Massacre du 28 septembre 2009 : La Guinée à l’épreuve du principe de complémentarité


Par Catherine Maia, professeure de droit à l’Université Lusófona de Porto et Ghislain Poissonnier, magistrat.


Le massacre du 28 septembre 2009 à Conakry a connu un fort retentissement médiatique tant en Afrique de l’Ouest que dans le monde, justifiant un intérêt particulier de la communauté internationale et imposant une réponse judiciaire. Plus de dix ans après ce massacre, alors que l’information judiciaire sur les faits est close et que l’ouverture d’un procès en Guinée se fait toujours attendre, les inconnues autour d’un futur jugement des responsables du massacre demeurent nombreuses. La situation en Guinée constitue ainsi un test quant à la possibilité de mettre en œuvre le principe de complémentarité selon lequel la Cour pénale internationale n’intervient qu’en cas de manque de volonté ou de capacité d’un État à juger les responsables de crimes internationaux.

Le 28 septembre 2009, un meeting de l’opposition tournait au drame dans la capitale guinéenne. Alors qu’une foule d’opposants s’était réunie dans le stade de Conakry pour manifester contre la candidature à l’élection présidentielle du capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte au pouvoir – le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) –, les forces de sécurité réprimaient violemment le rassemblement. Le jour même et les jours suivants étaient commises diverses exactions, notamment des meurtres, des coups et blessures volontaires, des séquestrations et actes de torture, des viols et des pillages par les membres des forces de sécurité déployés dans les quartiers d’où était issue la majorité des sympathisants de l’opposition.

Ces évènements sont connus comme le « massacre du 28 septembre ». En raison de leur gravité, ils ont eu un retentissement médiatique tant en Afrique de l’Ouest que dans le monde, justifiant un intérêt particulier de la communauté internationale (I) et imposant une réponse judiciaire nationale (II). Plus de dix ans après ce massacre, alors que l’ouverture d’un procès en Guinée se fait toujours attendre, les inconnues autour d’un futur jugement des responsables restent très nombreuses (III). Elles le sont d’autant plus que, depuis l’ouverture en 2009 par la Cour pénale internationale (CPI) d’un examen préliminaire concernant la situation de la Guinée, sera ici mis à l’épreuve l’application du principe de complémentarité, imposant que la Cour n’intervienne qu’en cas de manque de volonté ou de capacité de l’État.

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L’ambassadeur des Etats-Unis exhorte « les services de sécurité guinéens à se conduire à tout moment de manière professionnelle »

Dans un communiqué publié sur le site internet de l’ambassade des Etats-Unis en Guinée, l’ambassadeur Henshaw appelle toutes les parties au dialogue pacifique après l’enregistrement de nouvelles victimes tuées par armes à feu à Conakry le 9 janvier 2020 en marge de la grève des enseignants.


En ma qualité d’Ambassadeur des Etats-Unis en Guinée, je voudrais
adresser mes condoléances aux familles des victimes tuées par armes à
feu à Conakry le 9 janvier. Selon les comptes-rendus des médias, ces
victimes étaient des spectateurs qui se trouvaient dans les environs des
manifestations.

Nous exhortons les services de sécurité guinéens à se conduire à tout
moment de manière professionnelle, et en appelons à des enquêtes
approfondies pour ces cas de mort. Nous exhortons tous les manifestants à
exercer leur droit de rassemblement pacifiquement.

Ces pertes en vies humaines démontrent encore une fois l’importance
de la résolution des différends par le dialogue et la non-violence.

La Guinée a accompli de grands progrès sur le chemin de la démocratie, aussi, sommes-nous impatients d’œuvrer avec tous les guinéens afin de renforcer ces progrès.





Marche de femmes contre un troisième mandat d’Alpha Condé en Guinée

Des centaines de femmes opposées à un troisième mandat du président guinéen Alpha Condé ont défilé mercredi à Conakry, au lendemain de la condamnation des principaux initiateurs des manifestations qui agitent la Guinée depuis une semaine et qui ont fait une dizaine de morts.

Environ 400 femmes, majoritairement vêtues de blanc, ont entamé en fin de matinée une marche devant les mener de Hamdallaye, quartier populaire de Conakry et fief de l’opposition, à l’esplanade du Stade du 28 Septembre, a constaté un correspondant de l’AFP.

Des manifestantes scandaient des slogans tels que «Mort aux assassins de nos enfants» et «Justice pour nos martyrs», ou portaient des pancartes où l’on pouvait notamment lire «Libérez nos leaders injustement condamnés». «Nous marchons contre ces tueries et demandons à M. Alpha Condé de partir maintenant», a expliqué une des manifestantes.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), dont se réclament les manifestantes, a appelé à manifester et à paralyser l’économie à partir du 14 octobre pour faire obstacle à un éventuel troisième mandat du président Condé en 2020. A la suite de cet appel, Conakry et plusieurs villes guinéennes ont été la proie la semaine dernière de heurts violents. Au moins huit manifestants (10 selon l’opposition) et un gendarme ont été tués, des dizaines d’autres blessés.

Abdourahamane Sanoh, coordonnateur de cette alliance de partis d’opposition, de syndicats et de membres de la société civile, a été condamné mardi à un an de prison ferme et quatre autres responsables à six mois ferme.

Alors que les défenseurs des droits de l’homme dénoncent les arrestations arbitraires, un usage excessif de la force par les services de sécurité et le long historique d’impunité de ces dernières, le gouvernement a souligné que la marche des femmes avait été «autorisée, conformément aux textes relatifs à l’exercice des droits fondamentaux, dont la liberté de manifestation». Mais il a fait état d’«informations concordantes et persistantes sur la possible infiltration de la marche des femmes par des personnes décidées à troubler l’ordre public par des actes de violence».

Aucune sortie de crise ne paraît en vue, le FNDC annonçant une nouvelle «grande marche pacifique» jeudi -qui a été autorisée- pour faire échouer le projet prêté au président Condé de briguer sa propre succession en 2020 et de changer à cette fin la Constitution, qui l’empêche de concourir à un troisième mandat.

Le Figaro




Pression d’Ankara sur Conakry, les écoles “La Citadelle” rebaptisées

citadelles-guineeLes écoles “La Citadelle” ouvertes en 2003 en Guinée étaient soupçonnées d’appartenir au prédicateur turc l’Imam Fethullah Gülen, exilé aux USA, accusé par le gouvernement turc d’être le commanditaire du coup d’Etat manqué du 15 juillet 2016. La décision des autorités guinéennes de fermer ces écoles serait motivée par une injonction d’Ankara.

Dans le but de trouver un compromis, une mission turque a été reçue ce jeudi 13 octobre 2016, par le ministre de l’Enseignement Pré-Universitaire et de l’Alphabétisation Ibrahima Kourouma.

Le lundi 24 octobre, les cours ont repris au complexe scolaire « La Citadelle » rebaptisées « Les écoles Maarif turco-guinéennes » du nom d’une fondation turque, a expliqué à BBC Afrique son nouveau directeur, Mahamed Targal. Les écoles du groupe “Maarif” sont administrées par un nouveau personnel envoyé par le gouvernement turc

Illustration de la purge

En Afrique, la Turquie livre une guerre totale à Gülenn, notamment dans les écoles

La confrérie Gülen “ne cherche pas seulement à prendre le pouvoir en Turquie mais essaie aussi d’atteindre l’Afrique”, a averti le président turc Erdogan, mais s’il a décimé les écoles de son ennemi juré dans son pays, il aura plus de mal à les faire fermer en Afrique.

Dès l’échec du putsch du 15 juillet, Recep Tayyip Erdogan a lancé une guerre totale contre Fethullah Gülen, et notamment contre toutes les écoles et universités du prédicateur exilé accusé du coup de force. En Turquie et dans le monde, puisque le réseau a tissé sa toile dans 120 pays.

Peu présent en Afrique du Nord, Gülen est bien implanté depuis 1996 avec une centaine d’écoles dans environ 40 pays d’Afrique sub-saharienne, où elles forment des “bêtes à concours” dans un continent ou seuls 20% des élèves parviennent à intégrer l’université.

Elles sont chères et réservées aux enfants des élites, hormis les boursiers. Aux Etats-Unis, où est exilé M. Gülen, elles attirent une population d’immigrés.

Mais aujourd’hui, la diplomatie turque exerce d’intenses pressions en Afrique pour faire fermer toutes les écoles et universités de Gülen.

Et si la Turquie se heurte à une fin de non-recevoir de nombreux pays, elle peut faire plier de petits Etats exposés aux sanctions et sensibles aux promesses d’aide.

– ‘Absurde’ –

Au Nigeria, l’ambassadeur turc Hakan Cakil a requis formellement auprès du gouvernement la fermeture de ses 17 écoles et université, situées notamment à Lagos, Kano, Kaduna et Abuja, invoquant “la sécurité nationale de la Turquie”. Ces écoles, implantées depuis 18 ans, accueillent 4.250 jeunes.

Abuja a décliné, rappelant que le Nigeria était un “Etat souverain”. Elles “figurent parmi les écoles les plus prestigieuses du pays, et avec un coût de 12.000 dollars par an (environ 10.000 euros), s’adressent aux très riches”, explique Gabrielle Angey, doctorante au Centre d’Etudes turques CETOBaC, à Paris.

Ces établissements “ne sont pas liés au gouvernement”, et Abuja “ne comprend pas le sens de cette demande”, déclare à l’AFP Cemal Yigit, un Turc du Hizmet, le mouvement de Gülen, fondateur du Nigerian Turkish International Colleges (NTIC).

“Les gens ne peuvent voir aucun lien entre ces écoles et la tentative de putsch en Turquie. C’est absurde”.

Au Kenya, les six écoles de la confrérie sont gérées par la Fondation Omeriye et sont restées ouvertes malgré les pressions.

Ce n’est pas le cas en Somalie où à Mogadiscio, dès le lendemain du coup d’Etat raté, deux écoles de la Nile Academy ont été fermées.

La Somalie, qui a bénéficié largement de l’aide turque, sous forme de soutien diplomatique, militaire, d’aide au développement et constructions — comme l’aéroport de Mogadiscio, inauguré par M. Erdogan en personne — est bien plus exposée aux pressions.

L’Afrique du Sud compte neuf écoles Gülen, dans la plupart des grandes villes, qui font partie des meilleurs établissements du pays, comme le lycée Horizon de Johannesburg, numéro un national en mathématiques.

“Elles sont surtout connues pour avoir d’excellents résultats au bac et particulièrement en sciences”, souligne Ayhan Cetin, président du Turquoise Harmony Institute de Johannesburg, un centre culturel turc inspiré — mais pas financé — par Gülen.

“Il n’y a pas de raison que ces écoles ferment: l’Afrique du Sud est une démocratie et ce sont des écoles sud-africaines”, ajoute M. Cetin.

– ‘Pas d’éducation religieuse’ –

“De fait le gouvernement turc n’a aucun pouvoir direct de fermeture de ces écoles”, de droit privé placées sous la tutelle des ministères de l’Education des pays concernés, affirme Gabrielle Angey.

La présence turque en Afrique, insignifiante au début des années 2000, s’y est ancrée solidement grâce au réseau d’écoles de Gülen et à la confédération patronale turque Tüskon — ouvertement guléniste.

L’enseignement des écoles Gülen est tourné vers les matières scientifiques, les nouvelles technologies, l’économie, l’international, et dispensé le plus souvent en anglais, même dans des pays francophones comme le Sénégal (huit écoles).

“Les enseignants turcs appartiennent vraiment au réseau gülen, ce sont des religieux engagés depuis longtemps” dans la confrérie, dit la chercheuse.

Mais “la dimension religieuse apparaît si peu que beaucoup d’étudiants ne comprennent même pas que leur école appartient au mouvement”.

“Il n’y a pas de cours d’éducation religieuse”, relève Mme Angey — à part au Sénégal où ils sont obligatoires. Il s’agit “d’amener les élèves vers des questions spirituelles mieux que ne le ferait du prosélytisme”.

Ainsi les écoles africaines de Gülen sont pluralistes: elles accueillent aussi des élèves chrétiens — jusqu’à 45% au Nigeria.

Le débouché naturel pour ces élèves africains était souvent les universités en Turquie, ouvertement gulenistes et religieuses, comme Fatih à Istanbul.

Jusqu’au coup d’Etat raté.

 

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