Conduite de la transition: des partis politiques dénoncent des manquements et recommandent


Politique/Transition


Dans une déclaration rendue publique ce mercredi 09 mars 2022, 58 partis politiques guinéens alertent sur les manquements observés dans la conduite de la transition par le Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD) qui a pris le pouvoir le 05 septembre 2021.

Déclaration 

Nous Partis politiques ci-dessous, signataires de la présente déclaration avons constaté avec regret que l’inclusivité et la justice, qui étaient au cœur de la profession de foi du CNRD à sa prise de pouvoir, ne semblent plus être la boussole de son action publique.

En effet, force est de constater que la junte s’écarte de plus en plus des règles et des principes de l’Etat de droit et traîne volontairement le pas dans l’accomplissement des diligences nécessaires au retour à l’ordre constitutionnel.

C’est pourquoi les partis politiques signataires de la présente déclaration alertent l’opinion nationale et internationale sur les graves dysfonctionnements qui entravent la conduite réussie de la transition. Notamment :

  • La vision unilatérale du CNRD dans la conduite de la transition et des affaires publiques. Les acteurs politiques sont exclus du gouvernement de transition et ne disposent d’aucun cadre de dialogue pour exprimer et défendre leurs points de vue et participer ainsi à la conduite de la transition.
  • Les violations répétées de la Charte de transition. C’est le cas de la décision du CNRD de conférer au CNT les prérogatives en lien avec la définition de la durée de la transition. Ce qui est en contradiction avec l’article 77 de la Charte qui stipule que « la durée de la transition sera fixée en commun accord entre les forces vives de la nation et le Comité National du Rassemblement pour le Développement. »
  • L’indéfinition de la composition du CNRD, six mois après son avènement. Ce qui constitue une anomalie qui suscite de légitimes interrogations.
  • La campagne de récupération des domaines de l’Etat est conduite de manière discriminatoire, violente et en dehors de toute règle et procédure légales. Elle est, de plus en plus, perçue au sein de la population comme un moyen de discréditer et d’humilier des leaders politiques ciblés et d’honnêtes citoyens qui ont loyalement servi le pays.
  • La CRIEF, dont la mission a été unanimement saluée, se distingue dorénavant comme un instrument pour disqualifier des leaders politiques gênants.
  • Les crimes de sang ne font l’objet d’aucune considération de la part de la junte.

Au regard de ce qui précède, les partis politiques signataires de la présente déclaration, rappellent que seules des institutions, issues d’élections libres et transparentes, auront la puissance de la légalité et de la légitimité pour engager les réformes nécessaires à la réconciliation nationale et au développement économique et social du pays.

Tout en réitérant leur volonté de jouer pleinement leur rôle dans la conduite d’une transition inclusive et apaisée permettant à notre pays de sortir, dans un délai raisonnable, de la période d’exception, ils demandent au CNRD :

  • La mise en place d’un cadre permanent de dialogue pour discuter du contenu de la transition notamment de l’organe de gestion des élections et de la durée de la transition conformément à l’article 77 de la Carte. De toute évidence, un dialogue politique regroupant des représentants du CNRD, des acteurs politiques, de la société civile et des partenaires techniques et financiers serait bien plus productif que les dispendieuses missions du CNT à l’intérieur du pays.
  • La publication de la liste nominative des membres du CNRD.
  • La mise en place d’une juridiction indépendante dédiée au traitement des crimes de sang à l’image de la CRIEF pour les crimes économiques et financiers.
  • Le respect des règles de droit, de la présomption d’innocence et de la dignité humaine aussi bien dans la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics que dans celui de la récupération des domaines de l’Etat.
  • Le respect des libertés individuelles et collectives notamment la liberté d’expression et de manifestation.
  • L’acceptation de la désignation d’un médiateur de la CEDEAO dans la crise guinéenne, comme c’est le cas actuellement au Mali.

Les partis politiques signataires de la présente déclaration gardent l’espoir que le CNRD, garant de la paix sociale, accordera à leurs préoccupations l’attention qu’elles méritent.

En tout état de cause, ils se réservent le droit d’user de tous les moyens légaux, y compris les manifestations pacifiques dans les rues et sur les places publiques, pour obtenir la satisfaction de leurs légitimes revendications et pour dénoncer toute violation des droits et libertés des citoyens. Ils appellent le peuple à se tenir prêt à répondre, le cas échéant, aux mots d’ordre qui seront lancés à cet effet.

Vive la République !


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Édito: de la nécessité de réactiver les contre-pouvoirs citoyens

Par Sékou Chérif Diallo

Flou. Une trajectoire qui soulève des questions et renforce un sentiment de scepticisme chez de nombreux Guinéens qui, hier, célébraient la chute du dictateur Alpha Condé en accordant, de facto, une certaine légitimité populaire aux putschistes du 5 septembre 2021. Espoir, tâtonnements, confusion, incompréhension, et aujourd’hui, des inquiétudes, tel est le parcours d’une transition guinéenne aux contours flous.

La recherche de compromis avec tous les acteurs, démarche utile et inclusive en période transitoire, ne semble pas être une option privilégiée par les autorités de la transition. Ces dernières paraissent plutôt opter pour une gestion verticale et directive inspirée du modèle militaire. Les conditions de sélection finale des membres du CNT et le choix de son président illustrent cette volonté de pilotage solitaire de la transition à coups de décrets. Rappelons toutefois qu’une transition est par nature politique avec pour seul but de créer les conditions d’un retour à l’ordre constitutionnel.

Près de six mois après le putsch, les instruments fondamentaux d’une transition démocratique (projet de constitution, fichier électoral, financement des opérations de révision des listes électorales, organisation des scrutins…) n’ont fait l’objet d’aucune avancée concrète, que ce soit en commission ou dans le cadre d’un dialogue politique maintes fois réclamé par l’opposition.

Confusion. Des prérogatives de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) aux agissements extra-judiciaires du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), organe de la transition ressemblant davantage à une secte secrète par le caractère opaque de sa composition et de ses pouvoirs réels, nous observons une certaine cacophonie dans la démarche dite de moralisation de la vie publique. Qui fait quoi ? Quelle est la valeur juridique des nombreux communiqués du CNRD ? Peut-on sacrifier les procédures légales dans un processus judiciaire ? Autant de questions qui suscitent des interrogations et entretiennent une confusion au sein de l’État.

D’un autre côté, le Conseil National de Transition (CNT) s’offre une tournée à travers la Guinée pour, selon son président, rencontrer les populations locales. Un projet coûteux, inutile et foncièrement inefficace qui frôle le populisme. Compte tenu du retard pris dans sa mise en place, le CNT n’avait qu’une seule priorité: mettre en place les différentes commissions et travailler sur une première version de la nouvelle constitution.

Illusions. Concernant les étapes du processus électoral (clarification de l’organe en charge des élections, question du fichier électoral, mobilisation des ressources, calendrier…), les autorités de la transition entretiennent un flou total en répétant les mêmes intentions générales propres à la rhétorique des périodes de transition militaire : refondation de l’État, lutte contre la corruption. Or, l’histoire a montré que de telles ambitions relèvent souvent de vœux pieux aux résultats mitigés. Les institutions nées de transitions militaires souffrent d’un déficit de légitimité et leur durée de vie est parfois éphémère.

S’agissant de la lutte contre la corruption, le contraste est frappant entre les discours officiels et la réalité du terrain. Comme le souligne une étude de l’IFRI de 2016, “les gouvernants de transition, se sachant temporaires et menacés de disparition politique, sont davantage incités à se servir tant qu’ils le peuvent encore”.

D’où la nécessité impérieuse de recentrer l’action des autorités transitoires sur l’essentiel : réactiver les instruments juridiques indispensables et organiser des élections pluralistes. Plus on s’éloignera de cet objectif, plus le doute s’installera et plus le risque de crise politique sera grand. Par ailleurs, la fragilité économique du pays, sous perfusion depuis des décennies, est un facteur aggravant. Vouloir s’éterniser dans une transition instable, répulsive pour les investisseurs étrangers, c’est exposer le peuple aux conséquences sociales désastreuses d’un effondrement économique.

Méfiance. Aujourd’hui, le manque de lisibilité de l’action gouvernementale suscite des interrogations sur les véritables intentions de la junte. Il faut pourtant rappeler que les aspirations démocratiques du peuple guinéen ne sont plus à démontrer, eu égard aux nombreux sacrifices consentis qui ne sauraient être vains. Ce peuple ne saurait se contenter d’une version édulcorée du régime défunt. Il souhaite enfin jouir des avantages d’une démocratie authentique.

Or la communication outrancière à tendance propagandiste, la promotion de jeunes dans l’administration ou les actions calculées pour faire exploser l’adhésion populaire dans les rues de Conakry, ne suffiront pas pour s’attirer les faveurs inconditionnelles du peuple. Endurci par des décennies de souffrances, le Guinéen est devenu méfiant mais surtout plus lucide face aux vendeurs d’illusions et aux faux-semblants démocratiques.

Seule une feuille de route claire vers le rétablissement de l’État de droit et la tenue d’élections libres et transparentes permettra de lever les doutes quant à la sincérité des autorités de transition et de s’assurer de l’assentiment populaire. Le temps presse et les attentes sont immenses.

Contre-pouvoirs citoyens. Dans un contexte d’absence totale de contre-pouvoirs institutionnels, la réactivation des instruments légaux de veille et de mobilisation citoyenne est indispensable pour dénoncer les éventuelles dérives dans la conduite de la transition.

Malheureusement, le feuilleton de décrets qui se succèdent sans contrôle renforce l’attentisme intéressé de certains, préférant se taire dans l’espoir de récompenses. Or, donner les pleins pouvoirs aux dirigeants de ce pays, même à ceux clamant avoir “frôlé la mort” pour sauver la Guinée, serait une erreur.

Rappelons que, avant le 05 septembre 2021, d’autres Guinéens ont aussi risqué leur vie pour tenter de déloger la dictature d’Alpha Condé. Si le coup d’État du CNRD a été largement salué, notons qu’il est l’aboutissement d’une longue mobilisation citoyenne ayant fragilisé le régime illégitime et illégal du président déchu.

Aussi, la vigilance et l’engagement de tous sont plus que jamais nécessaires pour veiller au respect des objectifs démocratiques de la transition, et éviter un nouveau dévoiement du pouvoir au détriment des aspirations légitimes du peuple de Guinée.





Coup d’Etat et transition: (dés)illusions démocratiques ?

Politique


Par Sékou Chérif Diallo


En prenant le pouvoir le 5 septembre 2021, le CNRD à sa tête le colonel Mamadi Doumbouya mettait ainsi fin à une dictature civile qui tirait sa supposée légitimité d’un habillage constitutionnel trafiqué. Ainsi, comme le souligne Samuel Huntington dans une étude sur « Les sources du prétorianisme », cité par Pierre Birnbaum et François Chazel, dans Sociologie politique Tome 2, 1971, en cas de chaos politique, l’hypothèse d’une intervention de l’armée dans la politique ne peut être totalement écartée dans les sociétés démocratiques. Selon lui, les causes les plus déterminantes de l’intervention de l’armée sont d’ordre politique et reflètent d’abord la structure politique et institutionnelle de la société. Les interventions de l’armée dans les pays dits du « sud » ne sont que la manifestation spécifique d’un phénomène plus vaste, à savoir l’absence d’institutions politiques capables de réguler et d’arbitrer les conflits.

Les militaires en Guinée, comme dans la plupart des pays africains, se considèrent comme garants des institutions et gardiens de la démocratie. « Gardiens de la démocratie » ? Il faut noter que cette rhétorique prétentieuse est parfois aux antipodes des réalités politiques dans plusieurs pays africains où l’armée est plutôt perçue comme le bouclier de fer qui se dresse entre les régimes dictatoriaux qu’elle protège et les peuples qui aspirent à la démocratie.

Ainsi, comme le souligne Céline Thiriot dans un article publié en 2008 intitulé La place des militaires dans les régimes post-transition d’Afrique subsaharienne : la difficile resectorisation, les armées africaines sont très perméables aux clivages politiques. Selon l’auteur, « avec des armées désinstitutionnalisées, des autorités politiques fragiles, la force reste une ressource politique, et les militaires conservent un rôle et un pouvoir qui va bien au-delà des casernes ». Si tous les observateurs sont unanimes sur la proximité d’intérêts entre l’univers politique et celui militaire dans le contexte politique africain, Céline Thiriot abondant dans le même sens, soutient que « la réelle neutralité politique de l’armée n’existe pas dans l’absolu même dans les démocraties occidentales qui s’en font le chantre ». En Afrique, explique l’auteur, le « caractère apolitique des militaires reste très théorique. L’intrusion des militaires en politique a longtemps été la norme plutôt que l’exception ».

Le mirage des coups d’Etat dits « à objectif démocratique »

Qu’est-ce qu’un coup d’Etat ? Pour reprendre la définition donnée par Olivier Duhamel et Yves Méry dans Dictionnaire constitutionnel publié en 1992, le coup d’Etat est un « changement de gouvernement opéré, hors des procédures constitutionnelles en vigueur, par une action entreprise au sein même de l’Etat au niveau de ses dirigeants ou de ses agents. Cette action, le terme coup le suggère, est soudaine et sollicite la force ». Selon ces auteurs « par nature, l’armée est au premier chef, concernée par le coup d’Etat. Sans armée, la probabilité du coup d’Etat, disparait ».

Quelle légitimité ? « Cedant arma togae » cette célèbre citation de l’homme d’État romain et brillant orateur Cicéron, qu’on pourrait traduire par « Que les armes cèdent à la toge », défend la prééminence de la démocratie sur la force. En d’autres termes, l’armée doit obéir au pouvoir civil. C’est un rappel à la légitimité démocratique et au pouvoir des urnes, car toute chose imposée sans concertation est contraire à la démocratie. Georges Burdeau dans Traité de science politique, les régimes politiques, publié en 1970 abonde dans le même sens lorsqu’il écrit que la démocratie n’acquiert son véritable sens que si elle exclut « le pouvoir d’une autorité qui ne procéderait pas du peuple ». Selon cet auteur, « personne ne peut commander dans l’Etat qu’en vertu d’une investiture régulière. Il faut un titre pour commander et ce titre c’est la constitution qui définit les conditions dans lesquelles il doit être acquis. Elle désigne les gouvernements et fonde, du même coup, leur légitimité ».

Par ailleurs, il ressort de nos lectures, que la question des objectifs et finalités des coups d’Etat en Afrique occupe une place importante dans les débats politiques. Si le principe d’une condamnation systématique par les Etats et organisations internationales des coups d’Etat n’est plus à justifier car juridiquement inacceptable, il faut toutefois souligner que certains coups d’Etat (très peu nombreux) ont permis de restaurer la « démocratie » dans certains pays.

Ainsi, plusieurs auteurs se sont intéressés à cette réalité exceptionnelle dans un environnement africain où les coups d’Etat apparaissent le plus souvent comme le prolongement d’une pathologie politique endémique. Prenant l’exemple du Niger, Ismael Mador Fall dans un article intitulé La construction des régimes politiques en Afrique : succès et insuccès publié en 2014, n’hésite pas à parler de phénomène des coups d’État « salvateurs », « générateurs de constitutionnalisme ». Pour cet auteur, le putsch mené par le Général Salou Djibo en 2010 contre le régime du Président nigérien Mamadou Tandja, bien que condamnable dans son essence, est comptabilisé au nombre des « coups d’État salvateurs ». Il faut rappeler que Mamadou Tandja comme Alpha Condé, avait procédé à la modification de la constitution nigérienne pour s’octroyer un troisième mandat illégitime et illégal.

Coups d’Etat « salvateurs » pour les uns, « salutaires » pour d’autres, certains auteurs parlent carrément de coups d’Etat démocratiques. Le plus célèbre parmi ces auteurs ayant défendu la notion de « coup d’Etat démocratique » est le chercheur d’origine turque Ozan Varol de l’université de Harvard qui, dans un article publié en 2012 intitulé The Democratic Coup d’Etat, soutient que les coups d’Etat militaires pourraient mener, dans certains cas, à la démocratie. Cependant, l’auteur souligne que la grande majorité des coups d’État ne rentrent pas dans ce cadre parce qu’ils n’aboutissent pas forcément au renforcement de la démocratie par l’organisation d’élections libres et transparentes. Pour être qualifié de coup d’Etat démocratique, selon l’auteur, un certain nombre de caractéristiques sont indispensables. Parmi lesquelles : le coup d’Etat est perpétré contre un régime autoritaire ; c’est une réponse à un rejet populaire du régime ; l’armée accepte d’organiser des élections dans un délai court et procède au transfert du pouvoir à des dirigeants démocratiquement élus.

Poursuivant sa démonstration, Varol, souligne que les objectifs poursuivis par les auteurs des putschs et la manière de gérer le pouvoir (la transition) sont des indicateurs qui permettent de faire la distinction entre les coups d’Etat classiques, perpétrés par des personnes désireuses de prendre et exercer le pouvoir dans leur propre intérêt et les coups d’Etat à « objectif démocratique » où les putschistes affichent une volonté de rectification d’une trajectoire jugée autocratique du régime déchu. Dans les coups d’Etat classiques, les putschistes s’emparent de tous les leviers du pouvoir, tandis que chez les putschistes « prodémocraties », on observe une volonté d’impliquer les autres acteurs politiques et sociaux dans la gestion du pouvoir.

À l’instar des autres coups d’Etat observés en Afrique, celui perpétré par le CNRD en Guinée suit une démarche connue et assez documentée qui consiste à vouloir rassurer l’opinion sur leurs intentions : annoncer la suspension de la constitution en vigueur, la dissolution des institutions, et promettre le retour rapide à l’ordre constitutionnel. Dans un environnement de méfiance face aux velléités des putschistes de s’éterniser au pouvoir, réalités très observées dans les pays qui ont enregistré la prise du pouvoir par l’armée, les déclarations d’intention ne suffisent pas le plus souvent. D’où la question, pertinemment légitime d’ailleurs, de la durée de la transition.

L’incertitude et les promesses impossibles à tenir au menu de la transition

Quelle durée « raisonnable » ? Les partisans d’une transition longue rivalisent d’arguments avec ceux qui pensent le contraire. Pour répéter la rhétorique du juste milieu : elle ne devrait pas être très longue ni très courte.

Chaque camp tient un argumentaire qui conforte un positionnement idéologique ou partisan. Si le Colonel Mamadi Doumbouya, chef de la junte en Guinée, ne cesse de marteler sa volonté de mener la transition à terme sans se présenter aux prochaines élections, une position déjà mentionnée dans la charte de la transition dans son article 46 qui stipule : « Le Président et les membres du Comité National du Rassemblement pour le Développement ne peuvent faire acte de candidature ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition. La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision », force est de constater une légère évolution du discours sur la question de la durée de la transition. Dans la charte de la transition, l’article 77 ne précise pas clairement que c’est le CNT (conseil national de la transition) qui sera chargé de fixer la durée de la transition. Cet article stipule que « La durée de la Transition sera fixée de commun accord entre les Forces Vives de la Nation et le Comité National du Rassemblement pour le Développement ». Certes, le CNT dont la mise en place traine toujours, sera composé de différentes composantes de la société guinéenne, mais il aurait été plus judicieux de préciser dans la Charte que ce sont les forces vives de la nation « réunies au sein du CNT » qui auront cette autre mission.

Pour évaluer la bonne foi des putschistes sur leurs intentions de favoriser un retour rapide à l’ordre constitutionnel ou de s’éterniser au pouvoir, la présentation d’un chronogramme détaillé et cohérent est la principale exigence des acteurs politiques mais aussi des organisations internationales. Après avoir ‘’applaudi’’ la prise du pouvoir par l’armée, les acteurs politiques ne comptent pas restés dans une position de spectateur. S’il n’y a aucun doute sur leurs préférences en faveur d’une transition courte, ils restent toutefois, très prudents face au CNRD pour éviter un quelconque « accrochage ». Mais jusqu’à quand ?

Sur le plan international, la pression ne faiblit pas. Le cas malien illustre bien cette intransigeance de la CEDEAO de faire vivre un « enfer » aux putschistes indélicats et qui ont pour ambition de s’éterniser au pouvoir. Dans une étude de l’IFRI intitulée Transitions politiques : les déboires du modèle de sortie de crise en Afrique publiée en 2016, les auteurs Mathilde Tarif et Thierry Vircoulon soulignent que « la communauté internationale confère généralement aux gouvernements de transition une espérance de vie de deux ans, au terme desquelles ils doivent s’autodétruire électoralement. » Toutefois, ces auteurs rappellent que « la priorisation des élections comporte son lot d’inconvénients pour le processus de sortie de crise ». C’est bien là, le fondement de l’argumentaire des partisans d’une transition longue. Ces derniers soutiennent que la transition est le moment propice pour refonder l’Etat. Qui parle de refonder un Etat, parle forcément d’une mission à envisager dans la durée. La refondation de l’Etat, une mission impossible en période transitoire ?

À l’instar des autres transitions militaires en Afrique, celle en cours en Guinée n’échappe pas à cette promesse de refondation de l’Etat. Dans son article 2, la Charte de la transition énumère les missions de la transition dont entre autres : « – la refondation de l’Etat pour bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un Etat de droit, un processus démocratique inclusif, apaisé et durable, gage d’un développement social, économique et culturel effectif ; – l’engagement de réformes majeures sur les plans économique, politique, électoral et administratif ; – le renforcement de l’indépendance de la justice et la lutte contre l’impunité ; – l’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable ;…). Des grandes ambitions, dira-t-on. Pour les sceptiques, ces missions soulèvent la question de leur faisabilité. On est tenté de se poser la question : les transitions sont-elles un moment pour une refondation des institutions de l’Etat ? Pour répondre à cette question, revenons sur l’étude de l’IFRI intitulée Transitions politiques : les déboires du modèle de sortie de crise en Afrique publiée en 2016. Les auteurs de cette étude, à partir d’exemples des transitions politiques au Mali (celle de 2012), en Centrafrique et en Somalie dressent le bilan de cette promesse majeure de refondation de l’Etat en ces termes : « la facilité avec laquelle ils [les gouvernements de transition ndlr] promettent une refondation des institutions de l’Etat contraste avec l’absence de progrès dans la mise en œuvre de cette dernière. Les autorités de transition rédigent toutes les nouvelles constitutions mais elles se montrent incapables d’enclencher les réformes de gouvernance pourtant mises en avant dans leurs feuilles de route et de rompre avec les pratiques de corruption des régimes précédents. En d’autres termes, durant la transition, la réforme de gouvernance est une rhétorique vide. »

Sur la problématique de la corruption, l’étude souligne que « S’il est impossible d’affirmer que la corruption augmente durant les transitions, force est de constater que l’environnement lui reste très favorable. D’une part, les institutions habituelles de contrôle des finances publiques et les institutions judiciaires sont ineffectives ; d’autres, les gouvernants de la transition se savent temporaires et potentiellement voués à une disparition politique, ce qui accroit leur incitation à se servir tant que cela est encore possible ». Pour illustrer cette réalité, en 2015 plusieurs médias publiaient des informations concernant une décision des autorités centrafricaines post-transition d’auditer toutes les institutions sur leur gestion pendant la période de transition notamment le dossier sur l’affaire du don angolais (2,5 millions de dollars sur les 10 millions) n’étaient pas passés par les caisses du Trésor public. Au Burkina Faso, l’audit du gouvernement de transition, commandé par Roch Marc Christian Kaboré, avait révélé que le gouvernement de la transition a eu “massivement” recours aux “procédures exceptionnelles” (entente directe et appels d’offres restreints) pour les marchés publics. Le rapport accusait également l’ex-Premier ministre de la transition Isaac Zida et dix-huit membres de son gouvernement, des membres de leur famille, de s’être fait attribuer des parcelles dans le quartier chic de Ouaga 2000 en violation flagrante des textes. En Tunisie, International Crisis Group dans un rapport publié en 2017 intitulé La transition bloquée : corruption et régionalisme en Tunisie, dénonçait la corruption et le clientélisme qui menacent la transition démocratique dans ce pays, décrite comme un succès après le soulèvement populaire de 2011.

Si l’unanimité se dégage sur l’urgence de lutter contre la corruption, on peut toutefois, se poser la question de savoir : jusqu’où les autorités d’une transition peuvent aller en matière de lutte contre la corruption ? Pierre Jacquemot, dans un article intitulé Comprendre la corruption des élites en Afrique subsaharienne, publié en 2012, soutient que si l’impunité doit être combattue, la sanction soulève de nombreuses questions car, souligne l’auteur « à un moment donné, la boucle répressive se ferme sur elle-même, quand celui qui doit réprimer un cas de détournement de fonds publics se révèle en être l’un de ses bénéficiaires ».

En créant la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), les autorités de la transition guinéenne ambitionnent de lutter contre la délinquance financière, notamment les détournements de deniers publics. En attendant les premiers résultats de cette juridiction pour évaluer l’effectivité de la volonté des autorités de transition à faire de la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics une mission centrale de la transition, plusieurs observateurs restent cependant sceptiques. Et si l’ouverture de tous ces chantiers obéissait à un schéma que certains qualifieraient de « populiste » ? Le terreau politique guinéen est très fertile pour une telle entreprise d’enfumage généralisé. Sans faire de procès d’intention aux autorités de transition, observons avec lucidité le processus qui semble grippé par des zones d’ombre autour de la durée de la transition mais aussi la question de l’impunité.

Pour conclure, rappelons que les transitions sont éminemment politiques contrairement aux discours que tiennent certains acteurs de la transition et comme le soulignent les auteurs Mathilde Tarif et Thierry Vircoulon dans le rapport de l’IFRI cité plus haut, « les transitions politiques sont des périodes fondamentalement conflictuelles bien loin de l’unité nationale et du sursaut patriotique que réclament les circonstances dramatiques et que célèbrent les discours officiels du moment ». D’où la nécessité de trouver sans cesse un compromis pour donner à la transition une chance d’aboutir aux objectifs démocratiques qu’elle s’est fixée. Une idée partagée par Céline Thiriot dans Rôle de la société civile dans la transition et la consolidation démocratique en Afrique : éléments de réflexion à partir du cas du Mali, publié en 2002, qui soutient que la transition vers la démocratie apparaît comme un compromis entre les différents acteurs. À propos, l’auteur cite Bratton et Van De Walle, Democratic Experiment in Africa. Regimes Transitions in Comparative Perspective publié en 1997 : « La clé des transitions démocratiques est la capacité des participants à parvenir à des accords arbitrés qui donnent à chacun au moins une partie de ce qu’il voulait ».

Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Édito : Ahmed Sékou Touré, l’invité surprise de la transition

Politique

Faits : Dans un décret publié ce jeudi, 16 décembre 2021, le président de la Transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, a rebaptisé l’aéroport international de Conakry Gbéssia Aéroport International Ahmed Sékou Touré, nom du premier président de la Guinée.

L’Association des victimes du Camp Boiro dénonce dans une déclaration un « négationnisme et de l’apologie du crime et du criminel ». Elle rappelle que « Sékou Touré a présidé pendant 26 ans de règne totalitaire sans partage de 1958 à 1984. Durant cette période, les guinéens et les guinéennes ont assisté à l’exécution sommaire de dizaines de milliers de fils et filles de ce pays par pendaison, diète noire, fusillades, après qu’ils aient subi les tortures les plus ignobles et souvent pendant des années. Ces victimes sont encore à date, ensevelies dans des fosses communes disséminées sur l’ensemble du territoire. »

Point de vue : Des préalables étaient nécessaires

L’histoire de la Guinée est complexe. C’est un mélange de gloire et de douleurs, comme toute nation d’ailleurs. Des personnages historiques importants mais extrêmement clivants, des tendances négationnistes affirmées chez certains sur des faits historiques, des victimes prêtes à pardonner mais qui attendent des réponses, des travaux scientifiques parcellaires, partisans, tronqués et parfois inexistants, et des régimes politiques qui surfent sur des douleurs d’une partie de la population sans tenir compte de la nécessité d’un travail de mémoire indispensable.

Tous les observateurs s’accordent à dire que la société guinéenne a accumulé des blessures depuis son indépendance. Ces réalités historiques ont eu pour conséquence, la production d’une « mémoire meurtrie et éclatée ». Fodé Maréga, qui a longtemps présidé l’association des victimes du Camp Boiro affirmait que « construire une mémoire collective en Guinée est quelque chose de très difficile parce que notre pays vit sur un mythe, celui du « Non » au Général de Gaulle. Nous avons eu notre indépendance grâce à Sékou Touré, donc les gens ne comprennent pas que l’on puisse dire que notre premier président s’est comporté comme un malotru, comme un tyran, un sanguinaire ».

Des questions demeurent sans réponse sur le régime de Sékou Touré : les complots dénoncés par Sékou Touré étaient-ils réels ou inventés ? Combien de guinéens périrent dans ses geôles ? Où sont-ils enterrés ?…

Les autorités actuelles doivent savoir qu’interroger la mémoire du passé en Guinée c’est se heurter à beaucoup de douleurs enfouies et des questions sans réponse. En attendant un travail de fond sur les épisodes douloureux de notre histoire, il serait salutaire de surseoir à toute forme de réhabilitation unilatérale d’un personnage aussi clivant dans l’opinion publique guinéenne qu’est Ahmed Sékou Touré.

Des recommandations

  • Mettre en place un collège pluridisciplinaire de chercheurs pour produire des documents de référence sur l’histoire générale de la Guinée. Selon les informations recueillies, depuis 1994, tous les projets d’écriture collégiale d’une histoire générale de la Guinée se sont soldés par des échecs.
  • Trouver des réponses aux familles des victimes (identification des fosses communes, des stèles en hommage aux victimes, la construction d’une maison de la mémoire collective, l’institutionnalisation d’une journée nationale de commémoration…),
  • Identifier plusieurs lieux publics susceptibles d’être rebaptiser (des résistants à la pénétration coloniale aux pères et compagnons de l’indépendance, en passant par certaines victimes des différents régimes politiques…).
  • Attendre que les plaies se cicatrisent pour envisager une telle démarche. En ce moment les victimes ne verront pas Sékou Touré exclusivement comme un bourreau mais aussi le premier président de la Guinée indépendante. Ainsi, les guinéens vivront et célébreront une Guinée réconciliée avec son histoire. Il faut non seulement de la pédagogie mais aussi une vérité historique officielle sur l’histoire politique de la Guinée.  

Sékou Chérif Diallo





L’ANAD félicite et soutient le CNRD mais déplore l’absence de dialogue avec la classe politique

Politique

DÉCLARATION

En ce jour du 15 Décembre 2021, qui marque les cent jours de l’arrivée au pouvoir du CNRD avec à sa tête le Colonel Mamadi Doumbouya, l’Alliance Nationale pour l’Alternance et la Démocratie (ANAD) a tenu une réunion pour examiner l’évolution socio-politique de notre pays depuis le 05 septembre 2021.

Les conclusions qui se sont dégagées des échanges sont les suivantes :

DU SOUTIEN AU CNRD

– L’ANAD félicite le peuple de Guinée pour le soutien massif qu’il a exprimé au CNRD au lendemain de sa prise de pouvoir, témoignant ainsi de sa soif d’un changement positif jusque-là porté de façon courageuse par notre Alliance.

– L’ANAD réaffirme sa ferme volonté de soutenir toute action visant à organiser, dans un délai raisonnable, le retour à l’ordre constitutionnel pour permettre à notre pays de reprendre sa place dans les instances de la CEDEAO et de l’UA dont notre pays est membre fondateur.

DE LA PROMOTION DES LIBERTÉS ET L’INSTAURATION DE L’ÉTAT DE DROIT

– L’ANAD félicite le CNRD pour tous les actes pris pour l’apaisement du climat politique et social et pour la restauration des droits et libertés des citoyens.

– À cet égard, l’ANAD réitère ses félicitations au CNRD pour la libération des détenus politiques, le retour des exilés, le démantèlement des PA dans les quartiers, la restitution à l’UFDG de ses locaux et la levée de l’interdiction de voyager arbitrairement imposée aux dirigeants de partis politiques.

– L’ANAD salue la hauteur de vue dont le CNRD a fait preuve en prenant toutes les mesures pour assurer la protection de l’intégrité physique et de la dignité de l’ancien Président Alpha Condé.

– Elle salue les visites du CNRD des fosses communes de kindiadi aux pieds du mont kakoulima, et des cimetières de Bambéto pour se recueillir sur les tombes des victimes de la répression des manifestations sous le régime déchu.

– Elle encourage le CNRD à renforcer la charge symbolique de la visite de ces lieux, en faisant en sorte que les victimes aient droit à la justice et à la réparation pour donner un signal fort de son engagement en faveur de la protection des droits humains et de la lutte contre l’impunité.

DE LA PROMOTION DE LA BONNE GOUVERNANCE

– L’ANAD félicite le CNRD pour la mise en place de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) et l’encourage à assurer à l’Institution son indépendance et son impartialité, gage de sa crédibilité et de son efficacité, dans la moralisation de la vie publique.

– L’ANAD exhorte le CNRD à respecter les procédures légales dans la conduite des actions engagées contre la corruption et l’impunité.

DE LA TRANSITION

-L’ANAD déplore l’absence d’un cadre de dialogue et même de tout dialogue entre le CNRD et la classe politique. Or, les conditions d’une démocratie apaisée et le droit électoral sont largement tributaires du consensus politique.

C’est pourquoi le Protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance exige une concertation ou un consensus des principaux acteurs politiques ou protagonistes pour définir le cadre juridique et institutionnel des élections, en l’occurrence la Constitution, le Code électoral et l’organe en charge des élections (OGE). En effet le CNT doit transformer en lois le consensus issu du dialogue et de la concertation entre les acteurs.

Les Partis Politiques n’ont pas pu, faute de cadre approprié, avoir la possibilité de donner leur point de vue sur le projet de Charte de la Transition, du fait de n’avoir pu défendre et discuter le contenu des memos relatifs à la feuille de route de la transition qu’ils ont déposé au CNRD, en réponse à la demande qui leur avait été adressée à cet effet.

La mission de la transition et sa durée ainsi que le statut de l’OGE font actuellement l’objet de beaucoup de spéculations. Toutes ces questions devraient être discutées au sein du dialogue politique à l’effet de trouver un consensus.

À titre d’exemple, l’ANAD, les Partis politiques membres du FNDC, à savoir L’UFR, le PEDN et le MODEL ont proposé une transition de 15 mois. D’autres Partis ont recommandé des durées plus longues alors que la CEDEAO fixait un délai de six (6) mois pour la durée de la transition. Il aurait été souhaitable, dans le cadre d’un dialogue politique inclusif, de confronter les arguments qui soutiennent les différentes positions pour tenter de trouver un consensus national.

Compte tenu de ce qui précède et considérant que la transition est un processus de nature éminemment politique, l’ANAD demande au CNRD :

  • de créer un cadre de concertation afin de lancer le dialogue politique ;
  • de diligenter la mise en place du CNT ;
  • d’accepter la désignation par la CEDEAO d’un médiateur/facilitateur intègre pour aider à aplanir d’éventuelles divergences internes, et à jouer le rôle d’intercesseur de nos préoccupations auprès de la communauté internationale.

L’ANAD invite les démocrates guinéens à rester unis et mobilisés pour soutenir le CNRD dans sa lutte contre l’impunité et dans ses efforts de doter notre pays d’institutions légitimes issues d’élections inclusives, libres et transparentes.

Fait à Conakry, ce 15 Décembre 2021





Des avancées mais aussi des manquements … La lettre ouverte au Colonel Mamadi DOUMBOUYA

Point de vue

Par Alpha Boubacar Baldé

Monsieur le Président,

Dans la matinée du Dimanche 5 septembre 2021, le peuple martyr de Guinée s’est réveillé aux sons de coup de feu dans la commune de Kaloum aux alentours du palais présidentiel. A mon réveil ce jour, en regardant le fil d’actualité Facebook sur mon téléphone, j’ai vu des informations au sujet de ces coups de feu à Kaloum sans vraiment oser y croire. Il faut dire que, j’avais perdu espoir qu’un jour notre armée serait capable d’un sursaut patriotique pour sauver ce qui restait de notre « Nation ».

Il m’a fallu voir Alpha CONDE débrayé, déboutonné et le regard hagard au milieu des membres de votre unité pour me rendre à l’évidence. Mon Colonel, à cet instant précis, je ne peux vous décrire le sentiment qui m’a traversé. Une chose est sûre, j’ai été envahi par différents sentiments :

  • La joie d’être enfin libéré du joug d’un Président qui s’est dévoyé,
  • L’espoir que notre pays venait d’avoir une ultime chance de réécrire son avenir,
  • L’inquiétude de l’échec dans la conduite d’une transition apaisée, inclusive et transparente.

Tout comme une large majorité de la population Guinéenne, j’adhère et approuve ce coup d’état qui est en fait un coup salvateur. Le véritable coup d’état, c’était le changement de constitution et le fait d’imposer un troisième mandat au peuple martyr de Guinée. L’intervention de votre unité était donc salvatrice à plus d’un titre. Dans vos allocutions diffusées d’abord sur les réseaux sociaux et ensuite sur les antennes de la RTG, vous avez motivé votre intervention par la situation socio-politique et économique du pays, le dysfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la justice, l’irrespect des principes démocratiques, la politisation à outrance de l’administration publique, la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique. Ces maux que vous avez listés lors de votre intervention, sont chacun, individuellement pris, des motifs qui justifient votre intervention. Ces maux gangrénaient notre pays tel un cancer qui métastase.

Monsieur le Président,

Le 5 septembre 2021, vous preniez avec les membres de votre unité, la décision courageuse de libérer le peuple martyr de Guinée. Je suis conscient des défis auxquels vous faites face. J’imagine combien, la tâche est complexe et ardue. J’ai l’habitude de dire, que le jour où la Guinée aura un Président désireux de servir le peuple, face à l’immensité de la tâche, il sera tenté de quitter la Présidence. Seul un patriote qui fait don de soi est capable de remettre notre pays sur les rails.

Dans votre interview sur RFI du 15/11/2021 vous disiez alors à Alain FOKA je cite : « Ma vie entière je la donnerai à ce peuple-là, qui mérite ça. Et si on a décidé le 5 septembre d’aller à la mort, c’est parce qu’on avait vu l’état de notre pays ».

Plus loin, à la question de savoir si vous serez candidat aux prochaines échéances électorales, vous disiez, « Je pense que j’ai été clair, et je vais l’être aujourd’hui encore avec vous : ni moi ni aucun membre de cette transition ne sera candidat à quoi que ce soit. Nous allons mener la transition à bon port avec tous les Guinéens ». Ces déclarations vous honorent Monsieur le Président. En tant que Guinéen, épris de notre pays et conscient de son potentiel, vos déclarations me rassurent et me donne espoir en des lendemains meilleurs pour notre peuple martyrisé.

Monsieur le Président,

Aujourd’hui, nous sommes le 5 décembre 2021. Bientôt, les 100 jours depuis que vous avez pris la lourde charge de diriger notre pays. Nous arrivons au terme de « l’état de grâce », cette expression religieuse utilisée sur le plan journalistique pour désigner, le moment de la vie politique pendant lequel l’opinion publique d’un pays est majoritairement favorable aux nouveaux dirigeants qui viennent d’accéder au pouvoir. Après 3 mois de gestion et bientôt 100 jours aux affaires, il est temps faire un bilan de vos actions et d’entrevoir les perspectives pour notre pays durant cette période de transition.

Parmi les bonnes réalisations à votre actif, celles qui retiennent le plus mon attention sont les suivantes :

  • Les actes de réconciliation que vous avez posés  
  • La nomination d’un gouvernement de technocrates composé uniquement de civils
  • L’adoption d’une charte de transition à laquelle le peuple adhère
  • La consultation des différentes composantes de la société Guinéenne sur l’orientation à donner à cette transition
  • L’interdiction de voyage et le gel des avoirs des anciens gouvernants le temps des audits
  • L’interdiction de sortie du territoire pour les membres de l’ancien gouvernement
  • L’audit du fichier de la fonction publique et la mise à la retraite des ayants droit
  • La mise à la retraites dans les rangs des Forces de Défense et de Sécurité pour les ayants droit
  • Votre engagement personnel et celui que vous avez pris sur la non-participation des membres de l’administration de la transition aux futures échéances électorales
  • Le gel des décaissements et la mise en place d’un processus de justification et de validation des dépenses publiques
  • La décision de faire de la Justice la boussole qui orientera le peuple de Guinée
  • Votre volonté de rompre de manière définitive avec les pratiques nocives des anciennes administrations
  • L’adoption des 5 valeurs du CNRD (Les 5 R) :
    • La Rectification institutionnelle : Bâtir des institutions fortes et légitimes
    • La Refondation de l’Etat : Moraliser la vie publique, restaurer l’autorité
    • Le Rassemblement : Conduire les affaires publiques de manière inclusive
    • Le Redressement : Rompre avec les anciennes pratiques et favoriser la transparence
    • Le Repositionnement : Respecter les engagements internationaux et repositionner le pays à l’international   
  • La création du CRIEF (Cours de Répression des Infractions Economiques et Financières) pour instruire les dossiers de détournement de deniers publics.

Parmi les manquements que j’identifie et qu’il me semble important de traiter pour une exemplarité de cette nouvelle administration, il y a :

  • La non-divulgation de la liste des membres du CNRD, qui est pourtant un organe de la transition figurant dans la charte de transition. Cela, entretient le flou sur la composition de cet organe. Dire qu’il est composé de l’ensemble des forces armées est une boutade. Même si c’était le cas, il est évident qu’un collège de responsables militaires siège au sein du CNRD. Cette liste doit être rendue publique par souci de redevabilité vis-à-vis du peuple de Guinée.
  • La non-déclaration du patrimoine par l’ensemble des membres de votre gouvernement n’est pas de nature à favoriser la transparence dans la gestion de la chose publique.
  • L’absence de définition de la durée de la transition dans la charte. Evacuer cette question au sein du CNT, n’est à mon avis pas opportun. Comment voulez-vous, demander à des conseillers nationaux qui vont bénéficier d’avantages et émoluments de décider de la durée pendant laquelle ils vont bénéficier de ces avantages en toute objectivité ?
  • La non-présentation par le CNRD et le gouvernement 3 mois après la prise du pouvoir, des actions à mener durant la transition et qui pourraient servir de base à la définition d’un chronogramme et donc d’une durée de la transition sur des bases objectives.
  • La non-clarification du statut de l’ancien président qui à mon avis doit être inculpé ou libéré. Trois mois après le coup d’état, il est plus que temps que les restrictions à sa liberté soient encadrées juridiquement à travers une inculpation pour sa responsabilité sur les crimes commis durant ses mandats.
  • L’instruction des dossiers d’audit sur la gestion de l’ancienne administration (Ministère, Régies financière, JAC 518, Organismes publics et parapublics…) et l’inculpation des gestionnaires indélicats.
  • L’absence de définition claire des critères concernant la désignation par les différents organismes des membres du CNT. Ce qui retarde la mise en place de cet organe législatif de la transition.  
  • Le retard dans le nettoyage de certaines directions notamment la CNSS, la DNI, l’ARPT, le PAC, la SOGEAC, l’ANAIM, le Fonds d’Entretien Routier (FER), l’Autorité de Régulation des Marchés Publics…
  • L’absence d’installation au moins sur chaque contient, d’un bureau permanent pour la mise à disposition de passeport. Il est inconcevable qu’après 63 ans d’indépendance, que nos ambassades ne soient pas en mesure d’établir ces documents à la diaspora Guinéenne à l’étranger.
  • L’absence de mise en place d’un cadre de concertation sur la conduite de cette transition avec l’ensemble des forces politiques qui ont participé à des élections en Guinée. La précision est importante. Il ne sert à rien de convier à des discussions des partis politiques fonds de commerce qui n’ont d’existence que l’agrément, de militants que la famille du leader et pour siège le porte document du Président ou son domicile.  

Monsieur le Président,


Ne craignez pas la contradiction, c’est par la confrontation de points de vue divergents que les meilleures idées émergent


Je suis exigeant avec vous. Je le sais, mais pour changer positivement notre société, le peuple de Guinée doit être exigeant vis-à-vis de ces gouvernants. Vous (les gouvernants) êtes au service du peuple. Vous êtes là pour servir le peuple et non vous servir de lui. Si le peuple de Guinée avait été exigeant avec vos prédécesseurs, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Les manquements listés précédemment sont des actions à mettre en place pour continuer sur votre lancée. Elles complètent celles que vous avez déjà initiées. Ensemble, elles permettront la naissance d’une Guinée Nouvelle que nous appelons tous de nos vœux.

Ne vous méprenez pas sur les objectifs de votre mission. Une transition n’a pas vocation à développer un pays. Le CNRD doit mettre en place des institutions inébranlables et réunir les conditions pour la tenue d’une élection libre, transparente et inclusive tout en laissant la liberté au peuple de librement choisir son dirigeant.

Ne vous méprenez pas sur la durée de la transition. Si vous l’allongez plus qu’il ne le faut, la lune de miel avec le peuple de Guinée va virer au cauchemar. Le peuple a soif de liberté, de justice, de démocratie et de développement.

Ne vous méprenez pas sur votre toute puissance. Aujourd’hui, vous êtes à la tête du pays, la situation d’Alpha Condé qui se croyait tout puissant et courtisé hier et qui se retrouve seul et abandonné aujourd’hui doit vous rappeler à l’humilité.

Ne vous méprenez pas sur vos collaborateurs. Privilégiez la compétence, le patriotisme, l’engagement, le sens républicain, la droiture et l’éthique dans le choix de vos collaborateurs. Dans notre pays, les anciens gouvernants avaient perverti la pyramide des valeurs (humaines, éthiques et morales). Il est de votre responsabilité par l’exemplarité de restaurer ces valeurs dans la gestion de la chose publique. La nouvelle génération ne doit pas avoir comme modèle les Kleptocrates de l’ancienne administration.

Ne vous méprenez pas concernant vos amis. Ceux-là qui acquiescent à tout ce que vous dites, ne sont pas vos amis. Ne craignez pas la contradiction, c’est par la confrontation de points de vue divergents que les meilleures idées émergent.

Cette lettre est le cri de cœur d’un Guinéen fou de la Guinée. Un Guinéen qui espère, que notre peuple martyr va enfin avoir des dirigeants soucieux de son bien-être. Un Guinéen qui espère que cette fois la Guinée va emprunter le bon chemin.

Puissions-nous être à la hauteur du moment que nous vivons actuellement.

Puissions-nous au terme de cette transition faire un PEUPLE, une NATION JUSTE, UNIE, INDIVISIBLE et PROSPERE.

Puissions-nous mettre en valeur notre patrimoine commun LA GUINEE en dehors de toute considération tribale.

Puissions-nous avoir une administration au service du PEUPLE.

Puisse l’abondance, dont la providence a doté notre être mise au service du peuple.

Puisse l’impunité et la corruption érigées en système de gouvernance être éradiquées.

Puisse le MERITE être le seul critère de promotion aux emplois publics pour une administration efficace au service du peuple.

Puisse nos Hommes politiques être conscients du fait que prétendre à diriger aux destinées d’une NATION consiste à « SERVIR » et non « SE SERVIR ».

Puissions-nous être fiers d’être des Guinéens tout simplement.

Monsieur le Président,

J’espère de tout cœur, que vous prendrez connaissance de cette lettre écrite par un citoyen concerné par le devenir de son pays et de ses concitoyens. Un citoyen qui vous interpelle avec les tripes. Un citoyen qui encore aujourd’hui craint de se réveiller et de réaliser que tout ce changement que vous avez amorcé dans notre pays était un rêve.  

Pour finir mon Colonel, je partage avec vous ces quelques mots d’un ami à propos de notre mère patrie la Guinée. Je ne doute point de l’écho qu’ils auront dans votre cœur de patriote comme ce fut le cas pour moi :

« Avant moi, tu existais déjà

Après moi, tu existeras encore

Terre mère, patrie de cœur, tu n’appartiens à nul Guinéen

Les Guinéens t’appartiennent, tu es l’origine

Te servir nous unira

C’est bien de t’aimer individuellement

C’est mieux de t’aimer tous ensemble. »

Patriotiquement votre,

Un citoyen concerné

Alpha Boubacar Baldé




L’intégralité de l’interview télévisée du président de la transition


Première grande interview télévisée du président de la transition en Guinée, Colonel Mamadi Doumbouya.

« La division n’arrange que celui qui divise et pas ceux qui sont divisés »

Première partie

Deuxième partie





La CEDEAO et son envoyé spécial Ibn Chambas, Conakry décline l’offre

Désigné Envoyé spécial de la CEDEAO en Guinée, dans le but de « renforcer le dialogue avec les autorités de la Transition », Ibn Chambas ne sera peut-être pas à Conakry pour cette énième mission en Guinée. Pour cause, le président de la transition guinéenne, Colonel Mamadi Doumbouya, vient, dans une lettre adressée au président ghanéen, président en exercice de la CEDEAO, exprimer sa position en ces termes :

« [ ] la nomination d’un envoyé spécial ne nous parait ni opportun, ni urgent dans la mesure où aucune crise interne, de nature à compromettre le cours normal de la transition, n’est observée. La mise en place des organes de la transition se déroule comme prévu, dans un climat apaisé et en parfaite symbiose avec les forces vives du pays ».

Lisez le courrier adressé au chef de l’Etat ghanéen, Nana Akufo-Addo





Gouvernement Mohamed Béavogui


Le 5 septembre 2021, Colonel Mamadi Doumbouya prenait le pouvoir. Depuis cette date, la Guinée vit aux couleurs du CNRD. Un mois après être arrivé au pouvoir à la suite d’un putsch, le nouveau président de transition, le colonel Mamady Doumbouya, a nommé, mercredi 6 octobre, Mohamed Béavogui, au poste de premier ministre. Le 5 novembre, deux mois après, la liste complète du gouvernement de transition est dévoilée.

  1. Fatoumata Yarie Yansané Gardes des sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme ;
  2. Aboubacar Sidiki Camara Ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense nationale ;
  3. Mory Condé Ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation ;
  4. Bachir Diallo Ministre de la Sécurité et de la Protection civile ;
  5. Morrisanda Kouyaté Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale, de l’Intégration africaine et des Guinéens de l’étranger ;
  6. Lancine Condé Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan ;
  7. Moussa Cissé Ministre du Budget ;
  8. Julien Yombouno Ministre du Travail et de la Fonction publique ;
  9. Louopou Lamah  Ministre de l’Environnement et du Développement durable ;
  10. Mamoudou Nagnalen Barry Ministre de l’Agriculture et de l’Élevage ;
  11. Ibrahima Abé Sylla Ministre de l’Energie de l’Hydraulique et des Hydrocarbures ;
  12. Moussa Magassouba Ministre des Mines et de la Géologie ;
  13. Yaya Sow Ministre des Infrastructures et des Transports ;
  14. Aminata Kaba  Ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Economie numérique ;
  15. Ousmane Gaoual Diallo Ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire ;
  16. Charlote Daffé  Ministre de la Pêche et de l’Economie maritime ;
  17. Bernard Gomou Ministre du Commerce, de l’Industrie et des Petites et Moyennes entreprises ;
  18. Diaka Sidibé Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation ;
  19. Guillaume Hawing Ministre de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation ;
  20. Alpha Bacar Barry Ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle ;
  21. Mamadou Péthé Diallo Ministre de la Santé et de l’Hygiène publique ;
  22. Rose Pola Pricemou Ministre de la Communication et de l’Information ;
  23. Lansana Béa Diallo Ministre de la Jeunesse et des Sports ;
  24. Aicha Nanette Conté Ministre de la Promotion féminine, de l’Enfance et des Personnes vulnérables ;
  25. Alpha Soumah Ministre de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat ;
  26. Abdourahmane Sikhé Camara Secrétaire général du gouvernement ;
  27. Elhadj Karamo Diawara Secrétaire général aux Affaires religieuses.
Réseaux sociaux




25 ministères et 2 secrétariats généraux, la structure du gouvernement de transition dévoilée

Politique

Dans un décret lu sur les ondes à la télévision nationale ce vendredi 08 octobre 2021, le gouvernement de transition est structuré comme suit :

25 ministères et 2 secrétariats généraux

  1. Gardes des sceaux, ministère de la Justice et des Droits de l’Homme ;
  2. Ministère délégué à la Présidence chargé de la Défense nationale ;
  3. Ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation ;
  4. Ministère de la Sécurité et de la Protection civile ;
  5. Ministère des Affaires étrangères, de la Coopération internationale, de l’Intégration africaine et des Guinéens de l’étranger ;
  6. Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan ;
  7. Ministère du Budget ;
  8. Ministère du Travail et de la Fonction publique ;
  9. Ministère de l’Environnement et du Développement durable ;
  10. Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage ;
  11. Ministère de l’Energie de l’Hydraulique et des Hydrocarbures ;
  12. Ministère des Mines et de la Géologie ;
  13. Ministère des Infrastructures et des Transports ;
  14. Ministère des Postes, des Télécommunications et de l’Economie numérique ;
  15. Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire ;
  16. Ministère de la Pêche et de l’Economie maritime ;
  17. Ministère du Commerce, de l’Industrie et des Petites et Moyennes entreprises ;
  18. Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation ;
  19. Ministère de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation ;
  20. Ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle ;
  21. Ministère de la Santé et de l’Hygiène publique ;
  22. Ministère de la Communication et de l’Information ;
  23. Ministère de la Jeunesse et des Sports ;
  24. Ministère de la Promotion féminine, de l’Enfance et des Personnes vulnérables ;
  25. Ministère de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat ;
  26. Secrétariat général du gouvernement ;
  27. Secrétariat général aux Affaires religieuses.




«Une Guinée où tous les Guinéens se retrouvent» Mohamed Béavogui

Politique

Brève allocution du nouveau premier de transition en Guinée, Mohamed Béavogui ”Une Guinée où tous les Guinéens se retrouvent ”

Vidéo CNRD Facebook





Mohamed Béavogui nommé premier ministre de transition

Politique


Le colonel Mamady Doumbouya a nommé un vétéran du développement pour former un gouvernement de transition, un mois après le putsch contre le président Alpha Condé.

Un mois après être arrivé au pouvoir à la suite d’un putsch, le nouveau président de transition en République de Guinée, le colonel Mamady Doumbouya, a nommé, mercredi 6 octobre, Mohamed Béavogui, un vétéran du développement sans expérience gouvernementale, au poste de premier ministre. Le colonel Doumbouya, commandant des forces spéciales qui ont renversé Alpha Condé le 5 septembre, tient ainsi sa promesse de nommer un premier ministre civil, une personnalité éloignée de la politique intérieure et peu suspecte de participation aux querelles intestines des dernières années.

Mohamed Béavogui, âgé de 68 ans, qui a été « ancien sous-secrétaire général des Nations unies, est nommé premier ministre de la transition, chef du gouvernement », selon le décret lu mercredi soir à la télévision publique. Depuis le putsch, celui qui a prêté serment comme président de transition vendredi a promis de rassembler les Guinéens, au-delà des appartenances politiques ou ethniques.

M. Béavogui est le fils d’un diplomate originaire de Macenta, en Guinée forestière (région du sud du pays) et le neveu par sa mère de Diallo Telli, premier secrétaire général de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), mort en 1977 au camp Boiro, prison symbole du régime répressif du « père de l’indépendance » guinéenne, Sékou Touré. Diplômé d’ingénierie en Russie, expert du financement du développement agricole et de la gestion des risques, il a occupé plusieurs postes à responsabilités, dans le secteur privé ou dans des institutions internationales, y compris dans le système onusien.

« Refondation de l’Etat »

La junte a dit qu’elle rendrait le pouvoir aux civils après des élections à la fin d’une période de transition. Durant cette période transitoire, elle dit vouloir procéder à une « refondation de l’Etat », rédiger une nouvelle Constitution, lutter contre la corruption, réformer le système électoral et organiser des élections. Mais elle n’a toujours pas fixé la durée de cette transition ni précisé le contenu politique de ses plans.

Le nouveau chef du gouvernement devra proposer des ministres au colonel Doumbouya et, « dans un délai n’excédant pas trente jours » après la nomination des ministres, lui soumettre « le plan d’actions » du gouvernement, dispose la « charte », sorte d’acte fondamental de la transition publié le 27 septembre. Le gouvernement et son chef répondent entièrement au colonel Doumbouya, lequel approuve les noms proposés comme ministres et peut les révoquer, tout comme le chef du gouvernement. Le gouvernement « exécute et conduit la politique de la Nation définie par le président de la transition », dit la charte. Par ailleurs, aucun membre des institutions de transition ne pourra se présenter « ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la transition ».

La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), inquiète de l’instabilité et d’un effet de contagion des coups d’Etat, a réclamé des élections présidentielle et législatives sous six mois. Elle a décidé de geler les avoirs financiers des membres de la junte et de leur famille et de les interdire de voyage. Mais les experts conviennent que le colonel Doumbouya semble résolu à prendre le temps de mener à bien ses projets.

Source: Le Monde avec AFP





Charte de la Transition: ces dispositions (art. 46 et 55) ne sont susceptibles d’aucune révision

Dévoilée ce lundi 27 septembre 2021, la Charte de la transition est désormais le cadre juridique qui détermine la période de la transition en Guinée.

Ce qu’il faut retenir

Missions de la transition

Article 2 

  • La sauvegarde de l’intégrité du territoire national et la sécurité des personnes et de leurs biens ;
  • La refondation de l’Etat pour bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un Etat de droit, un processus démocratique inclusif, apaisé et durable, gage d’un développement social, économique et culturel effectif ;
  • L’engagement de réformes majeures sur les plans économique, politique, électoral et administratif ;
  • Le renforcement de la cohésion nationale et la poursuite du processus de réconciliation nationale ;
  • Le renforcement de l’indépendance de la justice et la lutte contre l’impunité ;
  • La promotion et la protection des Droits de l’Homme et des libertés publiques ;
  • L’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable ;
  • L’élaboration d’une nouvelle Constitution et son adoption par référendum ;
  • L’organisation des élections locales et nationales libres, démocratiques et transparentes.


Président et membres du CNRD

Le Président et les membres du Comité National du Rassemblement pour le Développement ne peuvent faire acte de candidature ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition.

La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision.

Article 46 de la Charte de la transition


Les organes de la Transition

Article 36

  • Le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) ;
  • Le Président de la Transition ;
  • Le Gouvernement de la Transition ;
  • Le Conseil National de la Transition.

Premier Ministre et membres du Gouvernement

Le Premier Ministre et les membres du Gouvernement ne peuvent faire acte de candidature aux élections locales et nationales qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition.

La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision.

Article 55 de la Charte de la Transition


Durée de la Transition

La durée de la Transition sera fixée de commun accord entre les Forces Vives de la Nation et le Comité National du Rassemblement pour le Développement.

Article 77 de la Charte de la Transition


Membres du gouvernement et des institutions dissoutes

Les membres du gouvernement et ceux des institutions dissoutes à la date du 05 septembre 2021 ne peuvent être désignés au Conseil National de la Transition.

Article 60 (dernier paragraphe)


L’intégralité de la Charte de la Transition, à télécharger ICI

Sékou Chérif Diallo




Guinée: les putschistes font bonne mine aux investisseurs

Gouvernance

Republication Alternatives Economiques n°416 – 10/2021


Les exemptions fiscales accordées aux investisseurs miniers privent l’Etat de recettes, estime le Fonds monétaire international. Les nouveaux maîtres du pays n’ont pas prévu d’y remédier.

On ne plaisante pas avec le portefeuille. Après avoir chassé du pouvoir le président Alpha Condé, qui avait été réélu l’an dernier pour un troisième mandat à l’issue d’un coup de force institutionnel, le colonel Mamady Doumbouya et ses hommes se sont efforcés de rassurer la population guinéenne sur leurs intentions démocratiques.

Dans le même souffle, ils ont aussi envoyé un message aux investisseurs du secteur minier : les contrats signés par les précédentes autorités seront respectés. Et pour cause : les ventes de bauxite, d’or et de diamants à l’étranger représentent plus de 80 % des exportations de la Guinée. Et fournissent 30 % des recettes de l’Etat, selon l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).

Panique à Pékin

Rompant d’ailleurs de façon spectaculaire avec sa doctrine de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, le gouvernement chinois s’est opposé au coup d’Etat le 6 septembre et a appelé à la libération du président Alpha Condé qui s’était rapproché du géant asiatique ces dernières années. De fait, Pékin est aujourd’hui extrêmement dépendant de la Guinée, qui lui fournit près de la moitié de son approvisionnement en bauxite, le minerai qui permet de fabriquer l’aluminium dont la Chine est le premier producteur mondial.

Si la bauxite représente environ 60 % de la production minière guinéenne, devant l’or (34 %), et que le pays détient un tiers des réserves mondiales connues, ce n’est pas le seul minerai dont la Guinée soit riche. Elle possède également le plus grand gisement de fer inexploité de la planète, celui de Simandou. Selon le Fonds monétaire international (FMI), lorsque ce gisement, pour lequel une concession de vingt-cinq ans a été accordée en 2019 à un consortium détenu à 90 % par des intérêts privés singapouriens, chinois et guinéens, sera exploité, le pays pourrait devenir le deuxième exportateur mondial. Mais cela suppose des investissements considérables (voie ferrée, tunnels, ponts…), Simandou étant distant de 650 kilomètres de la côte, point d’expédition vers les marchés étrangers.

Contrats juteux

Pour que les investisseurs continuent à mettre de l’argent dans les mines guinéennes, encore faut-il qu’ils aient confiance dans la stabilité du pays, et surtout des contrats. Des contrats qui, ces dernières années il est vrai, ont été fort avantageux pour les partenaires de la Guinée, souligne le FMI. Alors que le code minier a été réformé en 2013, nombre de dérogations, fiscales surtout, ont été accordées aux investisseurs. Aux yeux du FMI, elles ne se justifient guère, car les concurrents de la Guinée sur le marché de la bauxite n’accordent pas des conditions plus avantageuses et la qualité de son minerai est supérieure à celle de ses rivaux.

Evaluant la gestion publique du secteur minier, l’ONG américaine Natural Resource Governance Institute estime, de son côté, que « le gouvernement pourrait accélérer la lutte contre les conflits d’intérêts et la corruption en rendant opérationnelles la divulgation de la propriété effective des titres miniers et les déclarations des intérêts financiers des personnels de l’Etat dans les entreprises du secteur ». A coup sûr. En attendant, les exemptions fiscales accordées aux investisseurs privent l’Etat de recettes. Si elles étaient réduites, calcule le FMI, cela permettrait de multiplier par quatre le budget du ministère de l’Agriculture, par exemple. Or, l’agriculture emploie 60 % de la population, contre 6,5 % pour le secteur minier industriel, dans un pays qui en 2019 se classait au 178e rang mondial sur 189 pour l’indice du développement humain. Pas tout à fait au sous-sol donc, mais pas loin.


Cet article est republié à partir de alternatives-economiques.fr. Lire l’original ICI.





Concertations nationales: «Les guinéens attendent et retiennent leur souffle» selon Bah Oury


Tweet


Dans un tweet, Bah Oury, président de l’UDRG (Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée) se prononce sur le déroulement des concertations nationales organisées par le Conseil National du Redressement pour la Développement (CNRD).

Les concertations entre les nouvelles autorités guinéennes et les forces vives révèlent l’ampleur des pressantes attentes dans le domaine social. En effet la demande sociale longtemps étouffée s’expriment à travers différentes contributions écrites. Que faut-il faire ou proposer?

Bah Oury sur Twitter

Le CNRD tiraillé entre plusieurs sollicitations doit fixer le cap pour se libérer et éviter d’être la proie des jeux classiques de positionnement et de restauration des privilèges d’hier. Les guinéens attendent et retiennent leur souffle. Il faut se hâter sans aucune précipitation.

En politique, la période de grâce n’est jamais longue, car les impatiences peuvent être légitimes. Frappé par les répressions, les épidémies et la mauvaise gouvernance économique et sociale les guinéens sont fatigués et sont dans une profonde précarité. Il ne faut pas l’oublier !

@bahourykigna sur Twitter





Chute de Alpha Condé : quelques titres de la presse internationale

Politique

Analitica


SBS NEWS


VOA STUDIO 7

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@Studio7VOA


LA CROIX

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En Guinée, Alpha Condé « seul responsable de sa chute »


France 24


Elcooperante


Courrier international


France 24


Seneplus

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Alpha Condé ou de Mandela à Mugabé


The east african

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Guinea putchists release first batch of ‘political detainees’


Le journal de l’Afrique


Arab News

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West African bloc holds crisis meeting after Guinea coup


The Africa Report

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Guinea Coup – the Fall of Alpha Condé


Revue de presse de Sékou Chérif Diallo




Edito : Après la chute du dictateur, le scénario de la suite

Politique

Se préparer à vivre une période de confusion, de suspicions et de dérapages avant de retrouver le bon chemin.

Les coups d’état ont un cheminement presque identique. 

Acte 1: les nouveaux maîtres cherchent l’adhésion populaire (facile à obtenir dans un contexte de ras-le-bol général).

Acte 2: il faut trouver les ressources humaines pour assurer la continuité de l’état. Les premiers couacs commencent à ce niveau. Les populations ont des préférences, des profils, voire des noms de cadres qui ont su garder une certaine crédibilité dans un environnement de “tous pourris”, mais elles ont surtout des noms à bannir, des cadres (fonctionnaires et autres courtisans de palais) à effacer du répertoire politique national. Le plus souvent, les nouveaux maîtres ont aussi des accointances avec certains de ces indésirables car les talents particuliers de ces derniers sont le plus souvent utiles pour une junte qui ambitionnerait de se “sucrer” avant de partir tout en assurant ses arrières par une transmission négociée du pouvoir. Le choix des collaborateurs sera le premier indicateur qui définira l’évolution du capital confiance. 

Acte 3: mobiliser les ressources financières. Ils le savent, les audits pour récupérer l’argent « détourné » prennent du temps, les investisseurs attendent d’avoir une certaine lisibilité, les partenaires financiers demandent des garanties…, le tout dans un contexte où l’état avait déjà du mal à mobiliser des ressources internes. La solution classique avec son lot d’opacité consiste à se tourner vers des potentiels parrains financiers nationaux ou étrangers ou les deux à la fois. En contrepartie, la main qui donne est celle qui dicte les choix politiques. Le plus souvent, ces choix politiques trahissent les objectifs de départ.

Acte 4: l’impossible collaboration avec l’opposition politique. Je pouvais dire “difficile collaboration”. Mais non, elle sera “impossible”. Même si, dans un premier temps, chaque camp jouera le jeu habituel du consensus de façade mais très vite, ils reviendront à leur nature “moi et personne d’autre”.

En prenant acte de la nouvelle situation, la classe politique compte jouer un rôle de premier plan dans cette nouvelle configuration. Elle part du principe qu’une transition est limitée dans le temps, et à terme, les nouveaux maîtres doivent quitter pour laisser les compétiteurs politiques “agréés” sur le ring avec un arbitrage impartial. Mais l’histoire politique guinéenne nous enseigne que rien ne se passe comme prévu. La durée de la transition (les premiers signes du divorce), les acteurs, les instruments, le chronogramme, les priorités, les manœuvres politiques … tous ces éléments contribuent à alimenter les suspicions et conduisent le plus souvent vers une impasse. Surtout si les nouveaux maîtres possèdent un agenda de transmission du pouvoir en torpillant les règles du jeu démocratique. C’est du déjà vu et du déjà vécu.

Acte 5: la conjoncture économique s’invite dans les ménages. Pour un spécialiste, les effets du changement se sentiront au bout de plusieurs mois voire des années. Pour le citoyen lambda, la chute du régime Condé doit se traduire par l’amélioration des conditions de vie des populations. La transition n’est pas une période de développement, c’est l’analyse de l’intellectuel. Le peuple qui est sorti le 6 septembre est le même peuple qui sortira pour exprimer de nouveau son ras le bol. L’attitude des nouvelles autorités face à une telle éventualité définira la trajectoire de cette nouvelle aventure aux innombrables incertitudes.

Acte 6: retour à la case départ ou le début d’une véritable rupture.

Et la justice ? Quand ? Avec quels acteurs (les nouveaux maîtres ou ceux post transition) ? Quels dossiers ? Quel ordre de priorité ?

Certes, des exceptions existent et j’espère me tromper. Cependant, il est évident qu’ils (les nouveaux maîtres) ne feront pas pire que le régime Alpha Condé car le record de ce dernier en termes d’exactions, de violences, de corruption, de médiocrité est difficilement atteignable.

Mais vu l’ampleur des dégâts incommensurables dans la société guinéenne, il nous reste encore des périodes de tâtonnements et d’errements politiques avant de retrouver le bon chemin, en d’autres termes, soigner une société profondément malade dans l’espoir de «fabriquer» le guinéen nouveau. Désolé de gâcher la fête au lendemain de la chute du dernier dictateur des rivières du sud mais gardons toujours notre lucidité tout en restant optimiste.

Sékou Chérif Diallo