Journalistes condamnés: «stupéfaction» et «indignation» dans la presse privée guinéenne


Déclaration


Les Associations professionnelles de la presse privée guinéenne (URTELGUI, AGUIPEL, AGEPI, REMIGUI, APAC-Guinée, SPPG, UPF, UPLG), ont, avec stupéfaction et indignation, pris connaissance de la condamnation pour diffamation, par le TPI de Kaloum, ce mercredi, 13 janvier 2021, de trois journalistes de la Radio Nostalgie Guinée, à ‘’deux mois de prison assortie de sursis et à une amende de 500 000 GNF, chacun’’. Il s’ agit de :

1- Thierno Madjou BAH

2- Ibrahim Sory Lincoln Soumah

3- Sidi Diallo.

Nous, Associations de presse, au nom de l’ensemble de notre corporation, rejetons fermement et catégoriquement, ce procès et ce verdict qui ont curieusement eu pour base et fondement le Code pénal, le code de procédure pénale et la L002.

Nous rappelons que le délit de diffamation reproché à ces trois journalistes, ne doit être examiné et sanctionné qu’au visa de la seule loi 002, portant Liberté de presse en Guinée.

Par conséquent, l’URTELGUI, l’AGUIPEL, l’AGEPI, le REMIGUI, l’APAC-Guinée, le SPPG, UPF, UPLG exigent l’annulation de ce verdict très mal à propos, qui rappelle d’ailleurs, les épreuves vécues ces dernières années par la presse guinéenne, dans des affaires judicaires antérieures, ayant fait l’objet d’un traitement attentatoire à la liberté des journalistes en Guinée.

Les Associations de la presse guinéenne expriment leur totale solidarité et leur soutien résolu aux trois journalistes dont elles saluent en même temps, le civisme tout au long de ce curieux procès de plus de 2 ans.

En fin, les Associations de presse se tiennent aux côtés des Avocats de nos trois confrères, pour obtenir l’annulation de ladite condamnation et, elles se réservent le droit d’entreprendre toute action légale visant à dénoncer ce verdict liberticide.


Signataires

URTELGUI

AGUIPEL

AGEPI

REMIGUI

APAC-Guinée

SPPG

UPF

UPLG





Sidy Souleymane Ndiaye, figure tristement célèbre de la justice guinéenne au service de la dictature


Justice


Sidy Souleymane Ndiaye est la figure tristement célèbre de cette justice aux ordres d’un pouvoir exécutif illégitime et illégal. A l’instar des responsables de la police et de la gendarmerie, ce procureur est l’un des bras répressifs du régime de Alpha Condé.

Ce mercredi, ce multirécidiviste de la répression d’État vient d’obtenir la condamnation de deux activistes pro-démocratie et membres du FNDC. Souleymane Condé et Youssouf Dioubaté sont condamnés à un an de prison ferme et au paiement par chacun d’une amende de 20 millions de francs guinéens.

Il faut rappeler que ces opposants au 3ème mandat de Alpha Condé ont passé près de quatre mois à la maison centrale de Conakry.

Selon la justice de la dictature, ils sont coupables de «production, diffusion, et mise à la disposition d’autrui de données et nature à troubler l’ordre et la sécurité publique».

Pour l’avocat de la défense Maître Salifou Béavogui, cette décision de justice est injuste, inique et cynique «Nos clients sont simplement arrêtés pour leur conviction et opinions politiques. [  ] ce n’est pas le droit qui a parlé, c’est l’injustice qui a triomphé. »

Quant à Maître Traoré, il se dit choqué mais pas surpris par cette décision. Pour lui, ce sont des innocents qui ont été condamnés. Il dit regretter que « la machine judiciaire continue à être mise à contribution pour broyer des opposants ».

Les avocats ont annoncé qu’ils feront appel de cette décision.


Le Chérif




Tierno Monenembo ne reculera pas car «Les dictatures, on ne les fuit pas, on les confronte [ ]»


Politique


Depuis quelques jours, des Etats-Unis, de France, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Mali et d’ailleurs, des bonnes âmes soucieuses de ma liberté et de ma vie m’adressent des messages d’alerte : il paraît que ma vie est en danger. Je devrais me méfier, baisser le ton, adoucir mes propos et peut-être même quitter le pays.

Eh bien non, je ne me méfierai pas, je ne baisserai pas le ton et surtout, surtout, surtout, je ne quitterai plus jamais mon pays sauf pour les besoins d’une conférence, d’un Salon du Livre ou d’un check-up médical. Je ne viens pas de Haute-Volta moi, je suis d’ici moi. Mon père est enterré au cimetière de Coléah, ma mère, à celui de Dixinn, mes aïeux reposent à Porédaka.

Déjà, à la fin des années 60, ceux de ma génération avaient commis la grave erreur de fuir le régime bestial de Sékou Touré. Aujourd’hui encore, le pays entier continue d’en payer le prix. Les dictatures, on ne les fuit pas, on les confronte, on leur crache dessus, on les abat.


Je ne me méfierai pas, je ne baisserai pas le ton et surtout, surtout, surtout, je ne quitterai plus jamais mon pays sauf pour les besoins d’une conférence, d’un Salon du Livre ou d’un check-up médical.


Cette magistrale leçon de l’Histoire, je l’ai parfaitement assimilée à présent. Je ne reculerai plus jamais devant un despote. La liberté a un prix et ce prix, je suis prêt à le payer comme l’ont déjà fait nombre de nos compatriotes. Je pense aux centaines de morts qui jalonnent les deux mandats du sinistre Alpha. Je pense aux dizaines de disparus, aux milliers de prisonniers politiques. Je pense en particulier à Ousmane Gaoual, Sékou Koundouno, Chérif Bah, Etienne Soropogui Oumar Sylla, Saïkou Oumar, Ismaël Condé, Souleymane Condé et les autres. Je pense à vous tous vaillants patriotes guinéens qui croupissez dans les geôles d’ Alpha Condé pour avoir refusé de renoncer à votre dignité de citoyens. Je m’incline humblement devant votre foi et votre bravoure.

Les Guinéens en ont jusque-là. Ils sont tous prêts à mourir pour recouvrer leur liberté. Ils sont prêts à consentir les sacrifices qu’il faut, cela prendra le temps que cela prendra. Ils savent que le despotisme est déjà derrière eux.

Le régime archaïque d’Alpha Condé n’est que le dernier maillon d’une espèce en voie de disparition. Après 62 ans de chaos absolu, ils savent qu’ils sont près du but : c’est pour bientôt, le soleil de la liberté, le jour de la concorde et du bien-être collectif.

Pour ma part, non seulement je ne quitterai pas le pays, mais je suis prêt à mourir. Rien de plus beau que de mourir pour la liberté ! Il y a des moments où la plume ne suffit pas. Il y a des moments où l’écrivain doit abandonner sa table de travail pour descendre dans l’arène. Le romancier ne doit pas se contenter de prendre la parole, il doit aussi prendre la rue, se tapir dans les tranchées ou se jucher sur les barricades. « Un poème dans la poche, un fusil dans la main », disait d’ailleurs mon ami congolais, Emmanuel Dongala. De Garcia Lorca à Paul Eluard, de Tahar Djaout, à Ken Saro Wiwa, c’est quand le poète tombe sous les balles des barbares que la littérature prend tout son sens. Et qu’est-ce que la littérature sinon, ce bataillon armé de mots qui depuis la nuit des temps occupe les avant-postes du combat pour la liberté : liberté d’être, liberté de penser, liberté de dire, liberté d’aller et de venir, liberté de créer, liberté de rêver.

Non, je ne reculerai pas. Non, je ne me méfierai pas. Non, je ne n’adoucirai pas mes propos. Je continuerai vaille que vaille à dire merde à ce régime de merde.

Advienne que pourra !

Tierno Monénembo





Des ONG se mobilisent pour exiger la libération de Oumar Sylla Fonikè Mengué [Communiqué]


Justice


Depuis deux mois, Oumar Sylla, alias Foniké Menguè – membre du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) et coordinateur adjoint de Tournons La Page (TLP-Guinée) – est détenu arbitrairement à la prison centrale de Conakry. Il est accusé d’attroupement illégal, de trouble à l’ordre public, d’atteinte à la sûreté de l’état et de destruction de biens publics.

Le 29 septembre 2020, Oumar Sylla a été violemment arrêté par des hommes en civil en pleine rue dans la commune de Matoto à Conakry alors qu’il s’apprêtait à participer à une manifestation organisée par le FNDC pour protester contre la candidature du Président Alpha Condé à un troisième mandat. Emmené à la Direction de la Police Judiciaire (DPJ), il a été interrogé sans que ses avocats n’aient pu l’assister. Leur entrée dans les locaux de DPJ leur a été refusée ce qui est une atteinte aux droits de la défense. Quelques heures plus tard, le procureur du tribunal de Mafanco a décidé de placer Oumar Sylla sous mandat de dépôt et de le faire incarcérer à la prison centrale de Conakry.

Ce militant de la société civile n’en est pas à sa première arrestation et détention arbitraires. Déjà interpellé le 17 avril 2020 pour « diffusion de fausses informations », l’accusation avait été jugée non fondée par la chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Dixinn. Oumar Sylla avait alors été libéré le 27 août 2020 après plus de quatre mois d’incarcération abusive.

« Si l’état de droit fonctionne en Guinée, il est attaqué par le pouvoir politique qui abuse de sa capacité à faire arrêter les militants de la société civile. Ce harcèlement doit cesser. La place des défenseurs des droits humains n’est pas en prison » s’insurge Agir ensemble pour les droits humains.

Oumar Sylla a également échappé de peu à une arrestation le 12 octobre 2019 lorsque six autres figures de la société civile avec qui il était en contact ont été appréhendées à la veille d’une manifestation contre le changement de Constitution.

La situation d’Oumar Sylla est révélatrice du traitement des représentants de la société civile guinéenne qui se sont mobilisés pour demander le respect de la Constitution et dénoncer la volonté du président Alpha Condé de se maintenir au pouvoir.

« Nous condamnons fermement la nouvelle détention arbitraire d’Oumar Sylla qui n’est qu’une illustration supplémentaire de la répression généralisée à l’encontre de toutes les voix dissidentes en Guinée » déplore l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT).

Les organisations signataires de ce communiqué appellent les autorités guinéennes à remettre en liberté, immédiatement et sans conditions, Oumar Sylla, à mettre un terme à la persécution que subissent ceux qui expriment de manière pacifique leur opposition aux autorités au pouvoir et à garantir les droits fondamentaux reconnus par la Constitution guinéenne.

Contacts presse :

Tournons La Page  : Marc Ona Essangui – marc.ona@brainforest-gabon.org

Tournons La Page Guinée : Ibrahima Diallo – pdhguinee2011@gmail.com

Agir ensemble pour les droits humains : Thibaud Kurtz – t.kurtz@aedh.org

Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT) : Emmanuelle Morau – emorau@fidh.org – Iolanda Jaquemet – ij@omct.org

Front Line Defenders : Mariam Sawadogo- msawadogo@frontlinedefenders.org






Guinée: Violences et répression postélectorales [Human Rights Watch]


Droits de l’Homme


Les autorités devraient ouvrir des enquêtes sur l’usage excessif de la force et traduire les responsables en justice.

(New York) – La période postélectorale en Guinée a été entachée de violences et d’actions répressives qui ont fait au moins 12 morts, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. À la suite du scrutin présidentiel du 18 octobre 2020, les forces de sécurité ont recouru à une force excessive pour disperser les manifestations dirigées par l’opposition dans la capitale, Conakry.

Le principal candidat de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, a été assigné à résidence de facto, en l’absence d’inculpation, du 20 au 28 octobre. L’un des principaux organes d’information en ligne de Guinée a été suspendu du 18 octobre au 2 novembre, et les réseaux Internet et téléphonique ont été gravement perturbés voire suspendus entre le 23 et le 27 octobre. Ces mesures ont entravé la capacité des habitants à communiquer, à obtenir des informations ou à rendre compte des événements en cours.

« Les actions brutales menées contre des manifestants et d’autres personnes à Conakry se sont inscrites dans un contexte de répression généralisée qui a fragilisé la crédibilité des élections », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les autorités devraient maitriser les forces de sécurité, enquêter sur les individus impliqués dans des exactions et les sanctionner, et tous les dirigeants politiques devraient demander d’urgence à leurs partisans de s’abstenir de toute violence. »

Lire la suite sur le site de Human Rights Watch





L’élection en Afrique ou la délégitimation d’un « rite démocratique »


Analyse


Légitimer et renforcer des pouvoirs autoritaires, l’élection en Afrique ressemble plus à une simple formalité administrative qu’à une consécration de la démocratie. De Fukuyama qui parle d’un verni démocratique à Michalon qui n’hésite pas à soutenir la suppression de l’élection présidentielle en Afrique, le « théâtre démocratique » expression de Antoine Glaser pour qualifier les élections dans certains pays africains, apparait comme un rendez-vous en absurdie.

L’acte électif est dévalorisé. Dans un article intitulé La démocratie en Afrique: succès et résistances, Babacar Guèye souligne que « L’acte électif n’a de sens, au fond, que s’il permet à terme l’alternance démocratique [  ] » Or, selon l’auteur, « les manipulations électorales, intimidations et recours à la force qui émaillent bien des élections en Afrique sont les signes du refus d’accepter les règles du jeu démocratique ».

Dans le même ordre d’idées, Philippe Aldrin dans un ouvrage collectif intitulé Politiques de l’alternance: sociologie des changements (de) politique, soutient qu’une alternance au pouvoir est un « indicateur de bonne santé démocratique » parce qu’elle est supposée porteuse de changements politiques et sociaux. Les enquêtes Afrobaromètre arrivent à la même conclusion « Dans le système politique particulier à l’Afrique, une alternance au pouvoir insuffle l’espoir populaire selon lequel la performance gouvernementale sera améliorée. » En d’autres termes, « les Africains désirent des élections transparentes, surtout celles porteuses d’alternance ».


Une alternance au pouvoir est un « indicateur de bonne santé démocratique »


Entre démocratie et autoritarisme, les régimes hybrides jouent les intermédiaires (des régimes autoritaires civils qui organisent des élections pour légitimer leur position). Avec une façade compétitive, des consultations manipulées, des institutions factices, ces régimes hybrides africains sont un mélange d’éléments de démocratie (institutions, élections) avec des pratiques autoritaires.

Cependant, « l’élection ne fait pas la démocratie ». Pour Pierre Jacquemot, elle « n’est la démocratie que si elle est l’aboutissement d’un long processus, adossé à une ossature institutionnelle suffisamment robuste pour porter une justice indépendante, garantir les libertés fondamentales, apporter du développement et traquer la corruption ».

En dénonçant « la pseudo démocratie africaine », le journaliste Vincent Hugeux dans un essai intitulé Afrique : le mirage démocratique, est catégorique : c’est une « mascarade ». Selon lui, « Jeunes ou vieux, les caïmans du marigot ont appris à manier le lexique du pluralisme, de la transparence et de la bonne gouvernance [  ] pour mieux s’affranchir de ses effets ». L’auteur dénonce le « tour de passe-passe » que constituent les modifications constitutionnelles avant les scrutins. Des modifications, selon lui,  qui « ont l’apparence de la légalité, mais constituent autant de forfaitures sur le plan éthique et politique ».

Une « démocratie procédurale ». Pour Pierre Jacquemot, elle « renonce à convaincre de la nécessité du politique, désarme le jeu social et rend, entre deux élections, le citoyen superflu. Il en résulte, pour la population pauvre, un sentiment diffus d’impuissance [  ] ». Quant au professeur britannique Nic Cheeseman, il qualifie l’Afrique de « continent remarquablement divisé», avec «presque autant de démocraties défectueuses (15) que de régimes autocratiques (16) parmi les 54 États du continent».

Dans un article publié dans le foreign affairs, intitulé The Retreat of African Democracy. The Autocratic Threat Is Growing, Nic Cheeseman et Jeffrey Smith soulignent qu’un « bon indicateur de l’état de santé de la démocratie en Afrique comme ailleurs consiste à observer si les dirigeants quittent effectivement le pouvoir au terme prévu par leur mandat. Ils sont de plus en plus nombreux à mener des “coups d’État constitutionnels” qui leur permettent de récrire la loi [  ] ». En citant le Freedom House, ces deux auteurs révèlent que 11 % seulement du continent africain est politiquement “libre”, et le niveau moyen de la démocratie n’a cessé de reculer au cours des quatorze dernières années. Cette tendance est confirmée par le score du continent en matière de processus électoral et de pluralisme qui demeure le plus faible du monde. Selon le Democracy Index 2019 deThe Economist Intelligence Unit 3,99/10 contre une moyenne planétaire de 5,9/10. Le journaliste et chercheur indépendant, Régis Marzin, dans un rapport intitulé Démocraties, dictatures et élections en Afrique : bilan 2019 et perspectives 2020 dénote quant à lui, que sur les 582 élections enregistrées entre 1990 et 2019, 294 relèveraient de la « mascarade».

Le contrôle des commissions électorales

Dodzi Kokoroko, dans un article intitulé Les élections disputées : réussites et échecs publié en 2009 dans la revue Pouvoirs, souligne que la « grandeur de l’élection célébrée par sa consécration constitutionnelle s’éclipse rapidement devant les déceptions et régressions engendrées dans la pratique. »

Entre l’habillement normatif et le mode opératoire des institutions et juridictions constitutionnelles, le contraste est saisissant. Si la création de commissions électorales et des cours constitutionnelles est perçue comme une avancée démocratique, censée « en théorie » garantir la transparence, l’indépendance et l’impartialité dans la gestion du processus électoral, force est de reconnaitre que la réalité est aux antipodes de cet habillement normatif parfois « sacralisé ».

Le contrôle des institutions en charge des élections apparait comme un enjeu central pour la conquête et la conservation du pouvoir politique en Afrique.

Eugène Le Yotha Ngartebaye dans sa thèse intitulée Le contentieux électoral et la consolidation démocratique en Afrique francophone. Trajectoire comparative du Bénin et du Tchad (2014), souligne que « l’issue de l’élection ne se joue plus dans les urnes, mais dans les capacités à maitriser et disposer de ces institutions. C’est ce qui explique la politisation outrancière des commissions électorales avec en prime une prépondérance des membres désignés par le parti au pouvoir. » Une lecture partagée par Danielle Béatrice dans un article intitulé Changement des mentalités et changements institutionnels : des impératifs pour crédibiliser la démocratie en Afrique,qui affirme que « l’amélioration de la démocratie et de la vie politique dans les pays afri­cains nécessite une véritable autonomie des institutions responsables des élections et une limitation des pouvoirs des chefs d’État. » Pour elle, les institutions chargées du suivi des élections ont perdu leur crédibilité. Cela est sans doute « dû à la corruption qui sévit dans nos pays africains et au manque d’autonomie desdites institutions. »

La sincérité et l’intégrité du vote en question

Les manipulations du vote se révèlent être une pratique courante dans un environnement où l’administration est partisane et l’organe en charge des élections est instrumentalisé. En guise d’exemple, la loi prévoit un dépouillement sur place dans les bureaux de vote. Cependant, on assiste le plus souvent au déplacement des urnes par la force. Une pratique relevée par Dodzi Kokoroko dans son article Les élections disputées : réussites et échecs. Selon cet auteur, « ce transfert des urnes permet à l’administration de remplacer les urnes dont le contenu est jugé défavorable au pouvoir par des urnes plus dociles, aux résultats facilement contrôlables. La falsification des procès-verbaux constitue l’étape suprême de la machine de fraude électorale. Elle est généralement orchestrée par des représentants locaux de l’administration générale (préfets et sous-préfets) qui vont corriger les résultats. »

Dans le même ordre d’idées, Pierre Jacquemot dans un article intitulé les élections en Afrique, marché de dupes ou apprentissage de la démocratie ? publié en 2019 dans la Revue internationale et stratégique explique que « [  ] la falsification des procès-verbaux, si elle est utilisée peut commencer dans le bureau de vote, mais elle intervient le plus souvent dans un transfert ou un lieu de compilation régional, ou encore dans un lieu de rassemblement national ». Pour cet universitaire et ancien diplomate, « l’élection africaine est la résultante d’une réelle appropriation des normes officielles du jeu électoral conjuguée à des pratiques de contournement de ces règles ». L’auteur n’hésite pas à soutenir que « la transgression fait partie intégrante du jeu électoral africain ». De plus en plus sophistiquée, l’ingénierie de la fraude électorale atteint des proportions inquiétantes en Afrique. Vincent Darracq et Victor Magnani dans un article intitulé Les élections en Afrique : un mirage démocratique ? expliquent que « des savoir-faire multiples, de plus en plus sophistiqués, sont développés par les opérateurs politiques et leurs « petites mains » pour « orienter » les résultats des scrutins ».


« l’élection africaine est la résultante d’une réelle appropriation des normes officielles du jeu électoral conjuguée à des pratiques de contournement de ces règles »

Pierre Jacquemot


Les chercheurs Nic Cheeseman et Brian Klaas, dans un ouvrage intitulé « How to rig an election » qui traite des stratégies au moyen desquelles les tricheurs politiques et leurs auxiliaires administratifs faussent les scrutins démocratiques soutiennent que « Contrairement à ce que l’on pense généralement, les dirigeants autoritaires qui acceptent de tenir des élections sont généralement en mesure de rester au pouvoir plus longtemps que les autocrates qui refusent d’autoriser la population à voter. » En d’autres termes, selon ces auteurs « un autocrate perd rarement une élection ».

Face à cette situation de fraude électorale systématique, les contestations des résultats font désormais partie intégrante du processus. Un fait caractéristique des élections en Afrique, selon Pierre Jacquemot dans une interview sur Francetvinfo. Dans le même ordre d’idées, le sociologue ivoirien Alfred Babo, dans un article dans Le Monde intitulé Faut-il continuer d’organiser des élections présidentielles en Afrique ? affirme que « la contestation des résultats est devenue quasi consubstantielle à l’exercice de ces scrutins ».

Pour conclure, citons cette observation de Alix Boucher de Africa Center, dans un article intitulé Désamorcer la crise politique en Guinée « l’expérience montre que les chefs d’État africains qui sont restés au pouvoir pendant plus de 10 ans ont accumulé les actes de répression et de corruption et généré instabilité financière, sous-développement et conflits dans le pays. »


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur @GuineePolitique




Des commissaires de la CENI dénoncent des graves anomalies qui remettent en cause la sincérité des résultats provisoires [Document]


Déclaration


Commissaires de la CENI, nous venons par la présente, dénoncer les graves anomalies dans l’organisation de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020. Ces anomalies affectent la sincérité des résultats provisoires proclamés par la CENI ce samedi 24 octobre 2020.Les causes sont nombreuses et profondes; elles se retrouvent à chaque étape du processus. Et à chaque fois, nous avons exprimé, certains collègues et moi,notre préoccupation en plénière et dans des déclarations.Pour rester focalisé sur l’élection présidentielle, voici quelques motifs de ces dérives:

  • La mauvaise foi dans l’interprétation des textes de loi, notamment la Loi 044 et la Loi portant Code électoral révisé;
  • L’implication de l’Administration dans tout le processus, au point d’en être en réalité, le principal organisateur des élections en Guinée en lieu et place de la CENI qui en porte le chapeau;
  • Le manque de recours contre les mauvaises décisions de la CENI. L’organisation de l’élection présidentielle du 18 octobre a connu plusieurs failles entre autres:
  • Le chronogramme qui a volontairement annulé l’affichage des listes électorales;-La cartographie électorale qui a pénalisé de nombreux électeurs privés de leur droit de vote;
  • La conception, la confection et la gestion des documents électoraux en dehors de la CENI et hélas en son nom;
  • Le refus obstiné de l’élaboration des procédures de remontée et de traitement des résultats de l’élection depuis le bureau de vote;
  • Le refus de réceptionner des PV de bureaux de vote (BV) dans des CRTPV (Commission de Réception et de Transmission des Procès-Verbaux) préfectorales ou communales, privant plusieurs électeurs de leur droit de vote et des candidats des suffrages de leurs électeurs;
  • La présence d’écart entre les suffrages exprimés et la somme des suffrages obtenus par les différents candidats et, le déversement de cet écart sur le nombre total de bulletins nuls sans aucune base juridique.


Document complet à télécharger ici


Quelques Extraits

Pour faire annuler le vote de certains BV réputés être des fiefs de l’opposition, les Présidents de ces bureaux de vote concernés se sont volontairement absentés et ont été remplacés par d’autres personnes en vertu de l’article 70 du code électoral révisé.A la fin du dépouillement, les commissions de réception des PV ont refusé de réceptionner les PV de ces bureaux de vote, prétextant que ces PV doivent être déposés par les Présidents de BV initialement désignés. En ce sens, le cas de la commune urbaine de Dubréka est un bon exemple.

L’absencevolontairede certains Présidents de bureau de vote à l’ouverture


Dans plusieurs bureaux de vote dans tout le pays, le dépouillement n’a pas eu lieu sur place conformément à l’article 80 du code électoral révisé. Des agents de l’USSEL ont fait irruption dans les BV pour récupérer et transporter les urnes vers des destinations inconnues, ce, sans les membres de bureau de vote. Il nous a été remonté les cas des circonscriptions électorales de Dubréka avec pas moins de dix (10) bureaux de vote concernés, de Nzérékoré, Yomou, Kankan et Coyah.

L’irruption des agents de l’USSEL pour empêcher le dépouillement dans certainsbureaux de votes


La substitution et/ou la disparition des PV au niveau des commissions de réception a été dénoncée dans plusieurs circonscriptions.Quelques fois,le PV reçu à la CRPTV était remplacé par un nouveau qui est alors transmis à la CACV pour la centralisation; ailleurs, le PV a simplement disparu. En conséquence, les résultats du bureau de vote n’étaient pas pris en compte. D’après les informations qui nous ont été remontées, très souvent, la substitution se faisait la nuit quand le travail s’arrêtait et que les assesseurs et délégués des partis candidats n’étaient plus présents; cela se faisait aussi avec la complicité des agents de l’USSEL qui sécurisaient les lieux.Cela a été constaté à Dabola, Nzérékoré, Yomou, Macenta, Kissidougou, Coyah, Boffa, Koundara, Faranah pour ne citer que ceux-là.

La disparition et la substitution des PV


Afin de faire annuler les PV de certains bureaux de votes, il nous a été remonté que certains membres de CRTPV ou de CACV se sont permis d’ouvrir sciemment les enveloppes scellées contenant les PV de certains BV, dans le seul but de faire invalider ces PV en les considérant comme«Enveloppe non scellées». Les cas de la circonscription de Kaloum (surtout à Coronthie) et de Boké sont des exemples

L’ouverture des enveloppes scellées afin de faire annuler les votes du BV concerné





Amnesty International confirme “des tirs à balles réelles par les forces de défense et de sécurité sur des manifestants” en Guinée


Guinée. Des récits de témoins, des vidéos et images satellites analysées confirment les tirs à balles réelles par les forces de défense et de sécurité sur des manifestants.

  • Elles ont fait usage d’armes de guerre à Conakry et Labé
  • Une scène de tirs en banlieue de la capitale géolocalisée par des images satellites
  • L’Union africaine et la CEDEAO silencieuses face à cette répression à huis-clos

Des récits de témoins, des images satellites et des vidéos authentifiées et analysées par Amnesty International confirment que les forces de défense et de sécurité guinéennes ont tiré à balles réelles sur des protestataires après l’élection présidentielle contestée du 18 octobre.

De nombreux morts et blessés ont été recensés lors de manifestations et d’émeutes. Des habitations et des biens ont été détruits. Internet et les liaisons téléphoniques ont été perturbés ou coupés le vendredi 23 et le samedi 24 octobre. Un site d’information est toujours suspendu. Amnesty International est préoccupée par le silence de l’Union africaine et de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) face à l’ampleur des violations des droits humains infligées aux Guinéens.

L’usage d’armes à feu doit cesser et la mort de manifestants, de passants et de responsables locaux du Front national de défense de la Constitution (FNDC) doit faire l’objet d’enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces. Si des informations laissent présumer des responsabilités pénales, les personnes concernées doivent être déférées à la justice pour des procès équitables devant des tribunaux civils.

Fabien Offner, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International.

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Guinée: «Les États-Unis condamnent les violences [ ] et appellent à la transparence dans le processus de tabulation du vote»

Dans une déclaration republiée par l’ambassade des États-Unis en Guinée, le Secrétaire d’État adjoint Tibor Nagy souligne que “les État -Unis condamnent les violences en Guinée et appellent à toutes les parties à y mettre fin immédiatement”.








À partir du 26 octobre 2020, tous les guinéens dans la rue “jusqu’au départ du dictateur Alpha Condé” [Déclaration FNDC]


Déclaration


Le FNDC appelle le Peuple de Guinée à des manifestations dans tout le pays à partir de ce lundi 26 octobre 2020 jusqu’au départ du dictateur Alpha Condé

Le FNDC a le profond regret de constater depuis quelques jours des scènes de violences dans plusieurs villes du pays causant une dizaine de pertes en vie humaine dont Boubacar Baldé et Daouda Kanté, respectivement Coordinateur de l’antenne FNDC à Sonfonia Gare 2 (Conakry) et à Pita. Tous les deux ont été tués par balles des forces de défense et de sécurité aux ordres d’Alpha Condé.

Des pillages de commerces et d’habitations ont été également orchestrés par le régime pour terroriser les populations et installer le chaos dans le pays dans le seul but de permettre à Alpha Condé de se maintenir au pouvoir au-delà de ses deux mandats légaux.

Le FNDC condamne énergiquement ces dérives dictatoriales et le déchirement du tissu social par l’exécution des nombreuses menaces « d’affrontement, de mort et de guerre» proférées par Alpha Condé contre sa propre population depuis le début de son processus de coup d’État constitutionnel.

Nous interpellons la communauté internationale à réagir face aux violations insupportables des droits humains par le régime et à prendre d’urgence des sanctions ciblées contre les auteurs et commanditaires de ces crimes.

Conformément à ses déclarations précédentes notamment celles du 25 mars 2020 et du 16 octobre 2020, le FNDC demeure fidèle à ses principes et à ses engagements d’empêcher le troisième mandat d’Alpha Condé et de ne reconnaître aucune institution illégale et illégitime issue de mascarades électorales ou de blanchiment de coup d’État civil.

C’est pourquoi, le FNDC appelle le Peuple de Guinée à des manifestations dans tout le pays à partir de ce lundi 26 octobre 2020 jusqu’au départ du dictateur Alpha Condé pour permettre une refondation totale de l’État Guinéen et le débarrasser de tout système corrompu.

Nous appelons les forces de défense et de sécurité à être républicaines en refusant d’obéir à tout ordre illégal et en se mettant du côté du Peuple.

Le FNDC invite toutes les forces vives du pays, tous les démocrates épris de paix et de justice à répondre à cet appel patriotique pour chasser du pouvoir Alpha Condé et son clan mafieux qui sont les seuls responsables du chaos qui s’installe dans notre pays.

Ensemble unis et solidaires, nous vaincrons!

Conakry, le 23 octobre 2020


Pour plus d’informations

https://www.facebook.com/frontnationalGN/posts/689556035309664




Présidentielle en Guinée: les titres de la presse internationale


Revue de presse


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LES ÉCHOS

Présidentielle sous tension en Guinée-Conakry

La Guinée, petit pays d’Afrique assis sur les principales réserves de bauxite de la planète, tient dimanche des présidentielles risquées. Le président Alpha Condé a fait amender la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat.

Capture sur le site lesechos.fr

LE JDD

Présidentielles en Guinée : le dernier combat du président Alpha Condé

A 82 ans, Alpha Condé devrait être réélu dimanche président de Guinée pour un troisième mandat, alors que l’opposition l’accuse de dérives autocratiques. 

Capture sur le site lejdd.fr

AFFARINTERNAZIONALI

Presidenziali in Guinea: Alpha Condé tenta la carta del terzo mandato

Domenica 18 ottobre si terranno le tanto attese e contestate elezioni presidenziali in Guinea. A marzo i cittadini erano stati chiamati a votare per le legislative e per il referendum sulla modifica della Costituzione proposta dal presidente uscente Alpha Condé. 

Capture sur le site affarinternazionali.it


TRT WORLD

Guinea votes in tense election as ruler seeks a third term

Capture Twitter @trtworld

ALJAZEERA

Guineans set to vote in tense presidential election

After months of unrest and divisive politics, voters in Guinea set to cast ballots to elect country’s next president.

Capture sur le site aljazeera.com

NEWS18

Guineans Vote In Tense Election As President Seeks A Third Term

Capture sur le site news18.com

LE MATIN

Les Guinéens élisent leur président

La présidentielle devrait se jouer entre le sortant Alpha Condé, 82 ans, et son adversaire de longue date, Cellou Dalein Diallo, 68 ans.

Capture sur le site lematin.ch

BBC

Guinea elections: Alpha Condé takes on Cellou Dalein Diallo again

Capture sur le site bbc.com

COURRIER INTERNATIONAL

Election. En Guinée, l’heure de dire “Non” au troisième mandat

Capture sur le site courrierinternational.com

LE MONDE

Guinée : Alpha Condé se voyait en Mandela, va-t-il finir en Mugabe ?

Le président a modifié la Constitution avant le scrutin du 18 octobre afin de pouvoir effectuer un troisième mandat, en dépit de la contestation.

Capture sur le site lemonde.fr




Guinée: Au moins 50 personnes tuées en toute impunité dans des manifestations en moins d’un an [Amnesty International]


Rapport


La répression des manifestations en Guinée, en particulier celles contre la réforme constitutionnelle permettant au président Alpha Condé de briguer un troisième mandat, a causé la mort d’au-moins 50 personnes en moins d’un an, a déclaré Amnesty International dans un nouveau rapport publié aujourd’hui, près de deux semaines avant l’élection présidentielle.

Le rapport*, Marcher et mourir : Urgence de justice pour les victimes de la répression des manifestations en Guinée documente la responsabilité des forces de défense et de sécurité, associées parfois à des groupes de contre-manifestants, dans des homicides illégaux de manifestants et de passants entre octobre 2019 et juillet 2020.

Il fait aussi état de 200 blessés, d’arrestations et détentions arbitraires et au secret d’au-moins 70 personnes pendant la même période. Par peur de représailles, plusieurs blessés par balle ont fui leur domicile. Des autorités hospitalières ont aussi refusé d’accueillir les corps de victimes tuées lors de certaines manifestations.


“Nous avons parlé à des familles meurtries qui nous ont décrit comment leurs enfants ont perdu la vie, victimes d’une balle reçue dans le dos, à la poitrine, à la tête ou au cou. Des blessés nous ont montré leurs graves séquelles au bras, genou ou pied, causées par des armes à feu, des grenades lacrymogènes ou même des véhicules des forces de sécurité.”

Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.


« Nous avons parlé à des familles meurtries qui nous ont décrit comment leurs enfants ont perdu la vie, victimes d’une balle reçue dans le dos, à la poitrine, à la tête ou au cou. Des blessés nous ont montré leurs graves séquelles au bras, genou ou pied, causées par des armes à feu, des grenades lacrymogènes ou même des véhicules des forces de sécurité, » a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

« Exercer son droit à la liberté de réunion pacifique reste toujours dangereux en Guinée, où l’impunité des violations des droits humains est demeurée la règle pendant ces dix dernières années. Des actes concrets sont attendus de la part des autorités pour que justice soit rendue aux victimes et à leurs familles. »

Basé sur des entretiens menés avec plus de 100 personnes et des analyses de documents officiels, de vidéos et de photographies, le rapport apporte la preuve que les autorités ont agi en contradiction avec les normes nationales et internationales. Les forces de défense et de sécurité ont eu recours aux armes à feu de manière illégale dans plusieurs villes du pays.

Entre octobre 2019 et février 2020, plus de 30 personnes ont ainsi perdu la vie lors de manifestations contre le projet de changement de constitution. Parmi elles, 11 ont été tuées par balles, touchées à la tête, au thorax ou à l’abdomen.


Les gendarmes ont tiré sur un des jeunes. Alpha Oumar est venu le sauver et on lui a tiré sur la jambe. Ensuite des manifestants sont venus le bastonner. Il a rendu l’âme quelques minutes après.

Un membre de la famille du conducteur de moto-taxi Alpha Oumar Diallo touché par balle le 22 mars


Le 22 mars 2020, jour du double scrutin législatif et référendaire boycotté par l’opposition, a été particulièrement meurtrier, avec au moins 12 manifestants tués dont neuf par balle. Amnesty International a reçu plusieurs témoignages et authentifié des photographies et des vidéos qui confirment l’implication de groupes de jeunes contre-manifestants aux côtés des forces de défense et de sécurité.

Conducteur de moto-taxi âgé de 18 ans, Alpha Oumar Diallo a été touché par balle le 22 mars puis tabassé à mort par des contre-manifestants à Conakry.

Un membre de sa famille a déclaré : « Les gendarmes ont tiré sur un des jeunes. Alpha Oumar est venu le sauver et on lui a tiré sur la jambe. Ensuite des manifestants sont venus le bastonner. Il a rendu l’âme quelques minutes après. »

Entre avril et juillet 2020, sept personnes ont été tuées lors de manifestations en faveur d’une meilleure desserte en électricité, et lors de protestations contre la gestion des barrages sanitaires installés dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.

Des dizaines de blessés par balle

Amnesty International a documenté des dizaines de blessés par armes à feu. Par exemple, au moins 15 personnes ont été blessées lors des marches d’octobre et de novembre 2019, dont huit par des armes à feu, selon des entretiens réalisés par l’organisation avec des victimes et des membres du corps médical.

Un maçon de 29 ans, est devenu paraplégique le 14 octobre 2019 après avoir été atteint par une balle entrée par le cou et ressortie par le dos. Il a déclaré à Amnesty International : 
« […] On marchait vers les gendarmes qui étaient protégés par des casques. L’un d’eux, camouflé, a tiré sur nous. Il a tiré sur un ami tué sur le coup, puis il a tiré sur moi. Il était caché, je ne l’ai pas vu… Je demande aux autorités de s’occuper de moi pour que je puisse retrouver la santé et que je puisse à nouveau marcher. Je ne dors pas à cause de la douleur. »

Les forces de défense et de sécurité ont parfois blessé des personnes en les heurtant avec un véhicule, ou suite à des tirs de grenades lacrymogènes. Un homme a succombé à ses blessures quelques jours après avoir été écrasé le 22 mars par un véhicule de la gendarmerie. « Il courait quand il a été heurté. Ses deux pieds et sa tête ont été écrasés. … Il a été opéré mais est mort car il avait perdu beaucoup de sang », selon un témoignage.

Des corps refusés dans des morgues

Le 22 mars, certains corps de personnes décédées durant des manifestations n’ont pas été acceptés dans des morgues des hôpitaux publics, après y avoir été transportés par des parents ou des passants.

« Des informations crédibles laissent penser que les autorités ont empêché l’accueil dans les hôpitaux de corps de victimes déplacées sans la présence d’un officier de police judiciaire, » a déclaré Samira Daoud.

« Le refoulement de ces corps par les hôpitaux publics signifie que les victimes ne figurent pas dans le bilan des morts du gouvernement. En conséquence, les familles n’ont pas obtenu de certificat de décès et il n’y a pas eu d’autopsie facilitant l’ouverture d’une enquête judiciaire. »

La quasi-totalité des enquêtes restées sans suite

Les autorités ont fréquemment annoncé l’ouverture d’enquêtes sur les cas de personnes tuées lors de manifestations. Mais elles sont restées sans suite pour la quasi-totalité d’entre elles, bafouant ainsi le droit à la justice des victimes de violations de droits humains ou de leurs familles.

Des menaces, la peur de subir des représailles et l’absence de confiance dans la justice ont conduit des victimes ou leurs proches à se cacher et à ne pas porter plainte. Parmi les familles des 12 personnes tuées les 21 et 22 mars, une seule a déclaré à Amnesty International avoir porté plainte.

Interdiction des manifestations

Le rapport met également en relief les nombreuses atteintes au droit à la liberté de réunion pacifique. Par exemple, au moins 10 interdictions de manifester contre le projet de changement de constitution ont été recensées en quatre mois dans le pays.

Les motifs invoqués par les autorités sont restés plus vagues les uns que les autres, et contraires au droit international. À Kindia par exemple, en novembre 2019, les autorités ont interdit une manifestation parce que : « le lundi est le premier jour de la semaine, jour où l’Administration tout entière commence le travail, jour où les élèves, étudiants doivent aller en classe, et la population qui doit aussi vaquer à ses occupations quotidiennes. »

Soixante-dix personnes ont été arrêtées et détenues arbitrairement pour avoir protesté notamment contre le projet de réforme constitutionnelle. Plusieurs d’entre elles ont raconté à Amnesty International le traitement inhumain ou dégradant subi durant leur détention.
Des membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) dont deux femmes qui ont tenté de dissuader des électeurs d’aller voter ont été arrêtés le 22 mars 2020 dans la région de Boké par certains habitants qui les ont tabassés. Conduites en détention par la gendarmerie, les deux femmes ont été menacées de viol, selon leur récit.

L’activiste Abdoulaye Oumou Sow, qui a été arrêté le 11 octobre 2019, a été détenu dans une « cellule noire » de 17 h jusqu’au lendemain à 13 h. Il raconte à Amnesty International :
« […] J’ai demandé qu’on me sorte la bouteille remplie d’urine pour me permettre de mieux respirer, mais malheureusement les agents ont refusé, et pire ils m’ont dit de la boire au cas où j’aurais envie de me désaltérer. »


Quiconque sera élu à l’issue de l’élection présidentielle du 18 octobre prochain sera tenu de garantir que des enquêtes et poursuites soient menées sur toutes ces violations, et que les personnes suspectées soient traduites devant les tribunaux compétents.

Samira Daoud


« Ces comportements de l’armée violent les lois internationales contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. À ce rythme, il est fort à craindre que l’impunité favorise la répétition de ces violations et la défiance envers les institutions, » a déclaré Samira Daoud.

« Quiconque sera élu à l’issue de l’élection présidentielle du 18 octobre prochain sera tenu de garantir que des enquêtes et poursuites soient menées sur toutes ces violations, et que les personnes suspectées soient traduites devant les tribunaux compétents. »


Cet article est republié à partir de amnesty.org. Lire l’original ici


*Lire le rapport: Marcher et mourir : Urgence de justice pour les victimes de la répression des manifestations en Guinée





“Refusons toute idée de troisième mandat où que ce soit en Afrique!” trois écrivains africains dénoncent


« Halte à la présidence à vie »


Le projet d’Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat est un très mauvais signal pour l’avenir de la démocratie en Afrique. Le président ivoirien renie sa déclaration du 15 Mars dernier dans laquelle il promettait de se retirer du pouvoir et tord ainsi la Constitution de son pays uniquement pour convenance personnelle. Les interprétations vont bon train et les juristes de tous bords se contredisent sur ce point, jetant un désarroi sans précédent dans les rangs des démocrates. Pourtant la manœuvre est claire, qui consiste à tripatouiller la charte fondamentale pour se maintenir au pouvoir soit par un plébiscite direct par la voie référendaire ou déguisé en passant par un parlement bâillonné, apeuré et aux ordres. Ces modifications constitutionnelles à répétitions sont une forfaiture et leurs auteurs des prédateurs et des usurpateurs. La messe semble donc dite dès l’instant où la constitution est bafouée, et la ligne rouge tracée par les Conférences nationales des années 90, clairement franchie. Le pire est à craindre. Ce pire a un nom. Il s’appelle parti unique, assemblée monocolore, présidence à vie. Nous en connaissons tous les méfaits. Alors, dès maintenant, exprimons haut et fort notre réprobation. Refusons toute idée de troisième mandat où que ce soit en Afrique ! On se souvient que Nelson Mandela, après tous les sacrifices consentis à son peuple avait promis de ne faire qu’un seul mandat et il s’y est tenu malgré les fortes pressions exercées sur lui par son parti et par des conseillers sans scrupules.


Refusons toute idée de troisième mandat où que ce soit en Afrique !


Il est clair que la nouvelle tentative d’usurpation et de confiscation du pouvoir à Abidjan fera des émules si elle réussit. Alpha Condé qui ne se sent plus seul dans son désir de se succéder à lui-même par, faisant siennes les idées fumeuses d’une dévolution divine du pouvoir, idées attentatoires à la souveraineté du peuple, s’est évidemment dépêché d’adresser un chaleureux message de félicitations à son collègue ivoirien. A Niamey, le président Youssoufou doit se demander s’il ne serait pas mieux de faire comme les autres. Quant à Paul Biya et le Maréchal Idriss Deby, ils se sont essuyés les pieds sur leurs propres constitutions. Pendant que Joseph Kabila ruse, à la mode russe, avec la loi suprême à Kinshasa, à Dakar, la tentation sera désormais grande pour Macky Sall de suivre la voie de la manipulation constitutionnelle érigée en moyen monopolistique du pouvoir.

Non au retour du pouvoir illimité que ce soit par les tanks ou par un jeu d’écriture ! Nous devons agir avant qu’il ne soit trop tard. L’inacceptable candidature de Ouattara nous interpelle tous. Il est important que l’opinion africaine et internationale en mesurent la gravité et réagissent de concert pour que la démocratie en Afrique ne devienne pas une imposture mais une réalité tangible fondée non plus sur le bon vouloir des individus, mais sur la prééminence de la loi et sur le caractère sacré de la Constitution.

La Cedeao, l’Union africaine et l’Organisation Internationale de la Francophonie ont sanctionné le Mali après le coup d’Etat militaire. Mais alors pourquoi ferment-elles les yeux sur le putsch constitutionnel en cours à Abidjan et à Conakry ? Ces institutions veulent- elles nous faire croire que le coup de force des lettrés est plus convenable que celui des gradés ? Cette attitude ambigüe est hautement dommageable au processus démocratique amorcé au début des années 90. La Communauté Internationale risque de briser tout approfondissement concourant à établir une véritable et durable démocratie en Afrique : une démocratie fondée sur des élections libres et transparentes, une démocratie où l’alternance s’effectue sans heurts dans le strict respect des règles établies.


La Cedeao, l’Union africaine et l’Organisation Internationale de la Francophonie ont sanctionné le Mali après le coup d’Etat militaire. Mais alors pourquoi ferment-elles les yeux sur le putsch constitutionnel en cours à Abidjan et à Conakry ?


C’est le moment de mettre en garde les soi-disant comités d’experts censés plancher sur les réformes constitutionnelles et qui se laissent si facilement convaincre ou amadouer. On en veut pour preuve la disparition de la limite d’âge dans la nouvelle constitution ivoirienne qui permet à Henri Konan Bédié, âgé de 86 ans, d’être candidat à la présidentielle. Dans quel abîme sommes-nous donc projetés ? Dans le déni de démocratie et dans la ruine de tout avenir pour les jeunes sacrifiés dans des nations africaines anesthésiées par une oligarchie sans contrepoids, sans âme ni contradicteurs.

Si l’on n’y prend garde, bientôt, les présidents ne se contenteront plus de modifier les Constitutions, ils vont faire du non droit, ou plutôt de la non-alternance politique l’ordinaire de vie publique et transformeront, de fait, la présidence de l’Etat en pré-mausolée, où ne siègent plus les sages, mais les fossoyeurs des peuples.

Faisons en sorte de ne pas en n’arriver là !

SIGNATAIRES

  1. Tierno Monénembo, écrivain (Guinée)
  2. Véronique Tadjo, écrivaine (Côte-d’Ivoire)
  3. Eugène Ebodé, écrivain (Cameroun)






Élection du 18 octobre: les mises en garde de Tierno Monénembo à Cellou Dalein


Politique


Faut-il oui ou non aller à l’élection présidentielle du 18 octobre prochain ? En d’autres mots, pourquoi poser une question qui ne se pose pas ?

À juste titre, le FNDC dans toutes ses composantes a contesté la tenue et des législatives et du référendum bidon que le pouvoir a organisé pour berner le peuple et s’installer à vie. De facto, elle ne reconnaît pas la Constitution qui en est sortie, un chiffon de papier honteusement falsifié, qui plus est.

Je vous le demande, bonnes gens, comment peut-on participer à une élection dont on conteste la base juridique ? Il est superflu de poser cette question et absolument inconséquent d’y répondre. En ce sens, la réunion que projette l’UFDG pour décider de son attitude lors du prochain scrutin frise l’inconscience.


Comment peut-on participer à une élection dont on conteste la base juridique ?


Elle n’a pas lieu d’être !

Il va de soi qu’une éventuelle candidature de Cellou Dalein Diallo serait un très mauvais signal pour l’avenir de la démocratie en Guinée. Elle menacerait la cohésion de l’opposition (et peut-être même sa survie) et jetterait, un désarroi sans précédent dans les rangs de ses militants et sympathisants. On voit d’ici le champ de ruines que deviendrait le camp démocratique si jamais ce choix absurde était entériné : le FNDC tomberait en quenouille, les partis politiques dans la zizanie et la société civile ma foi, dans le trou profond de la léthargie où elle a si longtemps végété. Oui, ce serait du pain béni pour Alpha Condé !

Sa Constitution serait ainsi adoubée et sa candidature parfaitement légitimée. L’UFDG n’aurait plus aucune raison (mais alors aucune) pour contester son pouvoir tyrannique, et sa légalité douteuse. Elle ne serait plus la grande UFDG qu’on a connue, le porte-flambeau de toutes les luttes héroïques menées dans ce pays, ces dix dernières années. Elle ne serait plus qu’une carpette sur laquelle le fama Alpha Condé viendrait s’essuyer les pieds. Ce ne seraient pas des verges pour se faire fouetter que sa direction offrirait au pouvoir mais des bombes pour se faire anéantir.

Comment, mon dieu, appeler ce soldat qui à l’approche de la victoire, retourne son arme contre lui pour se faire exploser la cervelle. Un gamin, un suicidaire, un psychopathe ? Peut-être tous ces trois qualificatifs en même temps.

Mais bon, sortons de notre colère, de notre ressentiment. Après tout, ces messieurs de l’UFDG sont des hommes politiques, c’est-à-dire de bons calculateurs, des gens qui savent discerner. Des esprits lucides qui distinguent du premier coup, la cendre de la farine, le miel du ricin, le sûr et certain de l’à-peu-près. Alors, posons la question cynique qui s’impose : qu’auraient-ils à gagner dans cette aventure ? L’argent, le pouvoir, la renommée ? Rien de tout cela :

Avec Alpha Condé, l’élection est gagnée avant même le scrutin, ils le savent mieux que moi. Ils y auraient tout à perdre et pas seulement leur âme ; ils n’y laisseraient pas que des plumes, ils y laisseraient aussi l’ergot et la tête, le gésier et l’intestin. Ils y laisseraient tout, surtout l’honneur et la crédibilité.

Pour atténuer la grosse déprime qui me gagne, je me dis que rien n’est joué pour l’instant, qu’à la dernière minute, une bonne âme ferait le geste qui sauve, quelqu’un de lucide, quelqu’un de raisonnable, ferait ce qu’il faut pour empêcher l’UFDG de plonger dans le vide.

En tout cas, pour ma part, c’est clair : je me démarquerai aussitôt de toute force politique qui aurait la sottise d’aller à cette mascarade électorale digne de Sékou Touré et de Bokassa, de Mobutu et d’Amin Dada.

Tierno Monénembo


Cet article est republié à partir de lelynx.net.





Guinée: la chasse aux opposants et aux activistes des droits humains doit cesser [FIDH]


Nos organisations appellent à l’arrêt des violences policières ayant entraîné des pertes en vie humaines, des atteintes à l’intégrité physique et des dégâts matériels. Nous condamnons les violences enregistrées le 12 mai 2020 à Coyah, Dubréka et Kamsar, et nous exigeons l’ouverture immédiate d’une information judiciaire qui permettra de faire la lumière sur les violences commises dans ces localités. Enfin, nous appelons les autorités à mettre fin aux arrestations arbitraires et à la libération sans condition de toutes les personnes arbitrairement détenus pour avoir exprimer leurs opinions.

Au moment où l’Humanité est préoccupée par la pandémie du coronavirus qui a fait près de 300 000 morts à travers le monde, les autorités guinéennes mettent à profit cette crise sanitaire pour engager une chasse contre les opposants à la nouvelle Constitution, qui permet désormais au Président Alpha CONDE de briguer deux mandats de plus. Cette chasse se traduit par des arrestations et détentions arbitraires, des enlèvements, du harcèlement judiciaire et des actes d’intimidation contre les défenseur.es des droits humains.

Après Fassou GOUMOU, Bella BAH, Ibrahima DIALLO, Sékou KOUNDOUNO et Oumar SYLLA, alias foniké Mangué, tous membres du Front National pour la défense de la Constitution (FNDC), c’est au tour de Saikou Yaya DIALLO, Directeur Exécutif de l’ONG, le Centre de promotion et de protection des droits humains ( CPDH) d’avoir des ennuis avec la Justice.

Arrêté le jeudi 07 mai 2020 vers 11 h à Hamdallaye Concasseur, dans la Commune de Ratoma par des civils cagoulés à bord d’une voiture blanche de marque DUSTER, Saïkou Yaya a été conduit à la DCPJ dans un premier temps avant d’être conduit vers une destination inconnue le vendredi puis ramené à la DCPJ le surlendemain, samedi. Le mardi 12 mai 2020, il a été inculpé, par le tribunal de première instance de Dixinn, pour violences, menaces, voies de faits et injures publiques et placé sous mandat de dépôt à la Maison Centrale de Conakry. Souffrant de diabète, il n’a pas eu accès à ses médicaments durant toute la période de sa détention à la DCPJ. Une situation qui inquiète ses proches.

Ce nouveau mode opératoire des forces de sécurité viole les règles de procédure pénale et vise à museler les défenseur.es des droits humains. Il révèle la volonté manifeste des autorités guinéennes de restreindre l’espace des libertés fondamentales et de violer les principaux instruments juridiques internationaux et régionaux auxquels la république de Guinée a souscrit librement.

Nos organisations et associations réclament la libération immédiate et sans condition de Saikou Yaya DIALLO ainsi que tous les défenseur.es des droits humains, notamment Oumar Sylla, alias foniké Mangué et Fassou Goumou et autres, détenus pour avoir exercé leur droit à la libre opinion et à la défense des principes démocratiques.


fidh





L’heure est grave pour la Guinée [Centre d’études stratégiques de l’Afrique]


Faisant fi des manifestations de masse, des mises en garde des responsables de la CEDEAO et des critiques internationales, le président Alpha Condé a imposé la tenue d’un référendum constitutionnel en Guinée le 22 mars. Le référendum, ainsi que les élections législatives, ont été boycottés par l’opposition qui les juge illégitimes du fait qu’ils ont été autorisés uniquement par le président de l’Assemblée nationale, un allié de Condé, mais non par le Parlement, comme l’exige la Constitution. Au moins 32 manifestants ont été tués par les forces de police avant la tenue du vote. Arguant du non-respect manifeste des règles électorales et de la validité douteuse des listes électorales, les observateurs électoraux internationaux ont refusé d’y prendre part.

Au cœur de la controverse, la demande du président de 82 ans de supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels qui aurait dû mettre fin à son « règne » au mois d’octobre, après 10 ans d’exercice du pouvoir, et permettre à la Guinée de connaître enfin sa toute première succession dans le respect des règles démocratiques. En vertu de la nouvelle Constitution, Alpha Condé pourrait prétendre rester en fonction pendant encore 12 ans. Le pays ayant enduré pendant 50 ans despotisme et abus de pouvoir avant d’entamer sa transition démocratique en 2010, la question de la limitation du nombre de mandats présidentiels revêt une importance particulière pour la plupart des Guinéens. Cette longue période de mauvaise gouvernance vaut aujourd’hui à la Guinée d’être l’un des pays les plus pauvres d’Afrique.

L’heure est grave pour la Guinée. En effet, l’expérience montre que les chefs d’État africains qui sont restés au pouvoir pendant plus de 10 ans ont accumulé les actes de répression et de corruption et généré instabilité financière, sous-développement et conflits dans le pays. Le régime de Condé a été marqué par un autoritarisme grandissant, qui s’est traduit par le remplacement du responsable de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le limogeage du président de la Cour constitutionnelle et la destitution forcée du Ministre de la justice (hostile à ces changements constitutionnels), mais aussi par la mise sous contrôle des médias et l’arrestation de représentants de l’opposition.

Le non-respect des règles de cumul des mandats et le recul démocratique en Guinée constituent un défi pour la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui s’efforce d’instituer des contrepouvoirs et d’obliger à rendre des comptes comme l’exige toute démocratie. Ces efforts s’attaquent à la tendance antidémocratique récente observée dans les 15 États membres de l’organisation. La Cour de justice de la CEDEAO est d’ailleurs actuellement saisie d’une affaire dans laquelle une coalition de l’opposition allègue la violation par le gouvernement Condé de droits de l’homme et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

Cette régression de la Guinée vers un pouvoir de type autoritaire est source d’instabilité politique et de difficultés économiques dans ce pays de 12 millions d’habitants dont les ressources minérales n’ont pas prémuni contre la pauvreté. Les implications pourraient être graves dans les pays voisins qui seront directement affectés par cette instabilité.

Crédibilité et pluralisme, les grands absents du processus

Selon les organisations non gouvernementales de Guinée, de nombreux citoyens ont suivi l’appel au boycott du référendum lancé par l’opposition, le taux de participation n’ayant pas dépassé les 30 % en province, pour tomber à moins de 15 % dans la capitale, Conakry, alors que ce taux atteignait par le passé 75 % au niveau national. Le jour du référendum, les médias et les réseaux sociaux ont indiqué que le nombre de bulletins « non » était insuffisant dans certains bureaux de vote. D’autres se sont vu confisquer leur carte électorale et ont dû attendre à l’extérieur pendant qu’un autre votait pour eux. D’autres encore ont signalé avoir été contraints de voter « oui ». Au moins 12 morts sont à déplorer, et des dizaines de personnes ont été arrêtées, notamment des représentants de l’opposition. En Guinée forestière, un conflit autour du vote a suscité des violences entre groupes religieux menant à l’incendie de plusieurs églises et mosquées faisant plus de 15 morts. Par ailleurs, les forces de l’ordre auraient confisqué des urnes afin de procéder elles-mêmes au dépouillement du scrutin. Selon les déclarations officielles du gouvernement, le référendum aurait été adopté à 89 % des voix, avec une participation de 58 %.

Avant le vote, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et la CEDEAO ont conclu à la participation au scrutin de plus de 2,5 millions d’« électeurs fantômes ». Lorsqu’Alpha Condé a consenti à un report symbolique de deux semaines pour corriger le problème, les observateurs internationaux de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’UE ont annoncé leur retrait.

Les irrégularités du processus électoral sont venues se greffer sur une série de mesures qui ont mené au référendum en l’absence de crédibilité et de soutien populaire. Alpha Condé s’était attelé pendant des années à transformer les institutions chargées d’organiser le vote et de valider les résultats, notamment la CENI et la Cour constitutionnelle. À la veille du référendum, trois des propres ministres de Condé, le Ministre de la justice Cheik Sako, le Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Abdoulaye Yero Baldé et le Ministre de la citoyenneté Gassama Diaby avaient même démissionné pour protester contre son projet d’adoption d’une nouvelle Constitution.

Après le référendum, les principaux acteurs internationaux, dont la CEDEAO, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), les États-Unis, la France et l’Union européenne, ont exprimé d’une même voix leurs inquiétudes quant à la crédibilité du processus et son caractère pluriel. D’autres pays dépourvus de traditions démocratiques comme la Chine, la Russie et la Turquie se sont par contre empressés de féliciter le président.

La nouvelle Constitution comme outil de consolidation du pouvoir

La nouvelle Constitution, qui est entrée en vigueur le 7 avril, comporte plusieurs dispositions de nature à affaiblir les contre-pouvoirs démocratiques en Guinée. Elle porte d’abord la durée du mandat présidentiel de 5 à 6 ans et révise les limites de cumul des mandats, permettant ainsi à Condé de briguer un troisième mandat.

Elle modifie ensuite la structure de la Cour constitutionnelle afin d’accroître le contrôle du président sur cette institution cruciale. Le nombre de juges nommés par le président passe notamment de un à trois (sur un total de neuf). Par ailleurs, la responsabilité de désigner le président de cette Cour n’incombe plus à ses membres mais au chef de l’État. Le président de l’Assemblée nationale (un allié de Condé) ayant également la faculté de désigner deux juges, Condé peut ainsi choisir jusqu’à cinq des neuf juges qui composent la Cour.

La nouvelle Constitution supprime également plusieurs articles clés en matière de responsabilité. Selon certains des de l’ancienne Constitution, la corruption, la criminalité financière et les atteintes aux droits de l’homme échappaient à la prescription. Ainsi, si les présidents étaient couverts par une immunité pendant leur mandat, ils pouvaient dès la fin de celui-ci être poursuivis pour abus de pouvoir. Cette disposition est désormais supprimée. De la même manière, un article qui garantissait aux citoyens un droit de recours en cas d’atteintes aux droits de l’homme commises par des membres du gouvernement a également été retirée. La nouvelle Constitution élargit donc en substance le champ de l’impunité.

Elle accroît également le pouvoir exécutif au détriment du pouvoir législatif. L’ensemble des nouvelles lois doivent ainsi être promulguées par le Président, lui donnant de fait un droit de véto face à l’Assemblée. La seule possibilité serait pour le président de l’Assemblée nationale de saisir la Cour constitutionnelle afin de permettre l’adoption d’une loi en l’absence de promulgation du Président. Cette option a toutefois peu de chance de s’appliquer en pratique. En effet, le parti RPG de Condé détenant 79 des 116 sièges du Parlement après les élections boycottées qui ont été couplées au référendum, il est peu probable que des lois auxquelles Condé est opposé voient le jour, compromettant ainsi l’indépendance du pouvoir législatif. La nouvelle Constitution supprime également des dispositions qui interdisaient au Président de dissoudre le Parlement plus d’une fois au cours d’un même mandat présidentiel ou après la troisième année de la législature. Par ailleurs, elle supprime une autre disposition qui contraignait le Président à démissionner si, après que le Parlement a été dissous par suite d’un désaccord sur une question, son parti ne parvenait pas à rallier une majorité dans le cadre des nouvelles élections.

Autre point non négligeable, la nouvelle Constitution supprime les articles 141 à 145 du titre XV de la Constitution de 2010 qui concernent la finalité et le rôle du secteur de la sécurité. Outre qu’ils interdisaient les milices privées, ces articles stipulaient que :

« Les forces de défense et de sécurité sont républicaines. Elles sont au service de la Nation. Elles sont apolitiques et soumises à l’autorité civile. Nul ne doit les détourner à ses fins propres. Les forces de défense sont chargées de la défense du territoire national. Les forces de sécurité sont chargées de la protection civile, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes et de leurs biens et du maintien de l’ordre public ».

La suppression de ce libellé est des plus problématiques car la Guinée souffre depuis longtemps de la politisation et du manque de responsabilité des acteurs de la sécurité, situation qu’Alpha Condé a fait perdurer en se servant des forces de sécurité comme d’un instrument pour écraser la dissidence. La suppression de ces clauses de responsabilité rend moins probable encore la tenue du procès longtemps reporté des forces responsables du massacre du stade de Conakry en 2009. Cet incident, où plus de 150 manifestants furent tués et de nombreuses femmes et jeunes filles violées, reste un symbole d’impunité qui suscite beaucoup d’émotion. Ces nouvelles conditions auront pour effet de mettre en échec les efforts de réforme du secteur de la sécurité et ne feront que creuser le faible niveau de confiance des citoyens guinéens à l’égard des acteurs de la sécurité, qui atteint selon les sondages 41 % pour la police et 52 % pour les forces armées. La suppression de cette clause est une manière pour Condé de s’assurer la loyauté des acteurs de la sécurité au détriment des citoyens ou de l’État.

Solidité de l’opposition et de la société civile

Le fait de redéfinir les limites applicables au cumul des mandats et d’accroître les prérogatives présidentielles est contraire aux vœux de la population guinéenne, dont 82 % se sont prononcés, dans un sondage d’Afrobaromètre, en faveur d’une limitation à deux mandats. La société civile et l’opposition politique guinéennes ont fait preuve d’une vigueur et d’un leadership remarquables dans la lutte contre la mise en œuvre du projet de Condé et ce, malgré la brièveté de l’expérience démocratique dans le pays. L’opposition a commencé à organiser des manifestations publiques et pacifiques dès mars 2018, alors que Condé tentait pour la première fois de remplacer le président alors en place de la Cour constitutionnelle, Kéléfa Sall, qui avait publiquement dissuadé le président de modifier la Constitution. Les forces de sécurité ont systématiquement répondu par une violence meurtrière : les groupes de défense des droits de l’homme évaluent à plus de 100 le nombre de personnes tuées depuis le début des manifestations.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une coalition réunissant des partis politiques de l’opposition et des organisations non gouvernementales, a orchestré l’opposition au projet de Condé en dépit de l’interdiction faite à ses responsables de participer à des manifestations (contrôle des forces de sécurité autour de leur domicile) et des détentions arbitraires dont ils font l’objet. La presse a également montré une certaine résistance, malgré les arrestations de journalistes et les mesures de suspension et d’interdiction qui la frappent.

À l’approche du référendum, le FNDC a saisi la Cour de justice de la CEDEAO en guise de recours. Dans le cadre de cette saisine, le FNDC a allégué que toute modification de la Constitution entraînerait une violation de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, mais aussi du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. Le FNDC soutient également que la Guinée a porté atteinte aux droits de l’homme de ses citoyens en réprimant avec violence les manifestations, ce qui constitue une nouvelle violation des chartes de l’UA et de la CEDEAO. La Cour de justice de la CEDEAO doit se prononcer sur l’affaire le 30 avril.

La voie à suivre

Condé, premier dirigeant démocratiquement élu de Guinée, semble vouloir poursuivre l’exercice de son pouvoir après son second mandat, alors même que sa façon de l’exercer se teinte de plus en plus d’autoritarisme. Son mode opératoire a déçu les citoyens qui espéraient que le pays tournerait enfin la page de son passé autoritaire.

Malgré l’opposition suscitée par l’adoption d’une nouvelle Constitution, Condé a réussi à porter un coup aux contrepoids démocratiques en Guinée. L’histoire des transitions démocratiques est toutefois marquée par une succession de périodes de progrès et de reculs, avant que la reprise ne se fasse vers de nouveaux progrès. Les aspirations démocratiques de la Guinée ne sont par conséquent pas déplacées. La clé des progrès futurs réside dans la persévérance des réformateurs de Guinée et dans le soutien des acteurs locaux et internationaux.

Les Guinéens ont fait la preuve de leur volonté constante de défendre les valeurs démocratiques par des moyens pacifiques et légaux. Il s’agit de protéger les droits qui doivent être les leurs dans une démocratie digne de ce nom. Cet engagement remonte directement au temps de l’opposition au régime de Dadis Camara, auteur d’un coup d’État, durant lequel a eu lieu le « massacre du stade » de 2009. L’une des priorités essentielles pour aller de l’avant sera par conséquent de donner à la société civile et aux réformateurs démocratiques l’espace nécessaire pour exprimer leur volonté de changement, mais aussi de s’atteler à rechercher des solutions en faveur d’un véritable dialogue politique national. Il conviendra notamment de libérer l’ensemble des opposants politiques emprisonnés pour cause d’opposition au gouvernement ou d’organisation de manifestations.

La réforme du secteur de la sécurité en Guinée doit être l’autre priorité. Le processus de dialogue politique est mis à mal lorsque des dirigeants s’appuient sur les acteurs de la sécurité pour favoriser leurs intérêts politiques. Le respect l’État de droit et des droits de l’homme est par ailleurs indispensable à la stabilité et au développement économique. Selon les groupes de défense des droits de l’homme, les violences commises par l’armée et la police contre les chefs de l’opposition et les manifestants n’ont pas cessé. Il incombe par conséquent aux partenaires locaux et internationaux d’accentuer leurs efforts pour que les institutions chargées de la sécurité en Guinée améliorent leur connaissance des règles de professionnalisme applicables à l’armée sur son territoire ainsi que du rôle qu’elles jouent dans la sécurité des citoyens.

La CEDEAO a un rôle décisif à jouer à deux égards : maintenir la Guinée sur les rails de la démocratie et institutionnaliser le processus de succession politique afin d’apporter une stabilité au plan local. Le protocole de la CEDEAO de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance fournit un certain nombre d’options que l’entité régionale peut exercer lorsqu’un État porte atteinte aux éléments inhérents à toute démocratie. Elle pourrait d’abord organiser des échanges à un haut niveau avec Condé afin de le persuader de renoncer à ses fonctions en vue d’une transition dans la dignité. Une délégation de chefs d’État avait prévu une visite avant le référendum, une initiative annulée à la dernière minute après que Condé a indiqué qu’il se refuserait à les recevoir. En l’absence d’efforts de la part de la Guinée pour nouer de bonne foi un dialogue avec ses voisins, la CEDEAO pourrait interdire les voyages et geler les actifs des dirigeants guinéens, leur retirer les droits de vote ou exclure temporairement la Guinée de cet organe régional. La CEDEAO avait déjà procédé ainsi lors de crises précédentes, notamment en Gambie, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Les exemples des présidents Mahamadou Issoufou au Niger et Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, qui quitteront tous deux leurs fonctions cette année au terme de leur second mandat, donneront à la CEDEAO des moyens de pression accrus sur cette question.

Les acteurs démocratiques internationaux doivent également concourir au dialogue national et aux efforts diplomatiques de la CEDEAO. Leur intervention permettra d’opérer une transition sans heurt et de faire respecter les normes démocratiques en Guinée. Elle pourrait aussi favoriser l’engagement diplomatique, le retrait de certaines aides financières mais aussi des sanctions ciblées. Les organes bilatéraux et multilatéraux qui œuvrent en faveur de la démocratie, parmi lesquels l’OIF et la Communauté des démocraties, devraient également envisager de retirer à la Guinée sa qualité de membre et de ne pas reconnaître la validité du référendum ou des élections législatives.

Il est difficile de rompre avec cet héritage d’un pouvoir présidentiel incontrôlé en Guinée. Le pays est maintenant à la croisée des chemins et se doit de faire un choix parmi différentes conceptions de l’avenir. En orchestrant l’adoption d’une nouvelle Constitution, Condé cherche bien évidemment à consolider son propre pouvoir présidentiel. Les citoyens quant à eux aspirent à une gouvernance démocratique où règne la séparation des pouvoirs. La capacité de résistance des réformateurs nationaux et le soutien qu’ils recevront des acteurs locaux et internationaux dicteront la vision qui prévaudra à l’avenir.


Cet article a été initialement publié sur le site africacenter.org (4 mai 2020) sous le titre “Désamorcer la crise politique en Guinée”


Le Centre d’études stratégiques de l’Afrique est un organisme du Département de la défense des États-Unis, créé et financé par le Congrès américain, pour l’étude des problèmes de sécurité se rapportant à l’Afrique et sert de forum de recherche bilatérale et multilatérale, de communications, d’échange d’idées et de formations ouvert aux civils comme aux militaires.





CPI: signalement de faits susceptibles de revêtir la qualification de crimes contre l’humanité en Guinée [Cabinet Bourdon & Associés]


En qualité de Conseils des membres du FNDC, Maîtres William BOURDON (Avocat associé fondateur, inscrit au Barreau de Paris depuis 1980) et Vincent BRENGARTH (Avocat collaborateur, inscrit au barreau de Paris depuis 2015) du Cabinet Bourdon & Associés, écrivent à Madame le Procureur de la Cour pénale internationale pour attirer son attention « sur la situation extrêmement préoccupante dans laquelle se trouve la République de Guinée à l’approche de l’élection présidentielle de 2020 en application de l’article 15 du Statut de Rome. »


En menant une répression violente contre l’opposition politique, le gouvernement du Président Alpha CONDE s’est en effet rendu coupable de violations graves et répétées de droits fondamentaux d’une partie de la population.

Extrait de la lettre du Cabinet Bourdin & Associés adressée à la Madame la Procureur de la CPI


Madame le Procureur,

Nous avons l’honneur de vous écrire en qualité de Conseils des membres du FRONT NATIONAL DE DEFENSE DE LA CONSTITUTION («FNDC»), mouvement citoyen créée le 3 avril 2019 et réunissant les principaux partis d’opposition, des organisations de la société civile et des syndicats, qui compte parmi ses membres M. Adourahamane SANO, M. Sékou KOUNDOUNO, M. Ibrahima DIALLO, M. Abdoul Kabélé CAMARA.

Ce Front a notamment pour objectif de dénoncer toutes les formes de violation de la Constitution, des lois de la République et d’œuvrer à la réunion de conditions idoines pour l’organisation d’élections transparentes, libres et justes.

Par la présente, nous souhaitons attirer votre attention sur la situation extrêmement préoccupante dans laquelle se trouve la République de Guinée à l’approche de l’élection présidentielle de 2020 en application de l’article 15 du Statut de Rome.

En menant une répression violente contre l’opposition politique, le gouvernement du Président Alpha CONDE s’est en effet rendu coupable de violations graves et répétées de droits fondamentaux d’une partie de la population.

Ces persécutions, qui visent tout particulièrement le FRONT NATIONAL DE DEFENSE DE LA CONSTITUTION et ses partisans, sont fondées sur des considérations politiques et ethniques, qui semblent justifier la qualification de crimes contre l’humanité.

Alors que cette répression s’accentue depuis quelques mois, la communauté internationale s’inquiète de voir le pays sombrer à nouveau dans une spirale de violences, susceptible de mener à des crimes encore plus dramatiques, à l’image des faits commis par la junte militaire le 28 septembre 2009, dont vous êtes déjà saisie.

Dans ce contexte alarmant, nous vous prions de bien vouloir donner à la présente toutes les suites qui vous sembleront opportunes, et notamment de diligenter, si les conditions vous semblent réunies–ce qui nous semble être le cas–, un examen préliminaire sur les faits dénoncés.

Bien entendu, l’ensemble des membres du FRONT NATIONAL DE DEFENSE DE LA CONSTITUTION se tient à votre disposition, le cas échéant, pour vous apporter tous documents ou informations que vous jugeriez utiles à la manifestation de la vérité en plus des développements ci-après contenus.


Lisez l’intégralité du document de 51 pages






Guinée: HRW rappelle que les restrictions pour raisons de santé publique ne doivent être ni arbitraires ni discriminatoires


En Guinée, les autorités ont harcelé, intimidé et procédé à l’arrestation arbitraire de membres et partisans de l’opposition au cours des dernières semaines, dans une atmosphère d’insécurité liée aux restrictions imposées dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

Le 27 mars 2020, le président guinéen Alpha Condé a décrété l’état d’urgence dans le pays et annoncé une série de mesures pour freiner la propagation de Covid-19, notamment la fermeture des frontières, l’interdiction des grands rassemblements, la fermeture des établissements scolaires et la restriction des déplacements à l’extérieur de Conakry, la capitale. Trois jours plus tard, un couvre-feu a été imposé de 21 heures à 5 heures et, le 13 avril, le port des masques de protection a été rendu obligatoire et l’état d’urgence a été prolongé jusqu’au 15 mai.

« Face au coronavirus, la confiance des Guinéens dans leur gouvernement doit être renforcée pour que soit respectée la distanciation sociale et d’autres comportements-barrières », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Dans un pays doté d’un faible système de santé, des leçons devraient être tirées de l’expérience d’Ebola, en impliquant et en gagnant la confiance des communautés locales. »

Au 29 avril, 1 240 cas de Covid-19 et sept décès avaient été confirmés par les autorités sanitaires, la majorité à Conakry. Le nombre d’infections est en hausse constante depuis que le premier cas a été recensé le 13 mars, mais compte tenu des capacités limitées de dépistage, il est probablement plus élevé. La Guinée ne dispose que de quatre laboratoires d’analyse compétents pour dépister le coronavirus, dont trois à sont situés à Conakry.

Entre le 26 mars et le 26 avril, Human Rights Watch s’est entretenu avec 15 victimes, membres des familles des victimes et témoins, ainsi qu’avec 15 agents de santé, journalistes, avocats, membres de l’opposition politique et activistes. Nos conclusions ont été transmises par e-mail le 23 avril à Albert Damatang Camara, ministre de la sécurité et de la protection civile, qui n’a pas répondu aux questions spécifiques qui lui ont été adressées.

La Guinée ne s’est remise que récemment de l’épidémie d’Ebola, qui a touché plus de 3 800 personnes et fait plus de 2 500 morts avant que l’éradication de ce virus ne soit annoncée en juin 2016. Le système de santé guinéen n’est pas en mesure de faire face à un déluge de cas de Covid-19, une situation qui rend le suivi des directives de distanciation sociale d’autant plus importantes, a observé Human Rights Watch. Cependant, les forces de sécurité, qui se livrent à des abus sur la population civile, appliquent les mesures d’urgence en vigueur d’une manière qui fragilise la confiance de l’opinion publique dans les autorités.

Des membres de l’opposition et des représentants d’organisations non gouvernementales ont exprimé leurs craintes que le gouvernement instrumentalise la crise comme excuse pour réprimer la dissidence et bafouer les droits humains. Un leader du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), une coalition d’ONG et de partis d’opposition, a déclaré : « Nous avons fait des manifestations publiques le principal moyen d’exprimer nos frustrations. Les mesures d’urgence entravent notre liberté de réunion. Nous les acceptons à cause du Covid-19. Mais nous n’allons pas les accepter éternellement. »

Le droit international relatif aux droits humains exige que de telles restrictions pour raisons de santé publique ou d’urgence nationale ne soient ni arbitraires ni discriminatoires dans leur application, d’une durée limitée, respectueuses de la dignité humaine et soumises à réévaluation.

Le 18 avril, le FNDC a appelé à la tenue d’une « journée ville morte » le 21 avril à Conakry, afin de protester contre la décision du président Condé d’organiser une session en vue de nommer le président de l’Assemblée nationale et installer les 114 députés nouvellement élus, une décision qui contraindrait ces derniers à se réunir. La décision, a noté le FNDC, contrevient à l’interdiction par le gouvernement de vastes rassemblements pour freiner la propagation du coronavirus.

Au cours des derniers mois, avant et pendant le référendum constitutionnel et les élections législatives controversés du 22 mars, les forces de sécurité ont violemment réprimé les membres et partisans de l’opposition. Les partis d’opposition ont boycotté le vote, accusant le président Condé d’avoir l’intention d’instrumentaliser la révision constitutionnelle pour prolonger son mandat.

Le 14 avril, des gendarmes ont passé à tabac et arrêté, à son domicile de Tougue, en Guinée centrale, un membre du FNDC âgé de 38 ans qui était suspecté d’avoir incendié le poste de gendarmerie local le 28 février. « Il avait le paludisme et était sous perfusion au moment de son arrestation », a déclaré un membre de la famille. « Six gendarmes ont fait irruption chez lui, l’ont roué de coups de pied et giflé à plusieurs reprises. Lorsque je lui ai rendu visite le lendemain au poste de Labe, dans la région du Fouta-Djalon, j’ai demandé aux gendarmes de le faire hospitaliser. Ils ont refusé, préférant envoyer un médecin dans sa cellule. »

Le 16 avril, un policier est entré par effraction dans la maison d’une infirmière, dans le quartier Hamdallaye de Conakry et l’a passée à tabac, l’accusant de soutenir l’opposition. « Le policier qui l’a battue lui a dit : ‘‘Vous dérangez trop’’- parce qu’elle vit dans un bastion de l’opposition », a confié un témoin. « Ensuite, il l’a encore frappée à l’aide d’une matraque, sur tout le corps, y compris au visage. Son nez était enflé. Elle était souffrante pendant plusieurs jours ».

Le 17 avril, la police a procédé à l’arrestation arbitraire d’Oumar Sylla, un membre du FNDC, à son domicile de Conakry. Il a été détenu au siège du renseignement général et à la direction de la police judiciaire de Conakry jusqu’au 24 avril, date à laquelle il a été présenté au tribunal de première instance de la capitale, accusé de disséminer de fausses informations, avant d’être incarcéré à la prison centrale de Conakry. Les avocats de Sylla avaient refusé d’assister leur client jusqu’à ce que son casait été présenté au procureur pour protester contre ce qu’ils avaient qualifié de « procédures illégales » de la police.

Les habitants de Conakry ont fait état d’une atmosphère d’insécurité dans le cadre du couvre-feu.

Le 8 avril, une femme âgée de 30 ans a déclaré qu’un homme en uniforme qui l’accusait d’avoir enfreint le couvre-feu l’avait cambriolée et rouée de coups. « Vers 22 heures, j’étais couchée », a-t-elle expliqué. « Il n’y avait pas de lumière dans le quartier. J’ai entendu du bruit et j’ai ouvert ma porte. Je me suis trouvée devant un homme en uniforme avec une arme à feu. Il faisait trop sombre pour savoir s’il s’agissait d’un policier ou d’un gendarme. Il m’a dit que j’enfreignais le couvre-feu. J’ai répondu que non, car j’étais dans ma propre maison. Il a menacé de m’arrêter, puis m’a giflée et frappée à coups de poing. Il a volé mon téléphone et mon ordinateur portable avant de partir. Je n’ai pas réagi parce que j’avais peur qu’il me viole. »

Six personnes ont déclaré que leurs magasins du marché de Kagbélen, à Conakry, avaient été pillés les 1er et 2 avril, pendant le couvre-feu. L’un des propriétaires a déclaré : « Je suis arrivé dans mon magasin de vêtements le matin du 3 avril et j’ai découvert qu’il avait été cambriolé. La porte avait été détruite et tous mes biens, d’une valeur d’environ 60 millions de francs, [l’équivalent de 624 dollars], avaient été volés. »

Le 3 avril, les victimes et d’autres commerçants ont organisé une manifestation et érigé des barricades sur le marché de Kagbélen, accusant les forces de sécurité de piller leurs magasins. Selon un représentant syndical, les pillages ont cessé après qu’il a signalé les cambriolages au maire du canton de Dubreka, qui a compétence sur le marché de Kagbélen.

« Les abus perpétrés par les forces de sécurité exacerbent une méfiance déjà profonde envers les autorités, créant un obstacle supplémentaire à la lutte contre le Covid-19 », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Le gouvernement devrait maîtriser ses forces de sécurité et veiller à ce qu’elles respectent les droits humains dans le cadre de la mise en œuvre des restrictions. »


HRW





Guinée: Un référendum entaché de violences [HRW]

Les autorités devraient enquêter sur les abus et strictement contrôler les forces de sécurité.


En Guinée, les forces de sécurité ont réprimé dans la violence des partisans de l’opposition avant et pendant la tenue, le 22 mars 2020, du référendum constitutionnel et des élections législatives, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.                                                                                              

Les forces de sécurité ont tué au moins huit personnes, dont deux enfants, et blessé une vingtaine d’autres. Depuis la mi-février, les forces de sécurité ont également arrêté des dizaines de partisans présumés de l’opposition et fait disparaître de force au moins 40 autres. Selon des responsables gouvernementaux, neuf membres des forces de sécurité au moins ont été blessés par des manifestants, qui ont également vandalisé des bureaux de vote, brûlé du matériel électoral et menacé les électeurs le jour du scrutin. Le 22 mars, des soldats armés, des gendarmes et des policiers ont été déployés, dans des camionnettes et à pied, dans la capitale guinéenne, Conakry. Ils ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles sur des manifestants, faisant au moins six morts, dont une femme, et blessant au moins huit hommes.

« Les forces de sécurité guinéennes ont répondu aux manifestations massives par une violence brutale », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les manifestations se poursuivront vraisemblablement à l’approche des élections, et donc le gouvernement guinéen devrait immédiatement imposer un strict contrôle aux forces de sécurité nationales. Les dirigeants de l’opposition devraient aussi faire tout leur possible pour aider à mettre fin à la violence. »

L’intention prêtée au président Alpha Condé de briguer un troisième mandat présidentiel lors des élections prévues pour la fin de l’année est à l’origine des manifestations. En décembre 2019, Condé, âgé de 81 ans, a rendu public le texte du nouveau projet de constitution qui, selon ses partisans et ses opposants, ouvrirait la voie à la mise en œuvre d’un troisième mandat. En conséquence, une coalition d’organisations de la société civile, de syndicats et de partis politiques a appelé à des manifestations régulières depuis la mi-2019 et boycotté le référendum. Le 27 mars, la commission électorale guinéenne a annoncé que le nouveau projet de constitution avait été adopté avec plus de 90 % des voix.

Les conclusions de Human Rights Watch s’appuient sur des entretiens téléphoniques menés en mars et début avril avec 60 victimes, membres des familles des victimes et témoins de violations, ainsi qu’avec 15 personnels soignants, journalistes, avocats, membres des partis d’opposition et représentants de la société civile. Human Rights Watch a analysé des photographies et des séquences vidéo pour corroborer les récits des victimes et des témoins. Nous avons également contacté Albert Damatang Camara, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, par téléphone et WhatsApp, et partagé avec lui par e-mail nos conclusions le 23 mars, en lui posant des questions spécifiques, auxquelles Camara n’a pas répondu.

D’après plusieurs témoins, les forces de sécurité étaient parfois accompagnées de civils armés de couteaux et de machettes, qui s’en sont pris aux manifestants, tuant au moins un jeune homme, Diallo Nassouralaye. Certains partisans de l’opposition ont lancé des pierres et autres projectiles sur les forces de sécurité. Des violences ont également éclaté à l’extérieur de la capitale, notamment à Kindia, au nord-est de Conakry, à Kolaboui et Sangaredi, dans l’ouest du pays, et à Nzérékoré, dans le sud-est.

Un témoin a décrit les circonstances au cours desquelles un gendarme a tué à bout portant Issa Yero Diallo, une femme âgée de 28 ans résidant dans le quartier d’Ansoumanyah plateau, à Conakry : « Le gendarme a menacé cette femme avant de lui tirer dessus. Les gens qui se trouvaient là ont essayé de le dissuader, mais il lui a tiré une balle dans le cou. » Selon les habitants, la femme a été prise pour cible après avoir contribué à obtenir la remise en liberté d’un homme arrêté par les gendarmes plus tôt dans la journée. Le ministre Camara a déclaré aux médias le lendemain qu’un gendarme soupçonné du meurtre avait été arrêté.

Le 20 février et le 5 mars à Conakry, les forces de sécurité ont tué deux adolescents et, le 6 mars, arrêté deux membres en vue de l’opposition. Les 11 et 12 février, 40 hommes, dont au moins deux enfants et trois adultes atteint de déficience intellectuelle, ont fait l’objet d’arrestations arbitraires par des membres des forces de sécurité lors de raids menés à Conakry, avant d’être conduits dans une base militaire située à environ 700 kilomètres de Soronkoni, dans l’est de la Guinée. Ils y ont été détenus en l’absence de tout contact avec le monde extérieur, les autorités ayant refusé de reconnaître leur détention jusqu’au 28 mars, date à laquelle 36 d’entre eux ont été remis en liberté et quatre autres transférés à la prison centrale de Conakry où ils sont toujours en détention.

Dans un communiqué de presse en date du 22 mars, le ministre Camara soutient que le référendum « s’est déroulé dans des conditions pacifiques sur l’ensemble du territoire », mais que « certains militants ont tenté de semer la terreur » à Conakry et dans d’autres villes. Dans un entretien accordé aux médias le 31 mars, il a confirmé que six personnes avaient perdu la vie à Conakry le 22 mars, dont une personne ayant succombé à un accident vasculaire cérébral, précisant que les autorités avaient ouvert des enquêtes.

Alors que davantage de manifestations sont prévues dans la perspective des élections plus tard cette année, les autorités guinéennes devraient demander aux forces de sécurité nationales de faire preuve de retenue et de respecter les Lignes directrices pour le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois lors des réunions en Afrique, adoptées par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. En vertu de ces instruments, les responsables de l’application des lois ne peuvent recourir à l’usage de force que lorsque cela est strictement nécessaire et en vue d’atteindre un objectif légitime de maintien de l’ordre.

La CADHP, le Représentant spécial du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union européenne, la France et les États-Unis ont tous condamné ou exprimé leur inquiétude devant les violences suscitées par le référendum. Le 4 mars, le Rapporteur spécial de la CADHP pour la Guinée a appelé le gouvernement à respecter la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et à garantir des élections libres, équitables et transparentes. Dans une résolution en date du 11 février, le Parlement européen s’est déclaré préoccupé de la montée des tensions politiques et des violences en Guinée.

Les partenaires internationaux de la Guinée et autres institutions, en particulier l’Union africaine, la CEDEAO, le Conseil de sécurité de l’ONU, l’UE et les États-Unis devraient accroître la pression sur le président Condé et son gouvernement et exiger l’ouverture d’enquêtes et de poursuites judiciaires crédibles pour les violations récentes, a préconisé Human Rights Watch.

En cas d’échec des autorités guinéennes à répondre à ces préoccupations relatives aux droits humains, les États-Unis devraient envisager des sanctions ciblées contre les hauts responsables gouvernementaux responsables de violations, notamment des interdictions de voyager et des gels d’avoirs.

L’UE et ses États membres devraient envisager d’élargir le régime de sanctions en vigueur à l’encontre de la Guinée et rappeler aux autorités du pays les conséquences d’un échec à prendre en compte de façon adéquate les préoccupations relatives aux droits humains.

« Des mesures vigoureuses sont nécessaires dès à présent avant que la situation ne se détériore davantage et qu’une force disproportionnée ne soit utilisée contre les manifestants à l’approche des élections », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Les partenaires de la Guinée devraient indiquer clairement que des conséquences seront tirées si des manifestants se font tirer dessus ou des partisans de l’opposition sont portés disparu. »

Contexte

Les débats sur la révision de la constitution guinéenne de 2010 ont commencé début 2019, le parti au pouvoir RPG-Arc-en-ciel ayant appelé en mai les citoyens à soutenir le projet de constitution. Bien que le texte présenté par Condé en décembre 2019 maintienne une limite de deux mandats présidentiels, ses partisans ont déclaré qu’il reprenait tout à zéro, ce qui lui permettrait donc de se présenter en 2020. Condé a déclaré le 10 février que, en cas d’adoption d’une nouvelle constitution, « [son] parti décidera » s’il sera candidat à sa propre succession.

Le 28 février, Condé a reporté le référendum constitutionnel et les élections législatives, initialement prévus le 1er mars, au 22. Les organisations internationales et régionales, dont l’UA, l’Organisation internationale de la Francophonie et la CEDEAO, ont refusé d’envoyer sur place des observateurs, affirmant que la liste électorale manquait de crédibilité.

Depuis octobre 2019, une coalition d’organisations non gouvernementales et de partis d’opposition, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), a organisé de nombreuses manifestations contre le référendum constitutionnel en Guinée.

Bien que le gouvernement ait dans certains cas autorisé la tenue de ces manifestations, la plupart du temps, les forces de sécurité les ont dispersées en arrêtant des participants ou en usant de gaz lacrymogènes et en leur tirant dessus à balles réelles. Human Rights Watch avait précédemment signalé qu’au moins 30 personnes avaient été tuées pendant les manifestations entre octobre 2019 et janvier 2020. Le FNDC estime que les forces de sécurité ont tué 44 personnes depuis octobre 2019. Les manifestants auraient également tué au moins un gendarme lors de manifestations en octobre, selon le gouvernement, bien que les manifestants affirment que celui-ci a été abattu par un autre gendarme.

Violence le jour du référendum à Conakry et dans d’autres villes

Le 22 mars, de violents affrontements ont éclaté à Conakry, notamment dans les quartiers de Wanindara, Hamdallaye, Coza, Sofonia, Ansoumania, Cimenterie et Simbaya, entre des dizaines de groupes favorables au référendum et d’autres qui lui étaient opposés, et entre opposants au référendum et forces de sécurité. Des manifestants ont brûlé des pneus, dressé des barricades dans les rues et lancé des projectiles sur les forces de sécurité qui ont riposté avec des gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles. Le ministre de la Sécurité a déclaré que des manifestants violents avaient saccagé des bureaux de vote, menacé des électeurs et brûlé du matériel électoral, une information confirmée par Human Rights Watch.

Deux témoins ont déclaré à Human Rights Watch que des soldats, des gendarmes, des policiers et des civils armés de machettes avaient lancé des pierres sur une maison du quartier de « Petit Simbaya », où vivaient des partisans de l’opposition connus. Lorsque Diallo Nassouralaye, âgé de 19 ans, qui vivait à proximité, est sorti pour vérifier ce qui se passait, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur lui. « Il a été touché à l’abdomen », a précisé un témoin. « Je l’ai emmené dans un centre de soins tout proche, mais il est décédé sur place. » Le médecin qui s’est occupé de la victime a confirmé à Human Rights Watch que Nassouralaye est arrivé vers 13 heures et est décédé 10 minutes plus tard d’une blessure par balle à l’abdomen.

Selon deux témoins, des gendarmes ont abattu Thierno Oumar Diallo, un homme âgé de 25 ans, lors d’affrontements entre partisans du référendum et des opposants dans le quartier de Kakimbo vers 15 heures. Une source médicale a confirmé que l’homme était décédé des suites d’une blessure par balle au cou. L’un des témoins, frère de la victime, a déclaré :

Des gendarmes sont intervenus lors des affrontements et ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles. Des témoins m’ont dit qu’en plus de mon frère, ils avaient tué deux autres hommes et blessé quatre autres. Mon frère est mort instantanément ; d’une balle dans le cou. J’ai emmené son corps dans un centre de soins proche puis à la morgue, mais le personnel médical a refusé de le prendre en charge. J’ai donc ramené sa dépouille à la maison et nous l’avons enterré le lendemain.

Deux témoins ont expliqué que des gendarmes avaient tiré à balles réelles lors d’affrontements entre des partisans du référendum et des membres de l’opposition dans le quartier Hamdallaye de Conakry, tuant Hafiziou Diallo, un homme âgé de 28 ans. Un parent de la victime a été témoin du meurtre :

Nous sommes descendus dans la rue pour protester contre le vote. Il y avait des partisans du référendum en tenue civile, armés de couteaux, et des gendarmes. Nous leur avons jeté des pierres et les choses ont dégénéré. Les gendarmes, une dizaine d’entre eux, ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles. Les gens se sont enfuis, mais mon oncle a été touché par une balle et s’est effondré devant moi. Il a été touché à la poitrine.

Human Rights Watch a examiné les photographies du corps et consulté des sources médicales qui ont corroboré ces témoignages.

Un policier a tué Thierno Hamidou Bah, âgé de 25 ans, lors d’une manifestation organisée par l’opposition dans le quartier de Kinifi, selon deux témoins entendus par Human Rights Watch. L’un d’eux a déclaré :

Nous étions dans la rue pour dire non au référendum. Nous étions là pour exprimer notre colère. Nous avons lancé des pierres sur la police. Elle a tiré sur la foule à balles réelles et touché trois personnes, dont mon ami, qui a été atteint à la poitrine et s’est effondré devant moi. Je l’ai transporté dans un centre de soins, où il est décédé.

Un médecin qui a examiné le corps a confirmé que l’homme avait reçu une balle dans la poitrine. Human Rights Watch a également consulté des photographies de la blessure.

Des violences sporadiques se sont poursuivies à Conakry le 23 mars, notamment dans les quartiers de Cosa et Wanindara, où des émeutes ont été signalées, et à Baylobaye, où les forces de sécurité ont tiré sur un homme après être entré par effraction chez lui. « Trois policiers sont entrés chez moi à 15 heures. Je m’y trouvais avec ma femme et mon fils. Ils nous ont accusés de ne pas nous rendre aux urnes. L’un d’eux m’a passé à tabac à l’aide de sa matraque et saisi mon téléphone. Mon fils s’est disputé avec eux et a reçu une balle dans le bras. Je l’ai emmené dans un centre de soins où elle lui a été retirée », a relaté le père de la victime. Human Rights Watch s’est également entretenu avec le médecin qui l’a soignée.

Des violences ont éclaté dans d’autres villes et villages de Guinée le 22 mars. Selon les médias, des manifestants ont saccagé des bureaux de vote à Kindia, au nord-est de Conakry, et à Kolaboui à l’ouest, et harcelé le personnel électoral de Télimélé. Des habitants et des journalistes ont également signalé qu’à Nzérékoré, capitale de la Guinée forestière, des incidents liés aux élections ont déclenché des affrontements intercommunautaires et confessionnels entre des membres armés de la communauté de Guerze, formée majoritairement de chrétiens ou d’animistes, et l’ethnie armée Konianke, principalement musulmane, plusieurs personnes ayant été tuées et des propriétés incendiées.

Des gendarmes ont blessé un homme âgé de 20 ans lors d’une manifestation anti-référendum à Sangaredi, dans l’ouest de la Guinée. Un témoin et un proche de la victime ont indiqué à Human Rights Watch que des gendarmes avaient tiré à balles réelles sur la foule : « Il était 10 heures du matin ; nous étions dehors pour protester contre le vote. Les gendarmes ont tenté de nous disperser. Certains leur ont jeté des pierres. J’ai entendu au moins deux coups de feu. Mon frère a été touché d’une balle à l’épaule et s’est cassé le bras en tombant. »

N’ayant pu être hospitalisée à Sangaredi, la victime a été conduite le lendemain à Conakry. Human Rights Watch a examiné les dossiers médicaux et s’est entretenu avec le médecin qui l’a soignée.

Violences et arrestations préréférendaires

Le 20 mars, la police a tiré à balles réelles lors d’une manifestation organisée par l’opposition dans le quartier Bomboly de Conakry, blessant un homme âgé de 18 ans. La victime s’est entretenue avec Human Rights Watch : « Je me rendais au domicile de mon frère quand je me suis retrouvé au milieu d’une manifestation. Certains participants se sont montrés violents et s’en sont pris à la police en lui jetant des pierres. Celle-ci a riposté en lançant des grenades lacrymogènes puis en tirant à balles réelles. Tout le monde a pris la fuite. J’ai également couru pour me mettre en sécurité. J’ai entendu quatre coups de feu avant de m’effondrer au sol. Une balle m’avait atteint à l’épaule droite. »

Le 6 mars, les forces de sécurité ont procédé à l’arrestation arbitraire de Sekou Koundouno et Ibrahima Diallo, deux membres de premier plan de la direction du FNDC, au domicile de Diallo. Celui-ci a déclaré qu’au moins 20 policiers, dont certains étaient masqués, sont entrés par effraction chez lui à Conakry vers 19 heures, procédant à leur arrestation en l’absence de mandat. La loi guinéenne prévoit pourtant qu’un mandat est nécessaire, à moins que l’individu ne soit pris en flagrant délit. L’épouse de Diallo, qui a été témoin de l’arrestation, a décrit la scène à Human Rights Watch :

J’ai demandé aux policiers s’ils avaient un mandat. Cela les a contrariés. L’un d’eux m’a attrapé par le col de ma chemise et poussé contre un pot de fleurs. Puis ils ont mis la maison sens dessus dessous avant d’arrêter mon mari et Koundouno, qui a été escorté à moitié nu, sans son pantalon ni ses chaussures.

Diallo a déclaré que ses yeux étaient bandés dès qu’il est monté à bord du véhicule de police et que lui et Koundouno ont été détenus à la Direction de la police judiciaire, à Conakry, sans accès à leurs avocats pendant une semaine. Les juges d’instruction ont inculpé les deux membres du FNDC d’ « outrages envers les fonctionnaires » et d’« atteinte et menace à la sûreté et à l’ordre publics », avant de les remettre en liberté sous caution le 13 mars, en l’attente de nouvelles enquêtes. Les deux hommes ont été invités à comparaître devant les juges chaque semaine.

Lors de manifestations à Conakry le 5 mars, deux témoins ont déclaré que les forces de sécurité, dont des policiers et des gendarmes, avaient lancé des gaz lacrymogènes sur des partisans de l’opposition et tué un garçon âgé de 17 ans, heurté à la tête par une grenade. Human Rights Watch a également reçu des informations selon lesquelles les forces de sécurité ont blessé neuf autres hommes lors de ces manifestations. Les gendarmes ont agressé un journaliste français après qu’il les a filmés en train de passer à tabac un homme non armé, avant de l’expulser du pays. Les participants ont déclaré que certains manifestants violents avaient blessé des policiers en leur jetant des pierres.

Le 4 mars, vers 13 heures, une dizaine de policiers et de gendarmes sont entrés par effraction au domicile d’un imam de 51 ans dans le quartier de Wanindara à Conakry, et l’ont roué de coups ainsi que d’autres membres de sa famille. Ils ont ensuite procédé à l’arrestation arbitraire de trois des membres de sa famille et d’un voisin. Selon des témoins et des résidents, les forces de sécurité recherchaient l’auteur d’une vidéo qui montrait la police en train de se servir d’une femme comme bouclier humain à Conakry le 29 janvier. L’imam a déclaré à Human Rights Watch :

Des policiers et des gendarmes sont entrés par effraction dans ma résidence, ont tiré un coup de feu et défoncé la porte d’entrée. Ils ont fouillé les neuf maisons du complexe résidentiel, les ont mises sens dessus dessous. Un gendarme m’a frappé à la tête avec une louche qu’il avait prise à mes femmes. « Je vais te casser la tête », m’a-t-il dit. Les gendarmes ont également frappé deux de mes voisins, dont une femme de 80 ans souffrant de problèmes de surdité et de vue. Puis ils ont arrêté mes fils, mon frère et un voisin. Ils n’avaient aucun mandat. »

Les quatre hommes arrêtés ont été conduits dans deux postes de gendarmerie des quartiers de Matoto et Cosa. Les fils et le frère de l’imam ont été remis en liberté le même jour après le paiement d’un million de francs guinéens (environ 104 dollars). Son voisin a été relâché le lendemain après le versement de 250 000 francs guinéens (environ 26 dollars).

Le 19 février, des gendarmes et des policiers ont violemment réprimé une manifestation menée par le FNDC dans le quartier de Wanindara en lançant des grenades lacrymogènes et en tirant à balles réelles. Ils ont blessé au moins un manifestant, un chauffeur âgé de 26 ans, alors qu’il tentait de prendre la fuite : « Certains gendarmes sont descendus de leur véhicule et ont pourchassé des manifestants à pied. J’ai couru et tenté de me cacher, mais un gendarme m’a tiré dans la cuisse. J’ai été conduit à l’hôpital, où je suis resté alité 10 jours. La balle se trouve toujours dans ma jambe. » Cet homme a également confié qu’il était à peine en état de marcher et ne pouvait plus travailler. Human Rights Watch a également interrogé un de ses amis qui a été témoin de l’incident, ainsi que le médecin qui l’a soigné.

Disparitions forcées

Human Rights Watch s’est entretenu avec 10 hommes victimes de disparitions forcées pendant une quarantaine de jours à la suite de leur arrestation arbitraire par les forces de sécurité à Conakry les 11 et 12 février. Ils ont déclaré avoir été détenus sans aucun contact avec le monde extérieur avec 30 autres personnes, dont au moins deux enfants et trois hommes atteints de déficience intellectuelle, dans une base militaire de Soronkoni, à 700 kilomètres de Conakry. Human Rights Watch a également parlé à leurs avocats et à plusieurs membres de leurs familles et amis qui ont corroboré leurs témoignages. Pendant leur détention, les autorités ont refusé de reconnaître qu’elles savaient où se trouvaient ces hommes.

En vertu du droit international, une disparition forcée est toute forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve. La Guinée n’a pas signataire de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

D’anciens détenus et avocats ont déclaré que, à l’exception de quatre personnes transférées à la prison centrale de Conakry, les 36 autres avaient été remises en liberté le 28 mars, sans inculpation ni document attestant de leur arrestation et de leur détention.

Les dix hommes avec qui s’est entretenu Human Rights Watch ont déclaré qu’on ne leur avait jamais fourni d’explication quant aux raisons de leur arrestation et de leur détention. Mais ils ont affirmé que les forces de sécurité qui les avaient arrêtés, comme les militaires qui assuraient leur détention à Soronkoni, les avaient accusés de soutenir l’opposition. Selon l’un de ces ex-détenus, âgé de 20 ans, un policier lui a dit au moment de son arrestation : « C’est vous qui barricadez les routes, semez le trouble et vous opposez au pouvoir en place. » « Ils m’ont accusé d’être un criminel et de faire souffrir mon pays. Je leur ai répondu que je n’étais qu’un chauffeur de taxi. Tiens-toi tranquille et tais-toi, m’ont-ils rétorqué », a témoigné un autre ex-détenu, âgé de 36 ans.

En vertu du droit guinéen et du droit international, les individus arrêtés doivent être directement incarcérés dans des lieux de détention reconnus, comme des postes de police ou de gendarmerie, et avoir immédiatement accès à leur avocat et à leurs familles. Toutes les personnes détenues devraient être conduites rapidement devant un juge pour l’examen de la légalité et la nécessité de leur détention.

Cependant, les hommes interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir été détenus dans une base militaire et privés de contact avec le monde extérieur. « Détenir quelqu’un dans un camp militaire est contraire à notre législation », a indiqué à Human Rights Watch un avocat guinéen défendant les détenus. « Les autorités devraient cesser de penser que la Guinée est une autre planète. Nous avons des lois interdisant la détention de suspects en dehors des lieux officiellement prévus à cet effet ». Âgé de 26 ans, un ex-détenu a déclaré : « Ma famille ignorait où je me trouvais. Ils pensaient que j’étais mort. »

D’autres ont décrit les conditions de leur détention comme sordides. « Nous étions 40 dans une cellule comportant une seule porte, fermée la plupart du temps, avec deux petits trous dans le mur », a déclaré l’un d’entre eux, âgé de 23 ans. « C’était insuffisamment aéré, il faisait très chaud. Beaucoup se sont sentis mal à cause de la chaleur, certains se sont effondrés ». Un autre a expliqué qu’on ne leur donnait pas assez d’eau, et qu’il dormait sur le sol sans matelas et n’était souvent pas autorisé à se rendre aux toilettes situées à l’extérieur, ce qui l’obligeait à uriner dans des bouteilles.


hrw.org





Afrique 2019: le courage des populations face à la répression [Amnesty International]


En Guinée, où les autorités ont interdit plus de 20 manifestations pour des motifs flous et excessivement généraux, les forces de sécurité ont continué à attiser les violences lors des rassemblements et au moins 17 personnes ont été tuées en 2019.


Dans
toute l’Afrique subsaharienne, des manifestants ont bravé des tirs et
les coups pour défendre leurs droits. Face aux conflits et la répression
qui perdurent, ils ont fait preuve d’un courage immense. Bilan d’un an
d’enquête en Afrique.

En
2019, nous avons vu l’incroyable pouvoir du peuple s’exprimer lors de
manifestations de grande ampleur organisées dans toute l’Afrique
subsaharienne. Du Soudan au Zimbabwe, de la République démocratique du
Congo (RDC) à la Guinée, des personnes ont bravé une répression brutale
pour défendre leurs droits.

Dans certains cas, ces manifestations ont abouti à des changements importants : après la chute d’Omar el Béchir, qui dirigeait le Soudan de longue date, le nouveau régime a promis des réformes favorables aux droits humains. De la même façon, à la suite de manifestations, une série de réformes relatives aux droits humains ont été lancées par l’État éthiopien. Malheureusement, d’autres changements nécessaires sont bloqués par des gouvernements répressifs, qui continuent à commettre des violations en toute impunité.

Répression violente orchestrée par l’État

Dans toute la région, des défenseurs des droits humains ont été persécutés et harcelés pour s’être opposés ouvertement aux autorités. Le Burundi, le Malawi, le Mozambique, l’Eswatini (anciennement Swaziland), la Zambie et la Guinée équatoriale ont intensifié la répression du militantisme en 2019.

Au Malawi, par exemple, les militants qui ont organisé et
conduit des manifestations contre une fraude électorale présumée, à la
suite des élections de mai, ont été attaqués et intimidés par de jeunes
cadres du parti au pouvoir et poursuivis en justice par les autorités.
Le scrutin présidentiel a finalement été annulé par les tribunaux et le
pays se prépare à une autre élection, qui se tiendra cette année.

Au
Zimbabwe, au moins 22 défenseurs des droits humains, militants, membres
de la société civile et responsables de l’opposition ont été inculpés
pour leur rôle présumé dans l’organisation de manifestations contre la
hausse du prix des carburants décidée en janvier 2019. Les forces de
sécurité se sont livrées à une répression violente, qui a fait au moins
15 morts et des dizaines de blessés.

En Guinée, où les
autorités ont interdit plus de 20 manifestations pour des motifs flous
et excessivement généraux, les forces de sécurité ont continué à attiser
les violences lors des rassemblements et au moins 17 personnes ont été
tuées en 2019.

Dans 17 pays d’Afrique subsaharienne, des journalistes ont été arrêtés et détenus arbitrairement en 2019. Au Nigeria, par exemple, on a enregistré 19 cas d’agression, d’arrestation arbitraire et de détention de journalistes, dont beaucoup faisaient l’objet d’accusations controuvées.

Au Burundi, les autorités ont continué à réprimer les activités des défenseurs des droits humains et des organisations de la société civile, notamment en leur infligeant des poursuites et de longues peines d’emprisonnement.

Malgré tout… des victoires !

En dépit du contexte maussade, certaines victoires notables ont été remportées dans le domaine des droits humains l’an dernier.

Au
Soudan, des manifestations de grande ampleur ont mis fin au régime
répressif d’Omar el Béchir en avril 2019 et les autorités désormais au
pouvoir ont promis de vastes réformes destinées à améliorer l’exercice
des droits humains. L’État éthiopien, quant à lui, a abrogé la
législation encadrant la société civile qui restreignait les droits aux
libertés d’association et d’expression et a présenté au Parlement une
nouvelle loi remplaçant la législation antiterroriste draconienne.

En RDC, les autorités ont annoncé la libération de 700 détenus, dont plusieurs prisonniers d’opinion.

On a aussi constaté des victoires individuelles. En Mauritanie, le blogueur et prisonnier d’opinion Mohamed Mkhaïtir a été libéré après avoir été détenu arbitrairement pendant plus de cinq ans.

L’impunité pour les violations des droits humains était toujours monnaie courante, mais de modestes avancées ont été réalisées en 2019. En Somalie, la population a vu pointer une lueur d’espoir lorsque le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM) a reconnu pour la première fois, en avril 2019, avoir tué des civils lors de frappes aériennes visant Al Shabaab, ouvrant ainsi la possibilité pour les victimes d’obtenir réparation.

Par ailleurs, les tribunaux de droit commun de la République
centrafricaine ont progressé dans l’examen d’affaires concernant des
atteintes aux droits humains commises par des groupes armés. La Cour
pénale spéciale a reçu 27 plaintes et commencé ses enquêtes l’an
dernier.

En 2019, des militants et des jeunes ont défié l’ordre établi. En 2020, il faut que les dirigeant·e·s écoutent leurs revendications et œuvrent à des réformes qu’il est nécessaire d’amorcer de toute urgence et qui respectent les droits de tous.


amnesty.fr


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