Répression et censure : l’Internet et les médias privés dans le collimateur de la junte en Guinée


Par Sékou Chérif Diallo


Depuis le putsch militaire du 5 septembre 2021, la Guinée s’enlise dans un régime autoritaire sous la coupe de la junte conduite par le colonel Mamadi Doumbouya, fraîchement autoproclamé Général de corps d’armée. La population guinéenne, qui espérait une transition rapide vers un pouvoir civil démocratiquement élu, a vu ses attentes anéanties par la spirale dictatoriale imposée par le nouvel homme fort du pays et son cercle restreint.

La junte au pouvoir multiplie les violations des libertés fondamentales, à commencer par la liberté de la presse et d’expression, socle de toute démocratie. Sous la férule du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), l’appareil judiciaire est dévoyé pour museler toute opposition. En deux ans, de nombreuses figures de la société civile et leaders de l’opposition ont ainsi été arbitrairement appréhendées, jetées en prison, quand elles n’étaient pas contraintes à l’exil.

Les médias indépendants et les journalistes sont dans le collimateur du pouvoir. Le CNRD impose une chape de plomb sur l’information, étouffant le paysage médiatique et la liberté de la presse. Tout article ou reportage critiquant le régime s’expose à la censure et aux représailles. Cette politique de muselage conduit de nombreux organes de presse à l’asphyxie économique.

Depuis fin novembre 2022, la liberté de la presse est gravement menacée en Guinée. Les signaux de plusieurs radios indépendantes comme FIM FM, Djoma FM, Espace FM et Évasion sont brouillés, rendant leurs programmes inaudibles. Selon l’Union des radios et télévisions libres de Guinée (URTELGUI), ces brouillages sont délibérés et probablement perpétrés par l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT). Les chaînes de télévision Djoma, Evasion et Espace ont été arbitrairement retirées des bouquets de Canal+ et StarTimes pour de vagues motifs de “sécurité nationale”. 

Le 18 janvier 2024, la Maison de la presse à Conakry a été prise d’assaut par les forces de l’ordre, qui ont séquestré une trentaine de journalistes à l’intérieur. Neuf reporters présents aux alentours ont également été appréhendés puis relâchés. La veille, les radios Espace FM et FIM FM, brouillées depuis des semaines, ont été piratées afin de diffuser des chants nationalistes (militaires) plutôt que leurs programmes habituels.

Sekou Jamal Pendessa, secrétaire général du syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG), est incarcéré depuis le 19 janvier 2024. Inculpé le 22 janvier pour “participation à une manifestation interdite” et “publication de données menaçant la sécurité”, il a été placé sous mandat de dépôt à la prison de Conakry. Son arrestation s’inscrit dans un climat de répression généralisée de la liberté d’expression et de réunion pacifique en Guinée, un climat de terreur généralisé envers les médias critiques du régime : restrictions récurrentes à l’accès à internet, censure des médias, arrestations de journalistes.

Face à cette escalade répressive marquée par la censure et les restrictions d’accès à l’information, Reporters sans frontières (RSF) et Amnesty International dénoncent ces entraves répétées à l’information plurielle constituant de “graves atteintes à la liberté d’informer” et condamnent la dérive autoritaire des autorités guinéennes et leur volonté manifeste de faire taire toute opposition.

La Haute Autorité de la Communication (HAC), aux côtés de la justice du CNRD, est devenue l’un des instruments de la répression. Elle convoque régulièrement les journalistes pour les intimider. Le message est clair : les “lignes rouges” fixées par le CNRD, qui sont autant de limites à la liberté de la presse, ne doivent pas être franchies.

Autre stratégie dictatoriale visant à entraver l’information : les autorités imposent des restrictions récurrentes à l’accès à Internet et aux réseaux sociaux. Ces limitations portent une grave atteinte à des outils devenus indispensables pour informer et s’informer. Ce blocage à répétition  “déconnecter tout le monde pour mieux régner” traduit les inquiétudes du régime face aux informations échappant à son contrôle. En effet, sans le recours à un réseau privé virtuel (VPN), les plateformes de Meta (WhatsApp, Messenger, Facebook, Instagram) et de ByteDance (TikTok) sont inaccessibles dans le pays depuis le 24 novembre dernier. Ce “verrouillage numérique” vise clairement à couper les citoyens des canaux d’information critiques du gouvernement.

Face à la gravité toujours croissante des atteintes à la liberté de la presse et au droit à l’information, la junte au pouvoir continuant d’accentuer la répression, seule une large mobilisation citoyenne semble en mesure de freiner cette dérive autoritaire et d’accélérer le retour à l’ordre constitutionnel. Le pays gagnerait à voir l’opposition politique et les organisations de la société civile s’unir pour former un front démocratique visant à dénoncer fermement les exactions du régime et défendre les droits fondamentaux bafoués du peuple de Guinée.


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Démocratie en Afrique: entre transitions inachevées et résurgences autoritaires


Par Sékou Chérif DIALLO


L’Afrique de l’Ouest est confrontée depuis plusieurs années à une recrudescence inquiétante des coups d’État militaires. En 2023 seulement, les dirigeants du Niger et du Gabon ont été renversés par des putschs. Au total, six pays de la région ont vu leur régime déposé par l’armée en seulement quatre ans.

Cette instabilité politique sévère affecte particulièrement des États déjà fragilisés par la menace jihadiste et les crises économiques, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger. L’insurrection islamiste qui déstabilise le Sahel depuis plusieurs années semble avoir catalysé les velléités putschistes de certains hauts gradés.

La Guinée illustre bien les causes profondes de cette résurgence des coups d’État. Avant d’être renversé en 2021, le régime du président Alpha Condé était confronté à une contestation grandissante en raison de la corruption, du népotisme et de la dérive autoritaire du pouvoir.

La Guinée a connu de nombreux coups d’État dans son histoire récente, reflétant l’instabilité politique et le manque de démocratie véritable dans ce pays. Cependant, légitimer ces prises de pouvoir par la force pourrait banaliser des pratiques dangereuses pour les droits humains et le bien-être des citoyens, comme l’ont montré les régimes autoritaires issus des coups d’État de 1984 et 2008.

Depuis les années 1990, une vague de démocratisation a pourtant traversé l’Afrique subsaharienne, rompant avec des décennies de régimes autoritaires hérités des indépendances. Plus de trente ans après le début de ce mouvement historique, il convient de dresser un premier bilan sur les progrès et les limites de la démocratisation en Afrique subsaharienne.

Si des progrès certains sont incontestables, de nombreux observateurs soulignent la fragilité des expériences démocratiques émergentes, régulièrement battues en brèche par des logiques autoritaires persistances. Entre espoirs suscités et résistances constatées, le processus chaotique de démocratisation semble donc loin d’être achevé et irréversible.

Entre avancées indéniables et fragilités persistantes

Sous la pression conjuguée des revendications citoyennes locales et de la communauté internationale, la plupart des régimes africains ont été contraints d’entreprendre des réformes politiques d’ouverture démocratique. Cette période a été marquée par l’adoption de nouvelles constitutions, la légalisation du multipartisme et l’organisation régulière d’élections pluralistes dans la grande majorité des pays du continent.

A première vue, ces changements peuvent apparaître comme les signes tangibles d’une transition démocratique profonde. Pourtant, de nombreux analystes politiques soulignent les importants revers qui sont venus tempérer ces avancées prometteuses.

Dans un article paru en 2009, intitulé “La démocratie en Afrique : succès et résistances”[1], Guèye dresse un bilan nuancé du processus de démocratisation engagé en Afrique depuis le début des années 1990. Il met en lumière des progrès notables mais insiste également sur les fragilités persistantes.

Parmi les succès, l’auteur relève l’adoption de nouvelles constitutions garantissant le pluralisme politique, la reconnaissance de l’opposition et les libertés fondamentales. Bien que ces textes restent parfois contournés dans les faits, leur seule proclamation marque une rupture symbolique avec le monolithisme des régimes précédents. Elle ouvre la voie à une participation légale des opposants aux élections.

De plus, la limitation du nombre de mandats présidentiels désormais inscrite dans la plupart des constitutions, de même que le renforcement des prérogatives des parlements, témoignent d’une volonté d’encadrer l’action politique et de limiter l’arbitraire du pouvoir exécutif. Cette ébauche d’État de droit contraste avec l’autoritarisme des décennies post-indépendances.

Mais le progrès le plus notable demeure l’organisation régulière d’élections pluralistes depuis 1990, avec une crédibilité croissante. L’observation internationale indépendante des scrutins s’est généralisée, renforçant leur légitimité. Surtout, dans plusieurs pays, ces élections ont permis une véritable alternance démocratique au pouvoir.

Ces exemples concrets de sanction électorale de gouvernants en place et de passage pacifique du pouvoir à l’opposition, constituent des avancées décisives. Ils sont le signe tangible d’une démocratisation réelle, au-delà des façades institutionnelles.

Les entraves à la démocratisation de l’Afrique

L’analyse de Guèye (2009) met en lumière des résistances qui fragilisent les expériences démocratiques sur le continent. Il pointe notamment la concentration excessive des pouvoirs entre les mains du président, au détriment du contrôle de l’action gouvernementale par l’opposition. Les modifications récurrentes des constitutions visant à abolir les limites de mandats présidentiels sapent l’enracinement de l’État de droit. Ces révisions ad hoc pour permettre à un chef de l’État sortant de se représenter indéfiniment sont clairement antidémocratiques.

Le présidentialisme autoritaire hérité de la période postcoloniale persiste: dans bien des pays, le chef de l’État conserve des prérogatives étendues lui permettant de contrôler étroitement le jeu politique. Les contre-pouvoirs du parlement et de la justice demeurent souvent limités face à un exécutif dominateur.

Par ailleurs, de nombreux scrutins depuis 1990, malgré un cadre formel multipartite, ont été entachés d’irrégularités suffisamment graves pour en fausser la validité. Fraudes électorales, obstacles aux candidatures d’opposants, pressions sur les électeurs, falsifications des résultats… ces pratiques perdurent et biaisent l’expression démocratique.

Ces dérives alimentent logiquement la contestation virulente des résultats par les perdants et des crises post-électorales parfois violentes comme au Kenya en 2007[2]

Loin de canaliser pacifiquement les antagonismes, les élections deviennent un facteur d’instabilité. Le recours fréquent à des juges politisés pour invalider des résultats contestés sape aussi l’indépendance de la justice.

Plus généralement, la montée de l’abstention traduit une désillusion croissante des citoyens. Les taux de participation chutent, révélant la lassitude face à des scrutins perçus comme de vaines mascarades. Cette « fatigue démocratique » montre que les élections n’ont pas encore acquis de pleine légitimité.

Dans la même veine, Sakpane-Gbati (2011) [3] offre un regard similaire, mettant en lumière une “démocratie à l’africaine” caractérisée par la concentration du pouvoir exécutif, des élections entachées de fraudes, une implantation superficielle des partis, le rôle déstabilisateur des armées, l’absence de véritable débat public, et la persistance de la corruption. Selon lui, ce modèle a apporté des progrès mais doit évoluer pour renforcer l’État de droit et ancrer une réelle culture démocratique.

Un constat largement partagé par Jacquemot (2022), dans son essai “Afrique : La démocratie à l’épreuve”[4], qui dresse un bilan nuancé des processus de démocratisation depuis 1990. Il note que le continent a massivement adopté le système électoral multipartite au cours des 30 dernières années, avec l’organisation de plus de 600 scrutins nationaux depuis 1990. Cette généralisation du vote multipartite témoigne d’une volonté réelle d’instaurer la démocratie à travers des élections libres et transparentes.

Cependant, Jacquemot souligne que de nombreux pays peinent à passer d’une “démocratie procédurale” limitée à l’organisation d’élections, à une “démocratie substantielle” intégrant pleinement les libertés fondamentales. En dépit de la multiplication des scrutins, les institutions démocratiques restent fragiles et l’alternance politique n’est pas garantie.

L’auteur identifie plusieurs résistances qui entravent l’enracinement d’une véritable culture démocratique sur le continent. Tout d’abord, la manipulation des élections est fréquente, à travers des fraudes sur les listes électorales, des entraves aux candidatures d’opposition, ou des falsifications des résultats. Ensuite, les résultats sont souvent contestés et débouchent sur des crises post-électorales. Les mandats des dirigeants ne sont pas toujours respectés, avec des modifications constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir. L’abstention croissante traduit aussi une désillusion démocratique des citoyens. Enfin, le retour récurrent des militaires au pouvoir par des coups d’État, comme récemment au Mali ou au Burkina Faso, remet en cause la démocratie électorale.

Au-delà des élections, les libertés fondamentales restent restreintes dans de nombreux pays et la justice manque d’indépendance. La corruption demeure un fléau qui sape les efforts de démocratisation. Cette “démocratie substantielle” tant attendue peine à advenir.

Face à ces limites, de nouvelles formes d’expression politique émergent en dehors des urnes, à travers la société civile et les réseaux sociaux. Jacquemot s’interroge toutefois, sur leur capacité à renouveler l’exercice démocratique.

Par ailleurs, le retour en force des militaires sur la scène politique à travers une série de coups d’État, notamment en Afrique de l’Ouest, sonne comme un sérieux rappel à l’ordre. Ces putschs témoignent d’une persistance de la « vocation politique de l’armée » que l’on croyait révolue.

S’intéressant plus particulièrement à l’Afrique de l’Ouest, Jacquemot (2022) constate le retour des coups d’État militaires. Ces putschs bénéficient souvent d’un large soutien populaire, reflétant la défiance envers les régimes civils en place, jugés corrompus et incompétents. Pour l’auteur, cette reprise en main autoritaire du pouvoir par les armées marque l’échec du modèle de la “démocratie électorale”. Incapables de répondre aux attentes des populations, les régimes civils laissent un vide que les militaires occupent en renversant des dirigeants discrédités. Les putschistes promettent une transition politique et un retour rapide des civils au pouvoir. Mais dans les faits, ils dissolvent les institutions existantes et contrôlent étroitement le processus selon leurs intérêts. Cette mainmise risque de reproduire un cycle infernal de coup d’État-élections-coup d’État, sans enraciner durablement la démocratie.

Enfin, l’auteur nuance l’idée d’un “vote ethnique” systématique sur le continent. Il souligne la complexité de ce phénomène, qui n’est pas toujours déterminant dans les choix électoraux. Pierre Jacquemot constate que l’ethnicité ressort surtout en période de tensions, mais tend à s’estomper avec la modernisation de la société.

Une adoption laborieuse aux racines anciennes

Bien avant la colonisation et l’importation des modèles politiques occidentaux, certaines sociétés précoloniales africaines intégraient des éléments pouvant être rapprochés de pratiques démocratiques modernes : élections de chefs, destitution des dirigeants jugés illégitimes ou tyranniques, délibérations collectives, etc.

Ainsi, chez les Igbo[5] du Nigeria ou les Mossi[6] du Burkina Faso, des formes de gouvernement consultatif existaient. Les Akan[7] considéraient que le pouvoir du chef émanait du peuple et pouvait lui être retiré. Ces exemples attestent que des conceptions du pouvoir intégrant une dimension participative ou contrôlée n’étaient pas étrangères aux cultures politiques locales antécoloniales. Certains intellectuels et leaders nationalistes du 20ème siècle s’appuieront d’ailleurs sur ce passé idéalisé pour revendiquer l’existence d’une « démocratie à l’africaine » authentique.

Dans un article paru en 2009, intitulé “La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle”[8], Quantin présente le modèle controversé de la “démocratie à l’africaine”. Selon ce modèle, il existait dans les sociétés précoloniales des éléments démocratiques tels que l’élection des chefs ou la destitution des dirigeants. Certains y voient la preuve d’une démocratie authentiquement africaine.

Démontrant que l’idée d’une inaptitude congénitale de l’Afrique à la démocratie relève du cliché, le politologue Fred Eboko retrace dans un article intitulé “L’Afrique n’est pas prête pour la démocratie”[9], extrait de “L’Afrique des idées reçues” (2006), l’histoire chaotique mais bien réelle de la démocratisation du continent depuis la période précoloniale.

C’est avec la colonisation et l’introduction du modèle occidental que seront posées les bases de la démocratie moderne en Afrique. Dès les années 1920, les puissances coloniales mettent en place des assemblées représentatives localement élues. Puis dans les années 1950, de véritables élections pluralistes sont organisées. Malgré son contexte colonial, cette adoption précoce du suffrage marquera durablement les esprits.

Cependant, après les indépendances des années 1960, la plupart des nouveaux régimes mettent en place des partis uniques, verrouillant le jeu politique. Le modèle dominant devient alors celui d’un « socialisme africain » autoritaire. Les élections perdent leur sens démocratique pluraliste.

Dans un article paru en 2000, intitulé «Les élections en Afrique : Entre rejet et institutionnalisation» [10] Quantin retrace l’histoire mouvementée de la démocratie électorale en Afrique depuis les indépendances. Son analyse nuancée bat en brèche l’idée que le vote serait étranger aux traditions politiques africaines. Il montre que l’institutionnalisation laborieuse des élections n’est pas propre à l’Afrique et appelle à une analyse comparative avec l’Occident.

Plus de trente ans après les transitions démocratiques des années 1990, les systèmes politiques africains demeurent hybrides, oscillant entre ouverture et autoritarisme. Cette hybridation atteste de la difficulté du modèle libéral à s’implanter tel quel. Pour Quantin (2009), le référentiel démocratique en Afrique est composite, fait de différentes strates historiques, sans qu’un modèle unique ne s’impose. Le processus chaotique de démocratisation en Afrique n’est pas si différent de celui qu’ont connu les démocraties occidentales.


NOTES

[1] Guèye, B. (2009). La démocratie en Afrique : succès et résistances. Pouvoirs, 129, 5-26. https://doi.org/10.3917/pouv.129.0005

[2] Somerville, K. (2011). Violences et discours radiophoniques de haine au Kenya: Problèmes de définition et d’identification. Afrique contemporaine, 240, 125-140. https://doi.org/10.3917/afco.240.0125

[3] Biléou Sakpane-Gbati, “La démocratie à l’africaine”, Éthique publique [Online], vol. 13, n° 2 | 2011 http://journals.openedition.org/ethiquepublique/679

[4] Pierre Jacquemot. Afrique, la démocratie à l’épreuve. Fondation Jean-Jaurès. Fondation jean-Jaurès-Edition de l’Aube, 2022. https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2022/04/Essai-Afrique-democratie.pdf

[5] Uchenna Osigwe, « Démocratie et consensus: le cas igbo », Revue Phares, Vol 6, 2006, Université Laval. https://revuephares.com/wp-content/uploads/2013/08/Phares-VI.pdf

[6] Tiendrebeogo Yamba. Histoire traditionnelle des Mossi de Ouagadougou. In: Journal de la Société des Africanistes, 1963, tome 33. https://www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1963_num_33_1_1365

[7] PERROT, Claude-Hélène. Le pouvoir du roi et ses limitations dans un royaume akan de Côte d’Ivoire In : Pouvoirs anciens, pouvoirs modernes de l’Afrique d’aujourd’hui.Presses universitaires de Rennes, 2015. https://books.openedition.org/pur/62371?lang=fr

[8] Quantin, P. (2009). La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle. Pouvoirs, 129, 65 76. https://doi.org/10.3917/pouv.129.0065

[9] Eboko Fred. L’Afrique n’est pas prête pour la démocratie. In : Courade Georges (dir.). L’Afrique des idées reçues. Paris : Belin, 2006, p. 197-204. https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers21-03/010038499.pdf

[10] QUANTIN, P., Les élections en Afrique : Entre rejet et institutionnalisation, Bordeaux, Centre d’Étude d’Afrique Noire/I.E.P. de Bordeaux, 2000, p. 2. http://polis.sciencespobordeaux.fr/vol9ns/quantin1.pdf


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur
www.guineepolitique.com




Quel régime pour la Guinée?


Point de vue


Par Pr. Alpha Amadou Bano BARRY (PhD, sociologie)

Au regard de l’histoire politique guinéenne marquée par le même type de régime politique et trois transitions, cet essai se propose de dévoiler les constantes du système politique qui sont au nombre de deux : la primauté du président sur toutes les institutions et celle des partis politiques sur le jeu politique avec le monopole de la candidature aux élections nationales et un système électoral dont les deux tiers des députés sont élus au travers d’une liste nationale. Ce texte a cherché aussi à déconstruire le fondement de la question ethnique en Guinée, sujet récurrent dans les échanges des salons et des bureaux, mais rarement en public. La question ethnique en Guinée est essentiellement politique et sert aux élites à assurer le contrôle de l’État et de ses ressources. Un président fort est le point central du dispositif du contrôle ethnique. Au regard de cette réalité, la Guinée gagnerait à expérimenter un autre système, celui du ticket aux élections présidentielles et d’un système électoral majoritaire à un tour et une forte décentralisation pour rendre le peuple plus responsable de son destin.

Cet essai est mon second sur la question du régime politique en Guinée. Le premier a été publié après 2010 et n’a servi, ni à doter le pays d’une constitution adaptée aux réalités sociologiques de Guinée, ni à éviter une troisième prise du pouvoir par les armes.

En 2023, je refais le même exercice tout en étant conscient que les intérêts sont si antagoniques dans ce pays qu’il est difficile d’arriver à soutenir ce qui ne favorise pas certains groupes. D’autres aussi n’aimeront tout simplement pas cette réflexion qui vient d’un ancien ministre[1] du régime précédent, car il a toujours été un crime de servir son pays en Guinée. Enfin, je sais aussi que les leaders politiques les plus représentatifs dans le paysage politique guinéen ne vont pas aimer. Car tous veulent un régime présidentialiste comme celui en vigueur depuis 1958 dans l’espoir qu’ils en seront les bénéficiaires. N’étant pas constitutionnaliste ni juriste, mon regard ne porte pas sur les règles du droit, mais sur leurs effets attendus ou imprévus sur le système politique et sur la société. Le regard du sociologue glisse en quelque sorte sur le droit, pour « obliquer» vers les contextes sociaux, économiques, politiques, culturels dans lesquels il prend naissance.

Au centre de la préoccupation du sociologue, c’est « l’esprit de la loi », c’est-à-dire ce qui serait le mieux en fonction des réalités sociologiques des populations et de ses élites à un moment donné de son histoire, la prise en compte de la réaction du milieu à la règle du droit avec un focus sur les acteurs et le processus de rédaction et d’adoption d’une constitution.

Durant le symposium organisé par le Conseil National de la Transition (CNT), j’ai eu le privilège d’écouter des sommités sur l’ensemble des composantes du système politique, de l’administration et de l’État. Il m’a été donné d’entendre par certains que la constitution des USA est la plus stable, car elle est dans les principes, la philosophie et laisse à la cour suprême le soin de trancher sur chaque cas qui pose un problème d’interprétation. Mais il est certain que le second amendement de la constitution américaine n’aurait pas été si ce pays n’a pas utilisé les armes pour conquérir son territoire, ni avoir des esclaves qu’il fallait dominer ni une guerre civile. Dans chaque constitution, l’histoire politique et les réalités sociologiques s’incrustent.

D’autres ont insisté pour faire valoir que le meilleur texte constitutionnel ne résoudra pas les problèmes d’éthique, de compétences et de courage des hommes et des femmes en charge d’appliquer et de faire appliquer le droit. On peut néanmoins ajouter que cela n’empêche pas d’avoir des « bons textes », c’est-à-dire des textes qui pourraient prendre en charge les réalités sociologiques et aider à corriger les lacunes. Car même si presque tous les conducteurs de mototaxis de Conakry ne respectent pas les feux de signalisation, personne ne se risquera à recommander qu’on élimine pour autant ces feux ou de ne pas prévoir des sanctions dans le code de la route.

La règle de droit est un discours normatif qui dit ce qui doit être, ce qu’il faut faire ou ne pas faire, et parfois comment le faire, et prévoit la sanction positive ou négative des actions permises, imposées ou prohibées.

Comme norme, la loi ne valide pas seulement une pratique en cours, elle peut aussi vouloir corriger une norme car elle possède une capacité de coercition pour amener la conduite individuelle vers ce qui est prescrit. C’est dans cette logique qu’il faut inscrire la loi sur la polygamie, l’excision et beaucoup d’autres dispositions de normes sociales. Donc, une bonne règle de droit a aussi pour vocation d’imposer une norme juridique pour qu’elle devienne une norme sociale.

Certes, la meilleure constitution n’éliminera pas les « faux démocrates », mais une « bonne loi démocratique » permettra d’avoir des leviers sur lesquels compter pour lutter et protéger les règles démocratiques. Le meilleur exemple de texte de lois ayant changé radicalement les choses est le travail fait par Jerry Rawlings au Ghana avec un système politique qui a permis d’asseoir une alternance démocratique. Ma lecture du marxisme et ma compréhension de la réalité sociale me font admettre que les hommes ne sont pas « bons » ni « mauvais » de façon génétique, ils sont simplement le produit de leur milieu. Si le milieu change, l’environnement impose de nouvelles normes, les Hommes s’ajustent et s’adaptent.

Le défi de la Guinée est, dans cette transition, d’avoir « des textes adaptés à nos réalités ». C’est-à-dire des textes qui corrigent les effets des différentes constitutions sur la société guinéenne. Car certaines des dérives actuelles dans la vie politique ne proviennent pas seulement du « mauvais Guinéen » non courageux, mais des textes comme je vais le montrer dans l’analyse sociologique des constitutions de 1958 à 2020.

LES EFFETS DE CERTAINES DISPOSITIONS DES CONSTITUTIONS DE 1958 A 2020

La Guinée, depuis sa première constitution de 1958, s’est inscrite dans un régime avec une forte primauté du Président de la République sur les autres pouvoirs et institutions de la République.

C’est la première constitution du 10 novembre 1958 qui a conféré au président de la République, en son article 25, l’autorité de nommer « […] à tous les emplois de l’administration publique. Il nomme à tous les emplois et fonctions militaires ». Cette disposition est restée intangible dans toutes les constitutions même si en 2010, un effort non abouti a été tenté pour donner un peu de pouvoir au premier des ministres avec deux articles contradictoires dont l’article 46 qui dit que le président : « nomme en conseil des Ministres aux emplois civils dont la liste est fixée par une loi organique » et l’article 58 qui dispose que : « Le Premier Ministre dispose de l’administration et nomme à tous les emplois civils, excepté ceux réservés au chef de l’État ».

Il était prévu que l’Assemblée Nationale, qui sortirait des urnes à la fin de la transition, devrait se charger de l’élaboration et de l’adoption de cette loi organique. Pendant les 11 ans, cette loi organique n’a jamais vu le jour et les nominations n’ont jamais été faites en Conseil des Ministres.

C’est la constitution de 1982 qui met au-dessus de l’édifice institutionnel le parti unique, le Parti Démocratique de Guinée (PDG) sur l’État et les institutions de la République avec la formule suivante :

a) Que la Nation Guinéenne est née de l’État ;

b) Qu’elle est engendrée par l’action des masses populaires mobilisées au sein du Parti Démocratique de Guinée ;

c) Que c’est le Parti qui a fondé l’État et que cet État ne peut donc que s’identifier au Parti qui l’organise, le dirige et le contrôle, en assumant réellement toutes les fonctions en tant que Parti-État et en œuvrant à la réalisation du Peuple-État.

Les constitutions de 1990 et les suivantes (2010 et 2020) ont aussi gardé les dispositions de l’article 25 de 1958 qui garantit la prépondérance du Président de la République dans l’agencement des pouvoirs, mais celle de 90 dans son article 3 (dans sa première version et dans sa version révisée de 2001) et celle de 2010 ont renforcé de leur côté la puissance des partis politiques en réservant aux seuls partis politiques, le droit de présenter « les candidats aux élections nationales », avec unsystème électoral qui fait élire les deux tiers des députés (76 sur les 114 députés) à la proportionnelle et seulement 38 à l’uninominal.

Les conséquences de l’article 25 et de la suprématie du parti unique ont fait du Président de la République un homme qui règne comme un monarque et qui gouverne seul et parfois avec des hommes de l’ombre qui deviennent plus puissants que ceux en position institutionnelle. Cette prépondérance absolue du président de la République a contribué à affaiblir pratiquement toutes les autres institutions ou à les inféoder à une personne oubliant les remarques de Montesquieu qui disait que : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser […] Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Le droit accordé aux seuls partis politiques dans la désignation des candidats aux élections nationales (législatives et présidentielles) dans la constitution de 90 et le système électoral qui fait que les deux tiers des députés sont élus sous la bannière des partis politiques sur une liste nationale expliquent la toute-puissance des leaders des partis politiques et la subordination des élites administratives, commerciales et coutumières aux leaders politiques. Car ce sont les leaders des partis politiques qui déterminent les chances des uns et des autres à devenir député par leur positionnement sur la liste à la proportionnelle.

Élu sous la bannière d’une liste nationale d’un parti politique, sans aucun contact avec le peuple et avec la bénédiction des premiers responsables des partis politiques, les députés de la liste nationale n’ont aucune redevabilité envers la population, parce que n’étant pas élus directement par elle. C’est cette disposition qui explique la prolifération des partis politiques (186 semble-t-il). N’ayant pas d’ancrage local, ceux qui veulent devenir député et qui ne peuvent l’obtenir à partir d’un parti établi sont donc dans l’obligation de créer un parti et se présenter sur la liste nationale dans l’espoir de bénéficier du plus fort reste. Ce n’est pas le laxisme des fonctionnaires du ministère de l’administration du territoire dans la création et le contrôle de la fonctionnalité des partis politiques qui explique la prolifération des partis politiques. Ce sont les dispositions des constitutions guinéennes qui expliquent la prolifération des partis politiques et la tribalisation du jeu politique.

Pour corriger ces créations exponentielles des partis politiques, des solutions existent à travers les règles des systèmes électoraux[2] comme le font les pays anglophones et en particulier ce que Jerry Rawlings a fait pour le Ghana[3]. C’est donc en corrigeant ces dispositions institutionnelles dans la future constitution qu’il sera possible de solutionner certains dysfonctionnements actuels. C’est ce dispositif qui est exposé ci-dessous.

COMMENT RATIONNALISER LE NOMBRE DE PARTIS POLITIQUES DANS UN PAYS ?

Cette question sur le nombre de partis politiques en Guinée est dans le débat depuis 1990 avec la proposition du Président Lansana Conté de légaliser 2 partis politiques. Ce débat est redevenu actuel, polluant même la réflexion, après le retour de mission du Conseil National de la Transition (CNT) de l’intérieur du pays avec la demande de la population de réduire le nombre de partis politiques.

Le 5 septembre 2021, suite au changement de régime, avec la dissolution du gouvernement et de l’assemblée nationale, il aurait été plus compréhensible d’accompagner ces mesures par la dissolution des partis politiques, des syndicats et des organisations de la société civile au nom de la « refondation ».

En ne le faisant pas à ce moment, il est devenu problématique de proposer dans la nouvelle constitution un système direct de réduction des partis politiques à 2 ou à 3. En 2023, plus de 15 mois après le changement de régime, toute tentative dans ce sens risque de ne pas bénéficier de consensus et pourrait soulever des revendications. D’autant que les plus farouches partisans de cette dissolution des partis politiques sont des leaders politiques qui ne pèsent presque rien sur l’échiquier politique. L’un pourrait justifier l’autre. De par l’expérience universelle, deux procédés existent pour réduire le nombre de partis politiques dans un pays. Il y a la formule directe et celle indirecte. Dans l’article de Jean Laponce (1962) ; « Bipartisme de droit et bipartisme de fait », Revue française de sciences politique, Paris, France, pp. 877-887, il est clairement mentionné que la restriction directe du nombre de parti politique est « d’établir par la loi le nombre des partis politiques autorisés à présenter des candidats aux élections ou bien encore de définir le nombre des partis autorisés à envoyer des représentants au Parlement ». Cet auteur met en évidence que « la limitation du nombre de parti n’est pas en contradiction avec les règles du jeu démocratique »,

De façon indirecte, il est possible d’y arriver aussi par des mesures législatives comme de restreindre le « droit de présenter des candidats aux deux seuls partis ayant obtenu le plus de voix à une élection primaire dans le cadre national ». De même, « la loi peut chercher à agir directement sur le nombre des partis en interdisant la représentation aux partis n’ayant pas obtenu un minimum de voix ». Dans ces conditions, « plus le minimum légal est élevé, plus grande est la pression sur les partis existants pour qu’ils se groupent » et donc se réduisent.

On peut aussi agir en changeant le système électoral. On sait que le scrutin majoritaire contribue fortement à une bipolarisation de l’expression du suffrage politique. Souvent pour obtenir une application stricte du bipartisme, d’autres dispositions complémentaires sont édictées sur les structures internes des partis, en imposant par exemple, comme c’est le cas aux Etats-Unis dans la majorité des États, l’élection des dirigeants du parti par l’ensemble non pas des membres du corps électoral mais seulement des électeurs du parti.

Le Ghana est, en Afrique, l’exemple typique d’un système indirect. Bien qu’ayant seize partis officiellement enregistrés, c’est deux partis politiques (National Democratic Congress, « NDC » et le National People’s Party « NPP ») qui s’alternent au pouvoir.

Le système électoral dans ce pays est fait de sorte qu’il apparaît difficile aux autres partis de remporter une élection. Au Ghana, les 230 membres du parlement du Ghana représentent les 230 circonscriptions du pays. Comme pour l’élection présidentielle, ils sont élus au suffrage majoritaire uninominal. C’est ce modèle qui donne le résultat de cette alternance démocratique tant vantée par les Guinéens.

Avec ce système indirect, le Ghana confirme la théorie de Maurice Duverger[4] qui démontre que le système électoral majoritaire à un tour est de nature à favoriser l’émergence d’un système bipartite. Donc la mesure la plus simple et la moins sujette à discussions pour réduire le nombre de partis politiques est la mise en place d’un système indirect au travers de l’utilisation du système électoral majoritaire à un tour.

Pour mettre en place ce dispositif, on devrait supprimer l’élection à la proportionnelle sur la liste nationale pour n’avoir que des députés élus dans une circonscription électorale et procéder au découpage du territoire national en circonscription électorale en tenant compte de certaines contraintes :

  1. Les préfectures qui ne remplissent pas le nombre d’électeurs requis pour atteindre le quorum doivent néanmoins se faire représenter à l’assemblée par un député élu à l’uninominal ;
  2. Dans les préfectures du pays qui dépassent ce quorum et ne font pas le double ou le triple ou quadruple, on procède toujours à l’arrondissement par le haut pour déterminer le nombre de députés qui sont tous élus à l’uninominal ;
  3. Les Guinéens de l’étranger devront être représentés par des députés élus dans des circonscriptions électorales. Ces circonscriptions peuvent regrouper plusieurs pays mis ensemble si le nombre d’électeurs n’atteint pas le quorum ou d’un seul pays si le nombre d’électeurs est conforme au quorum fixé.

D’ailleurs, personne ne devrait se soucier du nombre et de la gouvernance interne des partis politiques si l’article 3 disparaît. Sans cette disposition, chaque Guinéen qui remplit les conditions d’éligibilité devrait avoir la latitude de se présenter à toutes les élections nationales et locales. Dès que cette disposition sera adoptée, les partis politiques vont se vider de ceux qui y sont pour devenir député ou maire et se rempliront plus tard sur la base de la proximité idéologique.

La question de la tribalisation du débat politique en Guinée vient aussi du système politique avec un président élu seul à la tête d’un parti politique au suffrage universel à deux tours s’il n’a pas la majorité absolue au premier tour. C’est pour cette raison que je vais me permettre de dire quelques mots sur la question ethnique pour la déconstruire, car l’existence des ethnies ne signifie pas que les Guinéens sont des « ethnos ».

LA QUESTION ETHNIQUE EN GUINÉE

Les ethnies existent en Guinée et existeront pour toujours. Certains groupes ethniques actuels, ou qui se considèrent comme tels, n’existaient pas il y a de cela quelques siècles auparavant. D’autres groupes ethniques se sont détachés par la migration et se sont différenciés dans le temps avec des groupes qui les englobaient hier. D’autres enfin qui existaient jadis ont été absorbés au cours des siècles à travers les migrations, les cohabitations, les brassages et les assimilations.

Parmi ceux qui existent, certains vont disparaître, d’autres vont s’agrandir, d’autres enfin garderont l’étiquette et perdront certains de leurs attributs. Bref, les ethnies sont comme un corps : elles naissent, se développent, meurt et renaissent pour certaines et disparaissent pour toujours pour d’autres.

Tous les spécialistes de l’installation des populations que le colon a désigné par « Guinée », s’accordent à reconnaitre que les populations de la Guinée sont originaires du Sahel, à l’exception notable des Mandeyi et des Lomas, et que ces populations sont arrivées sur le territoire guinéen par vagues successives au cours des siècles. Certains des membres de ces groupes ne sont même pas venus ensemble comme les Bagas, les Nalous et les Peuls.

Les groupes ethniques en Guinée (que l’on dénombre à 24) donnent l’illusion à leurs membres d’avoir une origine lointaine commune, un destin identique et des valeurs meilleures que celles des autres. C’est ce sentiment développé et véhiculé qui consolide l’unité du groupe et renforce la solidarité. Pourtant, il n’est pas rare de constater dans la même ethnie, la pratique de plusieurs religions et des variations du phénotype et des ressemblances entre des individus appartenant à des ethnies différentes.

Chaque groupe fait croire, par la socialisation de ses membres, que sa culture, la manière d’être et de vivre sont les seules valeurs respectables. Dans la réalité, les différences affichées et parfois revendiquées ne sont que variations d’adaptation.

Les Guinéens ont une longue histoire commune, une histoire antérieure à celle de l’État guinéen et même à la colonisation. On sait avec certitude que le dessèchement du Sahara et la chute de l’empire du Ghana (vers 1076) ont eu pour conséquence une très grande mobilité des populations africaines de l’Ouest.

Cette mobilité s’est poursuivie et s’est prolongée avec la naissance et la disparition de tous les empires et États de la région (Mali au 13ème siècle, Songhaï au 15ème siècle, Ségou au 17ème siècle, Foutah Djalon et Macina au 19ème siècle, etc.) qui se sont succédé sur ce vaste espace qui va du désert à la lisière de la forêt en passant par la savane et les zones montagneuses du Foutah Djalon.

Cette histoire commune a façonné des liens (parenté à plaisanterie, liens matrimoniaux et autres liens de solidarité) qui soudent la société guinéenne et lui permet d’affronter les vicissitudes du « vivre ensemble ». Les ethnies qui habitent la Guinée sont semblables sur l’essentiel. Le mariage est le lieu privilégié de procréation, le système dominant est le patriarcat et la gérontocratie et la solidarité sont valorisées. Bref, les ethnies ont, pour l’essentiel, les mêmes valeurs. Les différences sont surtout linguistiques et organisationnelles, résultats des particularités historiques, démographiques et d’adaptation à l’environnement de vie. Même linguistiquement, ces 24 groupes ethniques se regroupent en deux familles de langues[5] pour parler comme les linguistes :

  1. Le groupe mandé qui regroupe le maninka, le Koniaka, le sosoxui, le dialonka, le lomagi, le kpèlèwoo etc. et ;
  2. Le groupe atlantique qui regroupe le tanda, le pular, le toucouleur, le kisiéi, le baga, le nalou et même d’autres langues de pays voisins comme le ouolof, le sérère, le diola au Sénégal et le balante en Guinée-Bissau.

Les Guinéens n’ont aucun problème à vivre ensemble, au sein du même quartier, dans la même cour, se marier entre eux, sans aucune considération autre que les sentiments des prétendants et le revenu de l’un ou de l’autre. Certes, les hommes de certaines communautés ont plus de difficulté que d’autres à contracter des liens matrimoniaux dans toutes les communautés et surtout dans toutes les familles.

Dans la vie de tous les jours, la différence ethnique est moins importante que celle en lien avec les classes sociales (pauvres et riches) et aux stratifications sociales (castes et autres catégories stigmatisées).

Ce n’est pas pour rien qu’en dépit des tensions orchestrées par certains acteurs politiques au moment des seconds tours des élections présidentielles, la Guinée n’a jamais basculé dans la guerre civile, ni dans la tentation de la sécession régionaliste. C’est d’ailleurs l’une des particularités de la Guinée : pays fragile sans mouvement sécessionniste.

Ce que tous les Guinéens ont voulu et veulent, en dépit de la suspicion, de la méfiance et de l’instrumentalisation ethnique, c’est d’être des Guinéens avec des droits identiques, des possibilités réelles de s’épanouir, de se réaliser et de pouvoir bénéficier des mêmes droits dans le choix des dirigeants du pays, d’accéder à la présidence de la République, aux hautes fonctions de l’administration publique et aux marchés publics sans aucune discrimination.

On peut dire, et ma spécialité et ma connaissance de la Guinée me le permettent, le problème de l’ethnicité en Guinée porte essentiellement sur l’accès aux ressources de l’État, aux avantages qu’ils procurent, aux privilèges qui s’y rattachent, à savoir :

  1. La présidence de la République et les accessoires que ce régime présidentiel offre, car il est sans contrôle ; les postes de l’administration publique (le président de la République nomme et révoque du plus grand au plus petit fonctionnaire) ;
  2. Les marchés publics (le président de la République attribue, à sa guise, richesses et pauvreté à qui il veut, comme Dieu) ;
  3. Les services sociaux comme les évacuations sanitaires aux frais de l’État et les bourses d’études à l’étranger logées à la présidence de la République.

On peut donc dire que l’ethnicité au niveau des élites administratives, politiques et commerciales est une stratégie individuelle qui permet d’accéder aux ressources de l’État. C’est une stratégie identique qui a été utilisée par certains jeunes après le 5 septembre pour éliminer toute concurrence en obtenant du nouveau chef de l’État qu’il dise qu’il n’y a pas « une école d’expérience » et « pas de recyclage ». L’ethnie, la jeunesse, les femmes, les handicapés ne sont rien d’autres que des variables que certains activent pour éliminer la concurrence, en vendant une catégorie « naturelles » en lieu et place d’une compétence.

Cette stratégie peut devenir collective en raison du fait que celui qui contrôle le pouvoir suprême récompense les membres de son « groupe ethnique » pour service rendu, l’appui à accéder à la présidence.

Contrairement à une idée largement répandue, tous les partis politiques guinéens ne sont pas « ethniques », certains qui ont recours à l’ethnicité le font à leur corps défendant. Rares sont aussi les partis politiques qui ne jouent pas de la corde ethnique à un moment ou à un autre, en des circonstances particulières et en présence de certains enjeux.

Si les partis se servent du fait ethnique ou sont facilement identifiables à des groupes ethniques, c’est parce qu’en dépit de l’existence de la réalité ethnique, les règles juridiques de la Guinée soumettent les candidats à la présidence, surtout au second tour, à l’instrumentalisation de l’ethnie pour gagner l’élection.

Depuis notre indépendance, nous mimons d’autres pays comme si nous avions une même histoire, un même processus de construction étatique et les mêmes populations avec la même sociologie.Le fait de demander que la nouvelle constitution tienne compte de la dimension sociologique ne signifie pas que les Guinéens doivent avoir une « constitution ethnique » comme au Liban ou le Burundi avec un partage ethnique du pouvoir. Cela ne veut pas dire que tous les Guinéens sont des « ethnos », ni plus, ni moins que d’autres Africains dans la sous-région. Il s’agit simplement d’avoir une constitution qui renvoie l’ethnie dans la sphère privée et domestique. C’est ma proposition exposée ci-dessous.

QUELLE CONSTITUTION POUR LA GUINÉE

La configuration ethnique de la Guinée et le passé politique devraient amener le législateur « pouvoir constituant dérivé » à proposer une constitution qui brouille le repérage ethnique en choisissant un régime politique de type présidentiel avec un ticket (président et vice-président), sans un premier Ministre, comme dans le modèle des Etats-Unis ou du Nigéria.

Ce modèle est celui du Nigéria après la guerre de sécession, du Kenya après les violences ethniques post-électorales, de l’Afghanistan après la longue guerre civile, de la Sierra Leone et de la Côte d’Ivoire après les sanglantes guerres civiles dans ces deux pays.

Les critiques « juridiques » peuvent faire valoir que le vice-président dans le modèle américain est un président en réserve « un corps sans vie » jusqu’à l’empêchement de « l’autre », le président en exercice à la suite duquel il achève le mandat.

Dans la sociologie électorale de la Guinée, l’objectif n’est pas d’avoir un président « bis », mais plutôt d’avoir quelqu’un avec lequel on fait la campagne électorale pour éviter la « tribalisation » du débat électoral. Celui qui va aider son colistier à ne pas nommer seulement les membres de sa communauté, à ne pas tribaliser l’administration.

Dans une configuration institutionnelle pareille (président et vice-président), il serait suicidaire politiquement pour chaque candidat de choisir son colistier au sein de sa communauté. Quel que soit le nombre de candidats, on aura une configuration des tickets avec des combinaisons « mathématiques » de la Guinée dans sa diversité la plus large.

Dans ces conditions, il sera impossible de coller des étiquettes ethniques aux candidats en compétition. Et en même temps, on réduit la capacité des manipulateurs de la « chose ethnique », à trouver la faille à partir de laquelle ils pourraient l’instrumentaliser. En fait, ce type de régime aurait pour mérite de brouiller les logiques ethniques qui se rattachent à la candidature singulière d’un homme qui demande le suffrage du peuple.

Dans ce type de régime politique proposé et, pour permettre à l’équipe présidentielle d’avoir un bilan avant la fin de son mandat, il serait souhaitable d’avoir un mandat de 7 ans non renouvelable[6]. Un mandat de 7 ans devrait permettre à l’exécutif de faire un état des lieux des différents ministères, de monter des projets et des programmes, de mobiliser les ressources et de conduire les actions jusqu’au bout du mandat sans se soucier de l’élection à venir. Si la performance de ce mandat est probante, il serait possible que ce ticket dans sa combinaison actuelle ou dans une autre formule de se représenter après le mandat de ses successeurs afin de faire mieux lors du second mandat qui n’est possible que 7 ans après. Cette disposition a un double avantage à savoir :

  1. Ce mandat unique prédispose l’équipe présidentielle élue à se concentrer exclusivement sur son mandat et à la mise en œuvre de son programme (état des lieux, élaboration des projets, mobilisation des ressources et mise en œuvre, suivi et évaluation) et donner à voir les résultats avant de quitter le pouvoir ;
  2. Ce mandat unique empêche l’utilisation des ressources publiques par l’équipe sortante dans le cadre d’une nouvelle campagne électorale.

Si les Guinéens souhaitent deux mandats, il est préférable d’avoir deux mandats de 7 ans que deux mandats de 5 ans. Car dans un mandat de 5 ans, compte tenu du temps nécessaire pour des ministres de comprendre les rouages de l’administration publique, de faire un état des lieux objectif, de proposer une vision, de mobiliser des ressources[7], un gouvernement perd au minimum 18 mois avant de commencer de mettre en œuvre son programme. Dès la 4ème année, le président et son équipe retournent en campagne pour une année. S’il est reconduit, le processus recommence. De sorte que sur 10 ans, un président ne peut travailler réellement que 5 ans. Par contre, dans un mandat de 7 ans renouvelable, le président peut avoir 12 ans pour mettre en œuvre ses projets et programmes.

Une élection présidentielle et législative chaque 7 ans aurait l’avantage d’utiliser le budget national et l’appui budgétaire des partenaires techniques et financiers à autre chose qu’à financer des élections. Selon le rédacteur en chef[8] du Lynx, les élections législatives et présidentielles entre 2015 et 2020 ont « englouti pas moins de 1 695 milliards de francs guinéens soit près de 139 millions d’Euros. Un budget qui vaut plus du tiers du montant pour la réalisation de la route Mamou-Dabola qui est en chantier. Car le coût de ce projet est de 357 millions 302 942 mille Euros pour 370 Km ».

Dans ce régime, il serait souhaitable de canaliser l’équipe présidentielle dans l’exercice de son mandat, car « tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser. Seul le pouvoir arrête le pouvoir », en indiquant dans la constitution le nombre maximum des membres du gouvernement, de conseillers à la présidence et en limitant les postes à nomination qui relèvent de l’autorité du président (les ministres, les ambassadeurs et les chefs militaires).

Les ministres et les ambassadeurs proposés par le Président de la République devraient se soumettre à l’obligation d’audition devant les députés pour décliner leur feuille de route et permettre aux députés de produire une fiche évaluative à l’attention du Président de la République sur leur capacité à présenter et à défendre leurs dossiers et leur vision du secteur avant la signature de leur décret. Le président n’est pas obligé de modifier sa décision de nomination, mais il a une évaluation objective sur le personnel le plus élevé de sa gouvernance.

Les ministres devraient bénéficier de l’autorité nécessaire pour désigner les membres de leur cabinet (chef de cabinet, conseillers et attaché de cabinet) et les directeurs nationaux y compris ceux du pool financier, des ressources humaines et de la passation des marchés[9]. De même, chaque directeur devrait avoir l’autorité de proposer les chefs de division de sa direction et les chefs de section devraient être proposés par chaque chef de division.

Ce régime présidentiel doit l’être dans toute sa plénitude avec une séparation nette et étanche entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Il faut trouver les mécanismes et des modalités visant à garantir l’indépendance et l’intégrité du judiciaire en réduisant de façon drastique l’instrumentalisation des cours et des tribunaux par l’exécutif.

Il existe aussi dans l’air du temps l’idée d’avoir deux chambres (Haute et Basse), personnellement, je suggère une véritable décentralisation comme le dit si bien Bérété[10] dans sa thèse de doctorat en proposant que « Ces réformes devraient consacrer la séparation réelle des pouvoirs et la clarification des compétences entre l’Etat et les structures administratives en milieu local. Elles devraient ensuite impliquer l’augmentation des échelons territoriaux, le transfert progressif des compétences et des ressources et la définition du rôle des nouveaux acteurs du développement à la base : les Organisations de la Société Civile »[11]. Il a été transféré à des collectivités de base, les communes, des compétences qu’il aurait fallu donner à la région et à la préfecture. Car elles sont mieux outillées pour assurer ce transfert de compétences que les communes en l’état actuel. Au niveau des partis politiques qui arrivent à avoir des députés à l’assemblée nationale, il serait souhaitable de prévoir une subvention de 5% pour les financer afin d’éviter le financement du président fondateur. Naturellement, ce financement devrait avoir comme conséquence le non-financement d’un parti par un leader et toute autre personne, entité et/ou société avec obligation d’assurer le contrôle des dépenses des partis politiques par la Cour des Comptes, comme n’importe quelle entité qui reçoit des finances publiques. Si les dons et legs sont acceptés, ceux-ci devraient passer par le bureau de l’assemblée nationale pour assurer leur traçabilité.

Dans ce cas de figure, on devrait prévoir et codifier une procédure démocratique interne à chaque parti politique. Un cadre organique devrait indiquer certaines modalités de gestion de chaque parti politique avec l’obligation d’avoir une carte du parti et de payer ses cotisations annuelles pour être électeur et éligible au sein du parti. Les élections internes devraient être régulières et précéder les consultations nationales. Ces élections devraient se faire par l’organisme national en charge des élections du pays qui doit être à l’image de celle du Ghana avec des commissaires techniques qui ont la sécurité de mandat : « ils sont nommés à vie et ne peuvent pas être relevés brutalement de leur fonction par le Président de la République ». Dans ce système,aucun des élus ne devrait pouvoir changer d’étiquette politique en quittant son parti pour rejoindre un autre parti en cours de mandat ou créer un groupe politique.

En termes clairs, cette transition pour réussir doit rompre avec la trajectoire des précédentes pour que la démocratie ne soit ni communautaire, ni un moyen de créer et d’entretenir des dirigeants autoritaires, ni d’aider à avoir des politiciens de « chambre » d’accéder au pouvoir par le jeu de la transhumance et des allégeances de circonstances. De même, on ne devrait pas refaire les erreurs de 2010 en créant plusieurs organes[12] budgétivores pour caser le plus grand nombre de personnes.

On se doit de tirer les leçons des décisions sociologiquement erronées des deux premières transitions (1984 et 2009), pour éviter d’être schizophrénique, car “la folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent” (Albert EINSTEIN).

CONCLUSION

Au terme de cet exposé, il me plait de dire en quelques mots les grandes lignes de ma réflexion sous la forme de propositions non noyées dans des considérations théoriques et académiques dans l’espoir que quelques-unes au moins trouveront une oreille attentive auprès des Guinéens.

  • Considérant que le régime politique guinéen a toujours été un régime marqué par une forte primauté du Président de la République sur les autres pouvoirs et institutions de la République avec un pouvoir de nomination à tous les emplois militaires et civils, y compris ceux qui pourraient relever des ministres sectoriels ;
  • Constatant l’instrumentalisation ethnique et régionaliste lors du second tour des élections présidentielles ;
  • Soucieux de doter le pays d’un système politique qui corrige les erreurs du pays ;
  • Proposons un régime politique de type présidentiel avec un ticket (président et vice-président), sans un Premier Ministre, pour brouiller les logiques ethniques qui se rattachent à la candidature singulière d’un homme qui demande le suffrage du peuple ;
  • Suggérons que la durée du mandat présidentiel soit de 7 ans non renouvelable ;
  • Proposons qu’il soit prévu que le Vice-Président achève le mandat du Président en cas de vacance du pouvoir ;
  • Insistons pour que le nombre de ministres dans un gouvernement, de conseillers à la présidence et dans les cabinets ministériels soit déterminé dans une loi organique à adopter avant la constitution ;
  • Plaidons pour que les futurs ministres soient auditionnés par les députés, avant leur nomination, afin qu’il soit établi par les députés à l’attention du Président de la République une fiche d’avis technique ;
  • Demandons que le Président ne nome que les ministres, les conseillers à la présidence, les ambassadeurs et les chefs militaires ;
  • Suggérons que les ministres bénéficient de l’autorité nécessaire pour désigner les membres de leur cabinet (chef de cabinet, conseillers et attaché de cabinet) et les directeurs nationaux techniques et le pool financier, les ressources humaines et la passation des marchés. De même, chaque directeur devrait avoir l’autorité de proposer les chefs de division de sa direction et les chefs de section devraient être proposés par chaque chef de division ;
  • Exigeons la possibilité de candidatures indépendantes à toutes les élections (présidentielle, législative et locales) ;
  • Demandons la refonte totale du code électoral pour l’adapter au mode électoral majoritaire et en supprimant en particulier plusieurs dispositions qui facilitent la fraude électorale du bureau de vote à l’organe de gestion des élections ;
  • Proposons un Organe de gestion des élections (OGE) technique avec des membres qui ont la sécurité de mandat comme au Ghana : « ils sont nommés à vie et ne peuvent pas être relevés brutalement de leur fonction par le Président de la République ». On peut même y ajouter d’autres éléments de sécurité supplémentaire.

Pr. Alpha Amadou Bano BARRY (PhD, sociologie) Enseignant-chercheur/Université de Sonfonia/Conakry/Guinée

NOTES

[1]En Guinée, on ne devient coupable que lorsqu’on a été ministre. Tous les autres, ceux au-bas de l’échelle administrative, ne sont coupables de rien.

[2]Le système électoral d’un État comprend l’ensemble des règles, normes et institutions régissant la préparation, l’organisation et la conduite des élections. Il peut difficilement être analysé en dehors du cadre institutionnel du régime politique en vigueur.

[3]Le Ghana a connu sa première alternance lors des élections présidentielles de 2000 qui vit la défaite de Jerry Rawlings en faveur de John Kufuor.

[4]Duverger, M (1976) ; « Les partis politiques » ; Armand Colin, Paris, France.

[5]Contrairement à ce que beaucoup « d’analphabètes » diplômés disent, une famille linguistique n’est pas une parenté ethnique ni une appartenance au même groupe ethnique.

[6]Dans tous les cas, on se souviendra que dans un mandat de 5 ans, la pré-campagne et de la post-campagne absorbent 2 ans et ont des effets réels sur la création et la gestion des ressources nationales.

[7]Si le financement vient des partenaires techniques et financiers et non d’un prêt que la FMI refuse au nom du principe du taux d’endettement admise pour ces gendarmes des pays pauvres, il faut compter 2 ans avant de voir la couleur de l’argent. Car avec ces partenaires, le processus est plus important que le résultat.

[8]Mamadou Siré Diallo.

[9]L’ancien président avait déjà acté la nomination du responsable de passation des marchés par chaque ministre de tutelle. Il faut aller plus loin en éliminant le fait que les ministres sectoriels (finances, budget et fonction publique) nomment du personnel au sein des autres ministères. Sur d’autres publications, je vais revenir plus en détail sur cette nécessité.

[10]Mohamed Bérété (2007) ; « La décentralisation et le problème de la monopolisation du pouvoir par l’appareil d’Etat en République de Guinée », Thèse de Doctorat, Université Robert Schuman, Strasbourg, France.

[11]Rares sont les cadres du ministère de l’administration du territoire qui ont lu ladite thèse et il aurait plus utile dans ce ministère qu’à la santé.

[12]11 ans plus tard, certains de ses organes (Haute Cour de la justice, Haut conseil des collectivités) n’ont pas vu le jour.





Coup d’Etat et transition: (dés)illusions démocratiques ?

Politique


Par Sékou Chérif Diallo


En prenant le pouvoir le 5 septembre 2021, le CNRD à sa tête le colonel Mamadi Doumbouya mettait ainsi fin à une dictature civile qui tirait sa supposée légitimité d’un habillage constitutionnel trafiqué. Ainsi, comme le souligne Samuel Huntington dans une étude sur « Les sources du prétorianisme », cité par Pierre Birnbaum et François Chazel, dans Sociologie politique Tome 2, 1971, en cas de chaos politique, l’hypothèse d’une intervention de l’armée dans la politique ne peut être totalement écartée dans les sociétés démocratiques. Selon lui, les causes les plus déterminantes de l’intervention de l’armée sont d’ordre politique et reflètent d’abord la structure politique et institutionnelle de la société. Les interventions de l’armée dans les pays dits du « sud » ne sont que la manifestation spécifique d’un phénomène plus vaste, à savoir l’absence d’institutions politiques capables de réguler et d’arbitrer les conflits.

Les militaires en Guinée, comme dans la plupart des pays africains, se considèrent comme garants des institutions et gardiens de la démocratie. « Gardiens de la démocratie » ? Il faut noter que cette rhétorique prétentieuse est parfois aux antipodes des réalités politiques dans plusieurs pays africains où l’armée est plutôt perçue comme le bouclier de fer qui se dresse entre les régimes dictatoriaux qu’elle protège et les peuples qui aspirent à la démocratie.

Ainsi, comme le souligne Céline Thiriot dans un article publié en 2008 intitulé La place des militaires dans les régimes post-transition d’Afrique subsaharienne : la difficile resectorisation, les armées africaines sont très perméables aux clivages politiques. Selon l’auteur, « avec des armées désinstitutionnalisées, des autorités politiques fragiles, la force reste une ressource politique, et les militaires conservent un rôle et un pouvoir qui va bien au-delà des casernes ». Si tous les observateurs sont unanimes sur la proximité d’intérêts entre l’univers politique et celui militaire dans le contexte politique africain, Céline Thiriot abondant dans le même sens, soutient que « la réelle neutralité politique de l’armée n’existe pas dans l’absolu même dans les démocraties occidentales qui s’en font le chantre ». En Afrique, explique l’auteur, le « caractère apolitique des militaires reste très théorique. L’intrusion des militaires en politique a longtemps été la norme plutôt que l’exception ».

Le mirage des coups d’Etat dits « à objectif démocratique »

Qu’est-ce qu’un coup d’Etat ? Pour reprendre la définition donnée par Olivier Duhamel et Yves Méry dans Dictionnaire constitutionnel publié en 1992, le coup d’Etat est un « changement de gouvernement opéré, hors des procédures constitutionnelles en vigueur, par une action entreprise au sein même de l’Etat au niveau de ses dirigeants ou de ses agents. Cette action, le terme coup le suggère, est soudaine et sollicite la force ». Selon ces auteurs « par nature, l’armée est au premier chef, concernée par le coup d’Etat. Sans armée, la probabilité du coup d’Etat, disparait ».

Quelle légitimité ? « Cedant arma togae » cette célèbre citation de l’homme d’État romain et brillant orateur Cicéron, qu’on pourrait traduire par « Que les armes cèdent à la toge », défend la prééminence de la démocratie sur la force. En d’autres termes, l’armée doit obéir au pouvoir civil. C’est un rappel à la légitimité démocratique et au pouvoir des urnes, car toute chose imposée sans concertation est contraire à la démocratie. Georges Burdeau dans Traité de science politique, les régimes politiques, publié en 1970 abonde dans le même sens lorsqu’il écrit que la démocratie n’acquiert son véritable sens que si elle exclut « le pouvoir d’une autorité qui ne procéderait pas du peuple ». Selon cet auteur, « personne ne peut commander dans l’Etat qu’en vertu d’une investiture régulière. Il faut un titre pour commander et ce titre c’est la constitution qui définit les conditions dans lesquelles il doit être acquis. Elle désigne les gouvernements et fonde, du même coup, leur légitimité ».

Par ailleurs, il ressort de nos lectures, que la question des objectifs et finalités des coups d’Etat en Afrique occupe une place importante dans les débats politiques. Si le principe d’une condamnation systématique par les Etats et organisations internationales des coups d’Etat n’est plus à justifier car juridiquement inacceptable, il faut toutefois souligner que certains coups d’Etat (très peu nombreux) ont permis de restaurer la « démocratie » dans certains pays.

Ainsi, plusieurs auteurs se sont intéressés à cette réalité exceptionnelle dans un environnement africain où les coups d’Etat apparaissent le plus souvent comme le prolongement d’une pathologie politique endémique. Prenant l’exemple du Niger, Ismael Mador Fall dans un article intitulé La construction des régimes politiques en Afrique : succès et insuccès publié en 2014, n’hésite pas à parler de phénomène des coups d’État « salvateurs », « générateurs de constitutionnalisme ». Pour cet auteur, le putsch mené par le Général Salou Djibo en 2010 contre le régime du Président nigérien Mamadou Tandja, bien que condamnable dans son essence, est comptabilisé au nombre des « coups d’État salvateurs ». Il faut rappeler que Mamadou Tandja comme Alpha Condé, avait procédé à la modification de la constitution nigérienne pour s’octroyer un troisième mandat illégitime et illégal.

Coups d’Etat « salvateurs » pour les uns, « salutaires » pour d’autres, certains auteurs parlent carrément de coups d’Etat démocratiques. Le plus célèbre parmi ces auteurs ayant défendu la notion de « coup d’Etat démocratique » est le chercheur d’origine turque Ozan Varol de l’université de Harvard qui, dans un article publié en 2012 intitulé The Democratic Coup d’Etat, soutient que les coups d’Etat militaires pourraient mener, dans certains cas, à la démocratie. Cependant, l’auteur souligne que la grande majorité des coups d’État ne rentrent pas dans ce cadre parce qu’ils n’aboutissent pas forcément au renforcement de la démocratie par l’organisation d’élections libres et transparentes. Pour être qualifié de coup d’Etat démocratique, selon l’auteur, un certain nombre de caractéristiques sont indispensables. Parmi lesquelles : le coup d’Etat est perpétré contre un régime autoritaire ; c’est une réponse à un rejet populaire du régime ; l’armée accepte d’organiser des élections dans un délai court et procède au transfert du pouvoir à des dirigeants démocratiquement élus.

Poursuivant sa démonstration, Varol, souligne que les objectifs poursuivis par les auteurs des putschs et la manière de gérer le pouvoir (la transition) sont des indicateurs qui permettent de faire la distinction entre les coups d’Etat classiques, perpétrés par des personnes désireuses de prendre et exercer le pouvoir dans leur propre intérêt et les coups d’Etat à « objectif démocratique » où les putschistes affichent une volonté de rectification d’une trajectoire jugée autocratique du régime déchu. Dans les coups d’Etat classiques, les putschistes s’emparent de tous les leviers du pouvoir, tandis que chez les putschistes « prodémocraties », on observe une volonté d’impliquer les autres acteurs politiques et sociaux dans la gestion du pouvoir.

À l’instar des autres coups d’Etat observés en Afrique, celui perpétré par le CNRD en Guinée suit une démarche connue et assez documentée qui consiste à vouloir rassurer l’opinion sur leurs intentions : annoncer la suspension de la constitution en vigueur, la dissolution des institutions, et promettre le retour rapide à l’ordre constitutionnel. Dans un environnement de méfiance face aux velléités des putschistes de s’éterniser au pouvoir, réalités très observées dans les pays qui ont enregistré la prise du pouvoir par l’armée, les déclarations d’intention ne suffisent pas le plus souvent. D’où la question, pertinemment légitime d’ailleurs, de la durée de la transition.

L’incertitude et les promesses impossibles à tenir au menu de la transition

Quelle durée « raisonnable » ? Les partisans d’une transition longue rivalisent d’arguments avec ceux qui pensent le contraire. Pour répéter la rhétorique du juste milieu : elle ne devrait pas être très longue ni très courte.

Chaque camp tient un argumentaire qui conforte un positionnement idéologique ou partisan. Si le Colonel Mamadi Doumbouya, chef de la junte en Guinée, ne cesse de marteler sa volonté de mener la transition à terme sans se présenter aux prochaines élections, une position déjà mentionnée dans la charte de la transition dans son article 46 qui stipule : « Le Président et les membres du Comité National du Rassemblement pour le Développement ne peuvent faire acte de candidature ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition. La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision », force est de constater une légère évolution du discours sur la question de la durée de la transition. Dans la charte de la transition, l’article 77 ne précise pas clairement que c’est le CNT (conseil national de la transition) qui sera chargé de fixer la durée de la transition. Cet article stipule que « La durée de la Transition sera fixée de commun accord entre les Forces Vives de la Nation et le Comité National du Rassemblement pour le Développement ». Certes, le CNT dont la mise en place traine toujours, sera composé de différentes composantes de la société guinéenne, mais il aurait été plus judicieux de préciser dans la Charte que ce sont les forces vives de la nation « réunies au sein du CNT » qui auront cette autre mission.

Pour évaluer la bonne foi des putschistes sur leurs intentions de favoriser un retour rapide à l’ordre constitutionnel ou de s’éterniser au pouvoir, la présentation d’un chronogramme détaillé et cohérent est la principale exigence des acteurs politiques mais aussi des organisations internationales. Après avoir ‘’applaudi’’ la prise du pouvoir par l’armée, les acteurs politiques ne comptent pas restés dans une position de spectateur. S’il n’y a aucun doute sur leurs préférences en faveur d’une transition courte, ils restent toutefois, très prudents face au CNRD pour éviter un quelconque « accrochage ». Mais jusqu’à quand ?

Sur le plan international, la pression ne faiblit pas. Le cas malien illustre bien cette intransigeance de la CEDEAO de faire vivre un « enfer » aux putschistes indélicats et qui ont pour ambition de s’éterniser au pouvoir. Dans une étude de l’IFRI intitulée Transitions politiques : les déboires du modèle de sortie de crise en Afrique publiée en 2016, les auteurs Mathilde Tarif et Thierry Vircoulon soulignent que « la communauté internationale confère généralement aux gouvernements de transition une espérance de vie de deux ans, au terme desquelles ils doivent s’autodétruire électoralement. » Toutefois, ces auteurs rappellent que « la priorisation des élections comporte son lot d’inconvénients pour le processus de sortie de crise ». C’est bien là, le fondement de l’argumentaire des partisans d’une transition longue. Ces derniers soutiennent que la transition est le moment propice pour refonder l’Etat. Qui parle de refonder un Etat, parle forcément d’une mission à envisager dans la durée. La refondation de l’Etat, une mission impossible en période transitoire ?

À l’instar des autres transitions militaires en Afrique, celle en cours en Guinée n’échappe pas à cette promesse de refondation de l’Etat. Dans son article 2, la Charte de la transition énumère les missions de la transition dont entre autres : « – la refondation de l’Etat pour bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un Etat de droit, un processus démocratique inclusif, apaisé et durable, gage d’un développement social, économique et culturel effectif ; – l’engagement de réformes majeures sur les plans économique, politique, électoral et administratif ; – le renforcement de l’indépendance de la justice et la lutte contre l’impunité ; – l’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable ;…). Des grandes ambitions, dira-t-on. Pour les sceptiques, ces missions soulèvent la question de leur faisabilité. On est tenté de se poser la question : les transitions sont-elles un moment pour une refondation des institutions de l’Etat ? Pour répondre à cette question, revenons sur l’étude de l’IFRI intitulée Transitions politiques : les déboires du modèle de sortie de crise en Afrique publiée en 2016. Les auteurs de cette étude, à partir d’exemples des transitions politiques au Mali (celle de 2012), en Centrafrique et en Somalie dressent le bilan de cette promesse majeure de refondation de l’Etat en ces termes : « la facilité avec laquelle ils [les gouvernements de transition ndlr] promettent une refondation des institutions de l’Etat contraste avec l’absence de progrès dans la mise en œuvre de cette dernière. Les autorités de transition rédigent toutes les nouvelles constitutions mais elles se montrent incapables d’enclencher les réformes de gouvernance pourtant mises en avant dans leurs feuilles de route et de rompre avec les pratiques de corruption des régimes précédents. En d’autres termes, durant la transition, la réforme de gouvernance est une rhétorique vide. »

Sur la problématique de la corruption, l’étude souligne que « S’il est impossible d’affirmer que la corruption augmente durant les transitions, force est de constater que l’environnement lui reste très favorable. D’une part, les institutions habituelles de contrôle des finances publiques et les institutions judiciaires sont ineffectives ; d’autres, les gouvernants de la transition se savent temporaires et potentiellement voués à une disparition politique, ce qui accroit leur incitation à se servir tant que cela est encore possible ». Pour illustrer cette réalité, en 2015 plusieurs médias publiaient des informations concernant une décision des autorités centrafricaines post-transition d’auditer toutes les institutions sur leur gestion pendant la période de transition notamment le dossier sur l’affaire du don angolais (2,5 millions de dollars sur les 10 millions) n’étaient pas passés par les caisses du Trésor public. Au Burkina Faso, l’audit du gouvernement de transition, commandé par Roch Marc Christian Kaboré, avait révélé que le gouvernement de la transition a eu “massivement” recours aux “procédures exceptionnelles” (entente directe et appels d’offres restreints) pour les marchés publics. Le rapport accusait également l’ex-Premier ministre de la transition Isaac Zida et dix-huit membres de son gouvernement, des membres de leur famille, de s’être fait attribuer des parcelles dans le quartier chic de Ouaga 2000 en violation flagrante des textes. En Tunisie, International Crisis Group dans un rapport publié en 2017 intitulé La transition bloquée : corruption et régionalisme en Tunisie, dénonçait la corruption et le clientélisme qui menacent la transition démocratique dans ce pays, décrite comme un succès après le soulèvement populaire de 2011.

Si l’unanimité se dégage sur l’urgence de lutter contre la corruption, on peut toutefois, se poser la question de savoir : jusqu’où les autorités d’une transition peuvent aller en matière de lutte contre la corruption ? Pierre Jacquemot, dans un article intitulé Comprendre la corruption des élites en Afrique subsaharienne, publié en 2012, soutient que si l’impunité doit être combattue, la sanction soulève de nombreuses questions car, souligne l’auteur « à un moment donné, la boucle répressive se ferme sur elle-même, quand celui qui doit réprimer un cas de détournement de fonds publics se révèle en être l’un de ses bénéficiaires ».

En créant la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), les autorités de la transition guinéenne ambitionnent de lutter contre la délinquance financière, notamment les détournements de deniers publics. En attendant les premiers résultats de cette juridiction pour évaluer l’effectivité de la volonté des autorités de transition à faire de la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics une mission centrale de la transition, plusieurs observateurs restent cependant sceptiques. Et si l’ouverture de tous ces chantiers obéissait à un schéma que certains qualifieraient de « populiste » ? Le terreau politique guinéen est très fertile pour une telle entreprise d’enfumage généralisé. Sans faire de procès d’intention aux autorités de transition, observons avec lucidité le processus qui semble grippé par des zones d’ombre autour de la durée de la transition mais aussi la question de l’impunité.

Pour conclure, rappelons que les transitions sont éminemment politiques contrairement aux discours que tiennent certains acteurs de la transition et comme le soulignent les auteurs Mathilde Tarif et Thierry Vircoulon dans le rapport de l’IFRI cité plus haut, « les transitions politiques sont des périodes fondamentalement conflictuelles bien loin de l’unité nationale et du sursaut patriotique que réclament les circonstances dramatiques et que célèbrent les discours officiels du moment ». D’où la nécessité de trouver sans cesse un compromis pour donner à la transition une chance d’aboutir aux objectifs démocratiques qu’elle s’est fixée. Une idée partagée par Céline Thiriot dans Rôle de la société civile dans la transition et la consolidation démocratique en Afrique : éléments de réflexion à partir du cas du Mali, publié en 2002, qui soutient que la transition vers la démocratie apparaît comme un compromis entre les différents acteurs. À propos, l’auteur cite Bratton et Van De Walle, Democratic Experiment in Africa. Regimes Transitions in Comparative Perspective publié en 1997 : « La clé des transitions démocratiques est la capacité des participants à parvenir à des accords arbitrés qui donnent à chacun au moins une partie de ce qu’il voulait ».

Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Les États-Unis dénoncent la poursuite des arrestations de membres de l’opposition politique en Guinée [Déclaration]


Politique


L’ambassade des États-Unis se félicite de la récente libération provisoire de quatre membres de l’opposition politique après huit mois de détention provisoire. Il s’agit d’une étape positive vers la réconciliation nationale.

Ce geste contraste fortement avec l’arrestation et la détention de la figure de l’opposition Kéamou Bogola Haba le 14 juillet par le gouvernement guinéen. Cette dernière détention suggère que le gouvernement guinéen continue à arrêter et à réduire au silence les voix politiques de l’opposition.

Les États-Unis réaffirment que l’État de droit et la liberté d’expression sont au cœur d’une démocratie stable, fonctionnelle et crédible.

Chacun mérite le droit de s’exprimer, comme le stipule la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Les États-Unis appellent le gouvernement guinéen à renforcer le pluralisme politique et le respect des droits de l’homme, notamment la liberté d’expression et la tenue d’audiences publiques et équitables sans retard excessif pour les personnes qui restent en détention provisoire.

Mettre fin à l’apparence de détentions pour des raisons politiques contribuera à restaurer la confiance du public et de la communauté internationale dans la démocratie guinéenne et à encourager le dialogue politique, qui ne peut réussir que si toutes les parties sont convaincues qu’il peut y avoir une issue positive.





Tierno Monenembo ne reculera pas car «Les dictatures, on ne les fuit pas, on les confronte [ ]»


Politique


Depuis quelques jours, des Etats-Unis, de France, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Mali et d’ailleurs, des bonnes âmes soucieuses de ma liberté et de ma vie m’adressent des messages d’alerte : il paraît que ma vie est en danger. Je devrais me méfier, baisser le ton, adoucir mes propos et peut-être même quitter le pays.

Eh bien non, je ne me méfierai pas, je ne baisserai pas le ton et surtout, surtout, surtout, je ne quitterai plus jamais mon pays sauf pour les besoins d’une conférence, d’un Salon du Livre ou d’un check-up médical. Je ne viens pas de Haute-Volta moi, je suis d’ici moi. Mon père est enterré au cimetière de Coléah, ma mère, à celui de Dixinn, mes aïeux reposent à Porédaka.

Déjà, à la fin des années 60, ceux de ma génération avaient commis la grave erreur de fuir le régime bestial de Sékou Touré. Aujourd’hui encore, le pays entier continue d’en payer le prix. Les dictatures, on ne les fuit pas, on les confronte, on leur crache dessus, on les abat.


Je ne me méfierai pas, je ne baisserai pas le ton et surtout, surtout, surtout, je ne quitterai plus jamais mon pays sauf pour les besoins d’une conférence, d’un Salon du Livre ou d’un check-up médical.


Cette magistrale leçon de l’Histoire, je l’ai parfaitement assimilée à présent. Je ne reculerai plus jamais devant un despote. La liberté a un prix et ce prix, je suis prêt à le payer comme l’ont déjà fait nombre de nos compatriotes. Je pense aux centaines de morts qui jalonnent les deux mandats du sinistre Alpha. Je pense aux dizaines de disparus, aux milliers de prisonniers politiques. Je pense en particulier à Ousmane Gaoual, Sékou Koundouno, Chérif Bah, Etienne Soropogui Oumar Sylla, Saïkou Oumar, Ismaël Condé, Souleymane Condé et les autres. Je pense à vous tous vaillants patriotes guinéens qui croupissez dans les geôles d’ Alpha Condé pour avoir refusé de renoncer à votre dignité de citoyens. Je m’incline humblement devant votre foi et votre bravoure.

Les Guinéens en ont jusque-là. Ils sont tous prêts à mourir pour recouvrer leur liberté. Ils sont prêts à consentir les sacrifices qu’il faut, cela prendra le temps que cela prendra. Ils savent que le despotisme est déjà derrière eux.

Le régime archaïque d’Alpha Condé n’est que le dernier maillon d’une espèce en voie de disparition. Après 62 ans de chaos absolu, ils savent qu’ils sont près du but : c’est pour bientôt, le soleil de la liberté, le jour de la concorde et du bien-être collectif.

Pour ma part, non seulement je ne quitterai pas le pays, mais je suis prêt à mourir. Rien de plus beau que de mourir pour la liberté ! Il y a des moments où la plume ne suffit pas. Il y a des moments où l’écrivain doit abandonner sa table de travail pour descendre dans l’arène. Le romancier ne doit pas se contenter de prendre la parole, il doit aussi prendre la rue, se tapir dans les tranchées ou se jucher sur les barricades. « Un poème dans la poche, un fusil dans la main », disait d’ailleurs mon ami congolais, Emmanuel Dongala. De Garcia Lorca à Paul Eluard, de Tahar Djaout, à Ken Saro Wiwa, c’est quand le poète tombe sous les balles des barbares que la littérature prend tout son sens. Et qu’est-ce que la littérature sinon, ce bataillon armé de mots qui depuis la nuit des temps occupe les avant-postes du combat pour la liberté : liberté d’être, liberté de penser, liberté de dire, liberté d’aller et de venir, liberté de créer, liberté de rêver.

Non, je ne reculerai pas. Non, je ne me méfierai pas. Non, je ne n’adoucirai pas mes propos. Je continuerai vaille que vaille à dire merde à ce régime de merde.

Advienne que pourra !

Tierno Monénembo





Le syndrome du troisième mandat en Afrique : “les nouvelles formes de coups d’Etat”


Republication de contenu francetvinfo

Afrique


L’inquiétude grandit en Afrique de l’Ouest à l’approche des élections présidentielles d’octobre en Côte d’Ivoire et en Guinée. “La folie du troisième mandat” risque de précipiter toute la région dans le chaos, redoutent les analystes.

Alioune Tine est un familier des crises qui ont secoué l’Afrique de l’Ouest, pour y avoir travaillé longtemps comme directeur régional d’Amnesty International. C’est un fervent défenseur des Droits de l’Homme respecté dans toute la région. Alors que le débat sur le syndrome du troisième mandat fait rage en Côte d’Ivoire et en Guinée, où des élections présidentielles sont prévues en octobre, il redoute une violente déflagration aux conséquences incalculables.

Les présidents Alassane Ouattara et Alpha Condé “fonctionnent en mode pilotage automatique, sourds et aveugles”, obsèrve-t-il dans les colonnes du quotidien sénégalais Vox Populi. Il pointe un risque “de chaos et de somalisation” de la région.

Au mois de mars, Alioune Tine avait qualifié d’historique, la décision du président Alassane Ouattara de ne pas briguer un troisième mandat. Il a déchanté, depuis que le chef de l’Etat ivoirien, privé de son dauphin brutalement décédé, s’est remis dans la course sous la pression de ses partisans. Un revirement qui fait des vagues en Côte d’Ivoire. Des manifestations anti-troisième mandat de Ouattara ont déjà fait six morts et une trentaine de blessés. Et l’on craint le pire dans les jours et les semaines à venir.

“Une imposture intellectuelle”

Pour Alioune Tine, ce troisième mandat, qui suscite tant de tensions et d’inquiétudes en Afrique de l’Ouest, n’a aucune réalité juridique et constitutionnelle. 

C’est une imposture intellectuelle qui dissimule les nouvelles formes de coup d’État constitutionnel et de coup d’État électoral. Cela crée instabilités et régressions

Alioune Tine, défenseur des droits de l’homme sur son compte Twitter

Alioune Tine est formel. Pour lui, la limitation de mandats est évoquée en Afrique pour éviter que ça dépasse deux mandats. Le reste relève “d’extrapolations infectes menant à un coup d’Etat constitutionnel”, dénonce-t-il.

“Les intérêts du clan avant tout”

Pourquoi Allassane Ouattara prend-il le risque de mettre le feu au pays ? Pour l’analyste politique ivoirien, Sylvain N’guessan, si le président ivoirien veut se maintenir au pouvoir, c’est en raison de l’échec de la réconciliation nationale et du processus de justice transitionnelle inachevé après la grave crise postélectorale de 2010-2011 qui s’était soldée par plus de 3000 morts.

“Les tenants du pouvoir actuel redoutent que si l’opposition arrive aux affaires, ils seront obligés de prendre leurs effets et de partir en exil. Dans ce genre de contexte, tous les moyens sont bons pour conserver le pouvoir”, explique Sylvain N’guessan sur l’antenne de la BBC.

L’analyste politique ivoirien observe que même les chefs d’Etats africains qui arrivent à imposer leur dauphin pour prendre leur relève ne s’en tirent pas toujours à bon compte. Il cite le cas de l’ancien président angolais, José Edouardo Dos Santos dont le dauphin s’est émancipé rapidement de son mentor. Résultat : certains membres de sa famille, dont ses propres enfants, ont été traînés devant les tribunaux pour corruption et détournements de fonds publics. D’où la tentation de garder les commandes le plus longtemps possible pour éviter les mauvaises surprises.

Mieux vaut s’accrocher quitte à mourir au pouvoir pour préserver, non seulement sa tête, mais aussi les intérêts de la famille et de son clan

Sylvain N’guessan, analyste politique ivoirien à la BBC

Aux quatre coins de l’Afrique, on ne compte plus le nombre de chefs d’Etat qui, au terme de leur deuxième et dernier mandat, manipulent la constitution pour pouvoir rester au pouvoir. C’est le cas du président de Guinée, Alpha Condé, qui est poussé par ses partisans à briguer, lui aussi, “un mandat de trop”. L’intéressé n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature. Mais, après le référendum constitutionnel qu’il a organisé, personne n’en doute plus dans son pays. Ses opposants sont déjà sur le pied de guerre.

Des recettes pour un départ en douceur

Comment inciter les chefs d’Etat africains à quitter le pouvoir pacifiquement ? Comment aider ceux qui se reprochent beaucoup de choses en matière de gouvernance ? Ceux qui craignent des audits pouvant sortir des cadavres de placards ? L’ancien chef de la diplomatie mauritanienne et ancien haut fonctionnaire de l’ONU, Ahmedou Ould Abdallah, a quelques recettes qu’il a exposées sur le site de Wathi, un Think Tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest.

L’ancien diplomate mauritanien propose d’offrir aux anciens chefs d’Etats une amnistie conditionnelle, valide tant qu’ils restent dans leurs pays. Il suggère qu’une pension généreuse leur soit accordée, en même temps que divers avantages pour que leur sécurité matérielle soit durablement assurée. Le tout avec les honneurs protocolaires liés à leur statut d’anciens présidents. Il estime que cette démarche coûterait moins cher que les pillages auxquels ces chefs d’Etats s’adonnent. Mais, comme il le reconnaît lui-même, ses propositions ont reçu une fin de non recevoir de la part des partis d’opposition en Afrique de l’Ouest.

Mobiliser la société civile

Pour sa part, l’analyste politique ivoirien, Sylvain N’Guessan estime qu’il faut que les sociétés civiles africaines prennent leurs responsabilités pour peser dans le débat lors de la rédaction des constitutions et à l’occasion de leur modification. “Elles doivent expliquer les enjeux de ces réformes aux électeurs et aux populations concernées”, pour que ces dernières agissent en connaissance de cause, plaide-t-il.


Cet article est republié à partir de francetvinfo.fr. Lire l’original ici





Guinée: quel avenir en ce temps de crise? [Par Alpha Boubacar BALDE]


Point de vue


Peuple de Guinée, jeunesse de Guinée, allons-nous remplir ou trahir notre mission ?


1. Quels choix pour nos politiques dans ce contexte de crise?

L’année 2020 comme l’anticipaient les observateurs avertis de la scène politique Guinéenne est l’année de tous les dangers. En effet, l’année 2020 devait être celle de la confirmation ou non de l’ancrage de notre pays dans le rang des pays dits démocratiques. 2020 devait être l’année du renouvellement de l’Assemblée Nationale (AN) et également celle qui devait conduire à la première alternance démocratique depuis l’accession de notre pays à l’indépendance en 1958 (Passation de pouvoir entre vifs). Enfin, nous l’espérions en tout cas considérant les conditions de ‘‘l’érection’’ et de ‘‘réérection’’ du PRAC-MATIQUE à la magistrature suprême de notre pays en 2010 et 2015 respectivement.

Cet espoir hélas semble hors de portée suite à l’érection d’un « ENSEMBLE NATIONAL » et au REFERENDRAME DE CONSTIPATION organisés dans les conditions que nous connaissons tous. Ce REFERENDRAME qui a conduit à l’adoption d’un « PQ » constitutionnel. Oui, j’ai ouïe dire que les nombreuses versions sont utilisées dans les WC « Waters » des différents ministères et autres services de l’administration publique. En même temps, il faut dire qu’il n’y a pas d’eau dans les robinets donc on fait comme on peut ! N’nallah. « Rien ne se crée rien ne se perd tout se transforme » disait LAVOISIER. AFAKOUDOU ! qui est fou.

Selon les détracteurs de la constitution du CNT de 2010, cette dernière souffrait d’un déficit de légitimité à cause des conditions de son adoption (par le CNT) et sa promulgation (par un président de transition désormais exilé depuis 10 ans ! Si je mens qu’il rentre au pays pour prouver le contraire) … « What goes around come around » disent les Anglais. Le karma de DADIS n’est pas loin je dis ça, je ne dis rien.

Alors que dire de leur nouvelle constipation, je veux dire le « PQ Constitutionnel ». Lors du « REFERENDRAME », ils ont fait « voter » un texte et le PRAC-MATIQUE a « promulgué » un autre texte. La cours anticonstitutionnelle, consultée par les DÉPITÉS COVID floués dans cette affaire a trouvé les considérants qu’il fallait pour légitimer cette forfaiture. Du moins, c’est ce qu’elle croit mais AMOULANFÉ !

Du jamais vu dans l’histoire du droit constitutionnel selon l’avis d’un éminent professeur de droit de l’UCAD lors d’une émission sur RFI. Un vrai professeur celui-là, pas comme l’autre imposteur. « Y’ai pas dit nom de quelqu’un hein » comme disent les Ivoriens, parce qu’on se connaît dans pays-là ! Ne venez pas manger vos piments dans ma bouche Allahbè.

J’imagine les discussions et argumentations dans les amphis de droit sur cette singularité Guinéenne qui est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Les étudiants de droit vont s’amuser…

Finalement, le déficit de légitimité est encore plus important avec ce PQ constitutionnel de 2020 par rapport à la constitution du CNT de 2010 qui l’a précédée.

« ALIFA PUISSANCI A MAGNIN DEEEEE ! »

2. Quelles décisions doivent prendre les leaders de l’opposition?


Il est urgent, que les leaders transcendent leurs intérêts égoïstes pour mettre en place l’union sacrée pour sauver la maison Guinée. Il est plus que vital de barrer le chemin et refuser ce simulacre d’élection.


Selon des indiscrétions, les états-majors des principaux partis politiques envisagent sérieusement de participer à l’élection du 18 octobre 2020. Il est vrai qu’ils sont dans une position difficile et en plein doute vu qu’ils n’ont pas pu empêcher le « REFERENDRAME DE CONSTIPATION » et l’érection des nouveaux « DÉPITÉS COVID ». De mon point de vue, leur participation légitimerait cette pseudo élection envisagée pour le 18 octobre 2020. Il est urgent, que les leaders transcendent leurs intérêts égoïstes pour mettre en place l’union sacrée pour sauver la maison Guinée. Il est plus que vital de barrer le chemin et refuser ce simulacre d’élection. S’ils veulent gouverner ce pays, qu’ils aient le courage de leurs ambitions. Ils doivent affronter ce pouvoir corrompu, demander la désobéissance civile à la population, paralyser l’Etat. Que chacun manifeste dans son quartier, sa commune, sa ville, son village. Que les représentants de l’Etat soient mis en déroute s’ils ne se rangent pas du côté du peuple. Une telle démarche permettra d’empêcher la concentration des forces de répression (FDS et armée) à des endroits stratégiques d’un hypothétique itinéraire de marche. Les leaders doivent faire en sorte d’infiltrer l’appareil d’état et l’appareil sécuritaire comme le PRAC l’avait fait du temps du Général CONTE. De toute façon, ils ne sont composés que de mercenaires qui se vendent aux plus offrants. Faites vaciller cette administration de kleptocrates. Il y va de la survie de notre pays en tant que nation. Soyez prêts au sacrifice ultime, déjà, 200 jeunes reposent au cimetière de Bambeto depuis 2010. Ne trahissez pas leur lutte, ils doivent être réhabilités pour que plus jamais de pareilles choses ne se reproduisent.

Ne vous laissez pas enfermez chez vous lors des mouvements sociaux, sortez affrontez les FDS qui bloquent l’accès à vos domiciles. On ne fait pas d’omelettes sans casser les œufs chers leaders. Soit, vous êtes libre de vos mouvements ou bien en état d’arrestation. Ayez le courage de vos militants qui affrontent les FDS dans les quartiers. Sachez que souvent, la prison est un raccourci vers la Présidence et que l’arrestation d’un Homme politique n’a pas le même impact et la même résonance que celle d’un individu lambda.

Sortez de votre zone de confort !!! OSEZ, JE VOUS CONJURE OSEZ !!!

3. De la nécessité d’une transition !

Il est clair pour tout démocrate ayant un minimum de discernement, qu’une transition est indispensable pour nettoyer le merdier du PRAC-MATIQUE. Pour avoir des élections libres, transparentes et inclusives en Guinée, il y’a des préalables dont on ne peut pas faire l’économie.

  • La suspension de la pseudo nouvelle « constipation » ;
  • La suspension du pseudo parlement des « DEPITES COVID » ;
  • Un nouveau recensement des électeurs qui soit le reflet du corps électoral Guinéen ;
  • La recomposition de la cour constitutionnelle par des hommes intègres. Ils pourraient faire l’objet de désignation à vie à l’image de ce qui est fait aux USA pour éviter la pression et garantir leur indépendance, dans le cadre d’une modification (pas un changement) à la constitution de 2010 ;
  • La recomposition de la CENI sur la base de l’impartialité et la compétence et non plus de la complaisance ;
  • La diligence d’enquêtes concernant les tueries d’innocents lors des différentes manifestations politiques ;
  • La mise en place d’une commission vérité-réconciliation pour purger toute cette frustration et les ressentiments qui empoisonnent le quotidien de notre jeune nation ;
  • La mise en place d’institutions inébranlables avec des hommes de conviction au service de la nation et non des laquais au service de celui qui les a nommés ;
  • Une justice impartiale au service du citoyen ;

Il est indispensable que ces éléments soient mis en place pour éviter l’éternel recommencement dans notre pays (Pays des occasions manquées). A chaque fois qu’on a cru pouvoir remettre notre pays sur les rails, nous n’avons pas fait le bon choix et voilà où nous en somme en 2020.

62 ans après notre indépendance :

  • Nous n’avons ni eau, ni électricité alors que notre pays est Le Château d’Eau de l’Afrique de l’Ouest ;
  • Nous n’avons ni infrastructures routières, ni hôpitaux, ni écoles et universités qui soient valables ;
  • Nous n’avons ni administration efficace, ni dirigeants au service de la population ;
  • Notre système éducatif est à l’article de la mort, il met sur le marché de l’emploi des gens dont le niveau décroît d’année en année. Ce qui compromet dangereusement la capacité des jeunes à prendre la relève ;
  • Aucun projet minier d’envergure n’a été réalisé malgré le scandale géologique de notre sous-sol qui regorge de minerais recherchés et indispensables aux industries ;
  • Les micro-industries que nous avions lors de notre accession à l’indépendance se sont comme évaporées ;
  • Des cadres véreux et corrompus vampirisent notre administration et empêchent toute réforme de nature à mettre à évidence leur incompétence manifeste et chronique ;
  • Des hommes politiques sans conviction, qui comme des girouettes tournent à gré du vent et nous font perdre du temps. Ils n’offrent aucune alternative crédible à un pouvoir moribond ;
  • Les FDS et l’armée qui auraient été réformées à coup de millions de Dollar après la transition et l’érection du PRAC-MATIQUE ciblent et tuent impunément la population. Il faut croire, que l’impunité érigée en système de gouvernance par un éternel opposant, devenu par accident un Président rancunier, n’est pas de nature à faire des FDS et de l’armée des services républicains ;
  • Nous ne sommes même pas capables de nourrir notre population sans faire recours à l’importation alors que nous disposons de surfaces cultivables qui ne demandent qu’à être aménagées et mises en valeur.

4. Quel rôle pour la population ?

L’exigence est le maître mot du rôle que doit jouer la population. Soyons exigeants vis à vis de ceux-là qui nous gouvernent. Ils sont à notre service et pas le contraire. S’ils ne font pas l’affaire, qu’ils dégagent.

Nous sommes au moins 12 millions de Guinéens et il y’a forcément parmi nous des gens valables et honorables pour occuper ces fonctions et qui seront au service de la population. Les hommes et femmes qui aspirent à diriger notre pays doivent savoir que la fonction, à laquelle ils veulent accéder, consiste à servir (le peuple) et non se servir (du peuple).

Chers compatriotes, faisons le bilan des 10 ans de gouvernance de l’éternel opposant devenu président.

Après 10 ans sous la présidence du PRAC et de son RPG, évaluons sans complaisance et en toute objectivité, les changements qualitatifs et quantitatifs que nous observons dans notre vie quotidienne. Evaluons, si ces changements sont à mettre à l’actif de la gouvernance du PRAC?

  • Nos enfants sont-ils mieux scolarisés ?
  • Nos hôpitaux sont-ils mieux équipés et plus à même de nous fournir les soins dont nous avons besoin ?
  • Notre pouvoir d’achat s’est-il amélioré ?
  • Les routes que nous empruntons au quotidien lors de nos déplacements sont-elles dans un meilleur état ?
  • La desserte en eau et électricité dans les ménages dans nos foyers s’est-elle améliorée ?
  • Nous sentons nous plus en sécurité avec la supposée réforme des FDS et de l’armée qui continuent à endeuiller nos familles ?
  • Ressentons-nous plus de liberté, de démocratie et de droit de l’homme ?
  • L’administration publique est-elle plus performante au service de la population ?
  • La corruption qui caractérisait l’administration Guinéenne a-t-elle baissée ou s’est-elle amplifiée ?
  • Les cadres corrompus qui manipulaient le Général CONTE, le sulfureux capitaine DADIS, et le Général maquisard KONATE, ont-ils été écartés des arcanes du pouvoir ?
  • Des gros projets miniers qui étaient à l’étude, lequel a été mis en œuvre en 10 ans de pouvoir du Président stagiaire aka le PRAC ? Quels bénéfices pour la population ?
  • Nous sentons nous toujours proche de nos amis, voisins, collègues et connaissances des autres communautés ethniques comme ce fut le cas avant la Présidence du PRAC et sa politique tribale ?
  • Pour faire simple, notre vie et celle de nos parents amis et voisins est-elle plus facile et mieux aujourd’hui grâce à cette administration ?

Personnellement, je réponds par la négative à l’ensemble de ces questions.

Chers compatriotes, il est encore temps d’agir. Agir pour nos enfants. Pour nous, il est trop tard, mais nous pouvons encore faire en sorte que nos enfants bénéficient des avantages et ressources dont notre beau pays est doté.

Agir en quoi faisant me diront certains !

En s’engageant, chacun à son niveau, selon ses moyens pour faire échouer l’homicide programmé de notre démocratie. C’est parce que les hommes compétents et intègres refusent de mettre leur main dans le cambouis de notre administration et dans la sphère politique, préférant le secteur privé ou l’expatriation ; que des hommes n’ayant ni morale, ni valeur, ni dignité et encore moins de compétence sont aux affaires. La nature a horreur du vide à ce qu’il parait. Aujourd’hui, ces kleptocrates décident de notre avenir et compromettent dangereusement l’avenir de notre mère patrie la Guinée. Je veux chers compatriotes que nous nous approprions cette réflexion : « Nous n’héritons pas notre pays de nos parents, mais nous l’empruntons à nos enfants ».  Alors, faisons-en sorte de leur rendre le pays dans une situation meilleure que celle dans laquelle nous l’avons trouvé. Mettons les Hommes qu’il faut aux places qu’il faut. Sortons de ces considérations tribales qui n’apportent rien de bon. « Au lieu du champagne pour quelques-uns, nous voulons l’eau potable pour tous » comme le disait Thomas SANKARA.


C’est parce que les hommes compétents et intègres refusent de mettre leur main dans le cambouis de notre administration et dans la sphère politique, préférant le secteur privé ou l’expatriation ; que des hommes n’ayant ni morale, ni valeur, ni dignité et encore moins de compétence sont aux affaires.


Sachez chers compatriotes, que le peuple qui n’assume pas sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort.

L’Occident ou la communauté internationale ne viendront pas résoudre nos problèmes à notre place. Ils sont confrontés eux-mêmes à des défis auxquels ils doivent faire face. Notre situation de pays assisté arrange la puissance coloniale. Les discours souverainistes, pompeux et creux de notre PRAC national qui vient ensuite faire la révérence à l’Élysée devant son petit-fils MACRON devraient nous éclairer sur la personnalité de l’homme, sa duplicité.

Il est grand temps d’envoyer le PRAC à la retraite dans un EHPAD là où est sa place. Et au-delà du PRAC et consort, il est grand temps de mettre fin à ce système qui condamne des générations et met des millions d’espoirs sous verrous.

« Refusons de manger avec ceux qui mangent la Guinée » comme l’avait fait Thierno Monenembo lors de son invitation au diner d’état offert par François Hollande au PRAC a l’occasion de sa visite d’Etat en France.

5. Les conséquences du maintien de cette administration au-delà d’octobre 2020

En 10 ans de pouvoir PRAC-MATIQUE, nous avons tous vu les résultats de cette administration. Plus haut nous avons fait le bilan des changements qualitatifs et quantitatifs dans nos vies. Allons-nous continuer dans cette direction en espérant des résultats différents ? Albert EINSTEIN disait que : « la folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». J’ose espérer qu’on n’est pas tous déments dans ce pays. Les Ivoriens eux disent que : « Premier gaou n’est pas gaou, c’est deuxième gaou qui est niatta ».

L’administration de ces 10 dernières années est la représentation même de « L’INAPTOCRATIE » que JEAN D’ORMESSON définit ainsi : « système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d’un nombre de producteurs en diminution continuelle ». C’est à croire que c’est l’administration du PRAC qui a inspiré l’auteur.

Supposons maintenant, que ces « INAPTOCRATES » se maintiennent au pouvoir au-delà d’octobre 2020, imaginons les conséquences :

  • Un Président sénile de plus de 90 ans qui n’est même plus audible lorsqu’il s’exprime lors de ses allocutions ;
  • Un tissu social déjà fortement éprouvé qui va définitivement se déchirer ;
  • Le maintien de cadres corrompus sans aucune compétence à des postes qu’ils ont eus en récompense de leur adoration au PRAC ;
  • La perte des acquis démocratiques que nous pensions avoir obtenus lors de mouvements sociaux successifs des années 2000 à 2010 et au lendemain des massacres du 28 septembre date doublement symbolique pour notre pays ;
  • Le maintien du soutien, du financement et de la protection par une administration aux abois, d’individus n’ayant aucune fonction officielle et dont le rôle est de promouvoir des discours haineux aux relents ethniques pour compromettre l’unité nationale ;
  • Le statut quo des FDS et d’une armée d’opérette au service d’un homme et non au service d’une nation ;
  • L’enrichissement illicite des membres de l’administration au détriment de la réalisation d’infrastructures de base pour la population qui manque cruellement de tout ;
  • La stigmatisation de notre pays comme un État paria parmi les nations démocratiques ;
  • Le maintien en statut quo d’un fichier électoral tellement tronqué, qu’il rendra impossible ad vitam aeternam, toute alternance dans le pays tellement il est biaisé pour favoriser le RPG arc en ciel ;
  • Le maintien en statut quo d’une cours constitutionnelle qui dit tout sauf le droit, ce qui aura pour conséquence un appareil judiciaire inopérant ou qui rendra tout sauf la justice ;
  • Le maintien d’un parlement dont les membres mal élus n’ont aucune légitimité vu les conditions du scrutin ;
  • Une constitution qui n’a pas l’adhésion de la majorité de la population et qui lors de sa promulgation a fait l’objet d’un faux lui enlevant tout son caractère de norme juridique ultime au sein d’un Etat ;
  • Cautionner auprès de notre jeunesse, l’idée selon laquelle, la politique n’a ni morale, ni éthique en érigeant en modèle des individus qui se sont reniés et qui ont ravalé leur vomi pour être conviés au festin de ce « gouverne-et-ment » de voleurs.
  • Donner l’illusion à cette même jeunesse, que la réussite s’obtient dans la roublardise et non dans le travail et l’abnégation ;
  • Continuer l’exploitation abusive de nos ressources (sol et sous-sol) par des sociétés étrangères qui détruisent notre environnement et dont les profits, sont domiciliés dans des comptes offshore détenus par les membres corrompus de l’administration du PRAC et qui ne bénéficient donc pas à la population ;
  • La dégradation continue de nos conditions de vie et de subsistance dans un pays scandaleusement doté par la nature de toutes les richesses du sol et du sous-sol ;
  • La poursuite par un président sénile de promesses fallacieuses et de poses de premières pierre alors que les projets lancés pendant les 10 dernières années à la veille de consultations électorales n’ont jamais vu le jour.

Sommes-nous prêts pour ce statut quo ?

J’espère que non !

J’espère un sursaut national pour sauver notre mère commune la Guinée de la main de ces gangsters dont l’unique dieu est l’argent et l’unique religion est le pouvoir pour le pouvoir.

Vaillant peuple du NON de 1958 au Général De Gaulle, tu ne peux courber l’échine devant un président tel qu’Alpha CONDE jadis connu sous le nom d’Alfa Grimpeur.

Frantz FANON disait : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, trouver sa mission, la remplir ou la trahir »

Peuple de Guinée, jeunesse de Guinée, allons-nous remplir ou trahir notre mission ?

La décision nous appartient !

Ne pas faire de choix c’est aussi faire un choix !


Alpha Bakar Le Kaizer
Un citoyen concerné




SCAN : «[ ] les deux constitutions qui se catapultent… Il faut les retirer» Sidya Touré


SCAN POLITIQUE [des paroles et des écrits]


Sidya Touré, Président de l’UFR (les conditions pour un éventuel dialogue avec le pouvoir) – 4 Juillet 2020

Les conditions : « la première chose, il faut qu’il (le pouvoir, ndlr) renonce au troisième mandat d’Alpha Condé qu’on n’en veut pas. La deuxième, les deux constitutions qui se catapultent… Il faut les retirer. L’Assemblée Nationale qui a été votée dans les conditions qu’on connaît, avec une distribution de députés, il faut la reprendre. Voilà les conditions dans lesquelles nous irons à un dialogue. Si ce n’est pas le cas, … nous continuerons à nous y opposer »

La source ici


Cellou Dalein Diallo, Président de l’UFDG (à l’occasion de l’inhumation des huit jeunes tués lors des manifestations du FNDC) – 3 juillet 2020

« Depuis qu’Alpha Condé est au pouvoir, nous avons enterré 194 jeunes personnes dont la plupart ont moins de 20 ans. Ce qui se passe aujourd’hui est plus grave par rapport à ce qui s’est passé au stade du 28 septembre où il y a eu 159 morts en 2009 ».

La source ici


Aliou Bah, Président de l’organe provisoire du MoDeL – 5 juillet 2020

« Au lieu de rester dans la critique passionnelle, l’indifférence naïve et l’équilibrisme hypocrite, regardons objectivement d’où nous venons et faisons ce que nous pouvons, autant que possible, pour faire bouger les lignes dans la bonne direction ».

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L’heure est grave pour la Guinée [Centre d’études stratégiques de l’Afrique]


Faisant fi des manifestations de masse, des mises en garde des responsables de la CEDEAO et des critiques internationales, le président Alpha Condé a imposé la tenue d’un référendum constitutionnel en Guinée le 22 mars. Le référendum, ainsi que les élections législatives, ont été boycottés par l’opposition qui les juge illégitimes du fait qu’ils ont été autorisés uniquement par le président de l’Assemblée nationale, un allié de Condé, mais non par le Parlement, comme l’exige la Constitution. Au moins 32 manifestants ont été tués par les forces de police avant la tenue du vote. Arguant du non-respect manifeste des règles électorales et de la validité douteuse des listes électorales, les observateurs électoraux internationaux ont refusé d’y prendre part.

Au cœur de la controverse, la demande du président de 82 ans de supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels qui aurait dû mettre fin à son « règne » au mois d’octobre, après 10 ans d’exercice du pouvoir, et permettre à la Guinée de connaître enfin sa toute première succession dans le respect des règles démocratiques. En vertu de la nouvelle Constitution, Alpha Condé pourrait prétendre rester en fonction pendant encore 12 ans. Le pays ayant enduré pendant 50 ans despotisme et abus de pouvoir avant d’entamer sa transition démocratique en 2010, la question de la limitation du nombre de mandats présidentiels revêt une importance particulière pour la plupart des Guinéens. Cette longue période de mauvaise gouvernance vaut aujourd’hui à la Guinée d’être l’un des pays les plus pauvres d’Afrique.

L’heure est grave pour la Guinée. En effet, l’expérience montre que les chefs d’État africains qui sont restés au pouvoir pendant plus de 10 ans ont accumulé les actes de répression et de corruption et généré instabilité financière, sous-développement et conflits dans le pays. Le régime de Condé a été marqué par un autoritarisme grandissant, qui s’est traduit par le remplacement du responsable de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le limogeage du président de la Cour constitutionnelle et la destitution forcée du Ministre de la justice (hostile à ces changements constitutionnels), mais aussi par la mise sous contrôle des médias et l’arrestation de représentants de l’opposition.

Le non-respect des règles de cumul des mandats et le recul démocratique en Guinée constituent un défi pour la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui s’efforce d’instituer des contrepouvoirs et d’obliger à rendre des comptes comme l’exige toute démocratie. Ces efforts s’attaquent à la tendance antidémocratique récente observée dans les 15 États membres de l’organisation. La Cour de justice de la CEDEAO est d’ailleurs actuellement saisie d’une affaire dans laquelle une coalition de l’opposition allègue la violation par le gouvernement Condé de droits de l’homme et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

Cette régression de la Guinée vers un pouvoir de type autoritaire est source d’instabilité politique et de difficultés économiques dans ce pays de 12 millions d’habitants dont les ressources minérales n’ont pas prémuni contre la pauvreté. Les implications pourraient être graves dans les pays voisins qui seront directement affectés par cette instabilité.

Crédibilité et pluralisme, les grands absents du processus

Selon les organisations non gouvernementales de Guinée, de nombreux citoyens ont suivi l’appel au boycott du référendum lancé par l’opposition, le taux de participation n’ayant pas dépassé les 30 % en province, pour tomber à moins de 15 % dans la capitale, Conakry, alors que ce taux atteignait par le passé 75 % au niveau national. Le jour du référendum, les médias et les réseaux sociaux ont indiqué que le nombre de bulletins « non » était insuffisant dans certains bureaux de vote. D’autres se sont vu confisquer leur carte électorale et ont dû attendre à l’extérieur pendant qu’un autre votait pour eux. D’autres encore ont signalé avoir été contraints de voter « oui ». Au moins 12 morts sont à déplorer, et des dizaines de personnes ont été arrêtées, notamment des représentants de l’opposition. En Guinée forestière, un conflit autour du vote a suscité des violences entre groupes religieux menant à l’incendie de plusieurs églises et mosquées faisant plus de 15 morts. Par ailleurs, les forces de l’ordre auraient confisqué des urnes afin de procéder elles-mêmes au dépouillement du scrutin. Selon les déclarations officielles du gouvernement, le référendum aurait été adopté à 89 % des voix, avec une participation de 58 %.

Avant le vote, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et la CEDEAO ont conclu à la participation au scrutin de plus de 2,5 millions d’« électeurs fantômes ». Lorsqu’Alpha Condé a consenti à un report symbolique de deux semaines pour corriger le problème, les observateurs internationaux de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’UE ont annoncé leur retrait.

Les irrégularités du processus électoral sont venues se greffer sur une série de mesures qui ont mené au référendum en l’absence de crédibilité et de soutien populaire. Alpha Condé s’était attelé pendant des années à transformer les institutions chargées d’organiser le vote et de valider les résultats, notamment la CENI et la Cour constitutionnelle. À la veille du référendum, trois des propres ministres de Condé, le Ministre de la justice Cheik Sako, le Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Abdoulaye Yero Baldé et le Ministre de la citoyenneté Gassama Diaby avaient même démissionné pour protester contre son projet d’adoption d’une nouvelle Constitution.

Après le référendum, les principaux acteurs internationaux, dont la CEDEAO, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), les États-Unis, la France et l’Union européenne, ont exprimé d’une même voix leurs inquiétudes quant à la crédibilité du processus et son caractère pluriel. D’autres pays dépourvus de traditions démocratiques comme la Chine, la Russie et la Turquie se sont par contre empressés de féliciter le président.

La nouvelle Constitution comme outil de consolidation du pouvoir

La nouvelle Constitution, qui est entrée en vigueur le 7 avril, comporte plusieurs dispositions de nature à affaiblir les contre-pouvoirs démocratiques en Guinée. Elle porte d’abord la durée du mandat présidentiel de 5 à 6 ans et révise les limites de cumul des mandats, permettant ainsi à Condé de briguer un troisième mandat.

Elle modifie ensuite la structure de la Cour constitutionnelle afin d’accroître le contrôle du président sur cette institution cruciale. Le nombre de juges nommés par le président passe notamment de un à trois (sur un total de neuf). Par ailleurs, la responsabilité de désigner le président de cette Cour n’incombe plus à ses membres mais au chef de l’État. Le président de l’Assemblée nationale (un allié de Condé) ayant également la faculté de désigner deux juges, Condé peut ainsi choisir jusqu’à cinq des neuf juges qui composent la Cour.

La nouvelle Constitution supprime également plusieurs articles clés en matière de responsabilité. Selon certains des de l’ancienne Constitution, la corruption, la criminalité financière et les atteintes aux droits de l’homme échappaient à la prescription. Ainsi, si les présidents étaient couverts par une immunité pendant leur mandat, ils pouvaient dès la fin de celui-ci être poursuivis pour abus de pouvoir. Cette disposition est désormais supprimée. De la même manière, un article qui garantissait aux citoyens un droit de recours en cas d’atteintes aux droits de l’homme commises par des membres du gouvernement a également été retirée. La nouvelle Constitution élargit donc en substance le champ de l’impunité.

Elle accroît également le pouvoir exécutif au détriment du pouvoir législatif. L’ensemble des nouvelles lois doivent ainsi être promulguées par le Président, lui donnant de fait un droit de véto face à l’Assemblée. La seule possibilité serait pour le président de l’Assemblée nationale de saisir la Cour constitutionnelle afin de permettre l’adoption d’une loi en l’absence de promulgation du Président. Cette option a toutefois peu de chance de s’appliquer en pratique. En effet, le parti RPG de Condé détenant 79 des 116 sièges du Parlement après les élections boycottées qui ont été couplées au référendum, il est peu probable que des lois auxquelles Condé est opposé voient le jour, compromettant ainsi l’indépendance du pouvoir législatif. La nouvelle Constitution supprime également des dispositions qui interdisaient au Président de dissoudre le Parlement plus d’une fois au cours d’un même mandat présidentiel ou après la troisième année de la législature. Par ailleurs, elle supprime une autre disposition qui contraignait le Président à démissionner si, après que le Parlement a été dissous par suite d’un désaccord sur une question, son parti ne parvenait pas à rallier une majorité dans le cadre des nouvelles élections.

Autre point non négligeable, la nouvelle Constitution supprime les articles 141 à 145 du titre XV de la Constitution de 2010 qui concernent la finalité et le rôle du secteur de la sécurité. Outre qu’ils interdisaient les milices privées, ces articles stipulaient que :

« Les forces de défense et de sécurité sont républicaines. Elles sont au service de la Nation. Elles sont apolitiques et soumises à l’autorité civile. Nul ne doit les détourner à ses fins propres. Les forces de défense sont chargées de la défense du territoire national. Les forces de sécurité sont chargées de la protection civile, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes et de leurs biens et du maintien de l’ordre public ».

La suppression de ce libellé est des plus problématiques car la Guinée souffre depuis longtemps de la politisation et du manque de responsabilité des acteurs de la sécurité, situation qu’Alpha Condé a fait perdurer en se servant des forces de sécurité comme d’un instrument pour écraser la dissidence. La suppression de ces clauses de responsabilité rend moins probable encore la tenue du procès longtemps reporté des forces responsables du massacre du stade de Conakry en 2009. Cet incident, où plus de 150 manifestants furent tués et de nombreuses femmes et jeunes filles violées, reste un symbole d’impunité qui suscite beaucoup d’émotion. Ces nouvelles conditions auront pour effet de mettre en échec les efforts de réforme du secteur de la sécurité et ne feront que creuser le faible niveau de confiance des citoyens guinéens à l’égard des acteurs de la sécurité, qui atteint selon les sondages 41 % pour la police et 52 % pour les forces armées. La suppression de cette clause est une manière pour Condé de s’assurer la loyauté des acteurs de la sécurité au détriment des citoyens ou de l’État.

Solidité de l’opposition et de la société civile

Le fait de redéfinir les limites applicables au cumul des mandats et d’accroître les prérogatives présidentielles est contraire aux vœux de la population guinéenne, dont 82 % se sont prononcés, dans un sondage d’Afrobaromètre, en faveur d’une limitation à deux mandats. La société civile et l’opposition politique guinéennes ont fait preuve d’une vigueur et d’un leadership remarquables dans la lutte contre la mise en œuvre du projet de Condé et ce, malgré la brièveté de l’expérience démocratique dans le pays. L’opposition a commencé à organiser des manifestations publiques et pacifiques dès mars 2018, alors que Condé tentait pour la première fois de remplacer le président alors en place de la Cour constitutionnelle, Kéléfa Sall, qui avait publiquement dissuadé le président de modifier la Constitution. Les forces de sécurité ont systématiquement répondu par une violence meurtrière : les groupes de défense des droits de l’homme évaluent à plus de 100 le nombre de personnes tuées depuis le début des manifestations.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une coalition réunissant des partis politiques de l’opposition et des organisations non gouvernementales, a orchestré l’opposition au projet de Condé en dépit de l’interdiction faite à ses responsables de participer à des manifestations (contrôle des forces de sécurité autour de leur domicile) et des détentions arbitraires dont ils font l’objet. La presse a également montré une certaine résistance, malgré les arrestations de journalistes et les mesures de suspension et d’interdiction qui la frappent.

À l’approche du référendum, le FNDC a saisi la Cour de justice de la CEDEAO en guise de recours. Dans le cadre de cette saisine, le FNDC a allégué que toute modification de la Constitution entraînerait une violation de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, mais aussi du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. Le FNDC soutient également que la Guinée a porté atteinte aux droits de l’homme de ses citoyens en réprimant avec violence les manifestations, ce qui constitue une nouvelle violation des chartes de l’UA et de la CEDEAO. La Cour de justice de la CEDEAO doit se prononcer sur l’affaire le 30 avril.

La voie à suivre

Condé, premier dirigeant démocratiquement élu de Guinée, semble vouloir poursuivre l’exercice de son pouvoir après son second mandat, alors même que sa façon de l’exercer se teinte de plus en plus d’autoritarisme. Son mode opératoire a déçu les citoyens qui espéraient que le pays tournerait enfin la page de son passé autoritaire.

Malgré l’opposition suscitée par l’adoption d’une nouvelle Constitution, Condé a réussi à porter un coup aux contrepoids démocratiques en Guinée. L’histoire des transitions démocratiques est toutefois marquée par une succession de périodes de progrès et de reculs, avant que la reprise ne se fasse vers de nouveaux progrès. Les aspirations démocratiques de la Guinée ne sont par conséquent pas déplacées. La clé des progrès futurs réside dans la persévérance des réformateurs de Guinée et dans le soutien des acteurs locaux et internationaux.

Les Guinéens ont fait la preuve de leur volonté constante de défendre les valeurs démocratiques par des moyens pacifiques et légaux. Il s’agit de protéger les droits qui doivent être les leurs dans une démocratie digne de ce nom. Cet engagement remonte directement au temps de l’opposition au régime de Dadis Camara, auteur d’un coup d’État, durant lequel a eu lieu le « massacre du stade » de 2009. L’une des priorités essentielles pour aller de l’avant sera par conséquent de donner à la société civile et aux réformateurs démocratiques l’espace nécessaire pour exprimer leur volonté de changement, mais aussi de s’atteler à rechercher des solutions en faveur d’un véritable dialogue politique national. Il conviendra notamment de libérer l’ensemble des opposants politiques emprisonnés pour cause d’opposition au gouvernement ou d’organisation de manifestations.

La réforme du secteur de la sécurité en Guinée doit être l’autre priorité. Le processus de dialogue politique est mis à mal lorsque des dirigeants s’appuient sur les acteurs de la sécurité pour favoriser leurs intérêts politiques. Le respect l’État de droit et des droits de l’homme est par ailleurs indispensable à la stabilité et au développement économique. Selon les groupes de défense des droits de l’homme, les violences commises par l’armée et la police contre les chefs de l’opposition et les manifestants n’ont pas cessé. Il incombe par conséquent aux partenaires locaux et internationaux d’accentuer leurs efforts pour que les institutions chargées de la sécurité en Guinée améliorent leur connaissance des règles de professionnalisme applicables à l’armée sur son territoire ainsi que du rôle qu’elles jouent dans la sécurité des citoyens.

La CEDEAO a un rôle décisif à jouer à deux égards : maintenir la Guinée sur les rails de la démocratie et institutionnaliser le processus de succession politique afin d’apporter une stabilité au plan local. Le protocole de la CEDEAO de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance fournit un certain nombre d’options que l’entité régionale peut exercer lorsqu’un État porte atteinte aux éléments inhérents à toute démocratie. Elle pourrait d’abord organiser des échanges à un haut niveau avec Condé afin de le persuader de renoncer à ses fonctions en vue d’une transition dans la dignité. Une délégation de chefs d’État avait prévu une visite avant le référendum, une initiative annulée à la dernière minute après que Condé a indiqué qu’il se refuserait à les recevoir. En l’absence d’efforts de la part de la Guinée pour nouer de bonne foi un dialogue avec ses voisins, la CEDEAO pourrait interdire les voyages et geler les actifs des dirigeants guinéens, leur retirer les droits de vote ou exclure temporairement la Guinée de cet organe régional. La CEDEAO avait déjà procédé ainsi lors de crises précédentes, notamment en Gambie, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Les exemples des présidents Mahamadou Issoufou au Niger et Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, qui quitteront tous deux leurs fonctions cette année au terme de leur second mandat, donneront à la CEDEAO des moyens de pression accrus sur cette question.

Les acteurs démocratiques internationaux doivent également concourir au dialogue national et aux efforts diplomatiques de la CEDEAO. Leur intervention permettra d’opérer une transition sans heurt et de faire respecter les normes démocratiques en Guinée. Elle pourrait aussi favoriser l’engagement diplomatique, le retrait de certaines aides financières mais aussi des sanctions ciblées. Les organes bilatéraux et multilatéraux qui œuvrent en faveur de la démocratie, parmi lesquels l’OIF et la Communauté des démocraties, devraient également envisager de retirer à la Guinée sa qualité de membre et de ne pas reconnaître la validité du référendum ou des élections législatives.

Il est difficile de rompre avec cet héritage d’un pouvoir présidentiel incontrôlé en Guinée. Le pays est maintenant à la croisée des chemins et se doit de faire un choix parmi différentes conceptions de l’avenir. En orchestrant l’adoption d’une nouvelle Constitution, Condé cherche bien évidemment à consolider son propre pouvoir présidentiel. Les citoyens quant à eux aspirent à une gouvernance démocratique où règne la séparation des pouvoirs. La capacité de résistance des réformateurs nationaux et le soutien qu’ils recevront des acteurs locaux et internationaux dicteront la vision qui prévaudra à l’avenir.


Cet article a été initialement publié sur le site africacenter.org (4 mai 2020) sous le titre “Désamorcer la crise politique en Guinée”


Le Centre d’études stratégiques de l’Afrique est un organisme du Département de la défense des États-Unis, créé et financé par le Congrès américain, pour l’étude des problèmes de sécurité se rapportant à l’Afrique et sert de forum de recherche bilatérale et multilatérale, de communications, d’échange d’idées et de formations ouvert aux civils comme aux militaires.





Guinée: les acquis de la démocratisation de 2010 remis en cause [FIDH]


Comme
redouté, le référendum constitutionnel et les élections législatives du
22 mars ont donné lieu à de nouvelles violences. Au moins 10 personnes
ont été tuées par des forces de l’ordre et forces armées, qui ont une
nouvelle fois tiré à balles réelles contre les manifestants, des bureaux
de votes ont été saccagés et des personnes souhaitant se rendre aux
urnes agressées. Alors que les militaires ont joué un rôle central dans
ce double scrutin entâché de graves irrégularités, boycotté par
l’opposition et dénoncé à l’avance par les organisations régionales et
internationales, nos organisations demandent à ce que les militaires
restent cantonnés dans leurs casernes, et que des enquêtes judiciaires
soient systématiquement diligentées, afin de poursuivre et sanctionner
les auteurs de ces violences.

Les résultats du double scrutin partiellement boycotté du 22 mars semblent connus à l’avance. Ils semblent également consacrer la voie vers une nouvelle mandature du Président Alpha Condé, 82 ans, en levant l’interdit constitutionnel d’une troisième candidature, et en lui offrant un parlement très majoritairement acquis à sa cause. En verrouillant ainsi l’espace politique, ces élections contribueront sans doute à isoler le pays sur la scène internationale, tout en faisant peser sur lui le risque d’un nouveau cycle de violences politiques graves.

« Le rôle croissant joué par les forces militaires tout au long des élections nous laisse craindre un retour à la militarisation de la vie politique Guinéenne et aux années de répression. Nous appelons le gouvernement guinéen et les forces d’opposition à tout faire pour éviter de nouvelles violences, à renouer avec un dialogue politique constructif, et à œuvrer dans l’intérêt des populations guinéennes dans leurs ensemble »

Drissa Traoré, Secrétaire général de la FIDH.

Le rôle joué par les forces armées dans ces élections est-elle un indicateur sur le rôle qui leur sera assigné dans les prochains mois ? Après que toutes les unités de l’armée de terre aient été « mises en alerte » et déployées dans l’ensemble du pays dès le 25 février en prévision des échéances électorales, les forces militaires ont étroitement accompagné les élections du 22 mars. Elles étaient non seulement largement présentes, mais contrairement à l’article 80 et suivants du code électoral, qui exige que le dépouillement des votes soit effectué dans les bureaux de vote, plusieurs urnes contenant ces bulletins ont été transportées, soit dans les mairies, soit dans les préfectures, soit dans des garnisons militaires pour y être dépouillées.

Les forces armées ont également participé à la répression contre les manifestants,
alors que la sécurisation des élections aurait dû relever des seules
forces de police et d’unités spécialisées chargées de veiller à la
sécurisation des élections. Des bérets rouges, unité s’étant illustrée
lors des massacres du 28 septembre 2009, auraient selon plusieurs
témoignages tiré à balles réelles contre les manifestants.

Dans la région Est du pays, notamment à N’Zérékoré, la ficelle ethnico-religieuse a été utilisée par certains pour opposer les populations.

Des affrontements entre communautés, entraînant des pertes en vies
humaines et des destruction de lieux de culte (deux églises et une
mosquée) ont été signalés.

La société civile a également été ciblée, le travail de certains
journalistes entravé. Le domicile d’un des leaders du Front National
pour la Défense de la Constitution (FNDC) : Mamadou Bailo Barry, a ainsi été attaqué le jour de l’élection à Ratoma, par un groupe de jeunes militants du parti au pouvoir, accompagnés des forces de l’ordre.

Enfin, le siège de l’association des victimes, parents et amis du 28 septembre : l’AVIPA, qui lutte depuis 10 ans avec nos organisations pour que les responsables civils et militaires du massacre du stade soient enfin traduits en justice, a fait l’objet d’une tentative d’intrusion par des agents de l’unité spéciale de sécurisation des élections, qui ont proféré menaces et injures.

« Nous dénonçons l’attaque du siège de l’AVIPA le jour des élections et appelons les autorités à ouvrir une enquête pour situer les responsabilités et en poursuivre les responsables. Ces tentatives d’intimidation des acteurs de la société civile guinéenne luttant contre l’impunité sont graves et inacceptables. Nous continuerons à documenter les violences commises, saisir les autorités judiciaires, et à lutter contre l’impunité, endémique dans notre pays »

Abdoul Gadiry DIALLO, Président de l’OGDH.


FIDH (24/03/2020)





Le crash de la démocratie guinéenne: quelques titres de la presse nationale


Le crash de la démocratie guinéenne : la presse nationale s’interroge


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Tierno Monénembo «Il y a trop de richesses en jeu quand on est à la tête de l’État guinéen pour partir volontairement» [Interview]


Dans un entretien exclusif à Sputnik France, l’écrivain Tierno Monénembo, lauréat du prix Renaudot en 2008 pour Le Roi de Kahel (Éd. du Seuil, 1988) dresse un tableau sombre de la situation politique de la Guinée « à cause des ambitions d’un despote vieillissant qui s’accroche au pouvoir» a-t-il affirmé dans l’entretien.


Sputnik France: Comment expliquez-vous qu’Alpha Condé, qui
avait pourtant été élu démocratiquement en 2010 au second tour contre
l’opposant Cellou Dalein Diallo, veuille aujourd’hui briguer un
troisième mandat?

Tierno Monénembo: «On pourrait en effet s’étonner
qu’Alpha Condé, à 82 ans, veuille encore rempiler après deux mandats
présidentiels. D’autant qu’il est arrivé au pouvoir par les urnes le
21 décembre 2010, contrairement à ses prédécesseurs Lansana Conté,
Moussa Dadis Camara ou Sekouba Konaté qui avaient tous pris d’assaut le
palais présidentiel dans des fourgons militaires. C’est à se demander si
nous n’avons pas une malédiction en Guinée.

Même lui, qui était un pur produit du Quartier latin à Paris, un intellectuel ayant longtemps fréquenté les milieux tiers-mondistes et les partis français de gauche, a fini par virer sa cuti. Aujourd’hui, plus que jamais, il est enfermé dans ses certitudes, conforté par des courtisans et des flibustiers mondialisés du business des matières premières et ne supporte plus la moindre contestation.»

Sputnik France: Pourtant, il s’était opposé aux dictatures de
Sekou Touré et de Lansana Conté en Guinée, au prix d’une condamnation à
mort et de peines d’emprisonnement. Serait-il en train de rater sa
sortie devant l’Histoire?

Tierno Monénembo: «Les despotes, c’est bien connu,
n’ont aucun sens de l’Histoire puisqu’ils ne croient qu’en eux-mêmes.
Ils ne partent donc jamais de leur plein gré. C’est vrai pour Robert Mugabe au Zimbabwe, comme pour Abdelaziz Bouteflika en Algérie
ou pour Sekou Touré, avant, chez nous. Comme l’a très bien décrit le
grand écrivain allemand Bertold Brecht, dans L’Opéra de Quatre Sous, le
pouvoir rend fou et c’est bien de cette maladie, malheureusement, que
souffrent nombre de nos dirigeants africains! Si l’Afrique aujourd’hui
est en panne, c’est qu’elle manque d’institutions fortes pouvant
contrebalancer des volontés individuelles, fût-ce celles de Présidents
en exercice de se maintenir au pouvoir à tout prix.»

Sputnik France: Le Président sortant aurait-il quelque chose à
redouter s’il quittait le pouvoir? N’est-il pas d’une certaine façon un
peu protégé par la France notamment?

Tierno Monénembo: «Ce Président a peur de son ombre,
comme d’ailleurs tous les malfaiteurs avant lui. Il a bradé nos mines à
une mafia internationale, que ce soit pour la bauxite ou pour le fer

Mais les Guinéens ont changé. Ils ne vont plus laisser faire, pas plus qu’ils ne laisseront passer le troisième mandat pour lequel Alpha Condé est prêt à faire tuer son peuple!

Quant à la France, elle est plutôt discrète sur sa condamnation vis-à-vis des agissements de l’un de ses principaux alliés en Afrique francophone. Même les récentes critiques du ministre français des Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, lui ont valu une volée de bois vert par médias interposés. La position de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) est également ambiguë: après avoir annoncé qu’elle se retirait du processus électoral, voilà que son représentant en Guinée oppose un démenti. C’est à ne rien y comprendre! Pourtant, cette organisation, qui a une grande expertise en matière électorale, avait donné l’impression qu’elle voulait tirer les conséquences du refus du gouvernement guinéen de retirer les 2,49 millions d’électeurs figurant indûment dans les fichiers électoraux. Que s’est-il passé entre-temps? Mystère…»

Sputnik France: Depuis octobre 2019, une trentaine de victimes
des violences policières ont été recensées. On prête par ailleurs à
l’actuel Président ces propos glaçants: «Quiconque viendra pour détruire
les urnes, frappez-le!» Comment expliquez-vous cette recrudescence de
la répression contre les civils dans le cadre du processus électoral en
cours?  

Tierno Monénembo: «Je peux vous dire que le nombre
de victimes des violences policières s’élève à au moins 150 morts depuis
l’élection d’Alpha Condé en 2010. De surcroît, le Président a mobilisé
l’armée pour tirer sur les manifestants le jour du vote au cas où ils
essaieraient d’empêcher le déroulement du référendum et des
législatives, comme il n’a pas hésité à le faire lors des attaques de
ces derniers jours contre des bureaux ou du matériel de vote. La
répression contre les manifestants est féroce.

Car il faut savoir que dans ce pays, les Présidents se refilent des
miliciens pour leur propre protection. Alpha Condé n’a pas dérogé à la
règle puisqu’il a récupéré toute la clique de Sékou Touré. C’est pour
cela que l’armée est un gang irréformable en Guinée. Il n’y a pas de
soldat chez nous, mais des miliciens dans des casernes ainsi qu’une
milice qui sert de police. Même le général Lamine Cissé, qui a pourtant
fait un travail remarquable sous l’égide de la Cedeao pour essayer de
réformer les systèmes de sécurité en Guinée, a fini par jeter l’éponge!»

Sputnik France: L’opposition a-t-elle raison de vouloir
boycotter les élections? Car n’est-ce pas le meilleur moyen de favoriser
un passage en force du Président Alpha Condé alors que vous essayez
justement de le stopper?

Tierno Monénembo: «L’opposition ne peut pas
cautionner une telle mascarade. Dans l’état actuel, le fichier électoral
est une fraude grossière, avec 3 millions d’électeurs qui n’existent
pas. Un seul exemple: 60% des Guinéens ont moins de 18 ans et ne sont
donc pas en âge de voter. Le calcul est vite fait. Dans certaines
villes, on a même vu des enfants de 10 ans être inscrits. Résultat: une
ville comme KanKan a plus d’inscrits que la capitale Conakry!

Toutes ces fraudes sont encore possibles de nos jours en Afrique, parce que les populations sont analphabètes. Ce qui encourage bien sûr, à la tête de nos États, des Présidents à vie comme Sassou Nguesso en République du Congo, par exemple. Le jour où la société civile guinéenne sera mieux organisée, à l’instar du Sénégal, alors le processus électoral pourra véritablement se dérouler de façon démocratique et transparente.»

Sputnik France: Pensez-vous que ce qui s’est passé au Burkina
Faso, avec la chute de Blaise Compaoré, «dégagé» par le peuple pour
avoir voulu, envers et contre tous, modifier la Constitution, peut
également se passer en Guinée?

Tierno Monénembo: «Les Guinéens sont épuisés. Depuis
1958, c’est le peuple qui a été le plus réprimé en Afrique. Alpha Condé
est bien placé pour le savoir car c’est toujours le même système de la
Françafrique qui prévaut et qui a permis de l’imposer alors qu’en
réalité, tout le monde sait qu’il n’a obtenu que 18 pour cent des
suffrages, en 2010, contre 44 pour cent à son adversaire, Cellou Dalein
Diallo. Il a fallu ensuite cinq mois pour organiser un deuxième tour: du
jamais-vu! On a pensé qu’il ferait mieux que les autres. En fait, il a
fait pire!

Il sait, toutefois, que les Guinéens ne vont pas accepter facilement un troisième mandat. Il a d’ailleurs acheté de quoi faire face aux combats de rue, des gaz lacrymogènes et même des mitraillettes pour parer à toute éventualité. Ce qui veut dire qu’il va essayer de passer en force par tous les moyens et qu’il faut donc s’attendre au pire d’ici à la prochaine présidentielle! Depuis 1964, les Présidents guinéens sont autorisés à disposer à leur guise d’une partie des retombées des ressources minières du pays. C’est aussi pour cela qu’ils s’accrochent au pouvoir. Il y a trop de richesses en jeu quand on est à la tête de l’État guinéen pour partir volontairement. Mais au vu de la répression sévère qu’Alpha Condé est en train d’instaurer dans le pays et qui ne va pas s’arrêter, il doit se méfier. Il pourrait, très vite, être acculé et avoir à rendre des comptes.»


Cet article est republié à partir de Sputnik France. Lire l’original ici





Message du FNDC à l’armée nationale


Le FNDC

Appelle l’Armée nationale à demeurer républicaine et à cesser de protéger un seul Guinéen, M. Alpha Condé contre tout le Peuple de Guinée.


Déclaration

La Guinée entame une semaine cruciale de son Histoire.
Monsieur Alpha Condé est en passe de perpétrer son coup d’Etat constitutionnel
en dépit de la désapprobation du peuple de Guinée et des multiples
interventions des autorités morales et religieuses, des leaders d’opinion et de
la communauté internationale.

Ayant noté que tous les sacrifices consentis par le
Peuple de Guinée (assassinats, emprisonnement, kidnapping) ainsi que toutes les
démarches engagées pour convaincre Monsieur Alpha Condé d’abandonner son projet
de troisième mandat, ont toutes échoué ;

  • Considérant le Coup d’Etat civil en cours depuis le 19 décembre 2019 et qui est maquillé sous le label de ‘’référendum’’ ; 
  • Considérant le parjure dont M. Alpha CONDÉ s’est rendu coupable en violant son serment de respecter et de faire respecter la Constitution ;
  • Considérant le refus de M. Alpha Condé de mettre en place la Haute Cour de justice qui aurait pu le juger pour haute trahison ;

Le FNDC, porteur des aspirations démocratiques du Peuple de Guinée, décide de ne plus reconnaître M. Alpha CONDÉ comme Président de la République de Guinée et demande son départ immédiat et sans conditions du pouvoir.

Par conséquent, le FNDC :

  • Appelle toutes les guinéennes et tous les guinéens à sortir massivement à partir de ce jeudi 27 février pour empêcher par tous les moyens légaux le putsch constitutionnel de M. Alpha CONDE;
  • Invite tous les citoyens à user de la légitime défense pour résister, conformément à l’article 21, alinéa 4 de la Constitution, aux milices que M. Alpha Condé tente de constituer pour perpétrer son coup d’Etat constitutionnel ;
  • Appelle tous les citoyens guinéens civils et militaires à se mobiliser pour déjouer le coup d’Etat constitutionnel en cours ;  
  • Exhorte ses antennes dans les préfectures, les sous-préfectures, les communes, les quartiers et districts ainsi que toutes ses organisations membres et leurs démembrements sur l’ensemble du territoire à redoubler d’engagement pour éviter le recul démocratique; 
  • Met en garde les représentants des institutions de la République et les administrateurs territoriaux quant aux conséquences de leur collaboration directe ou indirecte avec ceux qui ont trahi la Constitution, la République et la souveraineté nationale ;     
  • Appelle l’Armée nationale à demeurer républicaine et à cesser de protéger un seul Guinéen, M. Alpha Condé contre tout le Peuple de Guinée.

Par ailleurs, le FNDC :

  • Invite la CEDEAO et l’UA au respect de leurs propres principes sur la gouvernance démocratique, notamment en ce qui concerne les coups d’Etat, car qu’il soit militaire ou civil, un Coup d’Etat équivaut à un Coup d’Etat ;
  • Félicite et remercie les députés européens pour leur courageuse prise de position et demande à la Commission de l’UE de prendre des sanctions concrètes contre le régime dictatorial et sanguinaire de M. Alpha Condé ;
  • Appelle la CEDEAO, l’UA et le Conseil de sécurité des Nations Unies à prendre des sanctions collectives et individuelles contre les promoteurs du coup d’Etat constitutionnel ainsi que les auteurs et commanditaires des répressions sanglantes et crimes contre l’humanité en Guinée ;

La lutte de longue haleine entreprise par le Peuple
souverain de Guinée épris de paix et de justice, ne s’arrêtera pas au 1er mars
et continuera jusqu’au départ de M. Alpha Condé.

Ensemble unis et solidaires, nous vaincrons !

Conakry, le 24 février 2020





Afrique: un problème avec la démocratie?


ÉTUDE. Publié par « The Economist », le rapport annuel sur la démocratie est riche d’enseignements sur les raisons de son recul en Afrique, en 2019.

Une présidentielle au Togo et en Côte d’Ivoiredes législatives en Guinée et en Éthiopie. L’année 2020 sera riche en élections pour les Africains. Sont-elles pour autant garantes d’une démocratie pleine et entière ? Rien n’est moins sûr. Car malgré la vigueur de la sphère politique africaine, la démocratie y est en recul. C’est le constat du dernier indice de The Economist Intelligence Unit (EIU), un groupe de chercheurs rattaché au magazine britannique du même nom, sur le sujet. Dans cette 12e édition, les analystes, réputés exigeants, ont évalué le niveau de démocratie des pays selon cinq critères : le processus électoral et le pluralisme, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique, la culture politique et l’état des libertés civiles. En résulte un classement, où les 165 États étudiés y sont classés selon quatre types de régimes : « pleine démocratie », « démocratie imparfaite », « régime hybride » ou « régime autoritaire ».

L’état de la démocratie dans le monde en 2019.PUBLICITÉAds by Teads© Economist Intelligence Unit

L’Afrique en régression

Même si un recul global de la démocratie a été constaté en 2019 – l’indice, à 5,44, est le pire score observé depuis sa création en 2006 – l’Afrique subsaharienne fait figure de mauvaise élève aux côtés de toutes les régions du monde. Son indice, à 4,26, est le plus bas depuis 2010. En cause, selon le rapport : des régressions constatées dans les processus électoraux, et moins de pluralisme politique. Au Niger et aux Comores, par exemple, « les autorités ont mis en œuvre des règles interdisant aux personnalités de l’opposition de se présenter à l’élection présidentielle », justifie l’étude. Au Nigeria, même si les élections générales de février 2019 ont été jugées libres et équitables, le processus électoral est resté insatisfaisant, estime EIU.

Le classement des pays africain en matière de démocratie. © Economist Intelligence Unit

Pour les économistes, la situation sécuritaire qui prévaut dans le pays a en effet entravé le vote, et constitue l’une des principales raisons de la faible participation électorale, à seulement 34,8 %. « Des taux de participation faibles, engendrés par un intérêt en baisse pour le vote, mais aussi par des problèmes de transport ou d’électricité, ont entravé les processus électoraux qui ont eu cours en 2019 », explique Benedict Craven, économiste chargé du Moyen-Orient et de l’Afrique au sein de l’EIU. Autre élément pointé du doigt par le chercheur, « les changements de Constitution ». Une initiative qui a le vent en poupe en Afrique et qui, pour Benedict Craven, est « une porte ouverte à la manipulation de la population ».

De l’espoir quand même

Malgré de médiocres résultats constatés dans la plupart des pays africains, les analystes ont relevé tout de même quelques progrès. Ils saluent, par exemple, le scrutin à Madagascar, qui, malgré les controverses autour de ses candidats, « a tenu des élections libres et équitables ». Autre bon élève africain de l’étude, la Gambie, dont les analystes saluent le lancement de la Commission vérité et réconciliation. Chargée de faire la lumière sur les crimes perpétrés sous Yayah Jammeh, l’instance a participé à la promotion des droits de l’homme dans le pays, et du débat citoyen. Au Maghreb, c’est la Tunisie qui récolte les bons points des analystes de EIU. Le pays, dont le classement a de nouveau progressé cette année au 53e rang mondial, a passé avec brio le test des élections libres, malgré un contexte peu favorable avec le décès brutal de Béji Caïd Essebsi.

Les initiatives des nouveaux présidents éthiopien et angolais, Abiy Ahmed et Joao Lourenço, sont également accueillies avec optimisme par l’étude. Mais à cause de « la rigidité de ces systèmes basés sur le favoritisme, enracinés depuis des décennies, ils seront difficiles à réformer », prévient-elle. « En Éthiopie, des réformes positives ont été lancées, mais il faudra être patient pour en récolter les fruits, affirme Benedict Craven. La création du Parti de la prospérité, la grande coalition d’Abiy Ahmed, est aussi sujette à interrogations. Maintenant que l’opposition l’a rejoint, où est le contre-pouvoir ? Ce n’est pas bon signe pour la démocratie éthiopienne. » Un constat qui, pour l’économiste, justifie la position du pays à la 125e place de l’index, et son classement dans le groupe des « régimes autoritaires ».

Attentes autour de l’Algérie et du Soudan

Un statut que l’Algérie n’a plus dans le nouveau classement. Désormais « régime hybride », le pays remonte de 13 places, et passe du 126e au 133e rang. Les nombreuses et régulières manifestations, qui ont débouché sur une élection présidentielle en décembre, ont dynamisé la démocratie dans le pays. Malgré tout, la situation reste fragile. Certes « Abdelmajid Tebboune a remporté une nette victoire avec 58 % des voix », explique l’étude. « Cependant, les candidats étaient tous globalement proches de l’armée, et de nombreux partisans de l’opposition ont boycotté les élections ». Benedict Craven confirme : « Malgré un an de hirak et des élections, l’armée est toujours là. »

Cette mainmise militaire sur les révolutions, l’étude l’observe également au Soudan. Le pays, qui a gagné huit places dans le classement grâce à l’explosion de la « participation politique », est à l’aube d’un profond changement. Omar el-Béchir écarté, les membres du Conseil souverain ont la lourde tâche de conduire la transition démocratique. Mais là aussi, le processus reste tangent. Car l’influence de l’armée dans la sphère politique reste forte. Abdel Fattah al-Burhan, le chef du Conseil militaire de transition, est en effet le président du Conseil pour ses 21 premiers mois. « Il y a un vrai risque de ne pas voir les promesses de la transition se matérialiser. Le Soudan en encore un long chemin à parcourir », prévient Benedict Craven.

Un des plus gros points d’interrogation de l’étude reste le Sahel. La crise sécuritaire violente dans laquelle la région est engluée amplifie « des lacunes » déjà constatées depuis plusieurs années en matière de démocratie. Surtout, elle rend le Burkina Faso et le Mali « de plus en plus dépendants de leur ancienne métropole, la France », que les analystes qualifient de « protectorat de bas niveau ». Un piège, dans lequel s’enferment peu à peu la région et ses gouvernements, « qui ont perdu le contrôle sur la situation », déplore Benedict Craven. Les élections prévues cette année dans la région constitueront un ultime test.


Cet article est republié à partir de lepoint.fr. Lire l’original ici





[Vidéo] Plénière du parlement européen: Alpha Condé sur le banc des accusés


Parlement Européen_Séance plénière du 13 février 2020 _ La Guinée, et notamment les violences commises à l’encontre des manifestants




La République de Guinée, et notamment la violence à l’encontre des manifestants.

Résolution du Parlement européen du 13 février 2020 sur la République de Guinée, et notamment la violence à l’encontre des manifestants (2020/2551(RSP))

Le Parlement européen,

–        vu ses
résolutions antérieures sur la République de Guinée,

–        vu la
déclaration conjointe des Nations unies, de l’Union européenne et des
ambassades des États-Unis et de la France à la République de Guinée du
5 novembre 2019,

–        vu le
Communiqué de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique
de l’Ouest (CEDEAO) suite aux incidents du 4 novembre 2019 à Conakry,

–        vu le
communiqué de presse de la Commission africaine des droits de l’homme et des
peuples sur la répression des manifestations en Guinée, du 9 novembre 2019,

–        vu la
trente-cinquième session de l’examen périodique universel du Conseil des droits
de l’homme de l’Organisation des Nations unies, du 30 au
31 janvier 2020,

–        vu le
pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966,

–        vu l’accord
de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et
du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres,
d’autre part (l’accord de Cotonou),

–        vu la
charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée le
27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986,

–        vu la
Constitution de la République de Guinée, approuvée par le Conseil national de
transition le 19 avril 2010 et adoptée le 7 mai 2010,

–        vu la
Déclaration universelle des droits de l’homme,

–        vu le
programme indicatif national pour la période 2015-2020 du 11e Fonds
européen de développement, qui alloue des fonds à la République de Guinée,

–        vu
l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132,
paragraphe 4, de son règlement intérieur,

A.      considérant
que le président Alpha Condé est au pouvoir dans la République de Guinée
depuis son élection en 2010 et sa réélection en 2016; que le pays a
vu des manifestations massives depuis la mi-octobre 2019, menées
principalement par le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC),
sur fond de craintes que le président Condé cherche à étendre ses pouvoirs
constitutionnels; que la Constitution de la République de Guinée limite à deux
le nombre de mandats présidentiels; que le deuxième mandat du
président Condé arrivera à son terme à la fin de l’année 2020;

B.      considérant
que son élection à la présidence en 2010 était la première étape pour des
réformes démocratiques et de transparence après des années de régime militaire;
que le président Condé est accusé de corruption et d’imposer des
restrictions à la liberté politique; qu’une réforme constitutionnelle ayant
pour seule fin d’étendre les limites du mandat présidentiel pour permettre à
Alpha Condé de rester au pouvoir a déclenché des violences;

C.      considérant
que le président Condé a aussi récemment tenté de supprimer les obstacles
institutionnels à sa réforme en influençant la Cour constitutionnelle de la
République de Guinée et la Commission électorale; qu’en mars 2018, le
président de la Cour constitutionnelle, Kéléfa Sall, a été démis de ses
fonctions; que le ministre de la Justice, Cheick Sako, a démissionné en
raison de son opposition aux modifications de la constitution permettant un
troisième mandat présidentiel;

D.      considérant
que le parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée, ne dispose pas
de la majorité parlementaire des deux tiers nécessaire pour modifier la
constitution; qu’un référendum sur la réforme constitutionnelle contournerait
l’Assemblée nationale guinéenne;

E.      considérant
que le 19 décembre 2019, le président Condé a annoncé un projet
d’organiser un référendum sur la réforme constitutionnelle le 1er mars 2020;
que les élections législatives initialement prévues le 16 février ont été
repoussées et se tiendront le même jour que le référendum; que la nouvelle
constitution proposée inclut une extension du mandat présidentiel de cinq à
six ans, avec une limite de deux mandats; qu’il est attendu que le
président Condé usera de ce changement constitutionnel pour briguer un
troisième mandat présidentiel;

F.      considérant
que le FNDC, une alliance de partis d’opposition, d’organisations de la société
civile et de syndicats, a organisé des manifestations et prévoit des grèves en
opposition à la réforme constitutionnelle; qu’au moins sept personnes du
FNDC ont été arrêtées du 12 octobre au 28 novembre 2019 et ont
été poursuivies pour actes ou manœuvres de nature à troubler l’ordre public et
à compromettre la sécurité publique pour avoir appelé à manifester contre le
projet de nouvelle constitution, et finalement acquittées à la suite de
pressions internationales;

G.      considérant
que la situation dans le pays est électrique, avec de fortes tensions
politiques et des épisodes de manifestations violentes; que la réponse du
gouvernement à ces épisodes a été musclée et que la police a réagi avec une
force excessive, indue et illégale à l’encontre des manifestants, les
organisations de défense des droits de l’homme ayant fait état de barricades,
de fusillades et d’utilisation de gaz lacrymogène, principalement à Conakry, la
capitale, et dans la région de Mamou, bastion de l’opposition dans le nord;
qu’à Wanindara, la police aurait utilisé une femme comme bouclier humain pour
se protéger de pierres lancées par les manifestants;

H.      considérant
que Fodé Oussou Fofana, vice-président du principal parti
d’opposition, l’Union des forces démocratiques de Guinée, a accusé le président
de «coup d’État constitutionnel» et de «fraude»; que les partis d’opposition se
sont engagés à boycotter les élections législatives en signe de protestation;

I.       considérant
que la CEDEAO et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
ont toutes deux demandé le respect des droits fondamentaux des manifestants et
l’amélioration de la gestion des manifestations par les forces de sécurité;

J.       considérant
que la Commission des droits de l’homme des Nations unies a relevé que les
forces de sécurité, en réagissant aux manifestations qui ont débuté à Conakry
les 14 et 15 octobre 2019, «n’ont pas respecté les normes et
standards internationaux en matière d’usage de la force»; que les obsèques des
manifestants tués au cours des manifestations ont été ternies par de nouvelles
violences et morts;

K.      considérant
que la République de Guinée figure à la 101e place du classement
mondial de la liberté de la presse de 2019, sur 180 pays; que
depuis 2015, au moins 20 journalistes ont été convoqués, détenus ou
poursuivis; que depuis le début des manifestations en octobre 2019, des
journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des militants issus de la
société civile ont été arrêtés, parmi lesquels Abdourahmane Sanoh
(coordinateur du FNDC), qui a par la suite été relâché, tandis que d’autres
sont toujours détenus et soumis à des violences; qu’au moins 28 civils et
un gendarme ont été tués au cours des manifestations; que les
organisations de défense des droits de l’homme estiment qu’au moins
70 manifestants ont été tués depuis 2015, parmi lesquels
Amadou Boukariou Baldé, un étudiant battu à mort par des officiers de
police lors de manifestations à l’université de Labé en mai 2019;

L.      considérant
que plusieurs ONG locales dénoncent les conditions de détention en République
de Guinée et notamment «de graves inadéquations sur le plan de la
surpopulation, de la nourriture, de la nutrition, ainsi qu’une carence au
niveau de la formation dispensée à la plupart des gardiens de prison» (selon le
rapport de Human Rights Watch); que si ces conditions sont inquiétantes dans
l’ensemble du pays, elles sont particulièrement graves dans la Maison Centrale
de Conakry;

M.     considérant
que la République de Guinée est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique et
souffre toujours des séquelles laissées par des années de mauvaise gestion
économique et de corruption, malgré qu’elle détienne les premières réserves
mondiales de bauxite dans les mines entourant Boke; que les deux tiers des
12,5 millions de Guinéens vivent dans la pauvreté et que la crise Ébola
entre 2013 et 2016 a affaibli considérablement l’économie du pays; considérant
que les jeunes de moins de 25 ans, qui représentent plus de 60 % de
la population, sont particulièrement touchés par le chômage;

N.      considérant
que dans le contexte actuel de manifestations contre la réforme
constitutionnelle, qui a exacerbé les affrontements entre le gouvernement et
les partis politiques, l’Organisation guinéenne de défense des droits de
l’homme et du citoyen (OGDH) a dénoncé des violations répétées des droits de
l’homme en République de Guinée; que ces violations ont mené à la destruction de
bâtiments et d’infrastructures publics, à des tentatives d’attiser les
divisions ethniques et à des expropriations forcées de propriétés privées;
qu’entre février et mai 2019, le gouvernement de la République de Guinée a
exproprié par la force plus de 20 000 personnes de quartiers de
Conakry afin de fournir des terrains pour des ministères gouvernementaux, des
ambassades étrangères, des entreprises et d’autres projets de travaux publics;

O.      considérant
qu’entre 2014 et 2020, l’Union européenne apporté un soutien à la
République de Guinée au moyen du programme indicatif national du 11e Fonds
de développement européen (FED) pour un montant de
244 000 000 EUR, centré sur la réforme institutionnelle et la
modernisation de l’administration, l’assainissement urbain, la santé, le
transport routier et le soutien à l’ordonnateur national;

1.       déplore
les violences actuelles dans la République de Guinée; condamne fermement les
atteintes à la liberté de réunion et d’expression, ainsi que les actes de
violence, les meurtres et les autres violations des droits de l’homme; invite
les forces gouvernementales à faire immédiatement preuve de retenue et à
autoriser les manifestations légitimes et pacifiques à avoir lieu sans
intimidation;

2.       invite
le gouvernement de la République de Guinée à lancer rapidement une enquête
transparente, impartiale et indépendante sur les morts et les blessures de
manifestants ainsi que les accusations d’usage excessif de la force et d’autres
violations des droits de l’homme par des agents des services répressifs;
demande que les responsables, y compris au sein des forces de police et de
sécurité, soient tenus de rendre des comptes et ne bénéficient pas d’une forme
d’impunité; rappelle au gouvernement de la République de Guinée que la lutte
contre la corruption et pour mettre fin à l’impunité devrait constituer une
priorité;

3.       regrette profondément tout projet de modifier la constitution du pays en ce qui concerne la limitation du nombre de mandats présidentiels; réaffirme avec force qu’une démocratie saine doit respecter l’état de droit et toutes les dispositions constitutionnelles, y compris une éventuelle limitation du nombre de mandats présidentiels; invite donc le président de la République de Guinée à respecter la constitution du pays, et en particulier son article 27;

4.       exige
le respect du droit à la liberté de manifestation, de réunion, d’association et
d’expression que garantissent les normes internationales et les traités et
conventions des Nations unies ratifiés par la République de Guinée; prie le
gouvernement de la République de Guinée de prendre des mesures urgentes visant
à garantir le respect du droit de manifester librement et pacifiquement, à
instaurer un climat sûr sans forme de harcèlement, de violence ou
d’intimidation et à faciliter le dialogue avec l’opposition;

5.       presse
toutes les parties en présence à éviter une nouvelle escalade de la tension et
de la violence; invite le gouvernement de la République de Guinée, les groupes
d’opposition et la société civile à faire preuve de retenue, à agir de façon
responsable et à engager un dialogue constructif pour trouver une solution
durable, consensuelle et pacifique; invite l’Union européenne à poursuivre ses
efforts pour renforcer la place de la société civile et encourager les acteurs
non étatiques à jouer un rôle actif;

6.       prie
instamment le gouvernement de la République de Guinée de veiller à la tenue
d’élections législatives et présidentielles transparentes, crédibles et libres
en temps utile, avec la pleine participation des partis d’opposition, qui
devront être libres de s’enregistrer, de faire campagne, d’accéder aux médias
et de se réunir librement;

7.       rappelle
l’importance d’une commission électorale nationale indépendante du gouvernement
et de tout parti politique; exhorte le gouvernement de la République de Guinée
et le président Condé à garantir que la Commission électorale nationale
indépendante de la République de Guinée agisse de manière totalement
transparente et libre de toute ingérence, intimidation ou contrainte de la part
de responsables politiques ou de partis au pouvoir;

8.       presse
les autorités de la République de Guinée de respecter pleinement toutes ses
obligations nationales et internationales vis-à-vis des droits civils et
politiques, notamment la liberté d’expression, de réunion et d’association, le droit
de ne pas être soumis à la torture, à de mauvais traitements, ni à une
détention arbitraire ainsi que le droit à un procès équitable; souligne que le
respect des droits de l’homme doit être placé au cœur de toute solution
politique à la crise actuelle;

9.       demande
aux autorités de la République de Guinée d’enquêter et de poursuivre,
conformément aux normes internationales, les membres des forces de sécurité
contre lesquels il existe des preuves de responsabilité pénale pour des
exactions passées et actuelles;

10.     rappelle
que la consolidation de la démocratie requiert que la société civile soit
dynamique et puisse fonctionner sans crainte, intimidation, ni violence; prie
vivement le gouvernement et les forces de sécurité de s’assurer que le climat
permette la sécurité des représentants des organisations non gouvernementales
et de la société civile, notamment en révisant la législation sur l’utilisation
de la force lors de rassemblements publics;

11.     souligne
l’importance de garantir et d’encourager un paysage médiatique pluraliste,
indépendant et libre au service de la démocratie; demande instamment aux
autorités de la République de Guinée de cesser immédiatement toute forme de
harcèlement et d’intimidation des journalistes, et en particulier de mettre un
terme à la suspension arbitraire des cartes de presse, de respecter les droits
individuels des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme qui
travaillent dans le pays et de veiller à leur sécurité, afin qu’ils soient en
mesure de couvrir ou de surveiller la situation du pays dans le domaine
politique et en matière de droits de l’homme;

12.     critique
vivement l’incarcération d’Abdourahmane Sanoh et d’autres dirigeants de
l’opposition et de la société civile; demande la libération immédiate des prisonniers
politiques du pays ainsi qu’une enquête sur les accusations courantes de
mauvais traitements infligés aux prisonniers;

13.     invite
les autorités de la République de Guinée à cesser d’exproprier la population de
leurs terres ou de leurs biens, tant qu’elles ne seront pas en mesure de
respecter les droits des résidents, notamment en matière de préavis suffisant,
d’indemnisation et de réinstallation avant expropriation; souligne qu’il
conviendrait d’accorder une indemnisation adéquate à toutes les personnes
expropriées de force et non encore indemnisées;

14.     rappelle
qu’il est crucial que la République de Guinée coopère avec des partenaires
régionaux afin de renforcer ensemble la démocratie, le développement et la
sécurité; exhorte les autorités de la République de Guinée à collaborer
étroitement avec des organisations régionales, notamment la CEDEAO, afin de
rétablir les libertés fondamentales, d’enquêter comme il se doit sur les
violations des droits de l’homme perpétrées au cours des manifestations et de
mener une transition démocratique pacifique; rappelle que la solution à la
crise actuelle doit passer par un dialogue interguinéen ouvert et accessible
associant le gouvernement et les groupes d’opposition; indique en outre que la
CEDEAO et les pays limitrophes de la République de Guinée peuvent jouer un rôle
central dans la promotion et la continuité d’un dialogue interguinéen; rappelle
que la CEDEAO a envoyé 70 observateurs pour participer à la mission
d’observation électorale de la CEDEAO lors de l’élection présidentielle du
22 novembre 2019 dans la République de Guinée; invite le gouvernement
guinéen et la CEDEAO à collaborer étroitement afin que les élections de 2020 se
déroulent de manière pacifique et revêtent un caractère représentatif; prie la
Commission et les États membres de suivre les recommandations formulées dans
l’examen périodique universel de janvier 2020 relatif à la République de
Guinée, notamment en ce qui concerne le droit à la vie, à l’intégrité physique
et à la liberté d’expression et de réunion pacifique ainsi que l’usage de la
force et l’impunité; incite les autorités de la République de Guinée à
participer de manière significative au prochain examen périodique universel du
Conseil des droits de l’homme des Nations unies, notamment en permettant aux
Nations unies d’accéder sans entraves au terrain, puis à appliquer pleinement
les recommandations que formulera le groupe de travail;

15.     exhorte
l’Union européenne à surveiller attentivement la situation dans la République
de Guinée et à demander des comptes au gouvernement sur toute violation
d’engagements et d’accords dans le cadre du droit international en matière de
droits de l’homme, notamment les articles 8, 9 et 96 de l’accord de
Cotonou;

16.     invite
le vice-président de la Commission européenne et haut représentant de l’Union
pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR) ainsi que le
Service européen pour l’action extérieure (SEAE) à poursuivre le dialogue
politique, notamment au titre de l’article 8 de l’accord de Cotonou, en
vue de réduire rapidement les tensions dans le pays et d’aider, si nécessaire,
dans la préparation d’élections pacifiques, par exemple au moyen d’activités de
médiation et de mesures de lutte contre les violences en amont et en aval des
élections; demande également au VP/HR et au SEAE de collaborer avec les
autorités de la République de Guinée, la CEDEAO, le Bureau des Nations unies
pour les droits de l’homme dans la République de Guinée, la Commission
africaine des droits de l’homme et des peuples ainsi que le représentant
spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, afin de
déterminer une stratégie commune pour résoudre la crise politique actuelle;

17.     se
félicite que le 11e FED ait mis l’accent sur le soutien à l’état
de droit dans la République de Guinée; prie vivement la Commission et le SEAE
de continuer à soutenir le renforcement de la société civile et des
institutions publiques indépendantes;

18.     invite
la délégation de l’Union européenne dans la République de Guinée à ne pas
cesser de surveiller la situation de la société civile indépendante dans le
pays, d’observer les procès des prisonniers politiques et d’aborder, dans son
dialogue avec les autorités de la République de Guinée, la question des droits
de l’homme dans le pays; demande à la Commission de suivre de près la situation
dans la République de Guinée et de faire régulièrement rapport au Parlement;

19.     charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au président et au Parlement de la République de Guinée, aux institutions de la CEDEAO, à l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE ainsi qu’à l’Union africaine et à ses institutions.


europarl.europa.eu





Sortie d’Alpha Condé : “C’est à croire que le président guinéen a perdu le Nord” [Le Pays BF]


SORTIE D’ALPHA CONDÉ SUR SON PROJET DE 3EME MANDAT

Il faut plus en pleurer qu’en rire

Se présentera, se présentera pas ? A quelques mois de la fin de son second et dernier mandat constitutionnel, le président guinéen, Alpha Condé, continue de garder ce qui, pour lui, est encore un mystère sur le projet de 3ème mandat dont l’opposition lui prête l’intention et qui pollue l’atmosphère sociopolitique dans son pays. Interrogé sur la question, au détour du 33ème sommet de l’Union africaine (UA) qui a refermé ses portes le 10 février dernier à Addis-Abeba, le Professeur a non seulement botté en touche en disant qu’il revient au peuple d’en décider, mais, il s’est aussi montré plutôt agacé par la position de ceux qui s’insurgent contre les mandats multiples. Toutes choses qui ne laissent plus de doute quant à sa volonté de briguer un mandat supplémentaire, malgré la clameur de son peuple qui est vent debout, depuis plusieurs mois, contre l’adoption d’une nouvelle Constitution dont il a récemment couplé le référendum aux législatives reportées au 1er mars prochain. Mais, de cette sortie du chef de l’Etat guinéen, il faut plus en pleurer qu’en rire.

C’est à croire que le président guinéen a perdu le Nord

Et pour causes. Les vives tensions occasionnées par ce projet, ont déjà laissé plusieurs morts sur le carreau, lors des manifestations de rue. Et la série noire risque de se poursuivre si le président doit aller jusqu’au bout de sa logique, face à une opposition plus que jamais déterminée et qui a déjà fait la preuve de sa capacité de très forte mobilisation dans la rue. Aussi est-on porté à croire que cette obstination du président guinéen ne peut répondre qu’à deux choses : soit il n’a pas encore pris toute la mesure du péril que représente un éventuel tripatouillage constitutionnel pour s’ouvrir la voie à un troisième mandat, soit il en est conscient et est prêt à dresser le bûcher pour son peuple, pour assouvir ses ambitions « pouvoiristes ». Dût-il, pour cela, user, comme c’était le cas lors de cette interview, d’arguments qui volent franchement au ras des pâquerettes. En tout cas, c’est ce que l’on est porté à croire quand il dit, par exemple, ne pas comprendre pourquoi certains de ses homologues présidents peuvent allègrement aligner les mandats à souhait sans que cela n’émeuve outre mesure alors que dans son cas, on veut lui faire la morale. Mais qu’un octogénaire de son âge manque autant de sagesse pour comprendre qu’il n’est pas obligé de suivre les mauvais exemples des moutons noirs de la démocratie, cela a de quoi laisser songeur. D’autant qu’il ne semble pas n’ont plus tirer leçon des exemples humiliants de certains de ses pairs qui ont fait plus que se brûler les doigts en s’essayant avant lui au jeu du tripatouillage constitutionnel pour se maintenir au pouvoir. C’est à croire que le président guinéen a perdu le Nord, toute chose qui risque de le conduire droit dans le mur ou lui valoir de sortir de l’histoire par une porte dérobée. A moins que tout cela ne procède finalement d’une irrésistible volonté mortifère de pouvoir à vie, pour avoir droit à des funérailles nationales. En tout cas, quand Condé dit qu’il revient au peuple guinéen de décider, on veut bien se demander de quel peuple il s’agit.

Si Condé persiste dans sa volonté de briguer le mandat de trop, il portera l’entière responsabilité des conséquences devant l’Histoire

Où met-il la déferlante de contestataires qui, mobilisés depuis des mois à travers le FNDC (Front national de défense de la Constitution), lui demandent de respecter la Loi fondamentale de son pays en faisant valoir ses droits à la retraite ? Et puis, même si une partie du peuple jetait son dévolu sur lui, tout professeur qu’il est, ne peut-il pas se surpasser en faisant valoir sans ambages qu’il ne doit pas tordre le cou à la Constitution ? C’est par cela aussi que l’on reconnaît les Grands hommes, les vrais hommes d’Etat. C’est dire s’il n’a aucun égard, encore moins de remord, pour les morts consécutifs aux manifestations de protestation contre son projet de 3e mandat, dont la Guinée aurait pourtant pu faire l’économie. A la vérité, Alpha Condé se moque du peuple guinéen. Et il fait dans la fuite en avant en rejetant la responsabilité du choix du candidat sur son parti. Car, il sait, comme tout bon dictateur, que tant qu’il ne renoncera pas clairement de lui-même au pouvoir, sa formation politique ne se hasardera jamais à emboucher une trompette autre que la sienne. Parce qu’en Afrique, la voix du maître, c’est la voix du parti. Et Condé est conscient que parmi ceux qui le soutiennent, beaucoup le font soit par peur, soit pour des raisons œsophagiques ou claniques. En tout état de cause, si malgré toutes les alertes et les coups de semonce de l’opposition, Alpha Condé persiste dans sa volonté de briguer le mandat de trop, il portera l’entière responsabilité des conséquences devant l’Histoire.


Cet article est republié à partir de lepays.bf. Lire l’original ici





Insoumis et Amoulanfé, Mélenchon soutient la lutte du peuple de Guinée


@JLMelenchon (12 févr. 2020)

La Guinée en ébullition populaire [Par Jean-Luc Mélenchon]

La Guinée est en ébullition. Depuis cet automne, une intense mobilisation populaire demande le départ du président en place et un changement de régime. La situation de ce pays de 12 millions d’habitants montre une fois de plus la place centrale des peuples du continent africain dans les vagues de révolutions citoyennes dans le monde. Comme au Burkina Faso en 2014 ou au Soudan en 2018-2019, les Guinéens sont entrés en insurrection directement sur une revendication démocratique.

Le président de la Guinée, Alpha Condé, proche des réseaux PS, veut faire adopter une nouvelle Constitution pour se faire réélire au-delà de la limite aujourd’hui fixée à deux mandats. Le refus des Guinéens de cette modification constitutionnelle vient du fait qu’il comprennent parfaitement ce que cela veut dire : Alpha Condé a décidé qu’il ne perdrait jamais une élection. Et d’abord qu’il ne perdrait pas le référendum constitutionnel, qui doit se tenir le 1er mars.

Le peuple guinéen s’oppose donc à ce qu’on lui retire sa
souveraineté. Il le fait d’une manière tout à fait massive et
exemplaire. Les manifestations de l’automne ont réuni dans la capitale
de cet État de 12 millions d’habitants, Conakry, entre 500 000 et un
million de personnes. Sans compter les mobilisation dans les autres
villes du pays, à Labé, Kindia ou Nzérékoré. Une alliance de type
inédite s’est constituée pour porter les revendications du peuple en
écartant le soupçon de récupération politique. Le Front National de la
Défense de la Constitution (FNDC) réunit en son sein des collectifs
citoyens, des partis d’opposition et des syndicats. C’est une forme
assez proche de la plateforme Unidad Social qui porte le processus
constituant déclenché par la révolution au Chili. Ce que j’ai nommé et
appelé de mes voeux ici sous le nom de « fédération populaire ».

Évidemment, les revendications sociales rejoignent ici comme ailleurs
dans ce cas les revendications démocratiques. Les besoins sociaux les
plus essentiels ne sont pas pris en charge par l’organisation économique
de la Guinée, dominée par le néolibéralisme global. En témoigne
l’indice de développement humain pour lequel le pays se classe au 174ème
rang sur 189 pays, évalué par l’ONU pour cet indicateur. La Guinée
possède évidemment des potentiels de création de richesses importants.
Mais ils tous sont exploités et capturés par des grandes entreprises
étrangères avec la complicité de l’oligarchie locale. Ainsi, la plus
grande mine de fer d’Afrique, qui est en Guinée, est la propriété d’un
fond singapourien. Et le port de Conakry est celle d’une filiale du
groupe français Bolloré. Cette attribution est entachée de fort soupçon
de corruption qui marche ici comme bien souvent avec la privatisation
des biens communs.

Récemment, le pays avait observé une trêve dans les manifestations. Mais cette trêve va s’achever la semaine prochaine. La décision d’Alpha Condé de coupler le référendum du 1er mars avec des élections législatives que tout le monde devine truquées a été vécue comme la provocation de trop. Des manifestations monstres sont convoquées à partir du mercredi 12 février. Le peuple guinéen peut espérer la victoire. Je lui la souhaite. Mais surtout, j’espère que le cout humain ne sera pas trop lourd à payer. Le pouvoir en place risque de provoquer un bain de sang avant de partir. J’adjure donc la diplomatie de mon pays de ne pas agir dans le sens d’un maintien en place de ce régime illégitime aux yeux de son peuple, comme il l’a déjà fait sur ce continent. La meilleure chose que mon pays peut faire pour aider les guinéens est de les laisser libre de leur destin.


melenchon.fr





Mike Pompeo « les Etats-Unis soutiennent fortement les transitions régulières et démocratiques du pouvoir »


Déclaration de Michael Pompeo, Secrétaire d’État Américain sur les préoccupations des États-Unis à propos du processus électoral en Guinée


Les États-Unis sont préoccupés par les plans actuels du Gouvernement de Guinée de tenir des élections législatives et un référendum constitutionnel le 1ermars. Nous nous interrogeons de savoir si le processus sera libre, équitable et transparent, reflétant fidèlement la volonté de tous les électeurs éligibles.

Nous exhortons toutes les parties à engager un dialogue civil non violent. Le Gouvernement de Guinée devrait mettre en œuvre les recommandations des Nations Unies concernant les listes électorales et respecter son engagement en faveur d’une consultation nationale inclusive sur la nouvelle constitution.

La violence, la répression et l’intimidation politique n’ont pas leur place dans une démocratie. Nous appelons tous les manifestants, quelle que soit leur appartenance politique, à s’abstenir de toute violence. Nous exhortons les forces de sécurité à respecter les droits de tous les citoyens à participer à des manifestations pacifiques. Nous demandons également au Gouvernement de Guinée d’enquêter pleinement sur tous les décès liés aux manifestations et de rendre publics les résultats de ces enquêtes.

Comme je l’ai signifié au Président Condé en septembre 2019 lors de sa visite à Washington, les Etats-Unis soutiennent fortement les transitions régulières et démocratiques du pouvoir.

Les États-Unis restent déterminés à travailler avec tous les Guinéens pour renforcer leur système démocratique pour la paix, la prospérité et le partenariat dans les années à venir.

gn.usembassy.gov


[NDLR]





Le clergé guinéen demande aux autorités de « respecter la constitution en vigueur »


Réunis à Nzérékoré, du 22 au 26 janvier 2020 pour la 34e
assemblée ordinaire de leur union, les prêtres catholiques ont analysé la
situation socioéconomique du pays.

L’union du clergé guinéen prie Alpha Condé, « le chef
de l’état, garant de l’unité nationale, de briser le silence pour ramener la
quiétude, l’harmonie, la réconciliation dans le pays afin de nous sortir de
cette crise qui perdure et qui affecte l’unité nationale ».

En Guinée, « le dialogue sincère et participatif est
quasi absent », constatent-ils, entre le président Alpha Condé, soupçonné
de manœuvrer pour un troisième mandat et l’opposition politique et la société
civile déterminées à l’en empêcher.

« L’heure est grave, car les exactions injustifiées et
abus de tous genres, les pertes en vies humaines et matérielles ont provoqué
peur et tristesse au sein de la population », a regretté l’Union du
clergé.

Le clergé demande aux autorités de respecter la constitution
en vigueur, et observer le principe démocratique de l’alternance à travers des
élections libres et transparentes et la liberté de la Commission nationale
électorale indépendante.

« Notre démocratie est bafouée au profit du régionalisme, du népotisme, de l’ethnocentrisme, du favoritisme, de l’injustice et du clanisme. Les violences et crimes impunis sont en recrudescence. La permission de manifester accordée aux uns et interdite à d’autres, ce qui dénote une injustice dans la gestion des libertés civiques ».


L’intégralité du message des prêtres catholiques de Guinée