Les 8 juges de la Cour constitutionnelle qui mettent les guinéens dans une insécurité juridique [Par Sow Rousseau]


Point de vue


LES 8 JUGES DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE GUINÉENNE

La Cour constitutionnelle structure la dictature, c’est-à-dire, elle donne une assise, un soubassement, un fondement juridique à la dictature. La Cour constitutionnelle appose un cachet de légitimité à la dictature.

Les 8 juges ne rendent pas des arrêts, des décisions de justice au nom du peuple de Guinée, ils rendent des services au Président de la république. Leurs « arrêts » constituent des comptes rendus au président de la république, constituent des prestations de service pour le Président. Les 8 juges ne se soumettent pas à la loi, ils se soumettent au Président de la république.



En effet, de façon générale, le juge crée la norme à partir d’une règle de droit (règle posée par le législateur), c’est-à-dire, c’est en appliquant la règle de droit, en l’interprétant, que le juge créé la norme (la norme, c’est le résultat de l’interprétation par le juge de la règle de droit, la sève que le juge extrait de la plante, c’est-à-dire de la règle de droit).

Cependant, les juges de notre Cour constitutionnelle n’interprètent pas les règles de droit pour créer la norme, ils créent celle-ci par leur seule volonté. Ainsi, par couches successives, à travers leur jurisprudence (leurs décisions), ils ont posé le fondement de la dictature dans notre pays.

A titre d’illustration, citons :

  • Leur décision d’exclusion de l’ancien président de la CC, feu Kelefa SALL ;
  • Leur décision approuvant la volonté du Président à changer la Constitution de mai 2010 ;
  • Leur  récente décision N°AC 014 du 11 juin 2020 portant sur la falsification de la Constitution adoptée par referendum le 22 mars 2020. Cette décision mérite une explication pour que nos compatriotes comprennent la délinquance des juges de la CC.

Dans cette décision, les juges constatent l’irrecevabilité des recours formés devant elle par la Plateforme Nationale de Participation et d’Initiative Citoyenne (PNACIP), et le recours du président de l’Assemblée nationale agissant au nom de 15 députés.

Normalement, quand une juridiction constate qu’une requête est irrecevable, elle n’a plus à examiner, à se prononcer sur le fond de celle-ci, or, c’est exactement ce que vont faire les 8 juges de la plus haute juridiction de notre pays.

Les juges disent que les recours sont irrecevables, mais ils jugent le fond des recours en décidant que la Constitution publiée au JO le 14 Avril 2020 est bien celle qui a été  adoptée le 22 Mars 2020.

Or, cela est matériellement faux, des juristes comme Maitre Antoine pépé LAMAH et Maitre TRAORE ont brillamment démontré la différence (ajouts et suppressions) notable entre les deux textes.

Pourquoi les juges se sont-ils prononcés sur le fond de l’affaire alors qu’ils ont constaté l’irrecevabilité des recours ? C’est pour tout simplement faire taire toute contestation de la Constitution du Président de la république, pour la valider définitivement.

Pour mieux vulgariser ce que les juges ont fait dans cette affaire pour nos compatriotes non juristes, prenons l’exemple suivant :

-Une salle de sport à Conakry, n’admet que des filles, exclusivement celles ayant au moins 18 ans, et ayant une tenue adéquate.

-Si un homme quelconque, débarque devant cette salle de sport, le portier va simplement constater qu’il n’est pas une femme et lui refuser l’accès à la salle de sport. Le portier ne cherchera même plus à connaitre l’âge de cet homme, ou à juger si la tenue de cet homme est adéquate ou non pour la pratique du sport.

Or, notre portier (les juges de la CC), bien qu’ayant remarqué qu’il s’agit bien d’un homme, donc irrecevable, inadmissible dans la salle de sport, se permet quand même de vérifier l’âge et la tenue de cet homme. Ceci n’est pas du droit.

Toutes ces décisions démontrent que les juges n’appliquent pas le droit, mais la volonté du président, autrement dit, lorsqu’ils reçoivent une requête, ils l’interprètent selon ce qu’ils pensent être le vœu du président.

MES CHERS COMPATRIOTES,

Dans notre pays, il y a une tribune ou sont installés confortablement ceux qui nous font tourner en rond, et les juges de nos juridictions suprêmes (Cour suprême et Cour constitutionnelle) occupent la loge VIP de cette tribune.

Le rôle de la cour Constitutionnelle et de la Cour suprême est de tout temps, d’affaiblir l’opposition politique et les citoyens face au pouvoir, et de renforcer le pouvoir en place.

En quoi faisant ?

  • En rendant des décisions d’irrecevabilité à chaque fois qu’ils sont saisis par l’opposition ou par des citoyens dans une procédure contre le pouvoir ;
  • En rendant des décisions d’incompétence à chaque fois qu’ils sont saisis par l’opposition ou par des citoyens dans une procédure contre le pouvoir ;
  • En rendant des décisions de conformité au droit des actions et actes de l’exécutif.

Autrement dit, quelle que soit la configuration, l’opposition et les citoyens perdent toujours contre le pouvoir.

MES CHERS COMPATRIOTES,

Quelle est l’importance du droit ?

En chaque individu, couvent une violence, des passions, et des ambitions. Le droit intervient en guise d’amortisseur afin que la vie en société soit possible.

Dans un pays éclaté en une multitude d’ethnies, c’est le droit et la justice qui  rassemblent toute cette multitude pour former une seule entité, c’est le droit qui fait sentir aux différentes ethnies qu’elles ont quelque chose de commune et au-dessus de leurs tribus.

Cependant, si les juges, chargés d’appliquer le droit, ne se soumettent pas au droit, aux procédures, aux méthodes d’interprétation du droit connues de tous, méprisent les citoyens, alors les amortisseurs de la violence sautent, et les portes de l’enfer s’ouvrent pour tout le monde.

Les 8 juges de notre CC ont rendu le droit imprévisible dans notre pays, mettant ainsi tous les Guinéens dans une insécurité juridique, en danger permanent. Or l’un des caractères du droit est d’être prévisible, c’est-à-dire, lorsque nous  formons un recours devant un tribunal, nous pouvons avec notre avocat, en vertu des textes de droit et de la jurisprudence, estimer sans être sur à 100%, notre pourcentage de gagner ou de perdre, il y a une rationalité du droit, une calculabilité du droit, mais avec les juges de la CC, tout se fait selon leur simple volonté, le droit n’est plus ce qui est écrit, mais l’expression de leur seule volonté, et leur volonté coïncide toujours avec celle du Président de la république.


Les 8 juges de notre CC ont rendu le droit imprévisible dans notre pays, mettant ainsi tous les Guinéens dans une insécurité juridique, en danger permanent.


MADAME ET MESSIEURS LES JUGES

Derrière vos amples et impressionnantes robes, derrière les bureaux luxueux de votre juridiction, derrière toute cette tapisserie et vitrerie de vos locaux, derrière cette solennité et ce mystère qui vous entourent, derrière cette impression de grandeur et d’honorabilité que vous dégagez face aux populations, se cachent en réalité : le mensonge, la lâcheté, le larbinisme, l’irresponsabilité, le manque de courage et d’indépendance.

MES CHERS COMPATRIOTES,

Chaque citoyen de notre pays doit considérer les 8 juges de la Cour constitutionnelle, comme les auteurs intellectuels de tous les crimes politiques à venir, si une guerre civile survient dans notre pays, les 8 juges de la CC doivent être considérés comme les auteurs intellectuels de celle-ci, si la dictature se renforce et perdure dans notre pays, les 8 juges doivent être considérés comme les maçons de la dictature. Et en cas de changement de régime, en cas de révolution, ils doivent être arrêtés, jugés et condamnés proportionnellement à leurs actes.

Enfin, en ce qui concerne le Président de la Cour constitutionnelle, Mohamed lamine Bangoura, cet homme ne mérite même pas de siéger dans un simple tribunal d’instance (ceci pas pour insuffisance scientifique), cet homme ne devrait siéger dans aucune institution judiciaire, arbitrale, juridique, bref, partout où le droit et la justice se rendent, cet homme ne devrait pas y entrer.

Cet homme doit être éloigné de la sphère juridico-judiciaire, tout comme on éloigne les pédophiles, des structures qui accueillent des enfants, à savoir les crèches, les écoles, les espaces de jeux dédiés aux enfants… Cet homme doit évoluer dans le monde des affaires, dans le monde ou règnent combines et roublardises, dans le monde de la nuit fait de trafics, prétentions et excès. C’est son âme même refuse le droit, donc le droit et la justice ne peuvent s’incorporer en lui, l’habiter. Tout comme il y a des tueurs en série, des violeurs en série, Mohamed lamine Bangoura est un tueur en série du droit, et doit être éloigné du droit.

Cet homme n’habite pas sa fonction de président de la plus haute juridiction du pays avec gravité, en se disant : « J’ai une lourde responsabilité, une tâche difficile et compliquée, je dois être à la hauteur, les décisions rendues par ma juridiction impactent les 13 millions de Guinéens, ces décisions étant insusceptibles de tout recours, je dois veiller à respecter le droit ». Mais son inconscience, son immaturité, son caractère superficiel, le font habiter sa fonction en se disant « Dans ce pays, c’est moi qui décide, ce que je décide est le droit pour les 13 millions de Guinéens, dans ce pays, après moi, c’est Dieu ». Telle est la psychologie  du président de la Cour constitutionnelle de notre pays.


SOW ROUSSEAU




Contentieux électoral (Élections législatives) : la Cour Constitutionnelle rejette la requête de l’opposition


Après le
décret du président Alpha Condé annonçant la date du début et fin de la
campagne électorale pour les législatives du 16 février 2020, l’opposition
avait déposé à la Cour constitutionnelle une requête conformément à l’article 2
du Code électoral qui stipule que « les Cours et Tribunaux veillent à la
régularité des élections, règlent le contentieux électoral et prescrivent
toutes mesures qu’ils jugent utiles au bon déroulement des élections
. »

Dans son arrêt N° AE 002 du 27 janvier 2020, la Cour Constitutionnelle considère entre autres  « qu’en matière du contentieux des opérations des élections législatives et ce, conformément aux dispositions des articles 142 et suivants du Code électoral révisé, seul le candidat ou le mandataire du parti politique ou les parties intéressées par les élections législatives peuvent saisir la Cour Constitutionnelle pour examen et règlement des contentieux y afférents ; qu’à l’analyse de ces dispositions combinées et ayant constaté que les citoyens et partis politiques désignés dans la présente requête n’ont pas fait acte de candidature aux élections législatives, contrairement à leurs déclarations ; qu’ainsi, ils ne peuvent pas non plus prétendre, par cette fausse qualité, saisir la Cour Constitutionnelle en la matière »

Selon l’arrêt de la Cour Constitutionnelle, « en violant les dispositions relatives à la saisine de la Cour Constitutionnelle, la requête introduite par Me Salifou Beavogui, au nom et pour le compte des citoyens et partis politiques, doit être rejetée ». La Cour déclare irrecevable pour défaut de qualité, la requête.

Lire la copie de l’Arrêt





Débat Constitutionnel: Pour le juriste Mohamed Camara, « l’Avis de la Cour Constitutionnelle a porté sur la ‘’régularité’’ au détriment de la conformité»


Sur sa page Facebook, le juriste Mohamed Camara, ancien chef de cabinet du ministère des Affaires étrangères et des guinéens de l’étranger, débarqué de ses fonctions le 27 novembre dernier, livre son analyse sur le débat autour du projet de nouvelle constitution dans le pays.


Analyse sur la crise née du débat constitutionnel en Guinée et approches de solutions

Face à la persistance des crises en Guinée (électorale, sociale, constitutionnelle,…), il est opportun de faire des propositions de solutions.

Avant l’annonce officielle faite par le Président de la République sur la volonté d’aller au référendum constitutionnel, le débat était sans objet, par précaution d’avoir des preuves juridiquement administrables, pour éviter la spéculation et son corollaire d’argutie juridique.

Après l’annonce officielle faite à ce sujet le 19 décembre 2019, au-delà des avis des doctrinaires, le débat juridique devait être tranché en dernière instance par la Cour constitutionnelle en application combinée des articles 80 et suivants de la Constitution du 7 mai 2010 et en vertu de la loi organique L/2011/06/CNT du 10 mars 2011 portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

Le sujet est maintenant à débat à la suite logique de l’invitation officielle faite par le Son Excellence Monsieur le Président de la République, aux citoyens de s’approprier le contenu dudit projet.

Ce projet de Constitution avec l’Avis N°002/2019/CC du 19 décembre 2019 de la Cour Constitutionnelle, m’inspire une analyse aux plans de la forme et du fond, sur le fondement de l’article 739 alinéa 2 de la Loi N° 2016/059/AN du 26 octobre 2016 portant Code pénal qui admet les commentaires techniques.

Sur la forme

D’entrée, la Cour Constitutionnelle a eu le mérite d’avoir montré très clairement dans son Avis que le référendum législatif prévu à l’article 51 est totalement différent du référendum constitutionnel, objet de la demande d’avis de conformité du Président de la République.
En clair, la simple lecture désintéressée de l’article 51 de la Constitution en vigueur, permet de savoir très clairement que cette disposition ne traite pas du référendum constitutionnel et est de ce fait, inopérante en l’espèce.

Mais, en matière de procédure, il aurait été salutaire que la Cour Constitutionnelle indique dans son appréciation au préalable, les conditions en temps normal ou anormal, nécessitant l’adoption d’une nouvelle Constitution. Autrement dit, s’il y a ou non un vide constitutionnel occasionné par la suite d’évènements importants (accession à l’indépendance, création d’un Etat, construction d’un Etat fédéral, fusion d’Etats,…) ou d’évènements exceptionnels (révolution, coup d’Etat, guerre, occupation, crise institutionnelle majeure et aigüe,…) pour justifier la nécessité d’adopter ou non, une nouvelle Constitution.

Malheureusement, la Cour Constitutionnelle ne l’a pas fait. Elle est passée outre en donnant son Avis favorable sur la régularité de l’initiative alors qu’elle a été saisie pour avoir son Avis de conformité à la Constitution en vigueur. D’où sa difficulté à trouver une solution juridique.

A rappeler qu’au plan procédural, il y a lieu de souligner que les populations n’ont pas été informées par un acte officiel de la mise en place ni d’un constituant au plus, ni de la Commission technique au moins, avant la rédaction et la diffusion dudit projet pour des fins de transparence et d’ouverture aux contributions citoyennes pouvant l’enrichir à l’instar de l’appréciable approche participative faite par le Conseil National de la Transition (CNT) en 2010.

C’est autant dire qu’il aurait fallu présenter ledit projet en Conseil des Ministres étant donné que la Commission technique aurait travaillé sous la conduite du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux.
Car, même une simple codification à droit constant qui obéit à une procédure impliquant l’exécutif de bout en bout, ne pouvait y déroger de la sorte.

Mais paradoxalement, si la Cour Constitutionnelle a écarté et à bon droit, l’article 51 de la Constitution, elle s’est axée sur le même article en partie, pour motiver la recevabilité de la demande d’avis du Président de la République. La Cour Constitutionnelle, à la recherche d’une source constitutionnelle introuvable, a élargi son raisonnement aux formulations du genre, (Conformément à l’esprit général de la Constitution et les principes généraux du droit) sans donner la moindre précision sur leur contenu, ni sur leur portée, encore moins sur leur champ d’application.

Aussi, la Cour Constitutionnelle a invoqué l’article 51 de la Constitution quoiqu’inopérant en intervertissant les termes liés à la « régularité » qui se rapporte aux opérations du référendum et la « conformité » qui concerne le projet ou la proposition par rapport à la Constitution. Le juge constitutionnel sait très bien que veiller sur la régularité des opérations du référendum législatif est différent de l’émission de son avis sur la conformité à la Constitution. Cette inversion de termes est peut-être due au fait que l’article 51 de la Constitution en vigueur, écarte de son champ d’application, l’idée de contrôle de conformité d’une nouvelle Constitution à celle existante qui n’est ni suspendue, ni détruite, tant la Cour était dans le besoin de motiver son Avis favorable par un fondement juridique.

Ainsi, l’Avis de la Cour Constitutionnelle a porté sur la ‘’régularité’’ au détriment de la conformité. Or, elle a été saisie pour avoir son Avis de conformité et non son Avis de régularité. A préciser qu’à l’article 51 de la Constitution, la régularité se rapporte aux opérations du référendum qui n’ont pas encore débuté, alors que l’Avis de conformité est liée à l’examen du projet de loi par rapport à la Constitution en vigueur et non d’un projet de nouvelle Constitution par rapport à une Constitution en vigueur (qui ne se fait pas en droit constitutionnel).

La demande d’avis qui a été soumise ne portait pas sur une régularité des opérations du référendum, mais plutôt sur l’Avis de conformité du projet législatif à la Constitution (article 51 alinéa 3).
Il s’y ajoute que l’article 51 de la Constitution ne traite pas de la régularité d’initiative de référendum constitutionnel en son alinéa 3, mais plutôt, de régularité des opérations de référendum législatif (dans leur déroulement).
Elle dit s’être prononcée sur la régularité de l’initiative du référendum sans décrire la procédure.

En bref, le fait de n’avoir pas examiné le contenu du projet joint, la Cour Constitutionnelle a privé les autorités et les populations de son expertise en la matière, étant donné que sa jurisprudence s’impose à tous.

Sur le fond

La Cour Constitutionnelle a mentionné clairement au Considérant n°2 de son Avis N°002/2019/CC du 19 décembre 2019 qu’elle n’a pas porté son appréciation sur le contenu du projet de Constitution joint qui constitue pourtant, la substance référendaire.
Elle dit avoir porté « son appréciation sur la régularité de l’initiative du référendum constitutionnel et non sur le contenu de projet de Constitution».

Pourquoi elle dit n’avoir examiné le projet joint.
Pourtant, quatre (4) sur les six (6) Considérants mentionnés dans son Avis, portent sur ledit projet, objet de la saisine. Elle sait aussi que « l’accessoire suit le principal en droit ».

La Cour Constitutionnelle invoque ensuite sélectivement l’article 2 alinéa 1 de la Constitution en évitant soigneusement l’alinéa 7 du même article 2 qui dispose que « Toute loi, tout texte réglementaire et acte administratif contraires à ses dispositions sont nuls et de nul effet ».

De plus, en invoquant l’article 21 alinéa 1 de la Constitution qui dispose que « Le peuple de Guinée détermine librement et souverainement ses Institutions et l’organisation économique et sociale de la Nation », la Cour Constitutionnelle aurait pu être complète en expliquant aux autorités et aux populations que la souveraineté pour aussi libre qu’elle soit, son exercice demeure encadré par la Constitution en application de l’article 2 alinéa 6 de la Constitution qui la balise en ces termes : « La souveraineté s’exerce conformément à la présente Constitution qui est la Loi suprême de l’Etat ». Elle encadre aussi le suffrage en le rendant « universel, direct, égal et secret » à l’article 2, alinéa 3. Puis, l’article 22, alinéa 1 de la Constitution en vigueur pose l’exigence selon laquelle « Chaque citoyen a le devoir de se conformer à la Constitution, aux lois et aux règlements ». Le vote est tout aussi encadré par la loi en vigueur.

La Cour Constitutionnelle étant gardienne de la Constitution conformément à l’article 1er de la loi organique L/2011/06/CNT du 10 mars 2011 portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, elle ne devait pas se limiter à la recevabilité de la demande d’avis sans examiner le document joint pour les besoins de la cause. Car, en donnant son avis favorable, parce que redoutant le reproche de déni de justice en matière de recevabilité, elle n’est pas exempte de reproche de déni de justice ou de refus d’assumer une responsabilité constitutionnelle pour n’avoir pas porté son appréciation sur le contenu d’un projet censé être la loi suprême du pays et devant déterminer la vie de la nation au sens de l’article 2 alinéa 6 de la Constitution du 7 mai 2010.

Or, en application de l’article 14 du Décret D/98/N° 100/PRG/SGG du 16 juin 1998 portant Code de procédure civile, économique et administrative, « Le juge doit examiner tous les chefs de demande qui lui sont soumis. Il est tenu de statuer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui lui est demandé ».

C’est autant dire que le juge ne doit statuer ni infra petita ni ultra petita. C’est-à-dire, en statuant, le juge ne doit aller ni en deçà, ni au-delà de ce qui lui est demandé.

La Cour Constitutionnelle a-t-elle voulu se protéger contre la critique de vouloir défendre sa propre cause sur le point concernant le mode de désignation nominative de son Président par l’Exécutif qui remplacerait le mode de désignation élective à l’article 111 du projet joint ?
La Cour constitutionnelle voit-elle là une source certaine d’affaiblissement accru de son indépendance à l’article indiqué ci-dessus dudit projet ?

La Cour Constitutionnelle a peut-être voulu éviter d’indisposer les rédacteurs (méconnus des populations) du projet de Constitution tant il est vrai que ce document au-delà du problème de sa légalité, est plein de problèmes juridiques, syntaxiques, sémantiques, orthographiques,…. A titre d’exemples, les rédacteurs ont mis à l’article 21 dudit projet que « L’État a le devoir de promouvoir les épidémies et les fléaux sociaux… ». Peut-être que les rédacteurs du projet ont voulu écrire prévenir. Puis, à l’article 16 dudit projet, il est écrit : « Toute citoyen personne ». Assez de fautes et de lapsus calami qui sont révélateurs de sa rédaction inexperte, incomparable de loin au jargon juridique haut de gamme utilisé à bien des égards, par les rédacteurs de la Constitution du 7 mai 2010.

La Cour Constitutionnelle a-t-elle évité d’y mettre à découvert, les problèmes en techniques rédactionnelles (légistique), d’impertinence, d’incomplétudes en système de renvoi aux lois organiques ou d’omissions ?
Le cas de la Haute Autorité de la Communication en est une illustration. Ils n’ont pas prévu d’âge minimum pour les candidats à l’élection présidentielle, alors qu’ils ont diminué l’âge des candidats (primo votants et primo éligibles) aux législatives de 25 à 18 ans pour examiner et adopter les textes de lois de la République. Il est bon de promouvoir la jeunesse. Mais, il y a une nette différence entre la majorité pénale et la maturité d’esprit pour l’examen et l’adoption des lois de la République ou même, de la consolidation législative.

Dans le but d’accroître la plus-value de sa jurisprudence, la Cour Constitutionnelle gagnerait à privilégier les sources constitutionnelles et légales pour motiver ses décisions en lieu et place des formulations du genre : ‘’Selon l’esprit général de la Constitution’’, sans en préciser leur contenu, ni leur source de rattachement.

Les prémices de cette tendance remontent à son Arrêt AC N° AE 05 du 31 octobre 2015 relatif à la proclamation des résultats des élections présidentielles de 2015. Lorsqu’il a été reproché au Président de la CENI d’avoir prorogé les heures de fermeture des bureaux de vote, au lieu de s’en tenir aux fondements constitutionnels et légaux, la Cour Constitutionnelle a sans la moindre exception, a dit que : « qui peut le plus peut le moins », pour vider le contentieux, (Arrêt AC N° AE 05 cité ci-dessus, page 8 sur 17).

Si l’Avis de la Cour Constitutionnel découlait d’une jonction avec l’examen du contenu du projet joint, il pouvait être un référentiel pour toutes et tous. Il allait aussi servir d’outils d’aide à la décision permettant aux autorités de reconsidérer leur choix en réorientant leur volonté de réformes textuelles vers une simple révision. Car, l’adoption de l’essentiel des points contenus dans ce projet pourrait se faire au moyen d’une simple révision pour corriger en tant que de besoin, les faiblesses de la Constitution adoptée le 19 avril 2010 par vote des 159 membres du Conseil National de Transition (CNT) et promulguée par Décret D/068/PRG/CNDD/SGPRG/2010 du 7 mai 2010, au lieu de procéder à un changement constitutionnel.

Aussi, la Cour Constitutionnelle pouvait dire à l’Exécutif que la procédure a été inversée tout en indiquant celle appropriée en jurisprudence constante. Si elle examinait le projet joint avant de donner son Avis, la Cour Constitutionnelle aurait évité de laisser, advienne que pourra, le soin incertain aux électeurs de recourir à leurs propres connaissances constitutionnelles et quelques fois inexpertes, face à la forte probabilité de vices juridiques cachés qui pourraient difficilement être réglés à l’avenir par elle-même.

En clair, cet Avis de la Cour Constitutionnelle est un mauvais précédent qui pourrait favoriser la déconsolidation des acquis garantis par l’effet cliquet face à tout(e) futur(e) Président(e) de la République.

Étant émis par la gardienne habilitée de la Constitution, cet Avis est doublement insuffisant en ce sens qu’ il ne sert pas de référentiel pour l’intérêt supérieur du pays et n’offre pas de garantie à même de rassurer les populations sur le contenu du projet joint qui, au-delà du problème de sa légalité, a un souci de rédaction et est moins riche en valeur ajoutée pour justifier un changement constitutionnel.

Au regard des positions extrêmement tranchées, je sollicite humblement auprès des sages réputés pour leur neutralité et leur attachement aux valeurs (sous la conduite du 1er Imam Eh Hadj Mamadou Saliou CAMARA et de Monseigneur Vincent KOULIBALY) avec l’appui des partenaires étrangers, leur intermédiation auprès des parties prenantes pour une sortie de crise concertée, dans l’intérêt supérieur et paisible du pays, sous l’autorité de Son Excellence Monsieur le Président de la République.

Je le souhaite dans la suite logique de la dernière phrase du discours de Son Excellence Président de la République du 19 décembre 2019, lorsqu’il disait en ces termes : «Je vous invite, chers compatriotes, à placer au-dessus de toutes autres préoccupations et considérations, les intérêts supérieurs du peuple et la sauvegarde de notre nation ».

Cette intermédiation contribuera à détendre ce climat délétère, consolider la concorde sociale et l’unité nationale qui constituent prioritairement, les intérêts supérieurs d’un peuple voulant vivre dans un havre de paix, avec ses précieuses potentialités pour amorcer son développement.

Aussi, en raison de la gravité de la crise politique cyclique guinéenne à dominante électorale superposée, mal faite, inachevée ou non tenue à date échue, les parties prenantes doivent surseoir à toutes formes de manifestations en privilégiant les voies de recours légales dès qu’elles satisfont aux quatre (4) conditions nécessaires pour pouvoir intenter une action. C’est-à-dire : le droit ; l’intérêt, qu’il soit pécuniaire ou moral ; la qualité ou le titre juridique nécessaire pour pouvoir figurer dans une procédure et la capacité d’agir en Justice et ce, conformément à l’article 9 du Décret D/98/N° 100/PRG/SGG du 16 juin 1998 portant Code de procédure civile, économique et administrative.

Ensuite, l’article 2 alinéa 3 de la Loi organique L/2017/039/AN du 24 février 2017 portant Code électoral consacre que : « Les Cours et tribunaux veillent à la régularité des élections, règlent le contentieux électoral et prescrivent toutes mesures qu’ils jugent utiles au bon déroulement des élections ». Pourvu que le juge tranche en rendant justice sous l’empire des lois en vigueur en application de l’article 107 de la Constitution qui dispose que : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. La justice est rendue exclusivement par les Cours et Tribunaux ».
A l’Exécutif aussi d’exécuter les décisions de Justice vu le caractère erga omnes de la loi.

Il est impérieux que tout le monde respecte la législation en vigueur. La violation de la loi résulte d’une des trois (3) situations suivantes : le refus de l’appliquer, l’excès dans son application et l’inobservation de la procédure y afférente.

Encore une fois, on ne se rend compte de l’impact de la violation de la loi que lorsqu’elle nous touche. Vivement, pour la culture du respect de la loi dans le pays.

Enfin, le respect des lois est une source de développement, une garantie de sécurité pour tous, un facteur d’encouragement des Partenaires Techniques et Financiers à soutenir davantage les projets de développement, à travers un partenariat mutuellement bénéfique.

Fait à Conakry, le 10 janvier 2020.

Mohamed CAMARA Juriste.
Doctorant en Droit à l’Université de Strasbourg.
Chargé de Cours de droit et de Sciences Politiques (UGLC, Mahatma Gandhi, Koffi Annan et UNC)
.




Chronique : Union Africaine, CEDEAO.. Réactivez vos instruments de prévention des crises

Tous les éléments crisogènes sont aujourd’hui réunis pour alerter les organisations sous régionales et africaines sur la situation fabriquée de toutes pièces par Alpha Condé et ses alliés/militants institutionnels (la CENI, la cour constitutionnelle, l’assemblée nationale…). Il est temps d’agir. Des instruments de prévention existent et il faut anticiper par l’envoi d’une mission à Conakry pour rappeler à Alpha Condé la Charte africaine de la démocratie, de la gouvernance et des élections adoptée le 30 janvier 2007 à Addis Abeba, ratifiée par la Guinée. L’article 23 de la Charte énonce clairement « les États parties conviennent que l’utilisation, entre autres des moyens ci-après pour accéder ou se maintenir au pouvoir constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement et est passible de sanctions appropriées de la part de l’Union: [. ] – Tout amendement ou toute révision des Constitutions ou des instruments juridiques qui portent atteinte aux principes de l’alternance démocratique. »
Le principe de non-ingérence ne s’applique plus dans ce cas. N’attendez pas davantage sous prétexte que Alpha Condé ne s’est pas explicitement prononcé sur ses intentions d’instrumentaliser la constitution par le moyen de contournement déjà connu qui est la proposition d’une nouvelle constitution.
Toutes les institutions internationales présentes en Guinée ont des outils de monitoring pour suivre et évaluer les signes évidents d’une grave crise politique en gestation.
Ce projet de 3ème mandat (nouvelle constitution) ne passera pas et l’entêtement de Alpha Condé risque de plonger la Guinée dans une instabilité politique sans précédent avec ses corollaires de violences (une tradition politique en Guinée).

Sékou Chérif Diallo