Massacre du 28 septembre 2009 : la France, les Etats-Unis et l’Union européenne appellent à « la tenue d’un procès sans tarder »

Communiqué conjoint

A l’occasion du dixième anniversaire de ce jour tragique, les Ambassades des Etats-Unis, de France et la Délégation de l’Union Européenne expriment leurs condoléances les plus sincères aux victimes du massacre du stade du 28 septembre 2009 ainsi qu’à leurs familles.

Nous soulignons l’importance de la tenue d’un procès sans plus tarder, afin que les auteurs présumés de ces crimes puissent répondre dans les plus brefs délais de leurs actes devant la justice.

Nous réitérons notre engagement à coopérer étroitement avec les autorités et la justice guinéennes en vue de garantir l’organisation d’un procès transparent et équitable.

 

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Alpha Condé et son référendum

Massacre du 28 septembre 10 ans après




Guinée : Dix ans après le massacre du stade, la justice n’a toujours pas été rendue

Les familles des victimes du massacre commis en septembre 2009 par les forces de sécurité guinéennes, qui ont tué plus de 150 personnes manifestant dans un stade de la capitale, Conakry, attendent toujours qu’on leur rende justice dix ans plus tard, ont déclaré aujourd’hui six organisations de défense des droits humains. Pour marquer le dixième anniversaire du massacre, les organisations ont diffusé une vidéo dans laquelle des victimes demandent l’ouverture du procès.

Des centaines de personnes ont été blessées et plus d’une centaine de femmes ont été victimes de viol et d’autres formes de violences sexuelles lors de ce déferlement de violence qui a démarré le 28 septembre 2009 et s’est étalé sur plusieurs jours.

Les six organisations sont l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 (AVIPA), l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH), Les Mêmes droits pour tous (MDT), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Amnesty International et Human Rights Watch.

« Une décennie s’est écoulée depuis le massacre du stade de Conakry, mais pour ceux qui ont perdu leur fils, fille, père ou mère, l’horreur de ce jour reste à jamais gravée dans leur mémoire », a déclaré Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA. « Dix ans, c’est trop long lorsqu’on a soif de justice. Nous avons droit à ce que les responsables de ces atrocités rendent des comptes. »

Peu avant midi, le 28 septembre 2009, plusieurs centaines d’agents des forces de sécurité guinéennes ont ouvert le feu sur des dizaines de milliers de personnes rassemblées pacifiquement dans le stade pour protester contre l’intention de Moussa Dadis Camara, alors chef de la junte au pouvoir, de se présenter à l’élection présidentielle. Les forces de sécurité ont également violé des femmes, individuellement ou collectivement, y compris au moyen d’objets tels que des matraques ou des baïonnettes.

Les forces de sécurité se sont ensuite attelées à une opération organisée de dissimulation, dans le but de cacher l’ampleur des tueries, en bouclant tous les accès au stade et aux morgues et en emportant les corps pour les enterrer dans des fosses communes, dont beaucoup doivent encore être identifiées.

L’enquête menée par des juges d’instruction guinéens, ouverte en février 2010 et bouclée fin 2017, a progressé lentement en raison d’obstacles politiques, financiers et logistiques. Mais dans un pays où les crimes impliquant les forces de sécurité restent largement impunis, sa clôture a envoyé un signal fort et levé les espoirs que l’ouverture d’un procès qui pourraient rendre justice aux victimes serait proche.

En avril 2018, l’ancien ministre de la Justice Cheick Sako a mis en place un comité de pilotage chargé d’organiser le procès sur le plan pratique. Ce comité a décidé qu’il se tiendrait à la Cour d’appel de Conakry.

Pourtant, presque deux ans après la clôture de l’enquête, la date du procès n’est toujours pas fixée. Alors que le comité de pilotage est censé se réunir chaque semaine, il ne le fait que par intermittence.

Même si en juillet la Cour suprême guinéenne a écarté tous les recours judiciaires liés à la clôture de l’instruction, les juges qui présideront le tribunal n’ont toujours pas été désignés.

Certains survivants sont décédés pendant que l’affaire continue de traîner en longueur. Un résumé chronologique des événements peut être consulté ici.

Les victimes expliquent dans la vidéo en quoi obtenir justice pour ces crimes est si importante pour elles :

« Depuis ce jour, nous pleurons et nous voudrions pouvoir sécher nos larmes, nous espérons obtenir justice. »

« Je demande encore au président de la République de penser à nous, les victimes du 28 septembre. »

« La proclamation de la date, c’est ce qui est très important. On dit à partir de tel jour, tel mois, le procès va commencer. À partir de cet instant, ça va nous donner beaucoup d’espoir d’aller [vers] le procès. »

Plus de 13 suspects ont été inculpés, dont Dadis Camara, l’ancien chef de la junte appelée Conseil national pour la démocratie et le développement, qui gouvernait la Guinée en septembre 2009, ainsi que son vice-président, Mamadouba Toto Camara. Plusieurs individus inculpés de charges liées aux homicides et aux viols occupent toujours des postes d’influence, y compris Moussa Tiégboro Camara, Secrétaire général chargé des Services spéciaux de lutte contre le grand banditisme et les crimes organisés.

L’aide de camp de Dadis Camara, Abubakar « Toumba » Diakité, a également été inculpé. Il a été extradé vers la Guinée en mars 2017, après plus de cinq ans de cavale. Quatre autres individus sont en détention à la Maison Centrale de Conakry, respectivement depuis 2010, 2011, 2013 et 2015 dans le cadre de l’affaire du 28 septembre. Leur détention provisoire est illégale dans la mesure où elle excède la durée maximale prévue par la loi guinéenne, soit 18 à 24 mois en matière criminelle, en fonction du chef d’inculpation. Ils doivent pouvoir être jugés de façon équitable dans les plus délais.

Le 14 août 2019, lors d’une réunion du comité de pilotage, Mohammed Lamine Fofana, le nouveau ministre de la Justice, a réitéré l’engagement du président Alpha Condé vis-à-vis du procès et promis que des « préparations concrètes » commenceraient immédiatement.

Le gouvernement et les partenaires internationaux de la Guinée, notamment l’Union européenne et les États-Unis, ont déjà mis de côté des fonds essentiels pour que le procès puisse avoir lieu.

« La date du procès doit être fixée et des juges nommés pour juger l’affaire », a déclaré Frédéric Foromo Loua, président de MDT. « Par ailleurs le comité de pilotage devrait répondre aux éventuels besoins en suspens en matière de bâtiments et organiser les procédures de logistique et de sécurité en vue du procès. Enfin il faudrait prendre les mesures adéquates pour assurer la participation de Dadis Camara, qui est actuellement en exil au Burkina Faso ».

La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête préliminaire sur la situation en Guinée en octobre 2009. La CPI agissant comme un tribunal de dernier recours, elle ne prendrait le relais que si les juridictions nationales ne peuvent pas, ou ne veulent pas, instruire et juger les affaires pour lesquelles elles sont compétentes.

« Le procès du 28 septembre 2009 nécessite un appui politique au plus haut niveau afin de démarrer », a conclu Abdoul Gadiry Diallo, président de l’OGDH. « Le président Condé a affirmé auparavant son engagement à mettre fin à l’impunité. Le président doit agir en faveur des victimes en appuyant sans équivoque l’ouverture du procès et le ministre de la Justice doit s’assurer qu’il s’ouvre dans les plus brefs délais. »

Source : communiqué FIDH




Amnesty International dénonce l’usage excessif de la force contre des manifestants en Guinée

Cette année encore, les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre des manifestants. Des journalistes, des défenseurs des droits humains et d’autres personnes qui s’étaient exprimées contre le gouvernement ont été arrêtés arbitrairement. L’impunité demeurait monnaie courante. Le droit à un logement convenable n’était pas respecté.

Contexte

Le report des élections locales à février 2018 et les spéculations sur l’éventuelle candidature du président Alpha Condé à un troisième mandat lors de la prochaine élection présidentielle ont provoqué des tensions sociales et politiques.

Liberté de réunion

Au moins 18 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées pendant des manifestations. En février, sept personnes ont été tuées à Conakry, la capitale du pays, lors de manifestations liées à une grève contre la décision des autorités de revoir les conditions d’emploi des enseignants et de fermer des écoles. Les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes et des matraques et ont procédé à des tirs à balles réelles pour disperser les manifestants.

Le 20 février, la police a interpellé sept défenseurs des droits humains membres du mouvement La voix du peuple, à l’origine d’un sit-in organisé à Conakry pour demander la réouverture des écoles. Ils ont été inculpés de « trouble à l’ordre public » avant que les charges soient requalifiées en « participation à un attroupement illégal ». Ils ont été libérés le soir même. Trois jours après sa remise en liberté, l’un d’entre eux, Hassan Sylla, journaliste à la télévision nationale, a été suspendu de ses fonctions pour six mois pour faute grave ; aucune explication n’a été fournie.

Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles lors de violentes manifestations organisées en avril, en mai et en septembre pour dénoncer les conditions de vie difficiles dans la région de Boké. Quatre hommes au moins sont décédés des suites de blessures par balles.

Le 22 août, l’ancien militaire et syndicaliste Jean Dougou Guilavogui a été interpellé à Matoto, une commune de la capitale, et emmené dans un centre de détention de la gendarmerie. Inculpé de « participation à un attroupement illégal », il a été maintenu en détention sans jugement à la Maison centrale, la principale prison de Conakry, jusqu’à sa libération sous caution le 21 décembre.

Liberté d’expression

Des journalistes, des défenseurs des droits humains et d’autres personnes qui s’étaient exprimées contre le gouvernement ont été roués de coups et détenus arbitrairement. Au moins 20 personnes ont été arrêtées pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression et 20 autres ont été victimes de violences policières.

En février, une journaliste de Radio Lynx FM, Mariam Kouyaté, a été interpellée par des agents de sécurité alors qu’elle enquêtait à Conakry sur les services de santé de l’hôpital Ignace Deen. Comme elle refusait de remettre sa carte de presse et son matériel d’enregistrement, elle a été conduite à un poste de police pour y être interrogée, avant d’être libérée sans inculpation le jour même. En mai, Aboubacar Camara, un journaliste de Gangan TV, a été frappé par des gendarmes alors qu’il filmait une altercation au sujet d’un conflit foncier dans la banlieue de Conakry durant laquelle les forces de sécurité lui semblaient faire usage d’une force excessive. Les gendarmes l’ont contraint à monter dans leur véhicule, emmené à la gendarmerie et relâché un peu plus tard après avoir détruit ses enregistrements.

En juin, la Haute autorité de la communication a suspendu de ses fonctions pour un mois un présentateur de la radio Espace FM, Mohamed Mara, au motif qu’il s’était montré « insultant » lors d’un débat sur la polygamie diffusé à la radio. En novembre, l’Autorité a ordonné à la station de radio de cesser d’émettre durant une semaine parce qu’elle avait évoqué le manque de moyens des armées, ce qui était susceptible de porter atteinte à la sécurité de l’État et de saper le moral des forces armées. En juillet, la télévision nationale a suspendu l’un de ses journalistes, Alia Camara, qui avait dénoncé le faible taux de réussite au baccalauréat.

Le 27 juin, à Lélouma, les gendarmes ont arrêté Amadou Sadio Diallo, un journaliste de guinéematin.com accusé de « trouble à l’ordre public » pour avoir fait état d’une possible épidémie de choléra, ce que les autorités ont qualifié de « fausse nouvelle ». Amadou Sadio Diallo a été relâché le lendemain.

Le 30 octobre, quatre journalistes de Gangan TV ont été arrêtés par les gendarmes à Matam, une commune de Conakry, et accusés de diffusion de fausses nouvelles et d’outrage au chef de l’État parce qu’ils auraient propagé des rumeurs annonçant le décès d’Alpha Condé. Trois d’entre eux ont été relâchés quelques heures plus tard et le quatrième a été remis en liberté le lendemain. Au moins 18 journalistes qui s’étaient rassemblés à la gendarmerie de Matam en solidarité avec leurs confrères ont été roués de coups par des membres des forces de sécurité, qui ont également détruit leur matériel.

Évolutions législatives

En juin, l’Assemblée nationale a adopté un nouveau code de justice militaire, dont la promulgation signifierait l’abolition effective de la peine capitale. Certaines dispositions de ce code étaient toutefois susceptibles de fragiliser les droits à un procès équitable et à la justice, notamment en permettant la comparution de civils devant des juridictions militaires.

Impunité

En février, un capitaine de la brigade anticriminalité de Kipé, un quartier de Conakry, a été arrêté et inculpé pour des actes de torture commis sur un homme en garde à vue en mars 2016. Au moins 10 autres gendarmes et policiers avaient été suspendus à la suite de ces faits, mais aucun n’a été déféré devant un juge.

Des progrès ont été réalisés dans l’affaire du massacre commis au stade de Conakry en septembre 2009, lors duquel plus de 150 manifestants non violents avaient été tués et au moins 100 femmes violées. En mars, le Sénégal a extradé Aboubacar Sidiki Diakité, qui était en fuite depuis des années, pour qu’il puisse répondre en Guinée d’accusations liées aux événements survenus dans le stade. Cet homme avait été l’aide de camp de Moussa Dadis Camara, qui était à la tête de la junte militaire en 2009. Plusieurs personnes inculpées de charges liées aux homicides et aux viols occupaient toujours des postes d’influence, y compris d’anciens hauts responsables de la junte militaire comme Mathurin Bangoura, Moussa Tiégboro Camara et Claude Pivi. En novembre, les juges d’instruction ont annoncé que l’information judiciaire était terminée ; toutefois, aucun des auteurs présumés n’avait été traduit en justice à la fin de l’année.

En septembre, un collectif de victimes a intenté une action contre Sékouba Konaté, qui avait été ministre de la Défense en 2009 et président de la transition en 2009 et 20101.

Les procédures judiciaires engagées contre des membres des forces de sécurité pour des violations des droits humains commises lors de manifestations organisées à Conakry entre 2011 et 2017 et à Zogota en 2012, et lorsque les forces de sécurité occupaient le village de Womey en 2014, n’ont pas progressé.

Droits en matière de logement

En août, au moins 10 personnes, dont au moins 2 enfants, ont été tuées dans l’éboulement d’une décharge à Dar es Salam, un quartier de Conakry. En septembre, le porte-parole du gouvernement a reconnu un échec des services d’assainissement. Le directeur national du service chargé des actions humanitaires au sein du ministère de l’Administration du territoire a déclaré que les habitants encore sur place devraient être expulsés sans délai.

  1. Guinée. Huit ans plus tard, justice doit être rendue pour le massacre (communiqué de presse, 27 septembre)

Rapport Amnesty International 2017-2018

 




Un arrêté ministériel lance les préparatifs du procès du massacre du stade de Conakry

La création d’un comité de pilotage pour l’organisation du procès du massacre du 28 septembre 2009 était attendue depuis la clôture de l’instruction judiciaire en novembre 2017. Elle doit permettre l’ouverture du procès en 2018, comme les autorités guinéennes s’y sont engagées.

Par un arrêté du 9 avril 2018 (N°/2018/3173/MJ/CAB), Cheick Sako, le ministre guinéen de la Justice, a mis en place un Comité de pilotage du procès des événements du 28 septembre 2009. Ce comité est notamment en charge de l’organisation, de la sécurisation et du financement du procès.

“Après la clôture de l’instruction en novembre 2017, la création de ce Comité de pilotage est un nouveau signal fort pour les victimes. Nous entrons maintenant dans la phase très concrète de l’organisation du procès. Nous nous félicitons de cette décision et appelons le Comité de pilotage à proposer au plus vite un agenda tenant compte de l’immense attente des victimes, bientôt 9 ans après le massacre.” Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA

 

Le Comité de pilotage est composé de 13 membres, dont le ministre et des représentants d’institutions nationales et internationales, et notamment le Haut commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme. En revanche, un seul représentant de la société civile y participera, et nos organisations demandent au ministère de la Justice de veiller à ce qu’il ou elle soit issue d’une association de victimes, afin de garantir la prise en compte de leurs préoccupations. L’arrêté prévoit que le comité se réunisse une fois par semaine dès son installation, devant ainsi permettre des progrès rapides.

“L’instruction judiciaire a duré de longues années, mais a permis la mise en cause des principaux responsables présumés du massacre, y compris Moussa Dadis Camara. Il n’y a désormais plus de temps à perdre pour l’organisation d’un procès historique pour la Guinée et plus largement pour l’Afrique. La feuille de route et la fréquence prévue des réunions du Comité sont des gages importants pour y parvenir.” Me Drissa Traore, vice président de la FIDH

 

Nos organisations accompagnent 450 victimes constituées parties civiles dans cette procédure. L’une d’entre elles est décédée à Conakry hier, jeudi 12 avril, alors qu’elle faisait l’objet d’un suivi médical, portant à près d’une dizaine le nombre de victimes décédées depuis 2009. Nos organisations leur rendent hommage et appellent les autorités à garantir l’ouverture rapide du procès. Elles tiennent à la disposition du Comité une série de recommandations quant à l’organisation de celui-ci.

Cet communiqué a été publié initialement sur le site fidh.org

Crédit photo: © FIDH/Tommy Trenchard

Sékou Chérif Diallo

sekoucherif@guineepolitique.com