Mali: « Nous sommes très préoccupés par la détérioration grave et continue de la sécurité qui a dépassé un seuil critique » [Alioune Tine]


Afrique


La violence se répand si rapidement au Mali qu’elle met en péril la survie même de l’État, a déclaré vendredi l’expert des Nations Unies sur les droits de l’homme dans le pays au terme d’une visite officielle de 11 jours au cours de laquelle il a été informé d’une augmentation des exécutions extrajudiciaires, d’autres homicides, des enlèvements de civils et de viols collectifs de femmes.

« Nous sommes très préoccupés par la détérioration grave et continue de la sécurité qui a dépassé un seuil critique », a déclaré l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, Alioune Tine, décrivant « un État affaibli et impuissant, qui assume difficilement son rôle régalien de protection des populations civiles face aux groupes armés qui essaiment dans tout le pays ».

La volonté politique des autorités remise en question

« Il est grave de constater que les populations civiles subissent aussi des violences de la part des Forces de Défense et de Sécurité Maliennes (FDSM) censées les protéger », a-t-il ajouté.  

M. Tine a déclaré que certaines personnes rencontrées lors de sa visite ont exprimé de sérieux doutes sur la volonté politique des autorités maliennes de prendre des mesures concrètes pour garantir la sécurité des populations civiles, en particulier dans les régions les plus touchées par la crise et les conflits.

« Cela doit absolument changer », a-t-il déclaré. « Il faut un sursaut national et une volonté inébranlable des autorités maliennes, avec le soutien actif de leurs partenaires, pour restaurer l’autorité de l’Etat et assurer la protection des populations civiles. »

Tous azimuts contre les populations civiles

M. Tine s’est dit gravement préoccupée par la dégradation rapide et continue de la sécurité créée par la défaillance des institutions de l’État et qui donne lieu à des attaques tous azimuts contre les populations civiles par des groupes armés tels que la Jama’at Nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM), l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et d’autres qui consolident leur contrôle sur des zones dans le nord et le centre du pays. Ils s’étendent également aux régions méridionales du Mali, et la violence communautaire augmente dans le centre du pays.

Les populations civiles du nord (régions de Gao, Menaka et Tombouctou), du centre (régions de Bandiagara, Douentza, Mopti et Ségou) et du sud (régions de Koutiala, San et Sikasso) subissent des violations de leurs droits humains fondamentaux et atteintes à ces droits et sont même tuées. 

Violations par les forces maliennes, les forces internationales et groupes armés

La détérioration du respect des droits de l’homme s’inscrit dans un contexte d’impunité généralisée des auteurs de ces violations and atteintes. 

L’opération de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUSMA, a recensé au moins 43 exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires commises par les Forces de Défense et de Sécurité Maliennes (FDSM) entre le 1er avril et le 30 juin 2021. 

L’augmentation des atteintes aux droits de l’homme commises par les groupes armés et les milices communautaires est encore pire, le total des six premiers mois de cette année, soit 258 cas, représentant déjà 88 % du nombre de cas signalés pour toute l’année 2020.

Les enlèvements sont également en hausse spectaculaire. Au cours des seuls six premiers mois de cette année, la MINUSMA a documenté 435 enlèvements – cinq fois plus que pour toute l’année 2019.  

Les ravisseurs sont principalement les groupes armés et les milices communautaires du centre du Mali, notamment la milice Da Na Ambassagou, mais aussi des groupes armés tels que la Jama’at Nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM) et d’autres groupes similaires.   

Les viols collectifs et autres violences à l’encontre des femmes sont en augmentation, tout comme les attaques contre les « esclaves », un problème que l’expert indépendant a souligné le mois dernier.

Mettre fin à l’impunité et restaurer la confiance des populations 

Lors des rencontres avec les autorités maliennes, M. Tine a fait part de ses sérieuses préoccupations quant à la détérioration continue de la situation des droits de l’homme. Les autorités maliennes se sont engagées à prendre des mesures concrètes pour répondre à ses préoccupations et améliorer la situation des droits de l’homme.

« Nous invitons donc les autorités maliennes à honorer leurs engagements », a déclaré Alioune Tine. « Cela permettra de rassurer et de restaurer la confiance des populations civiles et des nombreux interlocuteurs face aux institutions de l’Etat ».

Selon l’expert, une « priorité absolue doit être réservée par les autorités au traitement de la question préoccupante de l’impunité au Mali ». 

L’impact sur le droit des femmes

Selon M. Tine la dégradation de la sécurité a un impact considérable sur la situation des droits fondamentaux de la femme avec la récurrence inquiétante des cas de violence basée sur le genre, y compris les viols collectifs. 

Il a signalé que la MINUSMA a documenté plusieurs viol collectifs en mars.  Aussi, dans les localités sous le contrôle ou l’influence des groupes extrémistes violents, les femmes sont forcées de porter le voile. Une vingtaine de cas de flagellations des femmes en guise de punition pour n’avoir pas porté le voile ou avoir porté le mauvais voile, auraient été signalés depuis le début de l’année. 

L’expert a rappelé que les femmes continuent d’être sous-représentées dans la sphère publique et politique au Mali, en violation de la loi no 2015-052 du 18 décembre 2015, qui fixe un quota d’au moins 30 % de femmes aux fonctions nominatives et électives.

Des détentions à caractère illégal

Lors de sa visite, M. Tine a notamment rencontré le Premier Ministre, le Ministre des affaires étrangères et de la Coopération internationale, le Ministre de la Défense et des anciens combattants, le Ministre de la justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, le Ministre de la Refondation de l’Etat chargé des relations avec les institutions, le ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, le président de la Commission nationale des droits de l’homme et les autorités judiciaires. 

« Nous avons pu rencontrer l’ancien président Bah N’Daw et l’ancien Premier ministre Moctar Ouane qui sont toujours en résidence surveillée » a déclaré Tine. « Nous avons discuté avec les autorités maliennes sur le caractère illégal de cette situation et la nécessité d’y mettre fin dans les meilleurs délais. Nous avons pris bonne note des dispositions concrètes prises par les autorités maliennes allant dans le sens d’une prochaine libération ». 

L’Expert a également discuté avec les autorités sur le décès en détention dans des conditions non encore élucidées de l’individu arrêté pour tentative d’assassinat du Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta. 

« Nous demandons aux autorités maliennes d’ouvrir d’une enquête approfondie, rapide et impartiale conformément aux obligations internationales pertinentes du Mali en matière des droits humains », a informé M.Tine.

Il a également rencontré les organisations de la société civile, y compris celles des personnes atteintes d’albinisme et des personnes vivant avec un handicap, les organisations de la société civile et les associations de victimes de l’esclavage par ascendance et les associations luttant contre cette pratique, les organisations non gouvernementales, des représentants du corps diplomatique, les agences, fonds et programmes des Nations Unies ainsi que le Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies et Chef de la MINUSMA. 

Il s’est également rendu dans la région de Gao, où il a rencontré les autorités locales, les associations de femmes et les agences des Nations unies.

À l’issue de sa visite, AliouneTine a publié une déclaration. Il soumettra le rapport complet de sa visite au Conseil des droits de l’homme en mars 2022.


Cet article est republié à partir de news.un.org. Lire l’original ici.





Côte d’Ivoire: le président Ouattara annonce des libérations et des grâces dans un geste d’apaisement


Afrique


Message à la nation du président Ouattara, à la veille du 61e anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Un discours très attendu. Alassane Ouattara a fait un nouveau geste d’apaisement dans le processus de réconciliation des Ivoiriens, en annonçant avoir accordé « la grâce » à neuf détenus arrêtés lors des troubles et violences électorales d’octobre 2020 et la mise en « liberté provisoire de 69 inculpés ». Le chef de l’État tente de répondre ainsi à ses opposants, les anciens présidents Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié.

On l’attendait beaucoup sur le terrain de la décrispation, Alassane Ouattara y a consacré quelques lignes et a rajouté une séquence qu’il affectionne, un point sur l’état de la Nation. Les attaques terroristes sont désormais maîtrisées, s’est réjoui le président, fier aussi de sa gestion de la Covid-19. Le chef d’État a communiqué un bilan de « un million d’Ivoiriens vaccinés, une mortalité faible et un taux de croissance économique de 2% », rapporte notre correspondant à Abidjan, Jean-Luc Aplogan.

Sur le plan politique, la Côte d’Ivoire a réussi, selon Alassane Ouattara, à aller au bout de son cycle électoral, en organisant une présidentielle et des législatives. Le chef de l’État fait remarquer que pour la première fois, depuis de longues années, tous les partis sont représentés au Parlement.

Volonté de réconciliation

Il a regretté les violences meurtrières et rendu hommage aux victimes. Il répond positivement aux requêtes de l’opposition – dialogue, réconciliation, libération de prisonniers – mais il souligne qu’il a toujours été à l’initiative sur ce terrain-là.

Le président Ouattara salue la rencontre Bédié-Gbagbo et celle qu’il a eue avec l’ancien président Laurent Gbagbo le 27 juillet. Rien ne doit entraver la bonne marche de la Côte d’Ivoire, mais tout doit se faire dans le respect des lois et des institutions, précise le capitaine du bateau ivoirien.

Comme attendu Alassane Ouattara a annoncé la libération provisoire de 69 personnes et la grâce de 9 autres détenus arrêtés au moment des violences politiques lors de la dernière présidentielle. Pour rappel, l’ancien président Gbagbo avait donné une liste de 110 noms de détenus qu’il souhaitait voir libérer. « L’examen de la situation d’autres personnes encore détenues se poursuit », a-t-il affirmé.

Le président Ouattara a aussi annoncé 3 000 autres grâces pour des détenus à qui il restait un an ou moins à purger.


Cet article est republié à partir de rfi.fr. Lire l’original ici.





« [ ] le prix à payer si nous voulons bâtir une société véritablement démocratique » [Etienne Soropogui, prisonnier politique guinéen]


Politique


Chers compatriotes,

J’ai été particulièrement heureux d’apprendre que mes anciens codétenus Elhadj Chérif Bah, Cellou Balde, Ousmane Gaoual Diallo et Abdoulaye Bah, tous hauts responsables de l’UFDG avec lesquels j’ai été arbitrairement arrêté et injustement incarcéré, après avoir passé ensemble de longs mois de détention, ont pu finalement retrouver la chaleur du foyer familial.

Etienne Soropogui

Ma satisfaction est plus grande, pour le doyen Chérif avec lequel je partageais, avant son admission à l’hôpital, la même cellule et pour lequel je nourrissais de sérieuses inquiétudes en lien avec sa santé que je sais fragile, ainsi que son âge avancé, qui d’un point de vue éthique, est inadapté pour subir les rigueurs de la prison.

Chers compatriotes,

La direction morale que nous entendons donner à notre pays doit nous interdire de suivre ceux qui nourrissent une obsession maladive et une volonté dévorante de segmentation de notre pays en des enclaves ethniques en s’amusant à jouer avec la corde sensible qu’est l’ethnie.

Nous devons comprendre que cela fait partie de l’un des points d’appui de la monstrueuse doctrine cynique de ceux qui nous gouvernent et qui consistent à réduire notre combat, non pas en un affrontement entre visions divergentes, mais en une opposition et un conflit entre communautés.

Nous devons refuser de prêter le flanc à ce genre de piège facile. Combien de fois allons-nous rappeler à ce gouvernement que la politique du ressentiment, du cantonnement communautaire et de l’exacerbation des clivages identitaires n’est pas une recette pour gouverner.

Surtout que leur propension quasi-addictive consistant à nous mettre dans les enclaves ethniques n’affecte pas que notre vivre ensemble, elle nuit à notre sécurité et à notre avenir.

En ce qui me concerne, les valeurs auxquelles je crois m’interdisent d’entrer en collision ou en combine avec ce genre de turpitude morale, tout simplement parce que je veux sortir de prison pour sauver ma ‘petite tête’.

Chers compatriotes,

Comme vous le savez certainement, j’avais été transféré à partir de la prison, au service cardiologie de l’hôpital Ignace Deen le vendredi 27 novembre 2020 sur un tableau où on soupçonnait une embolie pulmonaire. À ma demande et celle de ma famille, un rapport médical retraçant le détail des pathologies diagnostiqués a été commandé.

Ce rapport a dressé le diagnostic suivant :

  1. Hypertension artérielle grade 2 (HTA Grade II)
  2. Broncho-Pneumonie bilatérale
  3. Hypertrophie surrénalienne droite

Nous avons appris par la suite que le rapport médical initialement établi par l’équipe soignante avait été volontairement écarté et éludé par les autorités de l’hôpital, pour enfin produire une version tronquée qui ne retracerait pas de manière honnête et sincère les pathologies diagnostiquées.

Ils ont donc insidieusement écarté dans ce rapport le diagnostic d’embolie pulmonaire, alors que de fortes probabilités militaient en faveur de cette pathologie qui est une grande urgence cardio-vasculaire.

J’avais été soumis à un traitement anticoagulant (Lovenox) qui a été interrompu en raison des difficultés à surveiller ce type de traitement en milieu carcéral.

Je ne suis donc pas à l’abri de faire d’autres épisodes de thrombose veineuse, voire d’embolie pulmonaire. Il s’agit là d’atteinte extrêmement grave à la déontologie médicale, que d’accepter d’aliéner son indépendance professionnelle sur l’autel des injonctions, des pressions et dividendes politiques.

En tout état de cause, nous nous réservons le droit, mes conseils et moi, de saisir le Conseil de l’ordre des médecins pour tentative d’homicide volontaire en lien avec un manque de loyauté à son serment et établissement de certificat tendancieux et complaisant pouvant porter préjudice à une personne privée de liberté.

Chers compatriotes,

Il vous est loisible de poser le constat par vous-même que nous sommes tous autant que nous sommes, malades à l’intérieur de cette forteresse.

De Ismaël Condé (qui a passé la nuit du samedi à dimanche aux urgences) à Fonikè Menguè (déjà hospitalisé), de Haba à Onivogui en passant par l’iman Baldé de Wanindara et tous les anonymes, tout le monde traîne une maladie.

Mais nous tenons parce que nous avons la conviction solidement ancrée que dans l’intérêt de la lutte pour une Guinée démocratique, débarrassée de la dictature, au-delà des beaux discours, il faut savoir faire don de sa personne en acceptant la pression des épreuves, en acceptant de souffrir et en acceptant de se sacrifier.

Ce sont là hélas les prix à payer si nous voulons bâtir une société véritablement démocratique. Et ce n’est pas le président Alpha Condé qui a représenté pour une génération de Guinéens, notre génération, un symbole national de ‘constance politique’ et de ‘fidélité à ses idéaux’ (même s’il les a hélas trahis) pour lesquels il s’était si longuement battu, parfois avec obsession et entêtement, souvent au prix de sa liberté, de sa santé et au prix de son équilibre familial, qui me dira le contraire.

Etienne Soropogui

Président du parti “Nos Valeurs Communes





Une volonté manifeste du pouvoir de mettre fin à la vie d’Oumar Sylla alias Foniké Menguè [Tournons La Page Guinée]


Tournons La Page exprime ses vives inquiétudes concernant l’état de santé d’Oumar Sylla, coordinateur-adjoint de TLP-Guinée et responsable de la mobilisation du Front National pour la Défense de la Constitution. Arrêté à cause de ses opinions, entre le 17 avril et le 27 août 2020 puis le 29 septembre 2020, l’état de santé de Oumar Sylla se dégrade de jour en jour en raison des conditions carcérales très difficiles à la prison centrale de Conakry. Depuis janvier 2021, il a été hospitalisé sept fois.

Après une grève de la faim le 25 décembre 2020 pour exiger la tenue de son procès. Il a mis fin à sa grève le 8 janvier 2021, après que la date de son audience a été programmée. Très faible, il a dû être hospitalisé le jour même. En mars, il a contracté la Covid-19 à cause de la grande promiscuité dans les prisons guinéennes et n’a pu bénéficier d’assistance médicale que sous la pression de l’opinion publique et de ses avocats.

Le 27 juillet, Oumar Sylla a été évacué à l’hôpital de Ignace DEEN où un collège de médecins cardiologues ont exigé son hospitalisation d’urgence et immédiate à cause de la dégradation avancée de son état de santé, deux électrocardiogrammes ayant révélé de sérieux problèmes du cœur et l’impossibilité pour Oumar Sylla de marcher. Mais les autorités guinéennes ont refusé de donner suite à cette injonction des médecins en dépit de l’urgence, des constatations et recommandations des médecins, en maintenant Oumar Sylla en détention. Aujourd’hui 2 août 2021, Oumar Sylla a de nouveau été interné à l’hôpital suite à une crise.

Cette attitude du pouvoir guinéen de refuser les soins de l’activiste montre une volonté manifeste de le laisser mourir. En outre, son épouse craint un risque d’empoisonnement comme l’avaient subi les quatre opposants morts en prison en début d’année.

Tournons La Page exige que le ministère de la justice permette à Oumar Sylla de recevoir les soins dont il a besoin.

La coalition Tournons La Page Guinée

Contact Presse : Ibrahima Diallo – pdhguinee2011@gmail.com





« Je suis inquiète pour la vie de mon mari » [Par l’épouse de Foniké Menguè, prisonnier politique]


Tribune


J’écris ces mots dans une situation inimaginable dans un pays qui se dit démocratique en ce 21eme siècle. J’écris ces mots avec un cœur qui bat dans une totale inquiétude. Depuis que j’ai quitté mon mari à l’hôpital mardi, mon cœur ne cesse de battre et mes larmes couler chaque fois que je pense à ce que Alpha Condé, Kassory et leur ministre de la justice veulent faire de mon mari. Je suis inquiète pour la vie de mon mari, inquiète pour nos enfants, inquiète pour moi-même. 

Hawa Djan DOUKOURE

Quand l’état de santé de mon mari s’est dégradé mardi à cause des conditions de détention inhumaines qu’il subit depuis plus de 15 mois, il a été évacué à l’hôpital Ignace Deen en ma présence.

Malgré la conclusion du collège des médecins cardiologues qui exigeaient une hospitalisation d’urgence, Alpha Condé à travers son ministre de la justice Mory Doumbouya et son directeur de l’hôpital Ignace Deen Dr Awada ont refusé d’accéder à cette demande. Les médecins ont pourtant précisé qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort, jusqu’à ce qu’un médecin conseille à mon mari de se déplacer dans une chaise roulante, avec le risque qu’il ne tombe en marchant. 

Cet acte prouve davantage que ce pouvoir, après avoir échoué à convaincre mon mari à joindre leur complot contre le peuple, veut maintenant ôter sa vie ou le contraindre à demander pardon en mettant sa vie à risque. Toute la Guinée se rappelle encore la mort de notre camarade Roger Bamba (Paix à son âme), dont la femme est actuellement en veuvage avec des bébés orphelins. 

Je tiens à préciser que mon mari a fait l’objet de deux diagnostics en électrocardiogrammes qui ont tous confirmé qu’il a un problème sérieux au niveau du cœur qui nécessité une hospitalisation d’urgence et immédiate. Mais ce pouvoir sans pitié a ordonné son maintien en prison, certainement dans l’objectif de l’obliger à demander pardon pour un crime qu’il n’a pas commis. Mais c’est mal connaître mon mari qui est un homme de courage et de dignité, et qui a mon soutien indéfectible. Par ailleurs, le premier test de mon mari a été retardé d’une journée malgré l’urgence, parce que le fameux Dr Awada, sans cœur et sans foi, a dit que son hôpital n’a pas 650.000 FG pour faire le bilan cardiaque pour voir si mon mari ne souffre pas d’un infarctus. Il mettait ainsi la vie de mon mari en danger à cause de 50 euros en quelque sorte. Mon mari a décidé de ne plus payer les frais médicaux que nous avons toujours supportés depuis sa détention. Il leur a rappelé ceci avant hier en ces termes :

« Je ne paye plus rien, chaque fois que je tombe malade, vous me faites payer de l’argent et pourtant c’est votre pouvoir qui m’a mis en prison, qui m’empêche de travailler pour nourrir ma famille, c’est donc lui qui doit payer pour mes soins quand je tombe malade, je ne paierai plus rien, j’ai déjà payé beaucoup d’argent en prison ces mois pour mes soins, c’est terminé. » 

Ce premier jour donc, malgré l’insistance des médecins, mon mari est retourné en prison dans une chaise roulante, sans savoir que son cœur tiendra jusqu’au lendemain. C’est hier que le ministre de la justice aurait payé les frais pour le prélèvement. En dépit de l’urgence et de la recommandation que les médecins ont signalé pour son hospitalisation, jusqu’à présent mon mari n’a entamé aucun traitement. Le résultat de son diagnostic n’est aussi pas transmis aux médecins.

C’est sûr qu’ils ont décidé de le tuer à petit feu sous les ordres d’Alpha Condé, son PM et son ministre de la justice. 

Nous prenons le peuple de Guinée et la communauté internationale à témoin sur la volonté de ce régime à éliminer physiquement mon mari. Aujourd’hui, le garder illégalement et injustement ne leur suffit plus, donc il faut l’éliminer stratégiquement à petit feu comme ils l’ont fait à Roger Bamba et plusieurs autres compatriotes.

Qui sait s’ils ne sont pas en train de l’empoisonner en ce moment même car depuis une semaine je ne contrôle plus la chaîne de repas de mon cher époux à cause de la présence d’une équipe mixte composée des gendarmes et policiers dans les mains desquels les repas passent. Depuis la présence de cette équipe mixte et illégale, tout est devenu encore pire. Il faut rappeler que ce sont ceux qui l’ont kidnappé et déféré en prison qui sont actuellement les mêmes qui contrôlent la chaîne de repas. Ce qui est un conflit de compétence et un risque direct pour lui.

Je finis cette tribune par informer l’ensemble du peuple de Guinée que mon mari reste serein car il sait que la justice populaire et la justice de Dieu sont plus fortes qu’une justice aux ordres d’un seul homme. Nous sommes une famille de croyants, et avons la foi en Dieu. Devant Dieu et les hommes, ce régime est en train de priver mon mari de son droit fondamental aux soins sanitaires, en violation des droits universels. L’histoire en est témoin !

Hawa Djan DOUKOURÉ, épouse de Fonikè Manguë, prisonnier politique





« Toutes les sociétés divisées sont condamnées à la régression » [Par Tierno Monénembo]


Interview


Quand avions- nous constaté progressivement les actes d’ethnocentrisme et de racisme en Afrique en générale et en particulier en république de Guinée et comment ont-ils évolué négativement ?

Les conflits dus aux problèmes fonciers et aux différences en matière de culture et de religion sont inhérents à toutes les sociétés. En Afrique et en particulièrement en Guinée, le colonisateur (depuis Faidherbe, surtout) a aggravé les différences en sortant les ethnies de leur dynamique historique, en les figeant dans le temps. Et les décolonisateurs qui ont succédé aux colonisateurs n’ont rien fait pour remédier à cet état de fait. Ce qui fait qu’aujourd’hui, un mur de verre sépare nos ethnies qui, sorties du même moule historique et culturel, ont longtemps pratiqué l’osmose et la réversibilité. Dans les temps anciens, un Diallo venu du Fouta-Djalon et installé en Haute-Guinée devenait après quelques années, un Camara, un Traoré ou un Fofana. Inversement, un Condé venu de Haute-Guinée et installé au Fouta-Djalon, devenait facilement un Bah. Personnellement, je connais plein de Bah de Pita qui sont en vérité des Condé venus de Kankan ou de Kouroussa.  A Faranah, Siguiri et ailleurs, on ne compte pas le nombre de Camara ou de Fofana qui ne sont rien d’autre que des Diallo venus de Mamou ou de Dalaba.

Notre malheur est que nos dirigeants ont détourné à leur profit la fameuse règle du « diviser pour régner » chère au colonisateur.

L’ethnie chez nous est une plaisanterie. Savez-vous par exemple que les Peuls, les Malinkés et les Soussous viennent tous des Sarakolés (Les soussous, les vrais, par leur père et leur mère ; les Peuls, par leur mère et les Malinkés, par leur père) ? Savez-vous que ceux que les Blancs ont appelés les Forestiers sont en fait des Proto-Mandingues, c’est-à-dire des Mandingues d’avant la création de l’empire.   

Quelles en sont des causes profondes de ces actes ethnocentriques et de racisme en Afrique et en particulier en Guinée ?

De tout temps, les différences ont nourri les conflits. Seulement, la psychologie des sociétés a beaucoup évolué ces dernières années du fait du fulgurant progrès technique, intellectuel et moral. Généralement, les êtres humains s’acceptent mieux aujourd’hui qu’il y a des siècles. Malgré la Somalie, la Syrie et l’Afghanistan, malgré la Birmanie et le Congo, jamais le monde n’a connu une période aussi pacifique. Savez-vous que dans la Préhistoire, 40% de l’Humanité mourait dans les guerres ?

Mais revenons au problème ethnique guinéen. Et permettez-moi de répéter ce que j’ai plusieurs fois dit ou écrit ailleurs : pour moi, le djihadisme et le tribalisme ne sont pas des causes objectives, ce sont les conséquences de la mal-gouvernance Deux cas illustrent parfaitement cela : la Côte d’Ivoire et la Somalie. Sous Houphouet- Boigny, toutes les ethnies d’Afrique de l’Ouest vivaient en Côte d’Ivoire et elles ne se sont pas fait la guerre ; au contraire, elles ont produit la meilleure économie d’Afrique de l’Ouest. Au contraire, la Somalie qui est peuplée à 100% de Somalis, musulmans à 100%, parlant somali à 100% a éclaté en 5 morceaux à cause des conneries de ses dirigeants.

Ceci dit, les sociétés harmonieuses, ça n’existe pas. Les conflits sont inhérents à la vie humaine. Mais ils disparaissent ou deviennent parfaitement supportables quand la gouvernance est bonne.

Quelles sont les conséquences sur la vie sociale, économique, religieuse et politique dans notre pays ?  Quelques exemples africains et mondiaux.

Qu’elle soit familiale ou nationale, les conséquences de la division sont connues, c’est le dysfonctionnement social, la discorde politique et la stagnation économique. Toutes les sociétés divisées sont condamnées à la régression. En Afrique, la Somalie citée plus haut en est un bel exemple, le Rwanda de Habaryamana aussi. Ailleurs, dans le monde, ce sont les conflits ethniques et religieux qui ont eu raison de la belle Yougoslavie de Tito. 

Comment faire du jeune guinéen un acteur et un ambassadeur de la déconstruction des consciences racistes et ethnocentriques ?  

C’est simple : il faut le former. Il faut d’urgence lui apprendre son histoire et sa géographie. Au Mali, Alpha Oumar Konaré a institué deux choses qui m’ont particulièrement  ravi : la vulgarisation du tourisme scolaire et la diversification des bibliothèques. Lire et voyager,  ça civilise la bête humaine !

Notre système éducatif doit faire comprendre au petit Guinéen que sa langue, son village et son ethnie ne sont pas les seuls, qu’il y a d’autres langues, d’autres villages, d’autres ethnies. Qu’il se rende compte dès son plus jeune âge de la diversité ethnique et culturelle de son pays et qu’il se prédispose à l’assumer. Vous s savez, la citoyenneté n’est pas une chose innée, ce n’est pas un produit naturel. On ne cueille pas la citoyenneté comme on cueille la mangue. La citoyenneté est un produit artificiel et récent. Elle est apparue (dans sa version moderne tout au moins) avec la Révolution Française de 1789.  Je répète que le citoyen, ça ne cueille pas, ça se fabrique. Le citoyen cela se fabrique de toute pièce dans le moule de l’école dans celui de l’armée. Question : dispense-t-on des cours d’instruction civique en Guinée ?

Quelle stratégie pour lutter contre le phénomène dans nos pays ?

D’abord, en l’appréciant à sa juste valeur : le tribalisme en Guinée est loin d’égaler celui de certains pays d’Afrique. Mon ami Milly Honomou qui a longtemps vécu au Burundi me disait l’autre jour : « Ici, le tribalisme, c’est de la blague ! Au Burundi, il n’y a même pas la parenté à plaisanterie. Là-bas, c’est 50 000 morts pour le moindre écart de langage». Chez nous, le tribalisme, c’est de la pure et simple manipulation politique. Comme je l’ai dit plus haut, nous n’avons même pas d’ethnie au sens vrai du terme. De ce point de vue, avec un minimum de bonne volonté, il n’y a pas de pays aussi facile à gouverner que la Guinée. La configuration malienne par exemple est beaucoup plus complexe : c’est un pays multiracial, multiethnique et multiconfessionnel.

Quel message que doit porter les jeunes leaders d’opinion de Guinée pour impacter les générations montantes positivement ?

Mon message à moi est le suivant : l’ethnie n’est pas un handicap, ce n’est pas une barrière infranchissable, non plus. Notre diversité ethnique est une richesse. Eh bien, enrichissons-nous mutuellement !

Quel est le rôle des jeunes dans la déconstruction des consciences ethniques et racistes en Afrique et en particulier en Guinée ?

La conscience ethnique n’est pas un délit, c’est même un droit. Le délit, le crime, c’est d’opposer les ethnies les unes autres. L’unité nationale, ce n’est pas la suppression des ethnies, c’est la reconnaissance pleine et entière de chacune et de toutes.

Une interview réalisée par Jean-Zézé GUILAVOGUI





Les États-Unis dénoncent la poursuite des arrestations de membres de l’opposition politique en Guinée [Déclaration]


Politique


L’ambassade des États-Unis se félicite de la récente libération provisoire de quatre membres de l’opposition politique après huit mois de détention provisoire. Il s’agit d’une étape positive vers la réconciliation nationale.

Ce geste contraste fortement avec l’arrestation et la détention de la figure de l’opposition Kéamou Bogola Haba le 14 juillet par le gouvernement guinéen. Cette dernière détention suggère que le gouvernement guinéen continue à arrêter et à réduire au silence les voix politiques de l’opposition.

Les États-Unis réaffirment que l’État de droit et la liberté d’expression sont au cœur d’une démocratie stable, fonctionnelle et crédible.

Chacun mérite le droit de s’exprimer, comme le stipule la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Les États-Unis appellent le gouvernement guinéen à renforcer le pluralisme politique et le respect des droits de l’homme, notamment la liberté d’expression et la tenue d’audiences publiques et équitables sans retard excessif pour les personnes qui restent en détention provisoire.

Mettre fin à l’apparence de détentions pour des raisons politiques contribuera à restaurer la confiance du public et de la communauté internationale dans la démocratie guinéenne et à encourager le dialogue politique, qui ne peut réussir que si toutes les parties sont convaincues qu’il peut y avoir une issue positive.





Parti politique et droit de manifester, «une arme citoyenne que le constituant met à sa disposition» [Par Maître Mohamed Traoré]


Opinion


Au lendemain des élections nationales de 2020, un groupe de partis politiques se disant de l’opposition constructive a exprimé son intention de faire désormais la politique “autrement” par opposition à d’autres qu’ils considèrent, à mots couverts, comme des fauteurs de troubles. Parmi eux, il y en a qui ont affirmé qu’ils ne sont pas des opposants qui jettent des cailloux ou brûlent des pneus. Ces propos leur ont valu beaucoup d’ovations de la part du pouvoir et de ses partisans.” S’opposer autrement” signifiait dans leur entendement, privilégier le dialogue, critiquer tout en faisant des propositions concrètes. Ils ont qualifié cette approche d’opposition constructive.

Ce sont les mêmes partis politiques qui fustigent les manifestations politiques. Ils mettent dos à dos le pouvoir et l’opposition dite radicale et certains d’entre eux soutiennent même parfois que ceux qui appellent à manifester sont les seuls responsables des morts, blessés et casses liées aux manifestations. En faisant un bilan à mi- parcours de l’action de cette opposition “constructive”, on peut bien se demander qu’est-ce qu’elle a pu obtenir du pouvoir par les biais de sa stratégie consistant à “s’opposer autrement”. En tout cas, la dérive hégémonique du pouvoir dans l’espace politique reste toujours marquée, les libertés individuelles sont de plus en plus bafouées.

Quant au chef de file de l’opposition, un des concepteurs de cette ” manière différente de faire la politique”, il est totalement mis à l’écart depuis qu’il a eu ” l’outrecuidance” de critiquer le président de la République. Certains disent que l’opposition dite radicale devrait changer de stratégie en ne fondant pas son action sur les manifestations sur la voie et les espaces publics.

Mais avec l’ostracisme dont le chef de file de l’opposition est l’objet, on constate que même en usant d’une stratégie “apaisée” ou en utilisant une méthode ” douce” à la limite de la langue de bois, l’opposition “dialoguiste” n’obtient rien puisque le pouvoir ne lâche rien, ne cède rien.

Cette opposition s’était empressée de se réjouir à l’annonce de la mise en place d’un cadre de dialogue politique et social et la nomination du secrétaire permanent dudit cadre. Mais des semaines après, on peut se demander si elle est aussi enthousiaste qu’elle l’était au départ.

En définitive, quand cette opposition appelle à un changement de stratégie et condamne les manifestations, l’on est en droit de se demander si elle est vraiment de bonne foi puisque sa propre stratégie tarde à produire des résultats. Encourage-t-elle l’immobilisme ? L’expérience montre d’ailleurs que très souvent, la plupart des partis politiques qui ont la dent dure envers les manifestations sont ceux qui ne peuvent pas mobiliser et dont les activités se limitent à la présence de leurs dirigeants dans les médias.

Sinon, aucun parti politique ne peut se priver de cette arme citoyenne que le constituant met à sa disposition. C’est pour cette raison que la constitution de 2020 a encore repris le droit de manifester.

Au lieu de critiquer les manifestations, il serait plus utile d’amener l’État à repenser plutôt sa gestion des manifestations à moins qu’on ne veuille faire le jeu du pouvoir en contribuant à la restriction et, bien plus grave, à la suppression de fait du droit de manifester.


Ce texte a été publié pour la première fois sur le compte Facebook de l’auteur.

Maître Mohamed Traore est avocat, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Guinée

Le titre de l’article est un choix de notre rédaction





Guinée: La récente libération de prisonniers ne doit pas faire oublier le maintien en détention de près de 60 autres depuis la période électorale


Politique


  • La décision de non-lieu pour 40 détenus décrispe l’espace civique
  • Des opposants politiques renvoyés devant le tribunal
  • Le militant pro-démocratie Oumar Sylla doit être libéré

La décision de non-lieu ou de renvoi en procès concernant 97 personnes en détention provisoire depuis leur arrestation dans le contexte de la contestation de l’élection présidentielle d’octobre dernier est un pas positif vers le respect des libertés et des principes de procès équitable en Guinée, a déclaré Amnesty International jeudi 8 juillet 2021.

Nous saluons l’avancée des procédures concernant les personnes arrêtées pendant la période électorale. C’est un pas positif pouvant contribuer à la décrispation de l’espace civique, caractérisé depuis le début de la période électorale par des arrestations arbitraires d’opposants et d’activistes, et une répression de presque toutes leurs manifestations. 

Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

« Nous saluons l’avancée des procédures concernant les personnes arrêtées pendant la période électorale. C’est un pas positif pouvant contribuer à la décrispation de l’espace civique, caractérisé depuis le début de la période électorale par des arrestations arbitraires d’opposants et d’activistes, et une répression de presque toutes leurs manifestations », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Une ordonnance de renvoi datée du 29 avril 2021, consultée par Amnesty International, a acté la libération de 40 personnes à la suite d’un non-lieu, sur un total de 97 en détention provisoire depuis octobre dernier pour différents chefs d’inculpation en lien avec des discours ou des actions prises durant la période électorale. Les 57 autres détenus ont été renvoyés devant le tribunal de Dixinn dans la capitale Conakry pour être jugés.

Par ailleurs, une grâce présidentielle a été accordée les 18 et 22 juin, à quatre personnes, dont trois s’opposaient au troisième mandat du président Alpha Condé. Il s’agit de Mamadi Condé, Souleymane Condé et Youssouf Diabaté. Leur libération intervient à la suite de demandes de pardon qu’elles ont exprimées après plusieurs mois de détention.

Ces libérations ne doivent néanmoins pas faire oublier que des dizaines d’autres personnes sont en détention provisoire depuis plus de sept mois, dont des opposants politiques, et qu’un activiste pro-démocratie, Oumar Sylla, est détenu arbitrairement, simplement pour s’être exprimé. 

Samira Daoud

« Ces libérations ne doivent néanmoins pas faire oublier que des dizaines d’autres personnes sont en détention provisoire depuis plus de sept mois, dont des opposants politiques, et qu’un activiste pro-démocratie, Oumar Sylla, est détenu arbitrairement, simplement pour s’être exprimé. Ce dernier doit être libéré immédiatement et sans conditions, tandis que les autres personnes doivent être jugées sans délai selon des procédures justes et équitables, ou libérées », a déclaré Samira Daoud.

Parmi les personnes renvoyées devant le tribunal de Dixinn pour être jugées, se trouvent quatre responsables de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, opposition), Ibrahima Chérif Bah, Ousmane « Gaoual » Diallo, Mamadou Cellou Balde et Abdoulaye Bah, ainsi qu’Etienne Soropogui, président du mouvement politique allié Nos valeurs communes. Amadou Djouldé Diallo, membre de la cellule de communication de l’UFDG, a lui aussi été renvoyé devant le tribunal.

Selon l’ordonnance de renvoi, les charges pour « meurtre et complicité de meurtre » ont été abandonnées contre eux mais ils sont inculpés chacun pour tout ou partie des charges suivantes : « atteinte aux institutions de la république », « trouble à l’État par la dévastation et le pillage », « participation à un mouvement insurrectionnel », « menace de violence ou de mort par le biais d’un système d’information », et « production, diffusion et mise à disposition d’autres de données de nature à troubler l’ordre public ou la sécurité publique. »

« Aucune date d’audience n’a encore été fixée, des visites leur ont été refusées, leur mandat de dépôt, arrivé à expiration, n’a pas été renouvelé, en violation du Code de procédure pénal », a déclaré à Amnesty International l’un des avocats du collectif de la défense.

Ce collectif avait annoncé en février 2021 la suspension de sa participation à la procédure, au motif du « caractère fallacieux des chefs d’inculpation, des détentions arbitraires prolongées, et de la violation répétée et intolérable des droits de la défense. »

Également parmi les 57 personnes renvoyées devant le tribunal, huit le sont pour l’attaque d’un train de la compagnie minière russe Rusal, le 23 octobre 2020 à Sonfonia (Conakry), au cours de laquelle quatre agents des services de défense et de sécurité ont trouvé la mort.

Oumar Sylla en détention arbitraire depuis bientôt 10 mois

Le militant pro-démocratie du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) Oumar Sylla, demeure en détention arbitraire depuis bientôt 10 mois. Arrêté le 29 septembre 2020 à Conakry alors qu’il s’apprêtait à participer à une manifestation organisée par le FNDC pour protester contre la candidature du président Alpha Condé à un troisième mandat, il a été condamné lors de son procès en appel le 10 juin 2021 à trois ans de prison ferme pour « communication et divulgation de fausses informations, menaces notamment de violences ou de mort ».

Après trois mois de détention provisoire, Oumar Sylla avait entamé une grève de la faim le 25 décembre 2020 pour exiger la tenue de son procès.

Les autorités doivent immédiatement et sans conditions libérer Oumar Sylla, ainsi que toutes les personnes arbitrairement détenues pour avoir voulu exercer leur droit à la liberté d’expression. 

Samira Daoud

« Les autorités doivent immédiatement et sans conditions libérer Oumar Sylla, ainsi que toutes les personnes arbitrairement détenues pour avoir voulu exercer leur droit à la liberté d’expression », a déclaré Samira Daoud.

Parmi les cinq responsables de l’UFDG et de Nos valeurs communes détenus, Ibrahima Chérif Bah, 73 ans, Abdoulaye Bah, et Ousmane « Gaoual Diallo », ont été hospitalisés ces derniers mois pour des problèmes de santé, tandis que Ismaël Condé, autre opposant en détention, a été admis à l’hôpital après s’être « volontairement ébouillanté le visage et le torse avec de l’eau chaude, » selon le ministère de la Justice.

Selon des membres de la famille de Ibrahima Chérif Bah – détenu depuis le 30 novembre 2020 – contactés par Amnesty International, une évacuation d’urgence à l’étranger lui a été refusée, bien qu’il ait « des difficultés à suivre son traitement car il est compliqué de lui faire parvenir ses médicaments en raison des restrictions de voyages. »

Le ministère de la Justice avait annoncé le 20 avril 2021 son admission à l’hôpital, en rapportant que son état avait été jugé « médicalement stable » par « une équipe médicale composée d’éminents cardiologues. »

Amnesty International s’associe à l’appel formulé le 25 mars 2021 par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, demandant aux autorités d’examiner les moyens de libérer les personnes particulièrement vulnérables à la COVID-19, notamment les détenus les plus âgés et ceux malades.

Entre décembre 2020 et janvier 2021, Amnesty International avait documenté et communiqué sur la mort de quatre personnes, dont trois militants ou sympathisants de l’UFDG, pendant leur détention provisoire à la prison centrale de Conakry.

Menaces contre des opposants politiques

Des pressions et menaces continuent par ailleurs d’être exercées contre des opposants politiques.

Le président et l’un des vice-présidents de l’UFDG ont ainsi été interdits de sortie du territoire à plusieurs reprises, et le passeport du président du parti a été confisqué par les autorités sans base légale, en violation de leur droit à la liberté de mouvement.

Morlaye Sylla, militant de l’UFDG en Guinée-Bissau, a reçu en 2019, 2020 et 2021 des menaces de mort de la part d’un responsable de l’ambassade de Guinée et d’un proche du consul dans ce pays, en raison de ses activités politiques et de ses publications critiques envers le pouvoir.
En dépit d’une plainte déposée en 2020 à la police judicaire de Bissau suite à une agression, le militant a déclaré à Amnesty International qu’aucune suite n’a été donnée à ses alertes jusqu’à présent.

Amnesty International appelle les autorités bissau-guinéennes à prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit à la liberté d’expression, et faire cesser ces menaces.

Complément d’information

Après les violences consécutives à la tenue de l’élection présidentielle contestée du 18 octobre 2020, le procureur général de la Cour d’appel de Conakry avait annoncé le 31 octobre 2020 l’interpellation de 325 personnes. D’autres avaient ensuite été arrêtées au mois de novembre, dont plusieurs membres de l’UFDG et de Nos valeurs communes.

Une semaine après l’élection présidentielle organisée dans un contexte de répression du droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, Amnesty International avait conclu à des tirs à balles réelles sur des passants et des protestataires à Conakry la capitale et Labé au nord du pays, par les forces de défense et de sécurité.


Amnesty International





Guinée : légitimité et confiance, les deux «institutions invisibles» qui empêchent le dialogue politique


Politique


Le 2 juin dernier, dans une tribune, trois responsables du parti d’opposition, Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), arrêtés après la présidentielle de 2020 et inculpés pour « trouble à l’État par la dévastation et le pillage, atteinte aux institutions de la République, participation à un mouvement insurrectionnel, menace de violences ou mort par le biais d’un système informatique, diffusion et la mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler l’ordre public » clamaient une fois de plus leur innocence en réfutant « toutes les accusations de violence quelles qu’elles soient et qui seraient susceptibles de mettre en danger la paix sociale, de menacer la sécurité de nos compatriotes et de nos institutions ».

Dans ce dossier politico-judiciaire, les trois détenus politiques signataires de la tribune appellent à « l’impartialité de l’institution judiciaire, mais aussi à la neutralité de l’Exécutif ». Ils formulent l’espoir que, le « déroulement et l’issue qui en sortira constitueront un jalon essentiel dans la volonté de décrispation du climat politique ». Ils estiment « que ce serait là, un des premiers gages d’ouverture d’un dialogue constructif ». Enfin, les trois responsables politiques pensent « qu’il est fondamental d’œuvrer dans ce sens afin d’amorcer le processus d’apaisement par le dialogue et la concertation dans le souci de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale ».

Face aux diverses interprétations de cet « appel » au « dialogue » (résultat d’un curieux emballement médiatique) qui est plutôt un appel à l’institution judiciaire pour un traitement impartial du dossier, la direction de l’UFDG publie une déclaration dans laquelle, elle réitère la position du parti par rapport au dialogue politique qui, selon elle, « relève exclusivement de la direction nationale du parti et de ses instances compétentes ». Il n’en fallait pas plus pour alimenter les débats sur des « dissensions » qui mineraient ce parti d’opposition notamment, autour de la question d’un éventuel dialogue avec le pouvoir. Divisés sur la question, les acteurs politiques du pays font le tour des médias pour défendre les arguments qui sous-tendent leur positionnement. Rappelons que le 27 janvier dernier, un décret a été publié, instaurant un « dialogue politique et social » entre acteurs institutionnels, politiques et sociaux. Dans un contexte d’impasse politique et de difficultés financières (les récentes conclusions du FMI convergent dans ce sens), le gouvernement guinéen se voit contraint de rééditer sa recette traditionnelle, une fois le dos au mur : l’appel au dialogue. Après avoir bravé tous les interdits de la démocratie (modification de la constitution pour se maintenir au pouvoir, violation des droits de l’Homme), le pouvoir de Conakry s’est retrouvé isolé sur la scène internationale et souffrirait d’un manque de légitimité auprès d’une grande majorité des populations.

Comme en 2015, l’appel au dialogue est avant tout une contrainte pour le pouvoir qui se trouve acculé de toute part. La décrispation du climat politique, gage de confiance des investisseurs et d’autres partenaires financiers, devient une conditionnalité pour la normalisation des relations bi et multilatéraux. Pour ce faire, la participation à ce dialogue des ténors de l’opposition politique est un gage de crédibilité et le gouvernement est conscient du poids réel des partis d’opposition (le rétropédalage dans le projet mort-né de fabriquer une nouvelle opposition avec son chef de file est un exemple éloquent).

L’union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo est catégorique sur la question du dialogue. Pour ce parti de l’opposition, le dialogue n’est pas d’actualité. Lors d’une réunion extraordinaire du conseil politique du parti, le 9 juin dernier, il a été décidé ce qui suit : le parti s’abstient de tout commentaire sur la question du dialogue politique tant que « Les cadres et militants de l’UFDG de l’ANAD et du FNDC seront maintenus en prison ; les bâtiments de l’UFDG abritant son siège et ses bureaux seront fermés et occupés par les forces de défense et de sécurité ; le président du parti, son épouse et ses proches collaborateurs seront arbitrairement privés de leurs droits et libertés de voyager ».

En revanche, pour l’union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré, le dialogue est la seule issue possible pour résoudre la crise que traverse le pays. Dans une déclaration publiée le 30 décembre dernier, l’UFR lance « un appel à la concertation pour qu’au moins, le travail recommence et que les Guinéens puissent voir le bénéfice de tous ces débats politiques qui n’en finissent pas ».

Quant au parti de l’espoir et le développement national (PEDN) de Lansana Kouyaté, son parti « n’ira pas à ce dialogue ». Invité de l’émission « Sans Concession » de Guinéenews le 8 juin dernier, Lansana Kouyaté reste sceptique sur les véritables objectifs de ce dialogue : « Comment voulez-vous qu’on parte au dialogue dont on sait d’avance que c’est pour peut-être avoir du temps, pour que les choses se calment et qu’on passe à autres choses ».

Député et président de l’union des forces démocratiques (UFD), Baadiko Bah, dans un entretien accordé à Guineenews au mois de janvier dernier, est encore plus dubitatif sur la sincérité de cet appel au dialogue. Pour cet opposant, le dialogue est « un gadget pour amuser la galerie, faire semblant qu’on est ouvert à dialoguer sans que ça n’ait aucune portée pratique pour résoudre les véritables problèmes auxquels font face la Guinée ».

Dans une déclaration rendue publique le 20 juin dernier, le parti MoDel dirigé par Aliou Bah, exprime sa position sur la question du dialogue et reste ferme « il [le parti] ne se sent ni intéressé ni concerné par un simulacre de dialogue tel qu’il est annoncé et se déroule actuellement ».

Dialogue politique inter-guinéen, un espace d’insincérité

En août 1993, l’archevêque de Conakry, le cardinal Robert Sarah, dans une déclaration intitulée « la Guinée, une famille à construire » présentait un diagnostic assez critique de la société guinéenne dans son ensemble. Il disait ceci : « Le guinéen ne respecte plus rien, ni sa vie, ni la vie des autres, ni le bien des autres, ni les coutumes ou valeurs traditionnelles, ni les principes sacrés de la religion. Plus rien n’arrête le guinéen quand il a décidé de détruire, d’assassiner, de voler. Nous vivons, en conséquence, dans une société anarchique. [  ] Nous n’avons pas de projet de société cohérent. Nous naviguons à vue, inventant et improvisant des solutions, à la merci des évènements et des situations. » Dans un contexte de tensions politiques sur fond de violences au moment où la Guinée s’apprêtait à organiser ses premières élections (présidentielle et législatives) multipartistes, ces propos décrivent une société guinéenne malade.

Pour ce très respecté responsable religieux, cette Guinée peut s’en sortir car elle dispose des ressources nécessaires, mais il faudrait qu’il y ait une « vigoureuse volonté d’application du pouvoir judiciaire [ ] de façon à ne plus laisser impunis les grands crimes et à défendre efficacement les droits des plus faibles » Selon lui, sans volonté d’application, « la forêt des lois ne résout pas les problèmes essentiels ».

Vingt-huit ans après cette déclaration, la Guinée d’aujourd’hui semble fidèle à ce diagnostic et les acteurs sont presque les mêmes, à quelques exceptions près.

Les élections en Guinée ont toujours été des périodes d’exacerbation des violences. D’un côté nous avons une machine répressive de l’Etat qui n’hésite pas tirer sur sa population et de l’autre, des oppositions de plus en plus déterminées à se faire entendre en usant des seuls moyens dont elles disposent, à savoir, les manifestations de rue et les recours devant les tribunaux du pays même si elles savent à quoi s’attendre de l’appareil judiciaire. Lors de ces élections, deux facteurs contribuent à la cristallisation des tensions : la légitimité et la validité du processus. Toutes les tentatives et actions de contournement et d’instrumentalisation des règles du jeu électoral engendrent des contestations et ces dernières produisent de la violence.

Pour reprendre la formule de Carlos Santiso, de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale, une organisation intergouvernementale dont la mission est de promouvoir la démocratie durable dans le monde : « Les élections ne sont pas l’égal de la démocratie ». En observant la situation de la démocratie dans de nombreux pays, Santiso arrive à la conclusion que « les processus de démocratisation empruntent assez souvent des voies irrégulières, imprévisibles et parfois réversibles dans des environnements politiques changeants ».

Dans son ouvrage, La contre-démocratie, publié en 2006, Rosanvallon présente trois piliers qui, selon lui, compose l’expérience démocratique : le gouvernement électoral-représentatif qui assure l’assise institutionnelle, la contre-démocratie qui assure une certaine vitalité contestataire et le travail réflexif du politique qui assure une densité historique et sociale à la démocratie. Cependant, souligne l’auteur, ces trois dimensions intègrent des pathologies qui doivent pouvoir être surmontées. Selon lui, le gouvernement électoral-représentatif tend à se transformer en aristocratie élective, la contre-démocratie serait hantée par le populisme et l’antipolitique et le travail réflexif du politique risque d’être selon lui, aspiré par la facilité « décisionniste ».

Célébrée par tous les observateurs comme un tournant démocratique majeur, l’élection en 2010 de l’ancien opposant historique guinéen, avait suscité un immense espoir chez les guinéens et africains en général, même si les conditions de son accession au pouvoir laissaient déjà présager le jusqu’auboutisme du personnage pour arriver à ses fins, même par les moyens antidémocratiques. Plus de dix ans après, la déception est le sentiment le plus partagé par les guinéens. Les tendances autocratiques du régime sont bien réelles. Si la cour suprême guinéenne (symbole de la complaisance des contre-pouvoirs institutionnels) a bien entériné la « victoire » (certains diront plutôt le maintien) de Alpha Condé après la présidentielle contestée et surtout violente d’octobre 2020, force est de reconnaitre que le régime peine à asseoir son autorité parce qu’il souffre d’un manque de légitimité auprès de nombreux guinéens qui, par cet acte de la plus grande institution judiciaire du pays, ont le sentiment d’assister impuissant à une confiscation du pouvoir et redoutent de revivre un remake des dix dernières années avec ses corollaires  de violations des règles et principes démocratiques. Cette panne judiciaire (une réalité guinéenne) a pour cause une carence criarde d’indépendance de la justice, mise sous tutelle par un pouvoir exécutif oppressant.

Un président de la République avec un statut privilégie au-dessus de tous les autres pouvoirs. C’est cette relation, caractéristique des régimes africains que Claude Momo et Eric-Adol Gatsi dans un document intitulé L’exécutif dualiste dans les régimes politiques des Etats d’Afrique noire francophone, publié en 2020, tentent d’expliquer. Selon ces auteurs, la relation entre le président de la République et les autres pouvoirs « rame quasiment à contre-courant de l’idée de checks and balances chère à Montesquieu qui fait du pouvoir le contre-pouvoir du pouvoir et justifie l’étiquette de « monarque républicain » ou de « président impériale »

Pour celui qui avait promis de faire « disparaître » l’opposition de la scène politique guinéenne, la désillusion est aujourd’hui grande chez ses partisans. La lecture simpliste qui consiste à réduire « les oppositions » à l’opposition politique et plus particulièrement aux leaders de certains partis d’opposition, s’est révélée erronée. Ces dernières années, l’espace politique guinéen a connu l’émergence d’autres acteurs issus de la société civile, avec de nouvelles stratégies de lutte et une nouvelle dynamique d’engagement citoyen. Une preuve que l’exigence démocratique est de plus en plus grande chez les citoyens.

Ce citoyen n’est pas celui décrit par Richard Balme, c’est-à-dire, qui se cantonne dans un rôle minimal de pourvoyeur de voix. Il est ce citoyen qui surveille. Rosanvallon, dans un ouvrage collectif intitulé Chroniques de la gouvernance publié en 2009, explique qu’au « peuple-électeur s’ajoute le peuple-surveillant, le peuple-veto et le peuple-juge qui se manifestent dans des institutions ou de manière plus spontanée et informelle. À l’élection s’ajoute la surveillance, l’empêchement et le jugement ».

Du manque de légitimité au déficit de confiance, un « titre à gouverner » obsolète 

Dans son intervention lors du colloque « la justice du XXIe siècle » en 2014 à l’UNESCO, Pierre Rosanvallon disait qu’un pays ne fonctionne pas simplement avec des institutions et des valeurs. Il fonctionne aussi avec des « institutions invisibles », un concept développé par le prix Nobel d’économie Kenneth Arrow dans son ouvrage Les limites de l’organisation publié en 1974.

Pour ce sociologue et professeur au Collège de France, une société dans laquelle la confiance se délite, est une société dans laquelle le fonctionnement des institutions, le rapport entre les citoyens, le rapport des citoyens aux institutions, est rendu plus difficile.

La confiance occupe une place importante en démocratie. Comme nous le fait remarquer les auteurs d’un rapport de recherche publié en 2019 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) sur la crise de la confiance politique en France, où ils soutiennent que la confiance « est la valeur cardinale de la démocratie ». Selon ces auteurs, la « démocratie est le seul régime qui repose sur le consentement du gouverné. A la différence d’autres régimes politiques, la démocratie a besoin du soutien de celui sur lequel elle s’exerce ». Si le citoyen vote, il ne choisit pas simplement un candidat mais soutient la démocratie.

S’il y a bien une réalité dont l’évidence saute aux yeux, c’est bien le manque de confiance entre les acteurs politiques guinéens (un euphémisme, pour ne pas dire qu’ils se haïssent). D’ailleurs, cet environnement de détestation réciproque est propice à la fabrication de dictateurs, car ces derniers, se nourrissent des divisions. Quant aux relations de confiance entre les gouvernants et les gouvernés, elles sont aussi exécrables. Pour le citoyen, nous rejoignons Richard Balme, dans son ouvrage Les motifs de la confiance (et de la défiance) politique : intérêt, connaissance et conviction dans les formes du raisonnement politique, publié en 2003, quand il explique qu’aujourd’hui, « le citoyen aurait l’impression d’être cantonné dans un rôle minimal, se limitant à choisir épisodiquement un représentant, sans avoir la certitude que celui-ci prendra les bonnes décisions ni pouvoir l’y contraindre ».

En ce qui concerne la légitimité, elle revêt plusieurs facettes. Selon le petit Larousse, elle est « la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice, ou en équité ». Dans son ouvrage intitulé, La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité, publié en 2008, Rosanvallon explique que « Si la légitimité est au sens général du terme un simple économiseur de coercition, sa variante démocratique a pour fonction plus exigeante de tisser des liens constructifs entre le pouvoir et la société ». Dans la démocratie représentative, le vote est le principal mode de légitimation des gouvernants. Toutefois, si le peuple est la source de tout pouvoir démocratique, souligne l’auteur, il fait cependant remarquer que le verdict des urnes ne peut être le seul étalon de la légitimité. Pour lui, un pouvoir n’est désormais considéré comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression majoritaire.

Lipset, quant à lui, soutient que la légitimité implique la capacité d’un système politique à engendrer et à maintenir la croyance que les institutions politiques existantes sont les plus appropriées pour le bon fonctionnement de la société.

Eichholtzer Marie, dans un mémoire intitulé Transparence, légitimité et confiance dans la gouvernance européenne, soutenu en 2010 à Institut d’Études Politiques de Lyon, distingue deux types de légitimité : la légitimité formelle et la légitimité sociale. La première découle du bon respect des règles et des procédures. La seconde, est le lien affectif, la loyauté qui relient les citoyens à leurs institutions sur la base d’une identité collective forte et d’intérêts communs. Dans le même ordre d’idées, Rosanvallon, quant à lui, distingue trois types de légitimité : une légitimité procédurale qui est issue de l’élection qui donne un « permis de gouverner » ; une légitimité substantielle qui tient à des qualités intrinsèques, autrement dit, c’est le fait qu’en soi-même on représente quelque chose d’important ; et enfin une légitimité d’exercice qui repose sur la prise de conscience du fait que la volonté générale n’est pas simplement exprimée par le moment électoral.

Quand Alain Laquièze affirme dans un article intitulé Élection des gouvernants et légitimité démocratique, publié en 2018, que : « le gouvernant est légitime démocratiquement parce qu’il est légitime électoralement », il ressort la place prépondérante de l’élection dans l’acquisition de la légitimité. Par ailleurs, Thiébault Jean-Louis, dans un article intitulé Lipset et les conditions de la démocratie, publié en 2008 cite Larry Diamond dans son ouvrage intitulé Developping Democracy. Toward Consolidation, publié en 2000, qui établit un lien entre la légitimité et le niveau de démocratie dans un pays. Ce dernier soutient que « la légitimité est fortement corrélée avec le niveau de démocratie dans un pays. Plus une nation est démocratique, plus le système politique tend à être légitime. Les facteurs politiques (libertés civiles et politiques) sont plus importants que la simple performance économique pour prédire la légitimité d’un régime démocratique dans une nation ». Thiébault Jean-Louis, dans le même article souligne, quant à lui, que la légitimité peut être considérée comme un stock de crédibilité qui peut retarder ou réduire l’intensité des crises dans une démocratie.

Un point de vue partagé par Lipset, qui soutient que, les systèmes politiques, mêmes ceux qui sont autoritaires, ne reposent pas d’abord sur la force. L’alternative à la force est la légitimité, un « titre à gouverner » largement accepté ».

La pilule au goût amer du compromis

Polysémique, avec une certaine ambiguïté dans son interprétation, la notion de compromis selon Paul Ricœur « intervient lorsque plusieurs systèmes de justification sont en conflit ».

Si le conflit est un trait inhérent à la vie politique, comme le soutient Lipset dans son ouvrage intitulé L’Homme et la Politique, publié en 1963 (traduction française de Political Man paru en 1960), la démocratie doit être perçue comme un moyen « de canaliser ou de structurer, et non pas d’éradiquer, le conflit ». Selon cet auteur, « les luttes et rivalités pour la conquête des postes de direction, l’affrontement des partis et leur alternance dans l’exercice des fonctions de gouvernement sont les conditions d’une démocratie stable. Et sans un accord préalable sur la règle du jeu politique, sans la soumission des minoritaires aux décisions de la majorité réversible, sans la reconnaissance de la légitimité de ces décisions, il ne saurait y avoir de démocratie ».

Dans le même ordre d’idées, Paul Ricœur, dans une interview publiée par la revue Alternatives Non Violentes en 1991, souligne, quant à lui, que « le compromis est [  ] lié à un pluralisme de la justification, c’est-à-dire aux arguments que les gens mettent en avant dans les conflits ». Pour ce penseur de « l’éthique du compromis », il n’existe pas de super-règle pour résoudre les conflits, mais « on résout les conflits à l’intérieur d’un ordre homogène où les gens se reconnaissent ».

Dans le cadre d’un compromis, soutient quant à lui le professeur Thomas Meyer de l’université de Dotmund, dans une publication de 2012 intitulée L’art du compromis : le chemin vers la réalisation des idéaux dans une véritable démocratie, deux ou plusieurs parties s’engagent à renoncer à leur droit de faire valoir complètement leurs intérêts personnels, de manière à permettre à toutes les parties d’atteindre le maximum de leurs objectifs politiques. Pour cet universitaire, « la prise en compte du maximum d’intérêts et de valeurs est un objectif important de la démocratie. » Selon lui, la capacité de prendre en compte le maximum d’intérêts légitimes et de les intégrer dans les processus de délibérations et de prise de décision en politique est un principe fondamental d’une démocratie bien comprise.

En procédant à l’arrestation, à la condamnation et à l’incarcération de responsables politiques de son principal challenger, Alpha Condé fait ce que les autocrates font, à savoir, se servir de ses prisonniers comme monnaie d’échange à présenter lors d’un éventuel dialogue. Dans un tel contexte, l’envie d’atteindre un objectif politique l’emporte sur la nécessité d’aboutir à un compromis. Nous pensons que la manifestation d’une volonté réelle d’une décrispation doit venir du côté du pouvoir. Au-delà de la formalisation d’un cadre de dialogue, il est surtout important d’œuvrer pour la création de conditions favorables à un dialogue politique sincère. D’un compromis à une compromission, la frontière de l’amalgame est très étroite. En acceptant d’aller à un dialogue dans ces conditions, les partis concernés jouent leur survie en termes de crédibilité et de cohérence.

Sur les connotations péjoratives qui entourent l’idée de compromis et qui suscitent le plus souvent chez certains, une réaction de méfiance ou de rejet, Nachi Mohamed dans un article intitulé La vertu du compromis : dimensions éthique et pragmatique de l’accord publié en 2001 dans la Revue interdisciplinaire d’études juridiques, défend toutefois, « un compromis qui se distingue nettement de la compromission ». Une position que partage Ricœur dans un entretien publié en 1991 par la revue Alternatives Non Violentes où l’auteur souligne « qu’il y a méfiance à l’égard du compromis, parce qu’on le confond trop souvent avec la compromission. La compromission est un mélange vicieux des plans et de principes de références. Il n’y a pas de confusion dans le compromis comme dans la compromission. Dans le compromis, chacun reste à sa place, personne n’est dépouillé de son ordre de justification ». Par ailleurs, dans ce même entretien, Paul Ricœur pose la question : « Comment empêcher que les différends, les litiges, les conflits ne dégénèrent en violence ? ». Pour lui, le compromis est une barrière entre l’accord et la violence. Il soutient que c’est en absence d’accord que nous faisons des compromis pour le bien de la paix civique. Ce penseur du compromis, soutient que « l’intransigeance rend malheureusement impossible toute recherche de compromis ». Car, selon lui, le compromis exige la négociation.

Dans le même ordre d’idée, Daniel Weinstock, dans un article intitulé Compromis, religion et démocratie publié en 2005 dans la revue Bulletin d’histoire politique souligne qu’un « compromis se produit lorsque tous les participants à la délibération se rallient à une position qu’ils estiment inférieure à celle qu’ils adoptaient au départ. Ils s’y résignent à cause du poids indépendant qu’ils accordent à la résolution pacifique du conflit. Un compromis émerge ainsi lorsque tous estiment que le sacrifice qu’ils effectuent par rapport à leur position idéale est justifié par l’avantage que représentent le règlement du conflit et le maintien de relations pacifiques avec leurs partenaires. » Pour cet auteur, « une première condition du compromis est par conséquent que tous les citoyens et les groupes de citoyens accordent une importance suffisante au maintien du lien social. Si la préservation d’une certaine cohésion sociale est vue de manière indifférente par un ou plusieurs participants, ou si la volonté de préservation n’est pas également distribuée au sein de la société, le compromis devient impossible. »

Trop souvent pris pour de la faiblesse, l’art du compromis, comme le dénonce Frédéric Says dans un billet politique sur France culture, c’est comme s’il fallait forcément un « perdant terrassé » et un « gagnant triomphant ».

Concept paradoxal, le compromis est tantôt objet de méfiance, dévoiement du rapport à autrui, règlement sous-optimal qui aboutit à l’abandon de ses prétentions, tantôt considéré comme la meilleure option de gestion des conflits pour parvenir à une coexistence pacifique.

Dans Eloge du compromis. Pour une nouvelle pratique démocratique, Nachi Mohamed, souligne que le terme de compromis fut trop longtemps « coincé entre deux faux amis que l’on croyait proches par le sens mais qui, dans les faits, se sont avérés souvent éloignés de lui: le marchandage, la négociation habile et calculatrice entre des intérêts désincarnés ; la compromission, le renoncement aux valeurs, l’abandon des idéaux sur l’autel de l’arrangement ». Le compromis en tant que concept commun peut donc être considéré comme un mode de résolution de conflit ou, plus généralement, comme une forme de régulation sociale, c’est-à-dire un moyen de maintien de la paix civique entre des partenaires en situation de désaccord ou de conflit.

Dans le contexte guinéen, la question est : les acteurs concernés devraient-ils avaler cette pilule du compromis au goût amer ? La réponse est la formulation d’une question préalable : comment dialoguer avec un acteur dont la légitimité est remise en question ? En attendant de trouver des réponses, libérez tous les prisonniers politiques, des plus anonymes aux plus célèbres. À la justice guinéenne sous Alpha Condé, nous nous abstenons de demander l’ouverture des enquêtes sur les cas des centaines de guinéens tués ces deux dernières années, car nous savons ce qu’elle vaut : une machine répressive au service d’un autocrate. Il y aura un moment où il faudra vider tous les placards et refaire la décoration intérieure de la maison Guinée.

Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Guinée : Une élite qui refuse de rêver [ Par Tierno Monénembo]


Point de vue


L’intellectuel guinéen a un gros problème : son ventre est dix fois plus curieux que sa tête. Préoccupé de belle maison et de bonne  bouffe, de bolides et de blazers, englué jusqu’au cou dans le plus sordide des quotidiens, notre bonhomme a définitivement déserté le champ historique et culturel. Ce qui laisse la porte grandement ouverte aux  crétins et aux fripouilles. Est-ce bien malin que de se faire guider par plus petit, plus vil et plus ignorant que soi ?

Vous l’avez compris : tous les malheurs de ce pays viennent de lui. Si, dès le début, il avait pris ses responsabilités, la Guinée aurait été tout autre. Et comme notre pays est une espèce de Balnibarbi (ce pays fictif et mal fichu, imaginé par Jonathan Swift) où l’on passe son temps à dire la même chose et à répéter les mêmes gestes bref, à commettre les mêmes erreurs,  rien ne dit que le passé est derrière nous. Pour que le passé passe, il faut un minimum de rupture. Or, de rupture, il n’y en a point eu. Nos grosses têtes d’aujourd’hui ressemblent point par point à celles d’hier. Le même manque d’idéalisme, la même paresse d’esprit, le même individualisme, le même carriérisme, le même culte fanatique du quotidien, la même inguérissable naïveté ! A chaque fois que je pense à nos regrettés, brillants et prestigieux martyrs du camp Boiro, me revient en tête ce vers du poète turc, Nazim Hikmet :

« …tu es comme le mouton

 et quand le bourreau habillé de ta peau

quand le bourreau lève son bâton

tu te hâtes de rentrer dans le troupeau

et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier… »

Parfois, je sens dans l’air quelque chose qui rappelle l’odeur sulfureuse des années Sékou Touré, 1967 en particulier.  Ce fut cette année-là que notre sanguinaire « Responsable Suprême »réussit à concentrer tous les pouvoirs dans ses mains : après la chefferie traditionnelle, les partis d’opposition, les syndicats, l’armée, elle aussi passe à la trappe. C’est exactement ce qui se répète aujourd’hui : Alpha Condé est devenu aussi puissant que le Sékou Touré de 1967. Que nous réserve-t-il : un nouveau Camp Boiro ou carrément un Auschwitz voire un Buchenwald  pour engloutir à son tour ce qui nous reste de roseaux pensants ? Faudrait-il dans ce cas, rouler dans la poussière et verser des larmes de sang ? Je ne le pense pas. Les intellectuels de ce pays (de l’Afrique, plus généralement) ne sont pas  des victimes pures et simples, ce sont les complices actifs de leur propre anéantissement. Le monde est foutu quand les grands clercs plient sous le charme de la démagogie et ajoutent leur voix au bruit étourdissant de la vox populi. Penser, c’est garder à tout moment, en toute circonstance, un autre son de cloche !

Pourquoi d’après vous, les Indépendances africaines si chèrement acquises sont très vite devenues des usines à broyer des Nègres ? Tout simplement parce l’intellectuel africain (guinéen, en l‘occurrence) a renoncé au principe-même qui fait qu’un intellectuel est un intellectuel : l’esprit critique. Cette propriété qui porte les deux valeurs essentielles de la pensée : la lucidité et la liberté.

Nos intellectuels ont-ils été lucides ? Nos intellectuels ont-ils été libres ?

Critiquer les conneries du Blanc, c’était bien et même très bien mais cela ne pouvait suffire. Il fallait aussi et dès le début, critiquer nos propres conneries. Je vous assure que si dès le 3 Octobre 1958, Aimé Césaire, Cheik Anta Diop, Ki-Zerbo avaient mis le holà, Sékou Touré n’aurait pas osé faire ce qu’il a fait.

Le rôle d’une élite, c’est de tirer la société vers le haut. Et cela n’est possible que si elle se prémunit de la médiocrité et garde comme un inestimable trésor, son libre-arbitre. Le rôle d’une élite ce n’est pas de revendre des parcelles et d’amasser des dollars ; de spéculer sur le diamant ou de vendre des clous rouillés,  c’est de produire des idées fortes et des émotions saines, bref de galvaniser le peuple, de lui donner de quoi se projeter dans l’avenir en toute lucidité et en confiance. Si la dictature se perpétue dans ce pays, c’est à cause du manque cruel de parapets, de garde-fous, de contre-pouvoirs. Et il va de soi que le premier moyen de résistance est d’ordre mental ; il va de soi que le  premier contre-pouvoir est d’ordre intellectuel. La dictature reculera dans ce pays le jour où les intellectuels se réveilleront, le jour où ils se réconcilieront avec les notions d’idéal (c’est le plus beau des rêves, l’idéal !), de solidarité,  d’indépendance d’esprit et de débat d’idées.

Que nos intellectuels ne se leurrent pas : Sékou Touré, Lansana Conté, Dadis Camara, Sékouba Konaté et Alpha Condé ont trouvé leur raison d’être et leur force dans leur laxisme ou dans leur opportunisme. Qu’ils sachent bien qu’en cas de grabuge, aujourd’hui comme hier, ils seront les premiers à remplir les prisons et les tombes.

Tierno Monénembo, écrivain guinéen francophone

1986, Grand Prix littéraire d’Afrique noire ex aequo, pour « Les Écailles du ciel » ; 2008, prix Renaudot pour « Le Roi de Kahel » ; 2012, prix Erckmann-Chatrian et Grand Prix du roman métis pour « Le Terroriste noir » ; 2013, Grand Prix Palatine et prix Ahmadou-Kourouma pour « Le Terroriste noir » ; 2017, Grand Prix de la Francophonie pour l’ensemble de son œuvre.





«Persuadés de notre innocence» [lettre de trois responsables de l’UFDG détenus politiques]


Politique


Dans une lettre publiée par le site guineematin, trois responsables du parti d’opposition UFDG, arrêtés après la présidentielle et inculpés pour « trouble à l’État par la dévastation et le pillage atteinte aux institutions de la République, participation à un mouvement insurrectionnel, menace de violences ou mort par le biais d’un système informatique, diffusion et la mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler l’ordre public » demandent à tous les acteurs politiques « d’amorcer le processus d’apaisement par le dialogue et la concertation dans le souci de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale. »

L’intégralité de la lettre


Chers compatriotes,

Comme vous le savez, nous sommes incarcérés à la Maison Centrale de Conakry depuis plusieurs mois.

Prisonniers politiques pour les uns, prisonniers d’opinion ou otages politiques pour les autres, prisonniers tout court pour certains. Une chose est incontestable, nous sommes avant tout des Guinéens dont l’engagement et la lutte politique n’ont jamais été dirigés contre un individu ou un quelconque groupe de Guinéens.

Nous avons toujours mené notre combat avec le strict objectif de servir la démocratie, le respect de l’État de droit et la recherche du bonheur de nos concitoyens.

Il est important de rappeler que nous avons exclu, dès les premières heures de notre engagement politique, la conquête du pouvoir par la violence en choisissant, la voie des urnes qui demeure encore notre unique option. Ce choix démocratique est motivé par le fait que chacun d’entre nous considère que la violence ne peut être la solution et lorsqu’elle survient, nous l’avons toujours condamnée sans aucune ambiguïté. D’autant plus qu’au cours de ces dernières décennies, ce sont nos compatriotes qui ont payé le lourd tribu, du fait des violences politiques et sociales qui affectent directement de nombreuses familles et la cohésion sociale.

Pourtant, on nous accuse d’atteintes aux institutions, de pillages et même de participation à des mouvements insurrectionnels, etc. Quel fut notre stupeur à s’entendre dire être mêlés à de tels actes. Persuadés de notre innocence, nous nous sommes tous rendus volontairement devant les instances judiciaires espérant qu’elle agira avec impartialité et objectivité. De fait, nous n’avons opposé ni résistance, ni violence aux forces de défense et de sécurité, qui sont venues interpeler l’un de nous à son domicile.

Il est clair que notre probité, mais aussi les responsabilités que nous avons assumées à divers niveaux, nous empêchent tout comportement ou attitude incivique.

On comprendra aisément qu’il est impossible de remettre en cause notre engagement politique ; l’idéal qui les fonde et les nourrit. C’est pourquoi, nous rejetons toutes les accusations de violence quelles qu’elles soient et qui seraient susceptibles de mettre en danger la paix sociale, de menacer la sécurité de nos compatriotes et de nos institutions. Cela ne nous ressemble point.

S’il est établi que le procès d’hommes politiques permet de juger un État sur le plan de la démocratie et du respect des libertés fondamentales, nous souhaiterions que ce défi soit relevé par l’institution judiciaire. Que peu d’entre nous puissent croire et miser sur le succès de cette volonté n’enlève aucunement notre foi en la justice. Il revient aux autorités de notre pays et, si nécessaire, avec l’appui des pays amis, d’en être le garant ; de veiller à l’équité et l’impartialité de l’institution judiciaire ; mais aussi à la neutralité de l’Exécutif.

Bien évidemment, c’est aux magistrats de mesurer l’importance et la portée des actes qu’ils sont appelés à engager dans le cadre de « l’affaire » nous concernant. Qui pourrait douter que son déroulement et l’issue qui en sortira constitueront un jalon essentiel dans la volonté de décrispation du climat politique récemment exprimée par tous les acteurs politiques, les ONG de défense des Droits humains, les pays partenaires de la Guinée et d’une certaine manière les autorités guinéennes. Dès lors, un consensus s’est dégagé pour considérer que ce serait là, un des premiers gages d’ouverture d’un dialogue constructif, consensuel et inclusif.

Pour nous, il est fondamental d’œuvrer dans ce sens afin d’amorcer le processus d’apaisement par le dialogue et la concertation dans le souci de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale. Nous espérons pouvoir apporter notre contribution en continuant de jouer encore notre rôle sur la scène politique au service de notre pays. Nous sommes persuadés que cela est possible si chacun veillait au respect des règles d’impartialité de nos institutions et des représentants qui exercent au nom du peuple.

Nous estimons que le moment est probablement venu ; qu’une situation opportune est là et qu’il faut la saisir. Nous pensons qu’il est temps que chaque Guinéen prenne résolument l’engagement de promouvoir l’exercice d’une démocratie apaisée, l’unité et la réconciliation de tous les fils et filles de notre Guinée.

  • Ibrahima Chérif BAH Vice-président, membre du Conseil politique.
  • Ousmane Gaoual DIALLO Directeur de la Communication, Membre du Conseil politique, ancien Député.
  • Mamadou Cellou BALDÉ Coordinateur des fédérations de l’intérieur, Membre du Bureau Exécutif, ancien Député.




Mali, un coup dans le coup [J.H Jezequel, expert Crisis Group]


Afrique


Des militaires ont arrêté les chefs de l’Etat et du gouvernement de transition maliens installés suite au coup d’Etat militaire d’août 2020. L’expert de Crisis Group Jean-Hervé Jezequel détaille les retombées possibles de ce second putsch dans un pays déjà fragilisé par le conflit avec les jihadistes.

Que sait-on de ce coup d’Etat au Mali, le second en neuf mois ?

Le lundi 24 mai, le président de la transition Bah N’Daw, son Premier ministre Moctar Ouane et quelques autres responsables maliens ont été arrêtés et conduits au camp militaire de Kati, près de Bamako. Cette arrestation a été décidée peu après la nomination d’un nouveau gouvernement, dont la composition a été âprement négociée pendant plus d’une semaine mais dans lequel ne figuraient plus les colonels Sadio Camara et Modibo Koné, respectivement ministres de la Défense et de la Sécurité. Ces deux officiers de la garde nationale sont aussi membres dirigeants de l’ex-Comité National de Salut du Peuple (CNSP), le groupe à l’origine du coup d’État du 18 août 2020 et officiellement dissous en janvier 2021.  

Le lendemain, le colonel Assimi Goïta, chef de l’ex-CNSP et actuel vice-président de la transition, a fait lire un communiqué à la télévision nationale dans lequel il annonce « placer hors de leurs prérogatives » le président et son Premier ministre. Il les accuse d’incompétence et surtout d’avoir constitué un nouveau gouvernement sans le consulter – ce qui est peu probable étant donné la durée des négociations pour former le gouvernement – violant ainsi la charte de la transition, un texte adopté en septembre 2020 qui lui donne des prérogatives en matière de défense et de sécurité. Cette même charte invoquée par le colonel Goïta ne lui donne pourtant aucun pouvoir de suspendre le président ou le Premier ministre. A ce titre, le coup de force des militaires de l’ex-CNSP est bien une tentative de coup d’Etat pour reprendre le contrôle d’une transition en train de leur échapper.

Ces derniers jours, les relations s’étaient tendues entre, d’une part, les anciens putschistes et, d’autre part, le président Bah N’Daw, lui-même ancien militaire à la retraite, et Moctar Ouane, son Premier ministre. Ces derniers avaient l’intention de mettre en place un gouvernement plus inclusif, pour construire une union plus forte autour de la transition sur fond de tensions sociales dans le pays, et notamment d’une grève générale décrétée par la principale union syndicale du pays. N’Daw et Ouane ont également saisi cette occasion pour tenter de réduire la forte influence que les militaires de l’ex-CNSP avaient établie sur les institutions de transition et qui, selon plusieurs sources consultées par Crisis Group, limitait considérablement les marges de manœuvre du chef de gouvernement.

Ces tensions entre autorités civiles de transition et ex-putschistes rappellent étrangement l’éviction forcée du Premier ministre Cheick Modibo Diarra en décembre 2012 par des putschistes quelques mois après leur coup d’Etat contre le président Touré. Les militaires de l’ex-CNSP, que des officiels occidentaux décrivaient il y a encore quelques mois comme des « officiers éclairés », ne se comportent finalement pas mieux que les sous-officiers ayant pris le pouvoir en 2012. Le Mali donne parfois l’impression d’un inquiétant retour à la case départ.

Quels sont les risques pour le Mali ?

En août 2020, la destitution du président élu Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) par le CNSP avait suscité très peu de violences, en grande partie parce que le régime était épuisé et que le départ d’IBK a été accueilli avec un certain soulagement par une large partie de la population après des semaines de manifestations populaires. Cette fois, il s’agit d’une confiscation du pouvoir par des militaires dont l’action bénéficie d’un bien moindre soutien populaire. Des rumeurs font état de tensions au sein de l’armée, où ce “coup dans le coup” ne fait pas l’unanimité. Jusqu’ici les casernes restent tranquilles, mais on ne peut écarter le risque de combats fratricides entre forces de sécurité, comme ce fut le cas après le coup d’Etat de mars 2012. Par ailleurs, il n’y a pour le moment pas de mobilisation de la société civile dans la rue pour défendre les autorités suspendues, mais plusieurs associations, partis politiques et personnalités se sont publiquement prononcées pour exiger leur libération. A l’inverse, peu d’organisations maliennes ont exprimé un soutien en faveur de l’action des militaires. Beaucoup, comme la Coordination des mouvements, associations et sympathisant (CMAS) de l’influent imam Mahmoud Dicko, réservent encore leur jugement ou mènent d’intenses négociations avec les miliaires de l’ex-CNSP, sans doute dans l’espoir d’obtenir des positions d‘influence dans un éventuel prochain gouvernement.

En effet, si la démission forcée de N’Daw et Ouane le 26 mai se confirme, les militaires de l’ex-CNSP vont maintenant vouloir consolider leur coup en faisant nommer un nouveau Premier ministre et un nouveau président de la transition. Ils pourraient trouver un chef du gouvernement au sein du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), une coalition hétéroclite de partis et d’associations qui a joué un rôle clé dans le renversement du président Keita mais avait ensuite été divisé et marginalisé par le CNSP au moment de la création des institutions de transition. Ils comptent sur une telle alliance avec des forces politiques maliennes pour convaincre les acteurs internationaux de les laisser poursuivre la transition. Le vice-président, dans une tentative d’amadouer les acteurs internationaux, a d’ailleurs annoncé après l’arrestation du président qu’il comptait toujours terminer la transition en respectant le calendrier négocié avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) en septembre 2020. 

Les jours qui viennent vont donc être déterminants et une situation de blocage politique durable est l’un des scénarios envisageables. Mais quelle que soit l’issue des évènements actuels, cette nouvelle crise met à jour l’absence d’une coalition forte soutenant l’action de la transition et notamment son ambition déclarée de réformer le système politique malien. C’est là l’élément peut-être le plus inquiétant : après avoir traversé toutes ces crises, le Mali ne sait toujours pas quelles forces politiques sont capables de porter le changement dont le pays a besoin.

Quelles ont été les réactions internationales ?

La condamnation internationale est forte et jusqu’ici unanime. Les principaux partenaires de la transition du Mali, la Cedeao, l’Union africaine, la Mission des Nations unies au Mali (Minusma), la France, l’Union européenne et les États-Unis, ont rejeté cette tentative de coup d’Etat. Les militaires de l’ex-CNSP s’y attendaient sans doute mais ils ont pris le risque, estimant peut-être que les même acteurs internationaux qui ont laissé une junte militaire s’installer récemment au pouvoir au Tchad après la mort du président Idriss Déby, finiront également par composer avec eux comme ils l’ont d’ailleurs fait en août dernier.

Une mission de la Cedeao est déjà arrivée à Bamako pour rencontrer les différents protagonistes et tenter de dénouer cette crise. Les partenaires internationaux du Mali savent cependant que les outils de pression dont ils disposent sont à double tranchant. Comme en août 2020, la Cedeao pourrait suspendre le Mali de ses institutions et imposer des sanctions économiques qui pèsent sur les décideurs maliens. Mais ces mesures frappent aussi la population malienne, au risque d’aggraver les tensions internes et même de nourrir un sentiment de rejet des partenaires du Mali. L’an passé, ces sanctions avaient permis d’arracher d’importants compromis aux militaires du CNSP, mais sans les écarter de l’exercice réel du pouvoir. Des sanctions internationales ciblées sur les responsables du coup d’Etat pourraient aussi être adoptées, mais elles sont peu susceptibles d’avoir un impact à court terme et pourraient même entrainer la suspension des programmes de collaboration avec les autorités maliennes si les personnalités sanctionnées se maintiennent au pouvoir. Cette suspension possible des programmes de collaboration était déjà la hantise de nombreux bailleurs de fonds suite au putsch d’août 2020.

Les acteurs internationaux devraient continuer à refuser la confiscation du pouvoir par les militaires de l’ex-CNSP et faire pression pour que le pays renoue avec un pouvoir civil qui n’en soit pas l’otage. Ils ne peuvent cependant peser que s’ils restent unis. En août 2020, certains partenaires du Mali avaient trop précocement envoyé aux militaires le signal qu’ils pourraient garder une influence déterminante sur la conduite des affaires du pays. 

Les partenaires internationaux ont aujourd’hui deux options principales, dont aucune n’est sans risque : soit, ils restent fermes sur les principes et exigent le retour en fonction du président N’Daw et du Premier ministre Ouane, dont la démission a été obtenue manifestement sous la contrainte. Cette position de fermeté engendrera une situation de confrontation avec l’ex-CNSP et un blocage politique à l’issue incertaine, mais elle offrira plus de chance d’enrayer durablement la mainmise préjudiciable d’un groupe de militaires sur le pouvoir au Mali. 

L’autre option est de condamner les arrestations et d’appeler au retour, dans les plus brefs délais, d’une transition civile mais sans exiger le retour en fonction du président et du premier ministre. Cela ouvre la porte à des négociations avec la junte pour réinstaller des autorités civiles. Mais, comme en août dernier, l’ex-CNSP pourrait en profiter pour mettre en place l’apparence d’une autorité civile tout en conservant la réalité du pouvoir, au risque de reproduire les mêmes effets dans un proche avenir. C’est cette option que le Conseil de sécurité des Nations unies semble suivre dans son communiqué du 26 mai. Si le reste des partenaires, et notamment la Cedeao, suivent également cette option, il faudrait cette fois assortir les négociations avec les militaires de dispositions permettant de réduire plus efficacement la part d’influence politique qu’ils conserveront afin que les autorités civiles n’en soient plus l’otage.  Dans les deux cas, l’efficacité des pressions internationales dépendra aussi de leur capacité à s’articuler à un mouvement intérieur de refus du coup de force qui pour l’instant tarde à prendre de l’ampleur.

Cette instabilité politique peut-elle peser sur le conflit avec les jihadistes ? 

Ces crises à répétition entament la crédibilité de l’Etat malien, déjà confronté aux insurrections de plusieurs groupes armés sur son territoire. Pour les populations qui vivent dans des zones en état d’insurrection, le retour ou le déploiement d’un État englué dans des querelles intestines à Bamako est un scénario de plus en plus improbable. Cela donne de l’espace aux jihadistes et à d’autres groupes armés qui se présentent de fait comme des alternatives durables à l’autorités d’un Etat absent. Par ailleurs, on ne peut écarter non plus que cette nouvelle crise entame la confiance déjà très fragile dans l’accord de paix inter-malien, signé en 2015 mais dont les principales dispositions en matière de sécurité et de décentralisation n’ont toujours pas été mises en place. Si on félicitait il y a quelques mois les autorités de transition pour avoir développé de meilleures relations que leurs prédécesseurs avec les groupes armés signataires, en particulier ceux de la Coordination des mouvements de l’Azawad, la crise actuelle à Bamako pourrait convaincre certains de ces mêmes signataires que rester dans le giron d’un Etat malade et incapable d’honorer ses engagements n’est pas la meilleure solution. Ces tensions pourraient d’autant plus se développer que le M5-RFP, dont un des dirigeants pourrait former le prochain gouvernement à l’appel des militaires de l’ex-CNSP, intègre des personnalités connues pour leur hostilité à l’accord de paix de 2015.


Cet article est republié à partir de crisisgroup.org. Lire l’original ici.





Sommet de Paris sur le financement des économies africaines [Déclaration finale]


Afrique


Le président français, Emmanuel Macron a réuni à Paris plusieurs dirigeants africains et européens, dans le cadre du sommet sur le financement des économies africaines. Objectif : aider les pays d’Afrique à s’extraire du piège de la dette et financer leur développement futur. 

Une trentaine de chefs d’État et de Gouvernement ainsi que des dirigeants d’organisations internationales y participaient 

Ce Sommet faisait suite à la diffusion d’une tribune de 18 dirigeants africains et européens, publiée le 15 avril 2020, en faveur d’une mobilisation de la communauté internationale pour affronter les conséquences de la crise sanitaire et économique causée en Afrique par la pandémie.

Déclaration finale _ Sommet sur le financement des économies africaines [source: elysee.fr]





Almamy Bokar Biro et la France coloniale [Archives de la presse française]


RetroGuinée


GuineePolitique republie ces extraits qui présentent la version de la presse française de l’époque sur Almamy Bokar Biro Barry figure historique guinéenne.





Fouta Djalon, histoire d’une conquête [Archives de la presse française]


RetroGuinée


GuineePolitique republie ces extraits qui présentent la version de la presse française de l’époque sur la conquête du Fouta Djalon.





Almamy Samory Touré, les circonstances de son arrestation [Archives de la presse française]


RetroGuinée


GuineePolitique republie ces extraits qui présentent la version de la presse française de l’époque sur les circonstances de l’arrestation de ALMAMY SAMORY TOURE figure historique guinéenne. Le journal Mémorial de la Loire du 24 juin 1900 raconte le film des évènements.

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Arrestation du roi de Labé, Alpha Yaya Diallo [Archives de la presse française]


RetroGuinée


GuineePolitique republie ces extraits qui présentent la version de la presse française de l’époque sur les circonstances de l’arrestation de Alpha Yaya Diallo figure historique guinéenne.

Le gouverneur de la Guinée a eu connaissance des agissements de ce chef qui avait trouvé moyen d’équiper clandestinement un corps bien constitué de deux mille cavaliers armés de fusils à tir rapide, qu’il faisait venir de la colonie portugaise.

Extrait: Journal l’Eclair du jeudi 23 novembre 1905

Lorsqu’il fut arrêté, en 1905, Alpha Yaya était un véritable monarque.

Extrait: Journal le Petit Parisien du lundi 28 août 1911

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Oumar Sylla «Foniké Mengué», sept mois de détention arbitraire


Politique


Guinée. Après sept mois de détention arbitraire, le militant Oumar Sylla doit être libéré

Ce 29 avril marque les sept mois de détention arbitraire d’Oumar Sylla, coordinateur national adjoint de Tournons La Page Guinée et responsable de la mobilisation et des antennes du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) arrêté en pleine rue à Conakry alors qu’il se rendait à une manifestation contre le projet de troisième mandat du président sortant Alpha Condé.

Tournons La Page, ACAT-France, Amnesty International, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT), et Agir ensemble pour les droits humains demandent la libération immédiate et inconditionnelle d’Oumar Sylla, de tous les défenseurs des droits humains et autres personnes détenues arbitrairement en Guinée.

Que le militant Oumar Sylla, comme de nombreux autres détenus arbitrairement, soit toujours en prison simplement pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, prouve la volonté manifeste du pouvoir guinéen de continuer à museler toute voix dissidente même après l’élection présidentielle. Ils devraient tous être libérés immédiatement et sans condition. 

Les organisations signataires

« Que le militant Oumar Sylla, comme de nombreux autres détenus arbitrairement, soit toujours en prison simplement pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, prouve la volonté manifeste du pouvoir guinéen de continuer à museler toute voix dissidente même après l’élection présidentielle. Ils devraient tous être libérés immédiatement et sans condition », ont déclaré les signataires.

Le 29 septembre 2020, Oumar Sylla a été arrêté avec violence par des hommes en civil en pleine rue dans la commune de Matoto à Conakry alors qu’il s’apprêtait à participer à une manifestation organisée par le FNDC pour protester contre la candidature du Président Alpha Condé à un troisième mandat.

Emmené à la Direction de la Police Judiciaire (DPJ), il a été interrogé sans que ses avocats n’aient pu l’assister, ce qui est une atteinte aux droits de la défense. Quelques heures plus tard, le procureur du tribunal de Mafanco a décidé de poursuivre Oumar Sylla pour « attroupement illégal, trouble à l’ordre public, destruction de biens publics et atteinte à la sûreté de l’État », de le placer en détention provisoire et de le faire incarcérer à la prison centrale de Conakry.

Une prison qu’il connaît hélas bien pour y avoir déjà fait quatre mois de détention arbitraire entre le 17 avril et le 27 août 2020, accusé de « communication et diffusion de fausses informations » après avoir participé à l’émission de grande écoute « Les Grandes Gueules » sur Radio Espace FM, au cours de laquelle il a dénoncé les arrestations arbitraires et les exactions survenues dans la ville de N’Zérékoré le 22 mars 2020. Les charges retenues contre lui ont été abandonnées en août 2020.

Une grève de la faim pour être jugé

Après près de trois mois de détention provisoire, Oumar Sylla a entamé une grève de la faim le 25 décembre 2020 pour exiger la tenue de son procès. Il a mis fin à sa grève le 8 janvier 2021, après que la date de son audience a été programmée. Très affaibli, il a dû être hospitalisé le jour même.

Le 28 janvier 2021, Oumar Sylla a été condamné à 11 mois de prison ferme par le tribunal de Mafanco à Conakry pour « participation délictueuse à un attroupement susceptible de troubler l’ordre public ». Ses avocats ont immédiatement fait appel de la décision et la date de son appel est fixée au 20 mai 2021.

Oumar Sylla a également contracté le Covid-19 en mars 2021 et n’a pu bénéficier d’assistance médicale que sous la pression de l’opinion publique et de ses avocats.

Organisations signataires

1. ACAT-France
2. Agir ensemble pour les droits humains
3. Amnesty International
4. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs de droits de l’Homme
5. Mêmes Droits pour Tous (MDT)
6. Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du Citoyen (OGDH)
7. Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs de droits de l’Homme
8. Tournons La Page


Amnesty International





Pétition: Appel à la libération des prisonniers politiques en Guinée ! [Par Tierno Monénembo]

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Politique


Depuis l’accession d’Alpha Condé au pouvoir, la répression, ce mal endémique de la Guinée, a resurgi avec une virulence qui rappelle les années noires, celles des pendaisons publiques et du Camp Boiro.  On attendait de celui qui passe pour « le premier président démocratiquement élu de la Guinée » qu’il nous fasse oublier le fouet de Lansana Conté et la terreur de Sékou Touré. On attendait de l’ancien prisonnier politique la réhabilitation des Droits de l’Homme, assortie d’un respect scrupuleux de la vie humaine. Par ses paroles comme par ses actes, il se situe hélas aux antipodes de toute valeur juridique et morale.

De Décembre 2010, date de sa première élection, à aujourd’hui, les organisations des Droits de l’Homme dénombrent 260 morts et 2 000 blessés. Ces chiffres ne concernent que les personnes fauchées à balles réelles dans les manifestations de rue. Ils seraient deux fois plus élevés si l’on y ajoutait les détenus victimes de leurs conditions de détentions et les dizaines de personnes qui ont succombé aux massacres de Womé, Zogota et Galapaye.

Ces derniers mois ont été particulièrement sanglants. Sortis massivement pour faire barrage à la modification de la constitution lui permettant de briguer un troisième mandat, les Guinéens ont dû affronter non plus seulement les balles des gendarmes et des policiers mais aussi celles des soldats que le régime, pris de panique, a réquisitionnés pour aider  au rétablissement de l’ordre. 60 morts, rien que d’Octobre à Janvier ! Parallèlement, plus de 400 personnes ont été arrêtées pour les raisons les plus fallacieuses : fabrication et stockage d’armes de guerre, assassinats, complicité d’assassinats, insurrection, complicité d’insurrection, atteinte aux intérêts supérieurs de la nation etc.

Cette vague d’arrestation n’a épargné aucun quartier, aucune classe d’âge, aucune catégorie sociale. Voilà maintenant six mois que ces 400 personnes végètent à  la Maison Centrale de Coronthie sans jugement. On y trouve  des hommes politiques, des journalistes, des cadres de haut niveau mais aussi des anonymes (des familles entières parfois) cueillis nuitamment chez eux alors qu’ils dînaient ou dormaient du sommeil du juste. Mais le cynisme d’Alpha Condé ne s’arrête pas là : 150 mineurs font partie du lot. A ce jour, 20 d’entre eux ont bénéficié d’une libération conditionnelle, les autres ont été déférés devant le tribunal militaire qui en Guinée sert de siège au tribunal pour enfants.

Cette série de violences vise un objectif clair : intimider le peuple mais aussi et surtout, réduire au silence les opposants les plus irréductibles :

  • Oumar Sylla dit Foyinké Mengué, repsoonsable de la mobilisation et des antennes du FNDC (qui se retrouve pour  la troisième fois derrière les barreaux).
  • Ousmane Gaoual Diallo, ancien député, directeur de la communication du parti d’opposition, UFDG
  • Malick Condé, maire-adjoint de Matam
  • Chérif Bah, ancien gouverneur de la Banque Centrale
  • Etienne Soropogui, leader du mouvement « Nos valeurs communes »
  • Cellou Baldé, ancien député
  • Abdoulaye Bah, ancien maire de Kindia
  • Mamadi Condé dit Madic 100 frontières, militant de l’UFDG.
  • Souleymane Condé président de la section FNDC de Boston (USA)
  • Amadou Diouldé Diallo, journaliste, historien

 Détenus arbitrairement et dans des conditions inhumaines (certains sont gravement malades, d’autres même, atteints de Coronavirus), ces martyrs ne doivent pas être oubliés. J’appelle toutes les consciences, tous les démocrates épris de justice et de liberté en Afrique et ailleurs dans le monde,  à signer cette pétition pour demander la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques en Guinée.

Fait à Conakry le 25 Avril 2021.

                                                           Tierno Monénembo écrivain guinéen


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