclaration publique au sujet de la mort de Diaby.

Human Rights Watch documente depuis des années les mauvaises conditions de détention à travers toute la Guinée, ainsi que les arrestations arbitraires, détentions, poursuites judiciairesmeurtresdisparitions forcées, menaces, harcèlement et intimidation dont sont victimes opposants et critiques du gouvernement.

Le 19 janvier, l’ambassade des États-Unis en Guinée s’est dite préoccupée par « les retards pris par les garanties de procédure régulière et le ciblage de l’opposition politique par le gouvernement », déclarant que la mort en détention de membres de l’opposition « remettait en question l’attachement de la Guinée à l’état de droit ». Le 21 janvier, l’Union européenne a exhorté les autorités à ouvrir des enquêtes sur la mort d’opposants politiques en détention et à rendre justice. Cet appel a été réitéré le 27 janvier par le ministre français des Affaires étrangères, qui a demandé aux autorités guinéennes de « faire la lumière » sur les décès survenus en détention, agitant la menace de « mesures » à l’encontre de Conakry.

Le 8 février, des membres de l’Organisation guinéenne des droits de l’homme (OGDH) se sont vus refuser l’accès à la Maison centrale de Conakry. « Les autorités pénitentiaires ont dit qu’une autorisation était nécessaire, mais les détenus ont le droit de recevoir des visites », a rappelé un représentant de l’OGDH à Human Rights Watch.

En vertu du droit national et international, notamment les Lignes directrices sur les conditions d’arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique de 2014 (« Lignes directrices Luanda »), adoptée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, les autorités guinéennes sont tenues de fournir aux détenus les mêmes soins de santé qu’aux personnes en liberté et, selon les normes internationales, la détention provisoire ne devrait être utilisée qu’en dernier recours. En vertu du droit international des droits humains, les autorités guinéennes ont l’obligation de mener une enquête crédible, approfondie et indépendante et de rendre compte de tout décès survenu en détention. Elle devrait identifier toute personne responsable si le décès était dû à une négligence ou à une action illégale et devrait conduire à des poursuites. L’absence d’enquêtes et de poursuites contre les responsables constituerait une violation des obligations de la Guinée de protéger les personnes contre la privation arbitraire de la vie et de fournir un recours utile.

Human Rights Watch a appelé l’ONU et l’Union africaine, y compris le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Rapporteur spécial de l’UA sur les prisons et les conditions de détention, à fournir une assistance technique et autre dans le cadre de l’enquête guinéenne, ou de mener leurs propres enquêtes si les autorités guinéennes n’agissent pas.

« La mort en détention de quatre prisonniers politiques en seulement deux mois montre que la santé et la sécurité des prisonniers sont gravement menacées en Guinée », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Les autorités guinéennes, avec le soutien de partenaires internationaux, devraient enquêter de toute urgence sur les décès récents de prisonniers et remettre en liberté tous ceux qui sont détenus uniquement pour avoir exercé leurs droits garantis par la Constitution à manifestement pacifiquement et à s’exprimer politiquement. »

Pour lire des informations plus approfondies et des témoignages, veuillez consulter la section ci-dessous.

Ibrahima Sow

Ibrahima Sow, un commerçant âgé de 62 ans, est décédé le 16 novembre à l’Hôpital Ignace Deen de Conakry, à la suite de son transfert depuis la Maison centrale de Conakry. Selon sa famille, il avait été arrêté le 24 octobre à son domicile du quartier Haifa Minière par des gendarmes qui l’accusaient d’appartenir à l’opposition politique.

L’arrestation a eu lieu le jour même où le président sortant Alpha Condé a été confirmé par la commission électorale guinéenne comme étant le vainqueur de l’élection présidentielle, sur fond de troubles publics dans plusieurs quartiers de Conakry, dont celui de Haifa Minière, où les partisans de l’opposition se sont livrés à des affrontements avec ceux du parti au pouvoir et les forces de sécurité.

Accusé de « rassemblement violent et illégal », Sow a été transféré le 25 octobre d’un poste de gendarmerie à la Maison centrale de Conakry, selon les membres de sa famille.

Après sa mort, le porte-parole du ministre guinéen de la Justice a déclaré dans un communiqué que Sow avait été testé positif au Covid-19 à son arrivée à la Maison centrale de Conakry. Le porte-parole a ajouté que Sow y avait été soigné au centre de santé pour les malades du coronavirus jusqu’à son rétablissement le 13 novembre, lorsqu’il a été ramené dans sa cellule. Selon le porte-parole, l’état de santé de Sow était surveillé par les médecins de la prison qui ont décidé de le transférer le 14 novembre à l’Hôpital Ignace Deen, où il a succombé à un diabète deux jours plus tard.

Cependant, quatre membres de la famille de Sow, ainsi que des organisations guinéennes de défense des droits humains et Amnesty International, affirment que la mort de Sow a été causée par des actes de torture ou des mauvais traitements subis en détention.

La fille de Sow, âgée de 32 ans, a confirmé que son père était atteint du Covid-19, pour lequel il avait été soigné au centre de santé de la prison. Mais selon elle également, celui-ci présentait de graves lésions indiquant des maltraitances et des actes de torture infligés la veille de sa mort :

Je suis allée à la Maison centrale pour rendre visite à mon père et lui apporter de la nourriture. Il était en bonne santé. La veille de sa mort, j’y suis retournée et j’ai été choquée de le trouver dans un état catastrophique. Il ne pouvait pas parler ; il ne pouvait ni bouger ni se lever. Ses bras étaient couverts de lésions, comme des brûlures. J’ai immédiatement appelé le médecin de la prison et lui ai demandé de faire quelque chose. Il a décidé de le transférer à l’Hôpital Ignace Deen. Je suis restée avec mon père jusqu’à son décès le lendemain vers 23 heures, à l’hôpital. Mon père n’a jamais souffert de diabète. Je ne sais pas pourquoi le médecin et les autorités ont dit qu’il était mort du diabète. Je pense que mon père a été torturé en détention.

Un médecin légiste qui a analysé six photographies des blessures sur les bras de Sow a déclaré qu’il avait observé « un ensemble de lésions qui semblent linéaires, parallèles les unes aux autres, et avec des cloques », suggérant selon lui des brûlures.

Lamarana Diallo

Lamarana Diallo, un chauffeur âgé de 22 ans, est décédé le 4 décembre, le jour même de sa remise en liberté de la Maison centrale de Conakry. Il avait été arrêté le 2 avril dans le quartier de Wanindara, à Conakry, lors des troubles ayant suivi le référendum controversé du 22 mars, mais était  disparu  depuis, selon des membres de sa famille qui se sont entretenus avec les médias et Amnesty International.

Les membres de la famille de Diallo ont déclaré aux médias que des gardiens de prison l’avaient ramené au domicile de sa sœur dans le quartier de Wanindara, à Conakry, le 4 décembre, expliquant qu’il venait juste d’être libéré de la Maison centrale. Des proches ont déclaré que Diallo était en très mauvaise santé, qu’il présentait des lésions sur tout le corps et que manquaient certaines de ses dents de devant. Une information confirmée à Human Rights Watch par une femme de 29 ans qui a aidé Diallo à son arrivée au domicile de sa sœur :

J’étais dans la rue quand j’ai vu deux gardiens de prison avec Diallo. L’un d’entre eux posait des questions sur la sœur de Diallo. J’ai proposé mon aide parce que je connais la sœur de Diallo. C’est une commerçante, comme moi. Nous vendons tous les deux nos produits sur le même marché. La sœur me disait que son frère, que j’avais vu une fois, avait disparu depuis son arrestation. […] J’ai dit aux gardiens où était la sœur. Quand j’ai regardé Diallo, j’ai été surpris de voir qu’il pouvait à peine marcher et parler. Il avait l’air extrêmement fatigué et ses dents de devant avaient disparu. Les gardiens ont escorté Diallo chez sa sœur qui l’a ramené à la maison. J’y suis allée pour aider, parce que Diallo avait l’air vraiment malade. Sa sœur et moi l’avons lavé et essayé de l’aider, tandis que le frère de Diallo appelait un médecin. Son corps était couvert de blessures ; sa main gauche paralysée. Il avait besoin d’aide pour se lever. Il nous a dit que les gardiens de prison l’avaient passé à tabac. « Ils m’ont frappé, mais je n’ai rien fait », a-t-il dit. La sœur de Diallo pleurait. Lorsque le médecin est arrivé vers 21 heures, je suis rentré chez moi. La sœur de Diallo m’a appelé après minuit pour m’informer que Diallo était décédé.

Selon les médias locaux, le corps de Diallo a été inhumé le 5 décembre au cimetière de Wanindara.

Roger Bamba

Membre éminent de l’UFDG, le principal parti d’opposition guinéen, et assistant parlementaire, Roger Bamba est décédé à l’Hôpital Ignace Deen de Conakry, où il avait été transféré de la Maison centrale de Conakry aux premières heures du 17 décembre.

Selon le porte-parole du ministre guinéen de la Justice, Bamba aurait succombé à « une cirrhose du foie ». Mais des membres de sa famille, des amis proches, des avocats et des membres de l’UFDG ont déclaré à Human Rights Watch que Bamba ne souffrait pas de cirrhose préalablement à son arrestation, estimant qu’il s’était vu refuser des soins de santé indispensables en détention. Le président de l’UFDG, Cellou Diallo, a également corroboré cette absence de soins.

L’épouse de Bamba a déclaré à Human Rights Watch :

Mon mari était en bonne santé avant son arrestation. Je lui ai rendu visite en prison et il était en bonne santé. Il m’a appelé de là vers 20 heures, en disant : « Je suis malade. » Je suis allé à l’hôpital et pouvais à peine le reconnaître. Il avait changé, son visage et son corps avaient changé. Son ventre était enflé. J’étais sous le choc. Le médecin a dit qu’il avait besoin d’une transfusion sanguine. Je suis allé chercher le sang et suis rentrée à l’hôpital vers 22 heures avec [le sang]. Le médecin a dit qu’il devait attendre avant de procéder à la transfusion. Roger souffrait vraiment. J’étais à côté de lui. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas respirer. Il est mort après minuit.

Selon deux membres de l’UFDG et deux de ses proches, Bamba avait été arrêté en septembre par des policiers au bureau du Secrétaire général de l’Assemblée nationale guinéenne, à la suite d’un échange de messages avec un membre du parti au pouvoir. Accusé de « produire, diffuser et rendre disponibles des déclarations susceptibles de causer des troubles à l’ordre public et à la sécurité », il avait été détenu au commissariat de police judiciaire de Conakry pendant une journée avant d’être transféré à la Maison centrale.

Le 22 décembre, sa famille et ses avocats ont écrit au président du Tribunal de première instance de Dixinn pour demander qu’une autopsie soit pratiquée afin d’établir les circonstances du décès de Bamba. Le 28 décembre, cependant, la famille et les avocats ont retiré cette demande.

« Lorsqu’un représentant du ministre de la Justice déclare publiquement et dit aux médias que Bamba est mort d’une cirrhose, quel intérêt à pratiquer une autopsie ? », a déclaré à Human Rights Watch un ami proche et collègue de Bamba. « [Les autorités] semblaient déjà connaître les causes du décès avant qu’un médecin légiste ne puisse les établir. Cela a découragé la famille, la poussant à renoncer à l’autopsie. »

Le corps de Bamba a été inhumé le 10 janvier dans son village natal de Lola, en Guinée forestière.

Mamadou Oury Barry

Le 5 août, dans le quartier de Coza de Conakry, des gendarmes ont arrêté Mamadou Oury Barry, un chauffeur âgé de 21 ans, soupçonné d’avoir participé à des manifestations violentes antigouvernementales dirigées par l’opposition. Il a été placé en détention dans une brigade de gendarmerie à Conakry jusqu’au 7 août, date à laquelle il a été transféré à la Maison centrale. Selon son avocat, Barry a été accusé « d’agression volontaire et de coups et blessures ».

Trois membres de la famille de Barry ont déclaré à Human Rights Watch que Barry n’avait pas reçu de soins médicaux suffisants en détention, et était décédé dans sa cellule le 16 janvier. La mère de Barry a fait le récit suivant :

Le 14 janvier, mon fils m’a appelé et m’a dit qu’il avait mal au ventre. Je suis allée à la prison et j’ai demandé aux gardiens de l’emmener à l’hôpital. Ils ont répondu qu’ils le conduiraient au centre de santé de la prison. Mais je savais que le centre de santé n’était pas optimal et qu’il n’y avait pas de médicaments disponibles. Alors, j’ai acheté des médicaments avec l’intention de les ramener à la prison pour mon fils le lendemain. Mais quand j’ai apporté le médicament, le 15 janvier, j’ai été refoulée. Les gardiens de prison ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas les accepter en l’absence d’ordonnance. Le 16 janvier, vers 14 heures, un détenu qui partageait la cellule avec mon fils m’a appelée pour me dire que mon fils était mort. Alors, j’ai appelé un gardien de prison qui a confirmé l’information et m’a dit que le corps avait été transporté à la morgue de l’Hôpital Ignace Deen.

D’après un membre de la famille qui a identifié le corps à la morgue de l’hôpital le 16 janvier, les employés lui ont dit que le corps de Barry y avait été déposé depuis la Maison centrale de Conakry. Mais les autorités ont déclaré qu’il était décédé à l’hôpital de « causes naturelles ».

Après la mort de Barry, les membres de sa famille se sont adressés aux médias locaux pour dénoncer sa mort en détention et le manque de soins médicaux adéquats. L’oncle de Barry a déclaré à Human Rights Watch avoir rencontré, le 18 janvier, le directeur de la Maison centrale de Conakry dans son bureau pour discuter de la manière de récupérer le corps de Barry à la morgue. L’oncle a poursuivi : « Il m’a dit que, compte tenu des déclarations publiques de la famille, il serait compliqué de récupérer le corps. Il a suggéré que la famille publie une rétractation publique ou amende ses déclarations initiales disant que Barry n’était pas mort à l’hôpital, mais en prison. »

Le 19 janvier, la famille de Barry a déposé une demande officielle auprès du procureur du Tribunal de première instance de Dixinn pour récupérer le corps de Barry à la morgue. La famille a finalement pu l’inhumer le 2 février.

Human Rights Watch 17 mars 2021





Récits du camp Boiro: du témoignage à l’écriture de l’Histoire [Florence PARAVY]


Choix et partage de lectures


Avec une histoire glorieuse mais aussi douloureuse, la Guinée doit affronter son passé avec la plus grande lucidité. Le site Guinée Politique fait du partage de ses lectures, une rubrique pédagogique pour offrir à ses lecteurs de la matière à débattre.


« De 1958 à 1984, Ahmed Sékou Touré, dont la dictature fut l’une des plus sanglantes d’Afrique, fait vivre la Guinée au rythme des vagues de répression, liées à de multiples complots le plus souvent imaginaires. La période de terreur la plus intense s’étend de 1970 à 1977, le régime remplissant alors sans relâche les différentes prisons du pays, dont peu de détenus ressortiront vivants. Or les témoignages sur ces camps de la mort, notamment celui de Boiro, sont nombreux et d’autant plus intéressants que le statut de leurs auteurs est très différent, non seulement par rapport au régime de Sékou Touré, mais aussi à l’égard des faits même qu’ils rapportent. La confrontation de ces textes permet de mieux saisir jusqu’à quel point leur concordance peut ici faire office de preuve et leur donner le statut de documents « au premier degré », c’est-à-dire fournissant des données dont l’exactitude ne peut guère être mise en doute.

Cependant, certains auteurs n’échappent pas à la tentation du romanesque, à une forme de fictionnalisation qui tient à distance la lecture de type strictement historique. Enfin, la personnalité des auteurs et leurs partis pris idéologiques engendrent des différences sensibles quant à leur interprétation de l’histoire guinéenne. C’est à ce titre que les ouvrages sont alors des documents « au second degré », reflétant les traces diverses, voire divergentes, que cette histoire a laissées dans la mémoire collective. »

Florence PARAVY présente dans ce texte les incidences politiques de l’écriture, le témoignage, la tentation du romanesque, et l’écriture de l’Histoire.


« La diversité des analyses politiques et des regards portés sur la personnalité de Sékou Touré reflète toute la complexité d’une conscience collective où s’entremêlent adulation et haine, aveuglement et lucidité, aveu et déni de culpabilité, complexité qui perdure encore aujourd’hui [ ] »

Paravy, F. (2008). Récits du camp Boiro : du témoignage à l’écriture de
l’Histoire. Études littéraires africaines, (26), 34–41.


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La photo d’illustration de cette publication est un choix de notre rédaction.





Journalistes condamnés: «stupéfaction» et «indignation» dans la presse privée guinéenne


Déclaration


Les Associations professionnelles de la presse privée guinéenne (URTELGUI, AGUIPEL, AGEPI, REMIGUI, APAC-Guinée, SPPG, UPF, UPLG), ont, avec stupéfaction et indignation, pris connaissance de la condamnation pour diffamation, par le TPI de Kaloum, ce mercredi, 13 janvier 2021, de trois journalistes de la Radio Nostalgie Guinée, à ‘’deux mois de prison assortie de sursis et à une amende de 500 000 GNF, chacun’’. Il s’ agit de :

1- Thierno Madjou BAH

2- Ibrahim Sory Lincoln Soumah

3- Sidi Diallo.

Nous, Associations de presse, au nom de l’ensemble de notre corporation, rejetons fermement et catégoriquement, ce procès et ce verdict qui ont curieusement eu pour base et fondement le Code pénal, le code de procédure pénale et la L002.

Nous rappelons que le délit de diffamation reproché à ces trois journalistes, ne doit être examiné et sanctionné qu’au visa de la seule loi 002, portant Liberté de presse en Guinée.

Par conséquent, l’URTELGUI, l’AGUIPEL, l’AGEPI, le REMIGUI, l’APAC-Guinée, le SPPG, UPF, UPLG exigent l’annulation de ce verdict très mal à propos, qui rappelle d’ailleurs, les épreuves vécues ces dernières années par la presse guinéenne, dans des affaires judicaires antérieures, ayant fait l’objet d’un traitement attentatoire à la liberté des journalistes en Guinée.

Les Associations de la presse guinéenne expriment leur totale solidarité et leur soutien résolu aux trois journalistes dont elles saluent en même temps, le civisme tout au long de ce curieux procès de plus de 2 ans.

En fin, les Associations de presse se tiennent aux côtés des Avocats de nos trois confrères, pour obtenir l’annulation de ladite condamnation et, elles se réservent le droit d’entreprendre toute action légale visant à dénoncer ce verdict liberticide.


Signataires

URTELGUI

AGUIPEL

AGEPI

REMIGUI

APAC-Guinée

SPPG

UPF

UPLG





Sidy Souleymane Ndiaye, figure tristement célèbre de la justice guinéenne au service de la dictature


Justice


Sidy Souleymane Ndiaye est la figure tristement célèbre de cette justice aux ordres d’un pouvoir exécutif illégitime et illégal. A l’instar des responsables de la police et de la gendarmerie, ce procureur est l’un des bras répressifs du régime de Alpha Condé.

Ce mercredi, ce multirécidiviste de la répression d’État vient d’obtenir la condamnation de deux activistes pro-démocratie et membres du FNDC. Souleymane Condé et Youssouf Dioubaté sont condamnés à un an de prison ferme et au paiement par chacun d’une amende de 20 millions de francs guinéens.

Il faut rappeler que ces opposants au 3ème mandat de Alpha Condé ont passé près de quatre mois à la maison centrale de Conakry.

Selon la justice de la dictature, ils sont coupables de «production, diffusion, et mise à la disposition d’autrui de données et nature à troubler l’ordre et la sécurité publique».

Pour l’avocat de la défense Maître Salifou Béavogui, cette décision de justice est injuste, inique et cynique «Nos clients sont simplement arrêtés pour leur conviction et opinions politiques. [  ] ce n’est pas le droit qui a parlé, c’est l’injustice qui a triomphé. »

Quant à Maître Traoré, il se dit choqué mais pas surpris par cette décision. Pour lui, ce sont des innocents qui ont été condamnés. Il dit regretter que « la machine judiciaire continue à être mise à contribution pour broyer des opposants ».

Les avocats ont annoncé qu’ils feront appel de cette décision.


Le Chérif