La procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a mis en garde
lundi les responsables de l’escalade de la violence en Guinée, exhortant
le gouvernement et l’opposition à renouer le dialogue après des
manifestations sanglantes dans ce pays.
Les tensions
sont fortes en Guinée après des semaines de manifestations organisées
par l’opposition qui soupçonne le président Alpha Condé de vouloir
briguer un troisième mandat.
«Suite aux informations faisant état de nombreux épisodes de violence en Guinée au cours des dernières semaines, j’appelle tous les responsables et leurs sympathisants à s’abstenir de la violence et à reprendre le dialogue pour éviter de nouvelles victimes», a déclaré la procureure de la CPI, Mme Fatou Bensouda.
«Toute personne qui commet, ordonne, incite, encourage ou contribue de toute autre manière à commettre des crimes atroces (…) est passible de poursuites par les tribunaux guinéens ou par la CPI», a-t-elle mis en garde dans un communiqué.
Au total, au moins 16 civils et un gendarme ont trouvé la mort au cours de l’intense mouvement de contestation auquel la Guinée – un petit pays pauvre de 13 millions d’habitants – est en proie depuis le 14 octobre à l’instigation du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Des dizaines d’autres personnes ont été blessées, des dizaines arrêtées et jugées.
Le FNDC veut faire barrage au projet prêté au président Condé de
briguer sa propre succession en 2020 et de réviser pour cela la
Constitution qui limite actuellement à deux le nombre des mandats
présidentiels.
A 81 ans, M. Condé entretient le flou sur ses
intentions, mais a entamé en septembre des consultations sur la
Constitution. L’opposition accuse de dérive «dictatoriale» l’ancien
opposant historique qui fut le premier président démocratiquement élu en
2010, réélu en 2015, après des décennies de régimes autoritaires et
militaires.
La communauté internationale s’inquiète d’une escalade dans un pays coutumier des manifestations et des répressions brutales.
En outre, Mme Bensouda a ajouté que son bureau s’était rendu en Guinée fin octobre pour faire le point sur l’enquête liée au massacre de plus de 150 partisans de l’opposition, il y a dix ans.
Établie à La Haye, la CPI a ouvert une enquête préliminaire sur le massacre perpétré le 28 septembre 2009 dans l’enceinte du plus grand stade de Conakry lorsque les forces de sécurité ont tiré sur une foule qui manifestait contre le chef de la junte Moussa Dadis Camara. Plus de 100 femmes ont en outre été violées.
Mme Bensouda s’est
déclarée encouragée par des déclarations du ministre guinéen de la
Justice, Mohamed Lamine Fofana, au cours de la visite de son équipe,
annonçant que le procès des responsables du massacre de 2009 devrait
commencer au plus tard en juin 2020.
«Cela fait maintenant plus de dix ans que ces crimes horribles ont eu lieu au stade de Conakry», a déclaré Mme Bensouda. «Les victimes et les communautés qui ont été touchées méritent que justice soit faite», a-t-elle dit.
Au moins huit membres du Front National de la Défense de la Constitution (FNDC) ont été arrêtés samedi 12 octobre. Les manifestations du lundi 14 octobre ont quant à elles été violemment réprimées. C’est une nouvelle étape franchie par le pouvoir guinéen pour museler toutes les voix critiques aux velléités de changement de la constitution qui permettrait au Président Alpha Condé de s’assurer un 3ème mandat.
Alors que les citoyens étaient appelés à descendre dans les rues ce
lundi 14 octobre, l’ACAT, Aide et Action, le CCFD-Terre Solidaire, la
CFDT, la CGT, la Plateforme Dette et Développement, la LDH, Survie et
Tournons la Page appellent à la libération des militants du FNDC et à
une mobilisation des partenaires internationaux, en Europe comme en
Afrique, afin que les autorités au pouvoir respectent les libertés
fondamentales des citoyens guinéens.
Depuis ce samedi 12 octobre 2019 matin, au moins huit membres du FNDC
de Guinée ont été arbitrairement arrêtés par les forces de sécurité au
domicile du Coordonnateur du FNDC, Abdourahmane Sano. Ces arrestations
sont intervenues alors que le FNDC avait appelé les Guinéens à
manifester pacifiquement ce lundi 14 octobre afin de dénoncer le projet
de nouvelle Constitution pouvant permettre au Président Alpha Condé de
se maintenir au pouvoir pour un 3ème mandat consécutif.
Le vendredi 11 octobre 2019, vers 20h, alors que le Coordonnateur du
FNDC allait animer à son domicile de Conakry une rencontre avec ses
collègues, quatre véhicules de policiers et de gendarmes se sont garés
devant son domicile. Après une alerte sur les réseaux sociaux, les
forces de l’ordre ont quitté les lieux quelques minutes plus tard. La
rencontre a été reportée au samedi matin. Lors de cette nouvelle
réunion, des éléments des forces de sécurité encagoulées ont fait
irruption dans le domicile privé et ont mis aux arrêts les membres du
FNDC présents. “Il s’agit ni plus ni moins d’arrestations arbitraires suivies de détentions au secret” affirme Clément Boursin, responsable Afrique à l’ACAT-France.
Ces arrestations à moins de 48 heures de la manifestation prévue
contre la réécriture de la Constitution témoignent d’une volonté de
dissuader les citoyens désireux de se joindre pacifiquement à l’appel du
FNDC et des organisations de la société civile. Cet acte arbitraire
illustre l’escalade des tensions politiques en cours en Guinée qui s’est
matérialisée par la mort de plusieurs personnes lors des manifestations
du 14 octobre.
Ces arrestations arbitraires de militants de la société civile
doivent être le déclencheur au niveau international pour que les
partenaires de la Guinée avertissent publiquement les autorités de ce
pays, et en premier lieu son chef de l’Etat, qu’il ne sera toléré aucune
violation des droits et libertés et que les auteurs et responsables de
toute violations graves des droits humains seront dénoncés, sanctionnés
et un jour poursuivis devant la justice.
“Les autorités guinéennes doivent respecter le droit à la liberté d’expression et de manifestation et veiller à ce que les manifestations soient encadrées correctement afin qu’elles puissent se tenir pacifiquement” déclare Laurent Duarte, coordinateur international de Tournons la page.
Nous, syndicats et associations d’Afrique et d’Europe, solidaires du
FNDC et des citoyens guinéens désireux d’éviter toute confiscation du
pouvoir par des stratégies de réformes constitutionnelles :
Demandons au gouvernement guinéen et aux autorités administratives compétentes :
– La libération immédiate et sans conditions des huit membres du FNDC arbitrairement arrêtés et actuellement détenus au secret ;
– Le respect de leurs droits fondamentaux durant leur détention, notamment celui de ne pas faire l’objet de tortures, de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
– Le respect des droits constitutionnels à pouvoir s’exprimer librement (article 7) et à manifester pacifiquement (article 10).
Exigeons de la Communauté économique des États de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union Africaine (UA) qu’elles fassent respecter
le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de
la CEDEAO et la Charte Africaine de la Démocratie des élections et de la
gouvernance de l’UA, qui consacrent la limitation des mandats
présidentiels dans les Constitutions ;
Interpellons les partenaires extérieurs de la Guinée, en premier lieu l’Union Européenne (UE) et ses Etats-membres, sur la crise démocratique actuelle. Les risques d’une déstabilisation majeure pèsent sur la Guinée et la sous-région. Nous les appelons à condamner publiquement la répression et le coup de force constitutionnel en cours, et de prendre des mesures concrètes afin que les droits et libertés fondamentales de citoyens guinéens soient respectés.
Signataires :
Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT)
Aide et Action
CCFD-Terre Solidaire
CFDT
CGT
Plateforme Dette et développement (et ses organisations membres)
Ligue des Droits de l’Homme
Survie
Tournons la page (et ses organisations membres)
Crise politique en Guinée : les titres de la presse internationale
Le président de la Commission électorale, en Guinée, a
annoncé samedi 10 novembre que les élections législatives pourraient
avoir lieu le 16 février 2020. Cela fait des mois que ces élections sont
reportées.
Il
faut rappeler que le même président de la Commission électorale avait
proposé, en septembre dernier, la date du 28 décembre 2019, date
catégoriquement rejetée alors par les représentants de l’opposition au
sein de cette institution.
Ils avaient jugé cette date irréaliste
et servant, selon eux, le projet prêté au président Alpha Condé de
briguer un troisième mandat, en 2020.
Dans ce cafouillage,
l’Organisation internationale de la Francophonie, acteur accompagnant le
processus électoral en Guinée, avait elle-même demandé à la Céni de
reconsidérer cette date du 28 décembre et c’est ce qui fut fait.
C’est
pourquoi, cette fois, le nouveau calendrier a été adopté à l’unanimité
des commissaires de la Commission électorale, toutes tendances
confondues.
Ils ont en même temps annoncé avoir acquis le matériel nécessaire, réclamé par l’audit, pour la tenue de ces élections. La Commission renouvelle sa disponibilité à organiser une élection crédible, inclusive et transparente.
Après la réussite de l’une des plus grandes mobilisations pour la démocratie en Afrique, le FNDC « invite le peuple de Guinée à se tenir prêt pour les prochaines échéances »
Revivez cette journée de mobilisation historique pour la démocratie et l’État de droit en Guinée.#AMOULANFE
Trois personnes auraient été tuées le 4 novembre lors des obsèques de manifestants tués.
Par Corinne Dufka – Directrice pour l’Afrique de l’Ouest(HRW)
Le gouvernement guinéen
devrait s’assurer qu’une enquête indépendante soit promptement ouverte
après la mort de trois personnes qui auraient été tuées par balles cette
semaine lors d’affrontements
avec les forces de sécurité. Ces meurtres présumés auraient été commis
le 4 novembre lors d’une procession funéraire à la mémoire de personnes
tuées lors d’une précédente vague de manifestations
anti-gouvernementales. Une coalition d’organisations de la société
civile et de partis d’opposition a affirmé que trois personnes avaient
été tuées, tandis qu’un porte-parole de la police a reconnu un bilan
d’au moins deux morts. La coalition prévoit une nouvelle manifestation
de grande ampleur le 7 novembre.
Au cours du mois dernier, le gouvernement guinéen a intensifié sa répression des opposants à l’adoption d’une nouvelle constitution
qui permettrait au chef de l’État, Alpha Condé, de briguer un troisième
mandat à la tête du pays à l’occasion de l’élection présidentielle de
2020. Les autorités ont arrêté et emprisonné 6 personnalités en vue de
la société civile qui avaient pris la tête du mouvement de protestation
contre la nouvelle constitution.
Après avoir violemment dispersé plusieurs manifestations contre la
nouvelle constitution plus tôt dans l’année, le gouvernement a
finalement autorisé une manifestation de l’opposition le 24 octobre.
Cette manifestation – la première grande manifestation publique
autorisée par le gouvernement depuis juillet 2018 – a été dans une large mesure pacifique. Des partisans du gouvernement ont organisé leur propre manifestation le 31 octobre.
Les événements du 4 novembre illustrent le risque que de nouveaux
affrontements éclatent entre les forces de sécurité et les manifestants.
Des journalistes et des témoins ont décrit comment certains
participants à la procession funéraire avaient lancé des pierres et
d’autres projectiles et les forces de sécurité avaient tiré des
cartouches de gaz lacrymogène et, parfois, ouvert le feu à balles
réelles. Un journaliste a affirmé avoir entendu un gendarme dire : « nous allons tous vous tuer », alors que les forces de sécurité poursuivaient les manifestants dans les quartiers avoisinants.
La procession funèbre était destinée à commémorer les 11 manifestants présumés tués par balles
par les forces de sécurité, lors de trois journées de manifestations
contre une nouvelle constitution qui avaient débuté le 14 octobre. Ce
jour-là, un gendarme avait également été tué par des manifestants.
Human Rights Watch a documenté abondamment le recours par la police et les gendarmes aux armes à feu et leur utilisation excessive de la force létale lorsqu’ils
contrôlent des manifestations, ainsi que leurs passages à tabac de
manifestants, leur corruption et d’autres formes de criminalité de leur
part. Les membres des forces de sécurité ne font pratiquement jamais
l’objet d’enquêtes ou de poursuites judiciaires pour leur rôle présumé
dans des décès de manifestants.
Human Rights Watch exhorte le gouvernement guinéen à remettre en liberté les six dirigeants de la société civile; à faire en sorte que le comportement des forces de sécurité face aux manifestations soit conforme aux Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois; et à créer une unité judiciaire spéciale pour enquêter sur les décès survenus lors de manifestations.
Pour défendre la Constitution, toute la Guinée se mobilise ce jeudi 7 novembre 2019 pour dire NON au projet de 3e mandat de Alpha Condé. Crédits Vidéos : Page FNDC (Facebook)
Sidya Touré
Aliou Bah
Faya Millimouno
Cellou Dalein Diallo
Mamadou Sylla
Oumar Sylla
Abdoul Kabélé Camara
Le Guide du manifestant
Halte aux machinations, M. Le Président [Par Pr. Lansiné Kaba]
M. Le Président, vous venez de rentrer
de votre voyage en Russie. Bonne arrivée. Vous retournez dans un pays,
en émoi, vous le savez. Par conséquent, vous n’ignorez pas que ce séjour
en Russie, quoi que vos conseillers disent, n’était pas plus nécessaire
que votre séjour de septembre au Texas. Il était inutile. Ce sont des
déplacements coûteux et infructueux pour l’État et la nation. De plus,
le pays traverse une phase extraordinaire de son histoire depuis 1958.
Le « Navire national » guinéen chavire
depuis un bon moment. Vous le savez, vos thuriféraires, affabulateurs et
cupides, ne peuvent pas le cacher. Ce drame national se transforme
chaque jour en une tragédie déplorable et catastrophique. Le
« Commandant » qui oriente et dirige un bateau ne l’abandonne pas pour
répondre à l’invitation d’un autre capitaine, lui aussi, acharné à
rehausser le prestige de son « Paquebot »! La bonne gouvernance
requiert de l’adresse et de la sagacité dans l’exercice des
responsabilités. Votre régime manque bien de ces qualités, M. le
Président, il faut se l’avouer.
Nul n’ignore que les services publics
fonctionnent mal depuis des années . Tout va à la dérive au pays. Aussi,
votre désir d’un troisième mandat est-il impossible. Pourquoi vous
est-il difficile de respecter la loi? Votre intention de briguer un
autre mandat se défend mal. L’intention crée l’épouvante. Le pays mérite
bien mieux sous un commandement, considéré au départ éclairé et sage.
Le projet correspond à la recherche et à l’imposition future d’une
dictature! Ce projet répand la terreur de Kaloum aux fonds fins de la
Forêt. Pour de bonnes raisons, tout le monde a raison de s’effrayer.
Car, M. le Président, votre régime, celui du RPG, sème la souffrance morale et physique. Les signes, visibles un peu partout, ne trompent pas. Le fonctionnement de l’administration déraille, depuis de longues années.
Les populations de la capitale sont sorties en grand nombre en octobre; elles ont courageusement manifesté leur mécontentement face aux répressions des forces de l’ordre. Bien sûr, elles sont ainsi sorties par pure conviction patriotique, scandant, si les bombes lacrymogènes ne heurtaient pas, la libération immédiate de Doura Sanoh et de ses compaganons que votre système a fait arrêter arbitrairement.
M. le Président, vous savez que Cellou Dalein Diallo,Sidya Touré, Ousmane Kaba et bien des autres de l’opposition, qui sont porteurs d’espoir pour des lendemains meilleurs, n’ont pas dépensé des milliards de FG pour faire sortir des milliers de protestataires en octobre. Votre gouvernement peut s’attendre à voir une foule encore plus formidable. Ces citoyennes et citoyens de diverses origines exigent la libération inconditionnelle des prisonniers mis dans vos geôles sans raison. Elles demandent aussi les corps des victimes des répressions policières de Conakry. Cette foule et les parents des victimes veulent récupérer et disposer, comme nos traditions le conseillent, des corps des victimes.
M. le Président, il y a de quoi rire que des camions partent de
Conakry dans les bastions du R.P.G pour démontrer à l’opinion
internationale votre popularité et la puissance de votre Parti! Nul ne
se trompe désormais; personne n’est dupe des machinations de votre
« machine ». Ce n’est autre chose que de faire sortir des milliards et
de renflouer les comptes de vos serviteurs, connus pour leur manque de
probité politique et morale.
Garde à vos forces de l’ordre! Si elles osent s’attaquer à cette foule de protestataires pacifiques, il y aura un tollé immense et dans le pays et au-delà dans la région. Votre projet de troisième mandat recevra et méritera alors encore plus d’opprobre.
Et, la Communauté internationale, dans son ensemble, saura comment votre régime est brutal, anti-démocratique, corrompu et inefficace dans la gouvernance judicieuse des ressources humaines et matérielles. La condamnation à l’échelle globale donnera raison aux opposants, nous tous qui rejetons vigoureusement votre projet de constitution et de troisième mandat.
Les autorités guinéennes se sont engagées dans une logique de répression à l’endroit du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Plusieurs de ses leaders et militants ont été arrêtés arbitrairement début octobre 2019. Au moins sept d’entre eux ont été condamnés à des peines de prison ferme. Objectif visé : faire taire ce mouvement qui mobilise les Guinéens contre le projet de nouvelle constitution visant à permettre au président Alpha Condé de pouvoir se maintenir en poste après ses deux mandats présidentiels consécutifs.
Le 12 octobre, deux jours avant les manifestations prévues par le FNDC, des éléments des forces de l’ordre, cagoulés et armés, ont arrêté à Conakry sept membres de la direction du FNDC – Abdourahamane Sanoh, coordinateur de ce mouvement, Abdoulaye Oumou Sow, secrétaire général de l’Association des blogueurs de Guinée (ABLOGUI), Sékou Koundouno, administrateur général du mouvement Balai citoyen, Mamadou Bobo Bah, membre du Balai citoyen, Mamadou Baïlo Barry, membre de l’association Destin en main, Alpha Soumah, chanteur connu sous le nom de « Bill de Sam »,Ibrahima Diallo, le coordonnateur de Tournons la page (TLP) – alors qu’ils étaient réunis au domicile de M. Sanoh. Ils devaient alors rejoindre la Maison de la presse pour une conférence de presse expliquant les modalités des manifestations prévues le 14 octobre. Dans les heures qui ont suivi, Mamadou Sanoh, le frère d’Abdourahamane Sanoh, a été arrêté alors qu’il était à leur recherche dans différents centres de détention. Le lendemain, le procureur du tribunal de Dixinn a accusé le FNDC de « graves déclarations portant atteinte à la sécurité publique » et a annoncé qu’une procédure juridique était engagée afin d’« arrêter quiconque ayant commis des actes ou entrepris des manœuvres visant à compromettre la sécurité publique ou aboutissant à de graves troubles de l’ordre public ». Le 13 octobre, d’autres militants du FNDC ont été arrêtés à Conakry (Aly Badra Cheickna Koné, secrétaire national de la jeunesse de l’Union des forces républicaines, UFR, Elie Kamano, artiste-activiste), et dans d’autres villes, notamment à Guéckedou (Moussa Barry, secrétaire administratif du FNDC).
Le 22 octobre, après une procédure judiciaire extrêmement rapide, le tribunal de première instance de Dixinn a condamné Abdourahamane Sanoh à un an de prison ferme pour « provocation directe à un attroupement par des écrits et des déclarations ». Alpha Soumah, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno et Mamadou Baïlo Barry ont été condamnés à six mois de prison ferme. Tandis que Mamadou Bobo Bah, Mamadou Sanoh et Abdoulaye Oumou Sow, ont été déclarés « non coupables ». À l’annonce du verdict, les personnes dans la salle d’audience se sont mis à entonner l’hymne du FNDC, puis l’hymne national. A leur sortie du tribunal, les détenus ont été incarcérés à la prison centrale de Conakry. Le procès avait brièvement commencé le 16 octobre pour des faits de « manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique et à occasionner des troubles à l’ordre public » avant d’être ajourné jusqu’au 18 octobre. Les avocats de la défense ont interjeté appel. Des procès similaires se sont tenus dans d’autres villes du pays. Un autre tribunal de Conakry a condamné à trois ans de prison, dont un ferme, Aly Badra Cheickna Koné et à un an de prison, dont six mois ferme, Elie Kamano. Bien entendu, aucun militant prônant le oui au changement de la constitution n’a jusqu’à ce jour fait l’objet d’une arrestation. Deux poids, deux mesures…
CONTEXTE
Le président Alpha Condé, 81 ans, est au pouvoir depuis 2010.
L’ancien opposant historique, qui a connu un long exil en France et la
prison dans son pays, est le premier président démocratiquement élu en
Guinée après des décennies de dictature militaire. Réélu en 2015, son
deuxième et dernier mandat se termine en 2020 car la Constitution en
vigueur limite à deux les mandats présidentiels consécutifs. Afin de
pouvoir se présenter une troisième fois en octobre 2020, Alpha Condé n’a
pas d’autre choix que de changer la Constitution, comme l’a fait Denis
Sassou Nguesso au Congo. A partir de janvier 2019, le débat sur le
besoin d’une nouvelle constitution a pris de l’ampleur dans le pays avec
des messages en sa faveur lancés par des proches du président et des
pseudo-mouvements populaires. En avril 2019, pour s’opposer à cette
initiative, un front regroupant des partis, des syndicats et des membres
de la société civile a été créé : le Front national pour la défense de
la Constitution (FNDC). En septembre, Alpha Condé a lancé officiellement
des consultations sur la Constitution. Les membres du FNDC ont boycotté
ces consultations, les considérant comme factices et n’étant menées que
pour légitimer un futur référendum sur ce sujet. Lors d’une rencontre
fin septembre 2019 avec des Guinéens à New York, le président Alpha
Condé a appelé ses partisans à se « préparer pour le référendum et les élections ».
Cette annonce – dont la vidéo a fuité sur Internet – a ravivé la
tension dans le pays et l’opposition a relancé ses appels à la
mobilisation, dénonçant un projet de coup d’Etat institutionnel et une
dérive « dictatoriale ». Le 7 octobre, le FNDC a annoncé le
lancement d’une campagne de mobilisation contre le projet de nouvelle
constitution et de régulières manifestations dans le pays à partir du 14
octobre. Le 9 octobre, le ministre de l’Administration territoriale et
de la décentralisation, le général Bourema Condé, a indiqué que la
déclaration du FNDC constituait « une menace ouverte à la paix et à la sécurité de notre nation ». Le même jour, le gouvernement a indiqué avoir achevé les consultations nationales sur une éventuelle nouvelle constitution.
La vague d’arrestation des leaders du FNDC à Conakry et dans d’autres
villes, les 12 et 13 octobre, et la présence de nombreux policiers et
gendarmes dans les rues de Conakry et des principales villes du pays
(Conakry, Mamou, Guéckédou, Labé) le 14 octobre, n’ont pas empêché les
Guinéens de descendre massivement dans les rues pendant trois jours pour
dire non à une nouvelle constitution. Ces manifestations non autorisées
par les autorités ont été durement réprimées ce qui a occasionné de
nombreux affrontements entre manifestants et forces de sécurité. Aux
pierres et autres projectiles lancés par les manifestants, les forces de
l’ordre ont répondu par des gaz lacrymogènes, l’utilisation de camions à
eau et des charges violentes. A plusieurs reprises et en différents
lieux, des forces de l’ordre ont tiré avec leurs armes à feu. Plusieurs
manifestants arrêtés ont également fait l’objet de violences physiques,
notamment des passages à tabac. Le bilan de ces violences est lourd :
le FNDC fait état d’au moins 10 personnes tuées (dont un gendarme), plus
de 70 blessés par des tirs à balles réelles, ainsi que 200
arrestations. Le gouvernement affirme que la mobilisation lancée par le
FNDC était illégale faute de déclaration préalable. Depuis juillet 2018,
les autorités interdisent systématiquement les manifestations de
l’opposition lorsqu’elles reçoivent des notifications de leurs
organisateurs, les considérants à chaque fois comme des menaces pour la
sécurité publique.
Malgré la répression et les morts par balles, l’opposition a décidé de maintenir le mot d’ordre des manifestations et des villes-mortes, les considérants comme étant la seule manière de faire pression sur le pouvoir.
Pour la communauté internationale « la crise politique est source de préoccupations. L’insuffisance de dialogue entre les différents acteurs politiques provoque une escalade de la tension avec des recours à la violence, susceptible de porter gravement atteinte aux acquis démocratiques. Nous appelons tous les acteurs à renouer le dialogue dans le cadre du comité de suivi » (Communiqué de la CEDEAO, Délégation de l’Union européenne, Etats-Unis, France, Belgique, Italie, Allemagne et Royaume-Uni).
Les associations de défense des droits humains, tout en dénonçant les arrestations arbitraires et l’usage excessif de la force, craignent une escalade de la tension et une répercussion dramatique sur la situation des droits humains.
Le gouvernement guinéen est aujourd’hui face à un dilemme : respecter à minima les libertés d’expression des Guinéens ou s’engager dans une dérive encore plus autoritaire afin d’essayer de faire taire définitivement les voix dissidentes encore publiques. Le 24 octobre, les autorités ont autorisé les manifestations du FNDC et elles se sont déroulées sans violences. Malgré cette accalmie, la Guinée se trouve toujours dans une impasse politique. Les manifestations de l’opposition et les préoccupations internationales ne semblent pas avoir découragé Alpha Condé dans son projet de nouvelle constitution. A quand l’annonce de la tenue d’un référendum en vue de l’adoption d’une nouvelle constitution ? Le temps est compté car l’élection présidentielle est prévue pour octobre 2020. A suivre…
Le harcèlement suivi de l’assassinat d’une dizaine de guinéens, de multiples «kidnappings» et d’une série de condamnations à des peines privatives, contre des «héros» du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), opposés à un éventuel 3ème mandat présidentiel pour M. Alpha Condé, ont redonné toute la vitalité aux arguments de Oskar Slingerland et Maarten Van Mourik co-auteurs de «La crise incomprise » dans laquelle il a été admis que «quand le diagnostic est faux, les politiques sont néfastes».
D’abord et ici,
la lumineuse formule du 32ème président américain Franklin D. Roosevelt
consignée dans «Roosevelt» de la collection les constructeurs : «Le seul
rempart solide de la liberté est un gouvernement assez fort pour protéger les
intérêts du peuple, et un peuple assez fort et assez bien informé pour
maintenir son souverain contrôle sur son gouvernement».
Idéalement, tel
devait être «le contrat social» tant développé par la philosophe moderne si
chère au maître de conférences Thierry Ménissier, en le désignant comme étant
l’alliance politique de tous les citoyens par le moyen d’un accord explicite.
Qui rassemble les individus sous «une puissance publique souveraine». Et là, de
cœur avec J.J. Rousseau, le contrat est social parce «qu’il consacre le geste
politique de réunir les hommes». Par-là, il donne son sens à l’instrument de
leur rassemblement, l’État, qui, «sous peine de dérive despotique, doit
obligatoirement entretenir des liens avec la volonté des citoyens».
Cette série de manifestations de rue à l’appel du FNDC depuis le 14 octobre 2019 a tendance à prendre la forme «d’une désobéissance civile». Qui n’est autre que l’attitude de ceux qui désobéissent à la loi ou aux prescriptions gouvernementales, parce qu’ils suivent une cause qu’ils estiment supérieure à ces dernières: «La dignité de l’homme, la justice bafouée ou la libération de leur peuple». Véritables traits de leadership des hommes qui ont «rendez-vous avec la destinée» comme George Washington en 1776, Abraham Lincoln en 1861 et Franklin D. Roosevelt en 1933.
M. Abdourahamane
Sano et compagnie, ces héros de «la nouvelle donne» se sont crus détenteurs de
la citoyenneté guinéenne. Qui est participative de sorte que «le citoyen soit
quelqu’un qui gouverne», au sens du traité international de droit
constitutionnel (Suprématie de la constitution, Tomme 3 : 2012) « pour être
citoyen, il faut pouvoir gouverner ».
Étant donc
participative, la citoyenneté, de ces 10 morts, de Sano et Cie n’est-elle pas,
ainsi, essentiellement démocratique ? Aristote précise que cette définition,
selon laquelle le citoyen est titulaire de fonctions de gouvernement, concerne
surtout le citoyen en démocratie, mais ajoute-t-il que, en général, «il ne
faudrait pas appeler citoyens ceux qui ne prennent pas part au gouvernement ou
qui ne contribuent aux avantages communs».
Sans ambages, Platon fait dire à l’Hippias que pour le citoyen: «exercer la puissance politique dans son pays est ce qu’il y a de plus beau, tandis qu’il est souverainement honteux de ne rien pouvoir dans un État».
La citoyenneté
dévolue aux héros du FNDC devrait être fondamentalement égalitaire: La justice
politique réside dans l’égalité. En effet, les citoyens sont comme des associés
et désirent être d’une nature similaire, mais s’ils ont un tempérament
différent. Dans ce contexte, Rousseau aurait-il raison de dire qu’«à l’égard
des associés, ils prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en
particulier citoyens, comme participant à l’autorité souveraine»?
Donc, la
citoyenneté n’est fondamentalement possible «qu’entre égaux en dignité juridique et en conditions sociales».
Toutefois, l’égalitarisme, selon Aristote, est intrinsèque à la nature de
l’institution politique qui gouverne le pays. «Dans la plupart des régimes où
gouvernent des citoyens, ceux-ci sont alternativement gouvernants et gouvernés,
car tous tendent par leur nature à une égalité sans aucune différence».
Sur ce point, la
philosophie kantienne ne s’écarte pas tellement de la perspective
Aristotélicienne. Kant distingue trois statuts fondamentaux du membre d’une
communauté politique («République») à savoir celui d’«être humain», celui de
«sujet», et celui de «citoyen». Ces
trois statuts sont régis par trois principes différents : (a) la liberté pour
ce qui relève de la situation d’être humain ; (b) la soumission à une loi
commune, dans le cas du sujet; (c) l’égalité pour ce qui concerne la situation
de citoyen.
La situation devient grave, dans un pays où l’institution politique a opté pour l’ordre au détriment de la loi, alors que la liberté nous échoit donc en tant qu’hommes, l’obéissance en tant que sujets et l’égalité en tant que citoyens.
Dénis Diderot
dans «le citoyen» dit que le sujet est dirigé par un commandement, le citoyen
par la loi. Le premier est soumis au pouvoir et le second au droit. Et dans la
pensée de Platon celui qui légifère pour lui-même et son propre profit est
qualifié de «partisan», ce qui est pire qu’étranger : «ce ne sont pas des lois
bien faites, celles qui ne l’ont pas été dans l’intérêt de toute la cité, ne
l’ont-elles pas été qu’en faveur de quelques-uns, nous appelons ceux-ci
partisans et non pas citoyens, et le droit qu’on prétend leur attribuer, une
vaine prétention».
On sait que le tyran est celui qui légifère dans son propre intérêt, en vue de son profit personnel : «La tyrannie n’a jamais en vue le bien commun, si ce n’est pour son profit personnel». La différence entre le tyran et le roi réside dans leur conception respective de la supériorité. «Le tyran ambitionne la richesse, tandis que le roi préfère ce qui contribue à son honneur».
Ceci dit, Platon
sait plus que quiconque que le gouvernement ne doit pas concentrer trop de
pouvoirs. En effet, «moins les rois ont d’attributions souveraines, plus leur
pouvoir doit nécessairement durer longtemps dans l’intégrité». Ajoutant que la
tyrannie, c’est encore « avoir un pouvoir souverain dans trop de domaines et
avoir le pas sur la loi».
Même le républicain Machiavel voudrait que, celui qui gouverne ne puisse pas se considérer au-dessus des lois, échapper à tout contrôle, se soustraire au juge et au procès. Cette formule convaincante de Machiavel garde encore cette quintessence, « il n’est pas bon non plus que les citoyens qui ont l’État entre les mains n’aient personne qui les observe et qui les contraigne de s’abstenir d’œuvres mauvaises, en leur retirant cette autorité qu’ils utiliseraient à mauvais escient».
Selon Thomas
Paine «chaque homme est propriétaire du gouvernement» ajoutant que «le
gouvernement n’est pas une entreprise qu’un homme ou un groupe d’hommes aurait
le droit de créer et de gérer à son profit».
Machiavel fait
observer qu’une position de privilégié ne peut résulter que de la rupture de la
réciprocité et de la relation civique. «Si vous notiez la façon de procéder des
hommes, vous découvririez que tous ceux qui parviennent à des grandes richesses
et à un pouvoir, y sont parvenus soit par la fraude, soit par la force afin de
dissimuler la brutalité de leur acquisition, ils les justifient grâce à un
titre de propriété falsifié.»
Des guinéens,
dans les rangs du FNDC, ont appelé à des mouvements collectifs «non-violents»,
pour disent-ils résister contre la volonté gouvernementale «de changer la
constitution du 7 mai 2010, pour contourner la rigueur des éternités qu’elle
impose à la classe dirigeante». Une telle mission n’était pas aisée.
Parce que les
adeptes de l’Abbé Siyiès retiennent de lui que « (…), une nation est
indépendante de toute forme, et de quelque manière quelle veuille, il suffit
que sa volonté paraisse, pour que tout droit positif cesse devant elle, comme
devant la source et le maître suprême de tout droit positif».
Ainsi les héros du FNDC, dans l’expression de leur droit, à l’image de Gandhi et Martin Luther King (Ils en incarnent le modèle d’action : le premier en Inde par sa résistance civile au colonisateur britannique qui déboucha à l’indépendance nationale, le second aux États-Unis dans son combat pour la revendication des droits civiques des noirs) avaient cru à l’efficacité de cette pratique, fréquemment utilisée par les citoyens dans les sociétés démocratiques.
En décidant
d’une telle action, le FNDC a certainement intégré que le concept de
citoyenneté a une longue histoire, parfois tortueuse et obscure, mais très
intrigante. Les héros du FNDC n’ignoraient non plus, l’analyse de Hannah Arendt
portant sur la désobéissance civile américaine dans « du mensonge à la violence
». En tout cas, le ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation,
M.Bouréma Condé, a fait sien ce beau titre de cet essai, «qui est contemporain
du combat des intellectuels américains pour la reconnaissance des droits
civiques et la révolte des étudiants des années 60».
Certainement que
M.Bouréma Condé ignore encore que Aristote et Platon, malgré leurs divergences,
sont néanmoins d’accord qu’ «aucun homme ne peut, de par sa nature, régler en
maître absolu toutes les affaires humaines sans se gonfler de démesure et
d’injustice».
La condition
humaine, ne deviendrait-elle pas plus précaire quand des responsables de
l’institution politique fonctionnent suivant des suppositions sources de
conflits ? Alors que Don Miguel Ruiz conseille fortement dans la voie de la
liberté personnelle, «ne faites pas de suppositions ». Précisant que chaque
fois qu’on fait des suppositions, qu’on prête des intentions à autrui, on crée
des problèmes.
Akoumba Diallo
Journaliste
Analyste au cabinet Mineral Merit SARL
Ancien membre de l’ITIE-Guinée
akoumba2000@yahoo.fr
L’ambassade des Etats-Unis à Conakry appelle à la « libération des détenus et la conduite d’enquêtes complètes sur les violences et les morts »
Dans un communiqué publié ce lundi 28 octobre 2019, l’ambassade des Etats-Unis à Conakry appelle à la « libération des détenus et la conduite d’enquêtes complètes sur les violences et les morts survenues au cours de la semaine du 14 octobre »
Les Etats-Unis félicitent le peuple de Guinée pour la tenue de la marche
pacifique du 24 octobre, 2019.
Grâce au travail ardue et à la collaboration de toutes les parties, les
Guinéens ont pu exprimer leurs opinions d’une manière non violente et
civilisée.
Nous encourageons le dialogue permanent pour résoudre les problèmes
politiques du pays.
Nous croyons que la libération des détenus et la conduite d’enquêtes
complètes sur les violences et les morts survenues au cours de la semaine du 14
octobre, sont des étapes nécessaires pour la Guinée.
Dans un entretien au journal Le
Monde, Alpha Condé tente de justifier son projet de nouvelle constitution. Plus
de dix manifestants tués la semaine dernière, Alpha Condé révèle par ces propos
le caractère cynique de ce projet.
« Dans les autres pays où il y a de nouvelles Constitutions, il y a eu beaucoup de manifestations, il y a eu des morts, mais ils l’ont fait »
La CENI et son rétropédalage sur la date du 28 décembre
La date du 28 décembre proposée par le chef de la commission
électorale n’est pas tenable, a annoncé lundi 21 octobre l’Organisation
internationale de la Francophonie (OIF), en présence de la Commission
électorale nationale indépendante (CENI). Le chef de la commission électorale,
Salif Kébé, avait proposé en septembre la date du 28 décembre pour élire
les nouveaux députés. L’opposition avait immédiatement dénoncé un projet
irréaliste et servant, selon elle, les desseins présidentiels de M. Condé en
2020.
Djibril Kouyaté, le Bâtonnier
de l’ordre des avocats
La circulaire du Bâtonnier de l’ordre des avocats de Guinée,
datant du 23 octobre 2019, rappelant à l’ordre, selon ses expressions, certains
avocats. Selon lui, « tous les avocats connaissent cette loi, avant de
s’adresser à la presse tu dois te référer au bâtonnier, favorable ou pas, pour
dire que tu interviens sur un sujet donné. Sauf si tu sors d’une audience à
chaud pour que tu puisses le faire. Mais pour tout le reste il faut
l’autorisation du bâtonnier. Mais comme je vous l’ai dit, il y a des confrères qui
parlent automatiquement et qui oublient cette interdiction ». Le FNDC se
dit scandalisé et dénonce cette circulaire comme une volonté de museler les
avocats qui se positionnent ouvertement contre un troisième mandat en violation
flagrante de la loi suprême de la République.
Marche du 24 octobre 2019
Après la semaine de manifestation meurtrière qu’a connue le
pays, les Guinéens ne veulent rien lâcher. Mercredi, alors que les femmes ont
défilé en blanc pour dire stop aux violences policières, le pays est entré
dans une dangereuse effervescence. Jeudi, les opposants ont pris le relais dans
les rues de la capitale Conakry et d’autres villes du pays. Vêtus de rouge (la
couleur du sang des victimes), ils étaient bien des centaines de milliers de
personnes selon des journalistes locaux – un million selon les
organisateurs, 30 000 selon le gouvernement – à marcher sur plusieurs
kilomètres aux cris de « amoulanfe » (« ça ne passera pas »
dans la langue locale) ou « à bas la dictature », sans heurts malgré
une forte et discrète présence policière.
Le combat républicain des 5 membres du FNDC condamnés par
la dictature de Alpha Condé
Détention arbitraire et condamnation de cinq membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), MM. Abdourahamane Sanoh, coordinateur, Ibrahima Diallo, responsable des opérations du FNDC, coordinateur national de la coalition Tournons la Page et président de l’ONG Protégeons les droits humains, Sékou Koundouno, responsable de la planification du FNDC et membre du Balai citoyen, Mamadou Baïlo Barry, également membre de l’ONG Destin en Main, et Alpha Soumah – alias ‘Bill de Sam’. Abdoulaye Oumou Sow, journaliste blogueur et responsable de la communication digitale, et Mamadou Bobo Bah, également membre du Balai citoyen.
Contre le 3e mandat : les condamnations et
prises de position de la société civile africaine
Au niveau national, les avocats qui ont pris position et défendent les membres du FNDC arrêtés, les artistes, les intellectuels, les ONG, les journalistes, les blogueurs. Au niveau africain, le mouvement Y’en a marre du Sénégal, le Balai citoyen du Burkina Faso, le collectif Tournons la page, les reggaemans Tiken Jah Fakoly, Samsk le Jah.
Crise politique en Guinée : les titres de la presse internationale
Malgré la répression, les Guinéens résistent et sont décidés à faire échouer le projet de révision constitutionnelle destinée à ouvrir la voie à un 3e mandat.
Après la semaine de manifestation meurtrière qu’a connue le pays, les Guinéens ne veulent rien lâcher. Mercredi, alors que les femmes ont défilé en blanc pour dire stop aux violences policières, le pays est entré dans une dangereuse effervescence. Jeudi, les opposants ont pris le relais dans les rues de la capitale Conakry et d’autres villes du pays. Vêtus de rouge (la couleur du sang des victimes), ils étaient bien des centaines de milliers de personnes selon des journalistes locaux – un million selon les organisateurs, 30 000 selon le gouvernement – à marcher sur plusieurs kilomètres aux cris de « amoulanfe » (« ça ne passera pas » dans la langue locale) ou « à bas la dictature », sans heurts malgré une forte et discrète présence policière.
Manifestations monstres
« Nous sommes fatigués des mensonges, des fausses promesses et surtout (du fait) qu’il (Alpha Condé) ne soit plus en mesure de répondre aux attentes de la population. Alors, dix ans, ça suffit », a dit à l’Agence France-Presse Souleymane Kamagathe, boulanger. Les Guinéens ont manifesté ailleurs, à Labé, Mamou ou Pita (centre), où, selon le gouvernement, les protestataires ont lancé des pierres sur un commissariat, seul incident rapporté de la journée. La Guinée, pays de 13 millions d’habitants, pauvre malgré d’importantes ressources minières, est en proie depuis le 14 octobre à une intense contestation. Au moins huit manifestants (dix selon l’opposition) et un gendarme ont été tués, des dizaines d’autres blessés, des dizaines arrêtés et jugés. Cinq dirigeants du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui a pris l’initiative du mouvement, ont été condamnés mardi à des peines allant de six mois à un an de prison ferme. Les défenseurs des droits humains dénoncent une répression visant à faire taire l’opposition. Le FNDC, coalition de partis d’opposition, de syndicats et de membres de la société civile, a appelé à marcher « contre la présidence à vie » dans la capitale et ailleurs dans le pays. Il est résolu à faire barrage au projet prêté au président de briguer sa propre succession en 2020 et de changer à cette fin la Constitution qui l’empêche de concourir à un troisième mandat. La communauté internationale, inquiète, s’est contentée d’appeler au dialogue et au respect des droits. Seul le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a appelé à une « transition du pouvoir démocratique et honnête » en Guinée. Pour sa part, dans un apparent souci de réduire la pression, le gouvernement a joué l’apaisement et a autorisé la marche de jeudi. Mais il a validé un parcours éloigné des lieux du pouvoir.
Alpha Condé reste sur sa ligne
La personne d’Alpha Condé est au cœur de l’agitation. Opposant historique qui connut l’exil et la prison, il a été le premier président démocratiquement élu en 2010, réélu en 2015. Son avènement a marqué l’instauration d’un gouvernement civil après des décennies de régimes autoritaires et militaires. Mais, après une évolution encourageante, les défenseurs des droits rapportent une régression ces derniers mois et une interdiction de fait de toute manifestation depuis juillet 2018. L’opposition dénonce une dérive « dictatoriale » d’Alpha Condé, à l’instar de nombreux leaders africains. « Depuis l’avènement de monsieur Alpha Condé à la présidence, la démocratie, la protection des droits humains et les règles d’un État de droit ne sont pas respectées en Guinée », confiait au Point Afrique Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG. « Il (Alpha Condé) ne travaille pas avec le droit ni avec la Constitution de la Guinée, mais avec son humeur. Par exemple, depuis qu’il est arrivé, les élections législatives ou locales ne sont pas organisées à de bonnes dates. Les droits de l’opposition ne sont pas respectés, on a déjà tué plus de 103 jeunes manifestants sans qu’une enquête soit ouverte et que des sanctions soient prises contre les auteurs de ces crimes. »
À 81 ans, Alpha Condé préfère continuer à maintenir le suspense coûte que coûte. En déplacement à Boffa, à l’intérieur du pays, il a dit : « Le train de la Guinée a bougé et personne ne peut l’arrêter. Nous le dirigerons jusquau jour où Dieu le voudra. » Alors qu’aucune sortie de crise n’est en vue, le FNDC appelle à se rassembler de nouveau le 30 octobre et à deux journées villes mortes les jours précédents. L’énumération des points toujours litigieux – « consultations nationales sur une éventuelle modification du texte fondamental ; report sine die des législatives du 28 décembre (initialement prévues en 2018) ; organisation d’un référendum pour réviser la Constitution » – donne d’ailleurs l’impression que rien n’est réglé.
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République de Guinée.
Description de la situation :
L’Observatoire a été informé par l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH) de la détention arbitraire et de la condamnation de cinq membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), MM. Abdourahamane Sanoh, coordinateur, Ibrahima Diallo, responsable des opérations du FNDC, coordinateur national de la coalition Tournons la Page et président de l’ONG Protégeons les droits humains, Sékou Koundouno, responsable de la planification du FNDC et membre du Balai citoyen, Mamadou Baïlo Barry, également membre de l’ONG Destin en Main, et Alpha Soumah – alias ‘Bill de Sam’, ainsi que de la relaxe de deux membres du FNDC, MM. Abdoulaye Oumou Sow, journaliste blogueur et responsable de la communication digitale, et Mamadou Bobo Bah, également membre du Balai citoyen.
Selon les informations reçues, le 22 octobre 2019, le Tribunal de première instance de Dixinn à Conakry a condamné M. Abdourahamane Sanoh à un an de prison ferme. MM. Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah, ont été condamnés à six mois de prison ferme. Ces cinq membres du FNDC sont détenus à la prison centrale de Guinée. MM. Abdoulaye Oumou Sow et Mamadou Bobo Bah ont eux été relaxés par le tribunal. Ces sept défenseurs étaient jugés pour « manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique et à occasionner des troubles à l’ordre public ». Les avocats de la défense ont annoncé leur intention de faire appel de ce jugement, tout comme le Procureur, qui avait requis la peine maximale de cinq ans de prison, et a annoncé que les dossiers seront transmis à la Cour d’appel de Conakry dans les meilleurs délais.
Les sept prévenus ont été arrêtés le 12 octobre 2019, alors qu’ils avaient appelé à manifester à compter du 14 octobre, pour protester contre la réforme constitutionnelle qui permettrait au Président Alpha Condé de se présenter pour un troisième mandat présidentiel consécutif en 2020. Le lieu de détention des prévenus est resté inconnu pendant plus de 24 heures, pendant lesquelles les prévenus n’ont eu accès ni à leur famille ni à leurs avocats.
Dans une déclaration publiée le 13 octobre 2019, le procureur de la République près le Tribunal de première instance de Dixinn annonçait sa décision d’instruire, suite à la réception d’une dénonciation et en vertu de l’article 47 du Code de procédure pénale, le directeur central de la police judiciaire de mener les investigations nécessaires et de procéder à l’arrestation de « de toutes les personnes ayant entrepris des manœuvres ou des actes de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles graves à l’ordre public ».
Le procès des prévenus a démarré le 16 octobre 2019, avant d’être renvoyé au 18 octobre. MM. Sékou Koundouno et Ibrahima Diallo ont tous deux affirmé devant le juge avoir été kidnappés lors d’une réunion au domicile de M. Abdourahamane Sanoh, par des hommes armés et cagoulés, qui les ont emmenés à la « villa 26 », la base des Renseignements généraux guinéens, ainsi que dans les locaux de la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité (CMIS) numéro 5 de Dubréka et au CMIS de la Cimenterie. M. Ibrahima Diallo a également affirmé avoir fait l’objet de mauvais traitements pendant sa détention : il a par exemple du passer sa première nuit de détention sur une chaise, s’est vu arracher sa bague d’alliance, et refuser la nourriture qui lui avait été apportée par son épouse.
L’Observatoire condamne fermement la condamnation et la détention arbitraire de MM. Abdourahamane Sanoh, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah, qui semble ne viser qu’à les punir pour leurs activités légitimes et pacifique de défense des droits humains. L’Observatoire appelle les autorités guinéennes à leur libération immédiate et inconditionnelle.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités guinéennes en leur demandant de :
i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Abdourahamane Sanoh, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah et de l’ensemble des défenseurs des droits humains en République de Guinée ;
ii. Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de MM. Abdourahamane Sanoh, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah ;
iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de MM. Abdourahamane Sanoh, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah et de l’ensemble des défenseurs des droits humains en République de Guinée ;
iv. Mener sans délais une enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente quant aux allégations de mauvais traitements décrits ci-dessus, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;
v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement aux articles 1 et 12.2 ;
vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République de Guinée.
Adresses :
• M. Alpha Condé, Président de la République de Guinée, Boulbinet avenue de la République – Conakry, Twitter : @President_GN @Sekhoutoureya • M. Ibrahima Kassory Fofana, Premier Ministre, chef du Gouvernement, Palais des Colombes, Kaloum – Conakry, Twitter : @IbrahimaKFofana @PrimatureGN • M. Mamadou Lamine Fofana, Ministre de la Justice par intérim, Garde des sceaux, Rue KA 003 – Almamya Commune de Kaloum, BP : 564 Conakry – Guinée, Email : contact@justice.gov.gn, Tel : +224 622 43 58 59 • M. Mouctar Diallo, Ministre de la Jeunesse et de l’emploi jeune, BP 262 Conakry, Mail : info@jeunesse.gouv.gn, Tel : +224 664 21 10 75 / +224 664 901 490 • M. Mamadou Taran Diallo, Ministre de l’Unité nationale et de la citoyenneté, en face de la HAC, Boulbinet, Kaloum – Conakry, Tel : +224 628 04 21 49 / +224 666 96 10 92 • M. N’Famara Camara, Secrétaire général du Ministère de l’Unité nationale et de la citoyenneté, Email : jpfamara@gmail.com, Tel : +224 628 29 24 29 • M. Ousmane Sylla, Ambassadeur de la République de Guinée à Bruxelles, Boulevard Auguste Reyers 108 Schaerbeek, 1030 Bruxelles, Email : ambaguibruxelles@mae.gov.gn / ambaguinee.bruxelles@yahoo.fr Tel : (+32) 2.771.01.26 / (+32) 2.732.685, Fax : (+32) 2.762.60.36 • Ambassade de la République de Guinée à Genève, Représentation permanente auprès des Nations unies, Rue du Valais 7-9, 1202 Genève, Suisse, Mail : consulat.guineegeneve@gmail.com / mission.guinea@ties.itu.int, Tel : +41 22 731 65 55
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République de Guinée dans vos pays respectifs.
***
Paris-Genève, le 24 octobre 2019
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.
Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence : • E-mail : Appeals@fidh-omct.org • Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80 • Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29
Dans une déclaration, l’opposition politique guinéenne accuse le président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) Maître Salif Kébé de violation du Code électoral et du serment qu’il a prêté devant la Cour constitutionnelle. Elle exige sa “récusation et son remplacement par une personnalité consensuelle issue du Barreau”.
Lisez l’intégralité de la déclaration
On vous explique pourquoi la crise couve en Guinée
La transmission du pouvoir pose problème dans ce pays d’Afrique de l’Ouest où des consultations ont été lancées pour modifier la Constitution.
La Guinée est en proie depuis plusieurs jours à des protestations meurtrières qui inquiètent les observateurs. La tension est liée à l’élection présidentielle prévue en octobre 2020.
Qui dirige le pays ?
Alpha Condé, 81 ans, est à la tête de la Guinée depuis 2010. L’ancien opposant historique, qui a connu l’exil et la prison est le premier président démocratiquement élu après des années de dictature militaire. Son deuxième et dernier mandat se termine en 2020 avec un bilan relativement positif. Mais on prête au président sortant l’intention de vouloir rester au pouvoir.
Pourquoi la colère gronde ?
La Constitution de Guinée est claire et limite à deux les mandats présidentiels. Pour pouvoir se présenter une troisième fois en octobre 2020, Alpha Condé n’a pas d’autre choix que de modifier la Constitution, une pratique répandue en Afrique. Le débat est lancé dès janvier 2019, mais le projet est aussitôt rejeté par l’opposition. Les adversaires politiques d’Alpha Condé créent un front regroupant des partis, des syndicats et des membres de la société civile pour s’opposer à cette initiative.
La Constitution sera-t-elle modifiée ?
Malgré un refus clair de l’opposition et des manifestations dans la rue, le gouvernement maintient le cap de la réforme constitutionnelle. Lors d’une rencontre fin septembre avec des Guinéens à New York, le président Alpha Condé leur demande explicitement de se “préparer pour le référendum et les élections”. Cette annonce ravive la tension et les appels à la mobilisation sont relancés.
Comment réagit l’opposition ?
L’opposition dénonce un projet de coup d’Etat institutionnel et une dérive “dictatoriale”. Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), collectif réunissant des partis politiques et des organisations de la société civile, a organisé des manifestations malgré l’interdiction imposée par le gouvernement qui invoque les risques pour la sûreté publique. Pour les opposants, c’est la seule façon de faire pression sur le pouvoir. Depuis, des dizaines d’opposants, dont des dirigeants du mouvement, ont été arrêtés et jugés. Les instigateurs de la contestation ont été condamnés à des peines allant de 6 à 12 ans de prison. La contestation a déjà fait au moins neuf morts, dont un gendarme. Des dizaines de manifestants ont été blessés par balles.
La crise, jusqu’où ?
L’opposition maintient la pression dans un climat d’inquiétude générale. La communauté internationale et les défenseurs des droits humains craignent une escalade. L’histoire de la Guinée indépendante est jalonnée de protestations et de répressions sanglantes. En 2009, plus de 150 personnes avaient été tuées lors d’un rassemblement contre la candidature à la présidentielle du chef de la junte, Moussa Dadis Camara. Plus récemment, des affrontements autour d’élections locales et d’une grève d’enseignants ont fait plusieurs morts en 2018.
Faute de dialogue, le blocage risque d’avoir des répercussions graves sur “la nouvelle démocratie”, selon Human Rights Watch. “On est vraiment au moment où le président Condé et son gouvernement sont face à un choix : soit laisser les libertés s’épanouir, soit aller vers un Etat plus autoritaire”, précise le chercheur de l’ONG Jim Wormington, cité par l’AFP.
Dans un communiqué publié ce mercredi 23 octobre 2019, le président de la Commission de la CEDEAO exprime son inquiétude devant les récents développements en Guinée, caractérisés par une montée des tensions et des violences ayant entrainé des pertes en vies humaines lors des manifestations des 14 et 15 octobre dernier.
Voici l’intégralité du communiqué
Marche de femmes contre un troisième mandat d’Alpha Condé en Guinée
Des centaines de femmes opposées à un troisième mandat du président guinéen Alpha Condé ont défilé mercredi à Conakry, au lendemain de la condamnation des principaux initiateurs des manifestations qui agitent la Guinée depuis une semaine et qui ont fait une dizaine de morts.
Environ 400 femmes, majoritairement vêtues de blanc, ont entamé en fin de matinée une marche devant les mener de Hamdallaye, quartier populaire de Conakry et fief de l’opposition, à l’esplanade du Stade du 28 Septembre, a constaté un correspondant de l’AFP.
Des manifestantes scandaient des slogans tels que «Mort aux assassins de nos enfants» et «Justice pour nos martyrs», ou portaient des pancartes où l’on pouvait notamment lire «Libérez nos leaders injustement condamnés». «Nous marchons contre ces tueries et demandons à M. Alpha Condé de partir maintenant», a expliqué une des manifestantes.
Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), dont se réclament les manifestantes, a appelé à manifester et à paralyser l’économie à partir du 14 octobre pour faire obstacle à un éventuel troisième mandat du président Condé en 2020. A la suite de cet appel, Conakry et plusieurs villes guinéennes ont été la proie la semaine dernière de heurts violents. Au moins huit manifestants (10 selon l’opposition) et un gendarme ont été tués, des dizaines d’autres blessés.
Abdourahamane Sanoh, coordonnateur de cette alliance de partis d’opposition, de syndicats et de membres de la société civile, a été condamné mardi à un an de prison ferme et quatre autres responsables à six mois ferme.
Alors que les défenseurs des droits de l’homme dénoncent les arrestations arbitraires, un usage excessif de la force par les services de sécurité et le long historique d’impunité de ces dernières, le gouvernement a souligné que la marche des femmes avait été «autorisée, conformément aux textes relatifs à l’exercice des droits fondamentaux, dont la liberté de manifestation». Mais il a fait état d’«informations concordantes et persistantes sur la possible infiltration de la marche des femmes par des personnes décidées à troubler l’ordre public par des actes de violence».
Aucune sortie de crise ne paraît en vue, le FNDC annonçant une nouvelle «grande marche pacifique» jeudi -qui a été autorisée- pour faire échouer le projet prêté au président Condé de briguer sa propre succession en 2020 et de changer à cette fin la Constitution, qui l’empêche de concourir à un troisième mandat.