Élection présidentielle en Guinée-Bissau : quels enjeux?


La Guinée-Bissau élit son président ce dimanche 24 novembre. Sur les douze candidats, deux favoris : le président sortant José Mario Vaz, et Domingos Simoes Pereira, ex-Premier ministre et chef de la formation dominante au Parlement, le PAIGC.


Près de 700 000 Bissau-Guinéens sont appelés aux urnes ce dimanche 24
novembre entre 7 heures et 17 heures (GMT et heure locale). Les
premières tendances sont attendues en début de semaine. Quant au second
tour, sa date est fixée au 29 décembre.

  • Douze candidats

Les électeurs doivent départager douze candidats – tous des hommes. Les
favoris sont des acteurs des crises politiques qui ont ébranlé
l’ancienne colonie portugaise ces dernières années :

– le président sortant, José Mario Vaz. Exclu du Parti africain pour
l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), il concourt en
indépendant. Il est le premier chef d’Etat en 25 ans à avoir terminé son
mandat, les autres ayant été tués ou renversés.

–  le Premier ministre entre 2014 et 2015, Domingos Simoes Pereira, chef de l’historique PAIGC,

– Umaro Sissoco Embalo, à la tête d’une dissidence du PAIGC,

– Nuno Nabiam, battu au second tour en 2014.

  • Vote anticipé des militaires

Jeudi 21 novembre, les membres des forces armées et de sécurité ont
donné le coup d’envoi de l’élection présidentielle. Ils ont voté dans
les isoloirs installés dans la cour de la Commission nationale
électorale (CNE). Le scrutin s’est déroulé dans le calme, ont constaté
des journalistes de l’AFP.

  • Une campagne pacifique malgré les tensions

Peu de violence pendant cette campagne qui aura vu des caravanes
tapageuses scander les noms des candidats à travers le pays, et des
posters géants à leur effigie dans la capitale.

Dans une banlieue de Bissau, en campagne ce mercredi 20 novembre, José
Mario Vaz jouait la carte de la différence avec la classe politique
régnante. Il a assuré refuser “de faire le jeu d’un petit groupe de gens qui pillent et volent les deniers publics”.

Au siège du PAIGC paré de banderoles, Dan Yala, une responsable de la campagne de Domingos Simoes Pereira, assure que celui-ci “s’occupera des couches vulnérables comme les femmes, les enfants, les vieillards et les anciens combattants”, règlera le problème crucial des salaires impayés des fonctionnaires et attirera les investisseurs.

José Mario Vaz et Domingos Simoes Pereira promettent de respecter le résultat des urnes. “S’il est transparent et sans tripatouillage”,
assure le président sortant. Les Etats ouest-africains, médiateurs
historiques en Guinée-Bissau, et d’autres ont dépêché leurs
observateurs.

Il faut dire que la crise en cours au sommet du pouvoir a fait douter
jusqu’au bout de la tenue de la présidentielle. La faute à une paralysie
quasi complète depuis des années : la Constitution bissau-guinéenne
neutralise les pouvoirs respectifs du président et du Premier ministre.

  • Le spectre d’une guerre civile

Le président José Mario Vaz a engagé le bras de fer le 28 octobre 2019
en limogeant et remplaçant son Premier ministre Aristides Gomes. Ce
dernier était chargé par la communauté internationale de diriger les
affaires du pays, et d’organiser l’élection présidentielle.

Aristides Gomes refuse de quitter son poste, le président menace de
recourir à la force. La légalité est avec Aristides Gomes, s’accordent
la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao),
l’ONU et l’Union européenne.
Les agissements du président font courir “des risques de guerre civile”,
s’est alarmée la Cédéao. Ce coup d’éclat n’est pas le premier qu’ait
connu le pays lusophone, abonné aux crises institutionnelles.

  • Un pays instable

La Guinée-Bissau a connu quatre putschs (le dernier en 2012), seize
tentatives de coup d’Etat et une valse des gouvernements, depuis son
indépendance en 1974.

L’actuel président José Mario Vaz a été élu en mai 2014, après un accord
entre les autorités de transition et les putschistes. Deux ans plus
tôt, le chef d’état-major dirigeait un coup d’Etat à deux semaines du
second tour de la présidentielle.

La présidence de José Mario Vaz a vécu au rythme des changements de
Premier ministre, et de sa confrontation avec le PAIGC. Élu sous
l’étiquette de ce parti, l’actuel chef de l’État limoge en 2015 Domingos Simoes Pereira du poste de Premier ministre.

Cette paralysie est toujours d’actualité, et pourrait se prolonger si la
présidentielle était remportée par un adversaire de la PAIGC, la majorité parlementaire élue en 2019. À ces tensions politiques s’ajoutent la pauvreté et la corruption endémiques.

  • Narco-trafic et corruption en Guinée-Bissau

Sécurité, développement, démocratie. L’Afrique de l’Ouest, déjà
confrontée à la propagation djihadiste au Mali et au Burkina Faso, ne
souhaite pas que l’instabilité de la Guinée-Bissau se renforce. Ce pays
est fragile. Ses ressources, telles que la bauxite, les phosphates et
les forêts, sont en grande partie inexploitées. Les trafics, de bois
mais aussi de drogue, prospèrent.

L’instabilité et la pauvreté ont favorisé l’implantation de
narcotrafiquants, qui utilisent la Guinée-Bissau comme zone de transit
de la cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe, parfois sous la
protection de hauts gradés de l’armée.

L’ONU a salué les progrès réalisés dans la lutte contre le narco-trafic
depuis l’élection de José Mario Vaz. Mais elle a regretté que, depuis
avril 2018, la volonté des autorités en la matière se soit “peu affermie”. Le pays pâtit d’une corruption endémique : il était classé 172e sur 180 pays en 2018 selon l’indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International.


La Guinée-Bissau en chiffres

1, 87 : million d’habitants en 2018 (selon la Banque mondiale)

3e : producteur africain de noix de cajou

4,3% : prévision de la croissance du PIB en 2019 Banque mondiale.

177e : sur 189 pays dans l’indice de développement humain du Pnud (classement 2018)

70% : de la population vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de 2 dollars par jour.

58 ans : l’espérance de vie moyenne


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