Déclaration de Niamey en faveur de la limitation des mandats présidentiels

Un sommet sur le constitutionnalisme et la limitation des mandats présidentiels s’est tenu à Niamey, au Niger, du 2 au 4 octobre 2019 sous invitation du NDI et ses partenaires, notamment la Fondation Kofi Annan, OSIWA et le Africa Forum, avec la participation d’anciens Chefs d’État africains, leaders de la société civile et professionnels des médias, afin d’examiner le constitutionnalisme, la consolidation de la démocratie et le transfert pacifique du pouvoir exécutif sur le Continent. Les participants remercient vivement le Gouvernement du Niger pour avoir accueilli ce sommet.

Nous, les participants, saluons les progrès accomplis dans les cadres constitutionnels d’une grande majorité des pays africains au cours des trois dernières décennies, notamment, l’adoption de la limitation des mandats présidentiels qui facilite le renouvellement du leadership politique, dans un Continent en pleine mutation démographique, économique et politique. A cela s’ajoutent les efforts de construction d’un Etat de droit à travers le Continent, avec ses corollaires de justice, d’efforts de réconciliation et de renforcement de la cohésion nationale.

Nous relevons cependant que l’on assiste à un recul démocratique suite à des modifications constitutionnelles intempestives, qui ont supprimé le verrou de la limitation des mandats adopté lors du renouveau démocratique des années 1990 qui a marqué la fin de la guerre froide après l’écroulement du Mur de Berlin. Selon le Africa Center for Strategic Studies, sur les 21 pays africains qui ont maintenu les limites de mandats, les chefs d’Etat ne sont au pouvoir que depuis 4 ans, en moyenne. Par contre, le temps moyen au pouvoir pour les 10 dirigeants africains qui ont éludé la limitation de mandats est de 22 ans. Or, la suppression de la limitation du mandat sape la confiance des populations, accroît la concentration du pouvoir entre les mains d’un ou d’une poignée d’individus et réduit de ce fait l’espace politique. Cette tendance entraîne finalement des risques accrus de tension, de violence politique et même de conflits civils.

Nous nous réjouissons que la jeunesse africaine, un groupe démographique important, soit désireuse de participer et de contribuer à son tour à la gouvernance démocratique et au développement du Continent. Cependant, nous regrettons que des chefs d’État ayant duré au pouvoir, limitent des opportunités de participation et de renouvellement du leadership politique, ainsi que de l’alternance démocratique.

Nous affirmons et nous nous engageons donc à :

Promouvoir et défendre les principes du constitutionnalisme, de l’Etat de droit et du respect de la limitation des mandats

Les actions concertées de tous les africains tant au niveau de la base qu’au niveau du sommet, doivent servir à promouvoir le constitutionnalisme et la limitation des mandats. Aussi, nous nous engageons à unir nos voix pour exiger le respect de la limitation des mandats présidentiels, de la règle constitutionnelle et de l’Etat de droit de manière généralisée partout en Afrique. C’est un facteur de paix, de stabilité et de développement.

Individuellement et collectivement, nous nous engageons à promouvoir les principes de constitutionnalisme et d’Etat de droit énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (ci-après “la Charte”) et les constitutions de divers pays africains, concernant notamment la limitation des mandats présidentiels et le renouvellement du leadership politique.

Nous soutenons les aspirations à la consolidation de l’ordre constitutionnel et à l’instauration d’une culture de démocratie et de paix, inscrites dans la Charte, visant aussi à établir des normes de changement politique pacifique à l’échelle continentale. La Charte soutient également la tenue d’élections régulières, crédibles et inclusives et le renforcement des institutions politiques.

Il est alors évident que les révisions constitutionnelles ou les modifications décidées au seul profit d’un individu ou d’une minorité par le biais de la suppression ou de la modification de la limitation des mandats présidentiels sont contraires aux aspirations démocratiques. Bien que de tels changements puissent cadrer avec la loi, ils ne respectent pas la parole donnée qui doit être sacrée et contrarient de ce fait l’esprit de la constitution originale.

Au-delà d’un instrument juridique, les constitutions doivent être considérées comme un engagement moral entre citoyens. Pour cela, des changements constitutionnels substantiels doivent être adoptés par voie référendaire et non pas par vote législatif uniquement.

Faciliter des transferts pacifiques du pouvoir

Nous réaffirmons à nouveau, que les chefs d’État africains, les partis politiques, la société civile, les médias et les citoyens en général ont le devoir de faciliter les transferts pacifiques du pouvoir et doivent créer des environnements propices à une transition sans heurts d’un régime et d’une administration à l’autre.

Nous pensons que des cadres juridiques efficaces permettant des élections transparentes et crédibles, et prévoyant des mécanismes de résolution pacifique des contentieux électoraux, empêchent les désaccords politiques de dégénérer en violence. Par ailleurs, nous apportons notre soutien aux lois adoptées dans plusieurs pays africains qui facilitent le transfert pacifique du pouvoir exécutif et permettent une collaboration constructive entre les gouvernements successifs.

Nous encourageons les pays à adopter les procédures appropriées permettant aux Présidents en exercice de procéder à un transfert pacifique du pouvoir au prochain gouvernement, avec une redevabilité effective en matière de transfert d’actifs et d’autorité administrative. Nous exhortons les Présidents en exercice à établir des délais rapides pour faciliter le respect de ces procédures.

Encourager un consensus national et continental sur le respect des limites du mandat présidentiel 

Nous appelons tous les africains à réaffirmer leur volonté de soutenir les progrès démocratiques   réalisés sur le Continent en souscrivant à cette Déclaration de principes en faveur du constitutionnalisme, de l’Etat de droit et du respect de la durée du mandat présidentiel.

Nous appuyons la ratification, la domestication et la mise en œuvre de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et de tout instrument conventionnel pertinent renforçant le constitutionnalisme sur le Continent. Cela permettrait le renforcement de l’Etat de droit et l’établissement des institutions dans leur esprit et dans la lettre. Nous encourageons également la création ou le renforcement de mécanismes de dialogue politique et social à l’intérieur des différents pays.

Nous exhortons les anciens dirigeants, à travers leurs bons offices et en collaboration avec la société civile et les médias, à poursuivre leurs efforts pour renforcer la démocratie sur le Continent et, le cas échéant, à servir de médiateurs et de pacificateurs. Ces actions confirmeront aux Présidents en exercice qu’il existe une vie digne et utile après le Palais présidentiel.

Nous soutenons l’utilisation de cette déclaration comme outil de plaidoyer pour mettre à la disposition des peuples africains les moyens de tenir leurs dirigeants responsables et de les inciter à s’engager pleinement en faveur de la limitation constitutionnelle du nombre de mandats présidentiels.

Fait à Niamey, le 4 octobre 2019

Lire aussi Réunis autour de Issoufou Mahamadou à Niamey, des anciens chefs d’état africains disent Non à un troisième mandat sur le continent




TWITTOS #224 : La problématique des routes / 2 octobre 1958, l’indépendance de la Guinée / Droit de manifester, HRW interpelle @GouvGN

Résumé de l’actualité guinéenne sur Twitter

La problématique des routes et ses conséquences sur le tourisme

 2 octobre 1958, l’indépendance de la Guinée

Les tweets de quelques acteurs politiques

Droit de manifester, HRW interpelle le gouvernement guinéen

Une revue de tweets réalisée par Sékou Chérif Diallo




Guinée : Répression du droit de manifester (communiqué HRW)

Les droits de l’opposition sont menacés alors que le président réfléchit à un troisième mandat controversé.

Depuis plus d’un an, le gouvernement de la Guinée interdit de fait les manifestations de rue en invoquant les risques pour la sûreté publique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les autorités locales ont interdit au moins 20 manifestations. Les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes contre les personnes qui défiaient l’interdiction, et ont arrêté des dizaines de manifestants.

La Guinée traverse actuellement une période d’incertitude politique, dans l’attente d’une déclaration du président Alpha Condé au sujet de son intention ou non de réviser la constitution afin de pouvoir briguer un troisième mandat lors de l’élection présidentielle de 2020. Une coalition de partis d’opposition et d’organisations de la société civile a annoncé qu’elle emploierait   « tous les moyens conformes à la loi » pour s’opposer à tout amendement de la constitution.

« Dans un contexte de débat politique acharné en Guinée, il est plus important que jamais de protéger le droit de manifester pacifiquement », a déclaré Corinne Dufka, directrice pour l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch. « Interdire les manifestations prive les partis politiques et les autres groupes dun moyen légitime dexprimer leur opposition ou leur soutien aux plans et politiques du gouvernement. »

En juin et août 2019, Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus de 40 personnes sur la façon dont les autorités réagissent aux manifestations, notamment avec des représentants du parti au pouvoir et de l’opposition, des membres du Front national de la défense de la Constitution (FNDC) – la coalition de partis d’opposition et de groupes non gouvernementaux opposés à tout révision constitutionnelle – ainsi que des avocats, des journalistes, des organisations de défense des droits humains et des diplomates. Human Rights Watch a mené des entretiens en personne à Conakry, ainsi que par téléphone, ou via des canaux de communication sécurisés, avec les personnes se trouvant à l’intérieur du pays.

Le parti au pouvoir, le Rassemblement du Peuple Guinéen (RPG), a publiquement appelé à une nouvelle constitution qui, d’après les partisans d’Alpha Condé, l’autoriserait à briguer un troisième mandat présidentiel. Condé lui-même n’a pas dit s’il a l’intention de se représenter, mais le 4 septembre, il a demandé à ses ministres d’entreprendre des « consultations » à propos d’une nouvelle constitution. La coalition d’opposition a promis de descendre dans la rue si Condé poussait en faveur d’un nouveau texte. « Cest le calme avant la tempête », a résumé à Human Rights Watch un diplomate basé à Conakry.

La loi guinéenne protège le droit de manifester, mais exige que les manifestants avisent les autorités locales avant la marche ou le rassemblement public qu’ils prévoient. Les autorités locales ne peuvent interdire une manifestation prévue que s’il existe « un danger avéré pour lordre public ».

Pourtant, depuis juillet 2018, les partis d’opposition ainsi que le FNDC accusent le gouvernement de demander aux autorités locales d’interdire toutes les manifestations. D’après eux, aucune de leurs manifestations n’a été autorisée durant cette période. Ils ont montré à Human Rights Watch des exemples d’une vingtaine de lettres qu’ils disent avoir reçues des autorités locales interdisant les manifestations.

Des membres du parti au pouvoir ont également cité en exemple certaines de leurs propres manifestations qui ont été interdites par les autorités locales ; toutefois, des dirigeants du FNDC notent que les ministres du gouvernent peuvent organiser sans ingérence des événements pour promouvoir une nouvelle constitution.

Human Rights Watch a aussi documenté au moins quatre occasions en 2019 où les forces de sécurité avaient arrêté des manifestants opposés à une nouvelle constitution, et dispersé de force des manifestations qui s’étaient tenues malgré l’interdiction. « Nous voulions nous réunir, pas faire quoi que ce soit de violent », a expliqué un membre du FNDC qui a été arrêté le 13 juin à N’Zérékoré. « Jai été menotté, poussé dans un pick-up, amené au poste de police, déshabillé et enfermé dans une cellule. »

Le Ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, qui selon les organisations guinéennes de défense des droits humains a imposé l’interdiction de manifestation en juillet 2018, n’a pas répondu à une lettre du 13 septembre de Human Rights Watch.

D’autres responsables du gouvernement, cependant, ont affirmé qu’une interdiction des manifestations était nécessaire pour protéger la sûreté publique. De nombreuses manifestations tenues lors des dernières années en Guinée ont débouché sur des violences, les manifestants jetant des pierres et d’autres projectiles, et les forces de sécurité se servant de gaz lacrymogène, de canons à eau et parfois d’armes à feu.

« Les manifestations sont interdites pour le moment dans tout le pays. », a affirmé Souleymane Keita, conseiller du président Condé et chargé de communication du RPG. « Chaque fois qu’il y a une manifestation, il y a des morts. Le rôle le plus important de lÉtat est la préservation de vies. » Depuis que Condé est arrivé au pouvoir en 2010, des dizaines de manifestants ont été abattus par les forces de sécurité, et plusieurs agents de police et de gendarmerie ont été tués par des manifestants violents.

Mais l’interdiction généralisée de toute manifestation ne constitue pas une réponse adaptée au risque de violence lors des manifestations, a déclaré Human Rights Watch. De plus, il y a peu de chances que cela dissuade les manifestants de descendre dans la rue si Condé évoque un troisième mandat.

Le gouvernement guinéen devrait plutôt collaborer avec les partis politiques et les autres groupes afin de mettre en place des critères publics guidant les autorités locales pour déterminer si les manifestations devraient avoir lieu. Ces critères devraient notamment inclure une procédure d’évaluation des risques de sécurité que présente une manifestation planifiée.

Par ailleurs, toutes les décisions d’interdiction des manifestations devraient pouvoir faire l’objet d’un examen judiciaire indépendant. Les actions visant à prévenir et arrêter les violences lors des manifestations devraient être proportionnées, respectant le droit fondamental qu’est la liberté de réunion.

« Le droit de manifester pacifiquement est un pilier de la gouvernance démocratique et un outil essentiel pour donner forme aux politiques et débats publics », a déclaré Corinne Dufka. « Le gouvernement guinéen devrait agir rapidement pour trouver une façon de respecter le droit de manifestation tout en protégeant la sûreté publique. »

Violence des manifestations et de la réaction policière

Les protestations dans la rue servent depuis longtemps, en Guinée, à exprimer l’opposition aux politiques gouvernementales. En 2006 et 2007, les syndicats et d’autres groupes avaient organisé des grèves d’ampleur nationale pour protester contre la mauvaise gouvernance et la détérioration de l’économie sous la présidence de Lansana Conté. Les forces de sécurité, en de multiples occasions, avaient fait feu sur des manifestants non armés, tuant de nombreuses personnes. En 2009, les partis d’opposition et d’autres groupes avaient organisé une manifestation pacifique contre la tentative du président de l’époque et chef de la junte, Dadis Camara, de se présenter à l’élection présidentielle. Les forces de sécurité avaient de nouveau ouvert le feu sur des manifestants, tuant plus de 150 personnes.

Après être arrivé au pouvoir suite aux élections de 2010, le gouvernement du président Condé a nettement amélioré le respect de la liberté de réunion et la professionnalisation des forces de sécurité, notamment en veillant à ce que la gendarmerie et la police, et non pas l’armée, soient chargées des opérations de sécurité. Une loi de 2015 sur le maintien de l’ordre public a également amélioré le contrôle citoyen de la façon dont les forces de sécurité réagissent aux manifestations.

Avant l’interdiction de manifestations imposée en 2018, les autorités locales autorisaient typiquement certaines manifestations de l’opposition, tout en les interdisant lors des périodes de forte tension politique ou en cas de désaccord sur l’itinéraire proposé.

Cependant, nombre des manifestations qui se sont tenues depuis l’arrivée de Condé au pouvoir ont abouti à des violences entre les membres des forces de sécurité et les manifestants, ou entre des partisans du gouvernement et des opposants. Des dizaines de manifestants et deux agents des forces de l’ordre ont été tués en 2012-2013, avant les élections législatives. Au moins douze personnes ont été tuées, et un grand nombre blessé, avant et après l’élection présidentielle de 2015. Human Rights Watch a étudié de façon détaillée l’usage excessif de la force, les arrestations arbitraires et la criminalité lors de la réaction de la police et de la gendarmerie aux manifestations.

Mais malgré le risque de violence pendant les manifestations, leur interdiction absolue viole le droit relatif aux droits humains. Les interdictions générales ne permettent pas d’évaluer si, en fonction des circonstances, une manifestation spécifique pourrait avoir lieu. Une manifestation particulière ne devrait être interdite que s’il s’avère qu’aucune autre mesure moins sévère ne permettrait d’atteindre le but légitime visé, tel que le maintien de la sûreté publique.

Interdiction des manifestations

L’interdiction actuelle des manifestations en Guinée a démarré en juillet 2018, alors que le gouvernement faisait face à une série de protestations de la part de partis politiques, de syndicats et d’autres groupes de la société civile, portant sur des élections locales qualifiées de frauduleuses, l’augmentation du prix du carburant ou encore l’incapacité du gouvernement à résoudre un mouvement de grève enseignant. Beaucoup de ces protestations avaient débouché sur des incidents violents entre les manifestants et les forces de sécurité.

Deux organisations guinéennes de défense des droits humains, qui ont déposé plainte devant la Cour suprême le 18 juillet pour contester l’interdiction de manifestations, affirment que le 23 juillet 2018, le général Bourema Condé, ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, a adressé une note aux autorités locales pour leur demander d’interdire les protestations de rue jusqu’à nouvel ordre. Les autorités locales se référaient à cette circulaire dans trois des lettres envoyées aux partis de l’opposition ou à la coalition du FNDC pour interdire leurs manifestations, dont une lettre envoyée le 12 juin. Le général Condé n’a pas répondu à une lettre de Human Rights Watch lui demandant de confirmer s’il a délivré cette interdiction de manifestation et si elle reste toujours en vigueur.

Dans des cas où les opposants au gouvernement défiaient les interdictions des manifestations pour s’opposer à une nouvelle constitution, ou n’avaient pas avisé les autorités de la manifestation qu’ils planifiaient, les forces de sécurité guinéennes ont réagi, à quatre occasions au moins en 2019, en tirant des grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants ou en arrêtant certains participants.

Le 31 mars à Coyah, les forces de sécurité ont arrêté plusieurs activistes qui brandissaient des pancartes proclamant : « Non au troisième mandat ».   Après plusieurs jours, ils ont été libérés sans inculpation.

Le 5 avril, plus d’une dizaine de membres du Bloc libéral, y compris le leader de ce parti politique, Faya Millimono, ont été arrêtés à Conakry pour avoir organisé un sit-in protestant contre l’extension du mandat de l’Assemblée nationale au-delà de la limite de cinq ans fixés par la constitution. Les manifestants, une vingtaine de personnes selon un participant, tenaient une bannière proclamant « Si vous glissez, il va glisser et la Guinée va tomber » – une allusion à un éventuel troisième mandat du président Condé.

« Nous navions pas avisé les autorités locales car nous ne pensions pas que cétait obligatoire, pour un simple sit-in », a déclaré une activiste qui faisait partie des deux personnes arrêtées. « Les policiers ont tiré des grenades lacrymogènes vers nous. Certains se sont enfuis, mais dautres, comme moi, étaient en train de suffoquer, alors nous nous sommes juste assis. Nous avons été arrêtés, mais libérés dans la soirée. » Cette activiste a témoigné qu’avant de la libérer, un juge guinéen l’avait avertie que si elle prenait part à de nouvelles manifestations, elle serait placée en détention. « Depuis, je nose plus participer à des activités politiques », a-t-elle confié.

Les Lignes directrices de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur la liberté d’association et de réunion en Afrique, émises par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, exigent que les manifestants ne soient pas dispersés et ne fassent pas l’objet de sanctions pénales simplement parce qu’ils n’ont pas avisé les autorités. Les manifestations ne devraient être dispersées que si cela est strictement nécessaire pour protéger la sûreté publique.

Le 4 mai, les forces de sécurité ont arrêté sept partisans du FNDC lors d’une visite du président Condé à Kindia. Le 2 mai, le maire de la ville avait interdit une manifestation prévue par ce groupe pour le 4 mai parce que les organisateurs se proposaient de l’organiser dans le stade où Condé allait s’exprimer. Pour un tel cas, les lignes directrices relatives aux droits humains suggèrent que les autorités locales et le FNDC auraient dû immédiatement œuvrer à identifier un autre lieu acceptable pour la manifestation. Au lieu de cela, le 4 mai, les manifestants ont tenté de marcher en direction du stade. Les gendarmes ayant bloqué leur itinéraire, la marche s’est poursuivie vers le centre-ville de Kindia, où les forces de sécurité ont arrêté quelques manifestants.

Plusieurs autres partisans du FNDC à Kindia, qui eux ne participaient pas à la manifestation, ont été arrêtés alors qu’ils tentaient d’entrer dans le stade où Condé faisait son discours. Ils affirment qu’ils ont été arrêtés de façon arbitraire parce qu’ils portaient des T-shirts aux couleurs de l’opposition. « Je portais un T-shirt pro-FNDC », a ainsi témoigné Boubacar Barry, une des personnes arrêtées. « Et jai vu quelqu’un dautre qu’on empêchait dentrer et qu’on a détenu parce qu’il avait un T-shirt avec Cellou Dalein [un leader de lopposition]. » Un autre homme a confié qu’on l’avait arrêté parce qu’il portait un T-shirt à l’effigie de Sidya Touré, un autre leader de l’opposition.

Tous ceux qui ont été arrêtés à Kindia le 4 mai ont été jugés, reconnus coupables d’atteinte à l’ordre public le 7 mai, et condamnés à trois mois de prison et une amende de 500 000 FG (54 USD). Ce verdict a été annulé en appel le 13 mai et les manifestants ont été libérés. Le président du tribunal, a-t-on rapporté, a également ordonné la restitution des T-shirts confisqués lors des arrestations.

Le 11 juin, le maire de N’Zérékoré a interdit une manifestation de la coalition prévue le 13 juin, citant la nécessité de préserver l’ordre public et « la décision de [sa] tutelle [le ministère de lAdministration du territoire et de la Décentralisation] interdisant toute marche ». Les leaders du FNDC ont déclaré à Human Rights Watch que, puisqu’il leur était interdit d’organiser une marche publique, ils avaient opté pour une réunion au quartier général d’un parti politique d’opposition. Des images des médias sociaux montrent des partisans de la coalition tenant des pancartes où on pouvait lire : « Non au troisième mandat à NZérékoré ».

Accusant le FNDC d’avoir ignoré leur interdiction de manifester publiquement, les autorités locales ont envoyé les forces de sécurité disperser le rassemblement. Plusieurs personnes ont témoigné que les forces de sécurité avaient tiré des grenades lacrymogènes dans la foule tandis que les manifestants avaient réagi en leur jetant des pierres.

Tout au long de la journée du 13 juin, des affrontements entre les forces de sécurité et les manifestants ont débouché sur des violences entre partisans de l’opposition et du gouvernement dans plusieurs quartiers de N’Zérékoré. Une personne a été tuée et une trentaine ont été blessées. Des boutiques et des maisons ont été pillées ou détruites parce qu’elles appartenaient à des membres de groupes ethniques considérés comme appartenant au camp opposé.

Les forces de sécurité ont arrêté au moins quarante personnes à N’Zérékoré suite à la dispersion du rassemblement du FNDC et aux violences qui se sont ensuivies dans la ville. Ils ont été détenus jusqu’au 20 juin, avant d’être jugés par un tribunal de première instance à N’Zérékoré. Parmi ces personnes détenues, 22 ont été reconnues coupables de diverses atteintes à l’ordre public et condamnées à des peines de prison de trois ou quatre mois avec sursis et à une amende de 500 000 GF (54 USD). Les autres ont été libérées sans inculpation.

Des affrontements entre les partisans de l’opposition et du gouvernement à Kankan le 30 avril ont également fait plusieurs blessés. Trois témoins du FNDC ont déclaré à Human Rights Watch que les partisans du gouvernement avaient attaqué un rassemblement de la coalition qui se tenait au quartier général d’un parti local suite à l’interdiction d’une marche publique par les autorités locales. Quant aux militants du parti au pouvoir, ils ont déclaré que c’étaient les partisans du FNDC qui avaient pris l’initiative de la violence. Le FNDC a indiqué qu’une personne blessée dans ces affrontements, Mory Kourouma, est décédée le 19 juin à la suite de ses blessures.

Recommandations au gouvernement guinéen

Afin de garantir le respect de la liberté de réunion, le gouvernement guinéen devrait :

  • Réaffirmer le droit fondamental de tous à se réunir librement en déclarant publiquement qu’il n’existe pas d’interdiction généralisée de toutes les manifestations et que les éventuelles interdictions, conformément à la loi guinéenne, feront l’objet d’une évaluation au cas par cas par les autorités locales.
  • Réunir un groupe de travail composé de représentants des partis politiques, de groupes non gouvernementaux et d’experts internationaux afin d’élaborer des critères d’évaluation, conformes au droit relatif aux droits humains, guidant les autorités locales pour déterminer si des restrictions sont nécessaires dans le cas de telle ou telle manifestation. Le gouvernement devrait publier ces critères et former les autorités locales à leur application. Le groupe de travail devrait se réunir tous les six mois pour contrôler si les critères sont effectivement appliqués.
  • Si les risques que présente une manifestation pour la sécurité sont plus élevés que d’ordinaire, organiser des rencontres entre les autorités locales, les organisateurs de la manifestation et les forces de sécurité pour mettre au point un plan de sécurité réalisable, y compris l’itinéraire parcouru. C’est uniquement dans le cas où aucun arrangement de sécurité ne peut être trouvé, et où le danger que des tiers subissent un grave préjudice est élevé, qu’une manifestation pourra être interdite.
  • En collaboration avec la justice, créer un processus accéléré pour entendre les requêtes faisant appel des interdictions de manifester, de façon à ce que la décision judiciaire survienne aussi près que possible de la date prévue pour la manifestation.
  • Veiller à ce que toute personne arrêtée lors d’une manifestation bénéficie d’une procédure régulière et soit rapidement entendue par un tribunal.
  • Rédiger des directives destinées aux procureurs, policiers et gendarmes, conformes au droit relatif aux droits humains, indiquant les cas où les personnes arrêtées lors des manifestations peuvent être inculpées de délits pénaux, et détaillant les types d’inculpations appropriées pour chaque circonstance.
  • Ne pas traiter automatiquement les organisateurs de manifestations comme pénalement responsables des violences et autres crimes qui peuvent être commis lors de ces manifestations, à moins qu’il n’existe des preuves indiquant clairement qu’ils en sont directement responsables.
  • Se garder de tout discours, sur Internet ou dans les médias, qui pourrait provoquer la violence lors des manifestations. Les partis politiques d’opposition et les autres groupes, dont le FNDC, devraient eux aussi s’abstenir de ce genre de discours.

Source : hrw




SCAN : « Il faut que chacun (e) commence par respecter la parole donnée et l’engagement public pris. » Kémoko Touré


Kémoko Touré, ancien DG de la CBG, Ecrivain (octobre 2019)

« Les monstres des différentes générations, après avoir envoyé leurs enfants pour étudier à l’étranger avec le produit des détournements, tentent aujourd’hui de les faire revenir dans leurs pays respectifs d’origine pour les installer aux commandes de l’Etat et du secteur privé et ce, dans le seul souci de s’assurer une sortie honorable et une impunité à vie. Ces jeunes qui ne sont pas responsables des actes anti-patriotiques de leurs parents doivent faire attention au jugement de l’Histoire en refusant de poursuivre le processus de destruction engagé par leurs géniteurs. »

« Aux responsables de tous bords politiques d’aujourd’hui, à commencer par ceux qui sont en responsabilité, je dis clairement que vous ne pouvez pas passer votre temps à parler de paix et de concorde nationale lorsque les actes posés au quotidien montrent que vous préparez une guerre fratricide. Il faut que chacun (e) commence par respecter la parole donnée et l’engagement public pris. Il faut en outre civiliser les rapports avec le souci exclusif d’éradiquer les causes de la pauvreté endémique des populations. »

Lire la source : Ledjely


Abdourahamane Sanoh, coordinateur national du FNDC, ancien ministre (octobre 2019)

« Les promoteurs du troisième mandat, le président en tête, veulent bruler le pays. Nous, on n’est pas prêts à les laisser faire. »

« On s’en fout des PA (Points d’Appui), on s’en fout de l’interdiction des manifestations. La constitution nous consacre le droit de manifester. »

Lire la source : Visionguinee


Faya Millimouno, président du Bloc Libéral (BL) (octobre 2019)

« En ce moment-même, nous connaissons le plus grand défi politique de notre histoire postcoloniale, la pratique de la pseudo-démocratie sous le régime du président Alpha Condé. Cette pseudo démocratie s’exprime par la pression que le régime exerce sur la presse, limitant ainsi la liberté d’expression ; la pratique de la fraude à grande échelle au cours des consultations électorales ; la confiscation du pouvoir dans les mains d’un seul homme, assujettissant ainsi les législatives et le Judiciaire. »

« Chaque peuple, comme l’a dit Frantz Fanon, a une mission historique à accomplir. Le peuple de Guinée est en ce moment à la croisée de son chemin politico-historique ; il ne doit rester ni silencieux ni passif. Il doit absolument déjouer activement le coup d’État « civil » ourdi par le régime actuel et ses acolytes. L’heure de la lutte de la démocratie contre la dictature a sonné. »

Lire la source : Mediaguinee


Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo




Réunis autour de Issoufou Mahamadou à Niamey, des anciens chefs d’état africains disent Non à un troisième mandat sur le continent

Plusieurs anciens chefs d’états, des constitutionnalistes de renommée mondiale sont à Niamey dans le cadre d’une Conférence internationale sur le Constitutionnalisme et la Consolidation de la Démocratie en Afrique.

Nicéphore Soglo du Benin, Goodluck Jonathan du Nigeria, Mahamane Ousmane ,ancien président du Niger, ainsi que l’ancienne présidente du Liberia Ellen Johnson Searlef sont invités à la réunion.

Le chef de l’état nigérien Issoufou Mahamadou hôte du sommet a réaffirmé son engagement à ne pas se représenter en 2021.

« Je respecterai scrupuleusement les dispositions de la République du Niger. Mon désir le plus ardent est de passer le pouvoir en 2021 à un successeur démocratiquement élu, ce sera une première dans notre pays depuis son accession à l’indépendance » à déclaré le président Issoufou Mahamadou.

Tout en faisant remarquer qu’en Afrique, 35 pays ont limité les mandats, 12 n’ont aucune limitation, six ayant aboli la limitation et deux ayant modifié la limitation Issoufou Mahamadou a ajouté que « le peuple aspire au changement de manière périodique et la limitation de mandats lui offre cette opportunité ».

Selon un participant, l’objectif de la rencontre de Niamey est d’amener les dirigeants africains notamment ceux de la sous-région à éviter de modifier la constitution de leur pays pour s’éterniser au pouvoir.

Un signal fort pour dissuader certains présidents de la sous-région qu’il “y a une vie après la présidence” dira le participant.

Les discussions qui dureront trois jours, sont organisées par le National Democratic Institute (NDI) en partenariat avec Open Society Initiative for West Africa (OSIWA), Africa Forum et la Fondation Koffi Annan.

Le Niger se prépare à des élections présidentielles en 2021 au cours desquelles interviendra pour la première fois , une passation du pouvoir entre deux présidents élus démocratiquement.

Lire la source : Non à un troisième mandat sur le continent en discussion à Niamey (NB: le titre et les illustrations sont différents)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Chronique : Rien ne sera comme avant, la rupture est inévitable


Ils s’accrochent désespérément à un système à bout de souffle. Ils s’accrochent parce qu’ils ont peur. Une peur plurielle (perte des privilèges, d’être rattrapé par la justice) résultante de parcours professionnels semés de corruption, de détournements de fonds, d’enrichissement illicite, pour les uns, de crimes, de trahison, pour les autres.

Rongés par cette peur d’un changement véritable, ils forment un bloc pour résister, une solidarité des voleurs, des criminels, avec un important renfort de fonctionnaires médiocres devenus par népotisme et clientélisme des grands commis de l’Etat. Cette confrérie politique adepte de la triche, du mensonge, de la délation résiste parce qu’elle a peur de voir le triomphe du travail qui récompense les meilleurs guinéens, de la justice qui protège tous les citoyens sans distinction, de la solidarité qui bannie les inégalités et œuvre pour l’équité.

Cette confrérie au sommet de l’état guinéen a peur du citoyen cultivé, ce citoyen qui oppose à la propagande nationale une lecture lucide de la réalité, ce citoyen qui refuse de monnayer sa liberté de penser, ce citoyen qui a le courage d’exprimer ses opinions et de défendre ses positions. Cette confrérie est une imposture à dénoncer et à combattre par tous les moyens (je précise : par tous les moyens légaux y compris les manifestations. N’offrons pas aux détectives privés des polémiques de la matière à polémiquer).
Depuis un certain temps, on observe une ambiance de fin de règne (qui est d’ailleurs normal), l’échéance de 2020 est proche. Ils essayeront de modifier la trajectoire, d’obtenir une prolongation, de modifier les règles du jeu mais ils échoueront lamentablement.
Rien ne sera comme avant dans ce pays. Alpha Condé sera contraint de quitter le pouvoir à la fin de son dernier mandat. Les guinéens ont changé et ils exigeront des élections libres et transparentes. Cependant, avec la CENI actuelle, il ne faut pas se leurrer, elle fonctionne comme un secrétariat permanent du RPG et son président est un militant à visage découvert. Le rapport de force est inévitable, contraindre les commissaires de cette institution à respecter la vérité des urnes.
Quand la confiance sera rétablie dans ce pays, la CENI disparaîtra et il reviendra au ministère d’organiser toutes les élections comme dans toutes les grandes démocraties. Pour réussir ce pari, il ne faut pas se tromper de combat. La hiérarchisation et la planification des actions sont indispensables. L’heure n’est pas au ralliement derrière tel ou tel leader politique. Il faut une mobilisation générale pour défendre le respect des règles démocratiques (la constitution). Si les guinéens, par rivalité politique inopportune, face au péril démocratique qui nous menace, valident cette forfaiture d’une nouvelle constitution, tout s’écroulera et ce pays renouera avec les démons des crises politiques majeures voire le retour des coups d’état avec leurs corollaires d’abus et de violations systématiques des droits de l’homme.

La seconde étape est d’exiger des élections libres et démocratiques avec un fichier électoral qui reflète la population électorale de ce pays. Si par miracle, le dégagisme intégral à la tunisienne se produit, tant mieux. Mais soyons réalistes, un scénario difficilement envisageable connaissant la sociologie électorale de la Guinée. Un important travail en amont est nécessaire pour faciliter la compréhension des programmes politiques par leur vulgarisation à travers des techniques et outils accessibles à tous. Un travail qui prendra du temps et une volonté réelle de sortir des alignements systématiques dictés exclusivement par des considérations subjectives. Il faut rappeler que l’écrasante majorité de la population guinéenne est rurale, l’activisme politique très visible des populations en milieu urbain ne doit pas occulter cette réalité statistique. Une variable importante à intégrer dans les démarches et stratégies de mobilisation.

En attendant ce travail de conscientisation généralisée pour favoriser une culture politique et démocratique chez tous les guinéens, qui découlera, on l’espère, sur une alternance générationnelle, un renouvellement du personnel politique et une réadaptation de l’offre politique aux besoins réels des populations guinéennes, on exigera des leaders politiques actuels une discipline de gouvernance vertueuse s’ils accèdent au pouvoir, avec une veille citoyenne en permanence. C’est la beauté de la limitation des mandats, du principe d’alternance politique en général. Le premier mandat est un test, une marque de confiance, les électeurs peuvent se tromper, le candidat élu peut trahir ses engagements. Le deuxième mandat est un renouvellement de confiance, un plébiscite. En respectant les règles du jeu démocratique, le peuple a cette opportunité de sanctionner l’incompétence, la trahison et les promesses non tenues.

Tous les cinq ans, le peuple est consulté pour élire, renouveler la confiance ou sanctionner. Au bout de deux ou trois cycles, le renouvellement du personnel politique se fera progressivement. Pourquoi une telle démonstration ? C’est pour rappeler une évidence : séquencer les objectifs permet une efficacité globale pour l’atteinte des résultats escomptés à court, moyen et long terme. Cette fixation permanente sur la classe politique actuelle en mettant tout le monde dans le même panier est non seulement contre productive mais elle contribue à conforter les promoteurs de la forfaiture en cours dans leurs positions et leur argumentaire.

Le mal est profond dans ce pays et commençons par respecter et faire respecter les fondamentaux du vivre ensemble: nos lois.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




28 septembre 2009 : autopsie d’un massacre à Conakry


Droits de l’homme


Le 28 septembre 2009, les manifestants de l’opposition se rassemblent et marchent depuis la banlieue de Conakry pour dire « non » à une candidature à la présidentielle de Moussa Dadis Camara, militaire arrivé au pouvoir par un coup d’État dix mois plus tôt. La date est symbolique, le lieu de rassemblement aussi : les militants des Forces vives se regroupent au stade portant le nom du jour où la Guinée a voté pour son indépendance, le stade du 28 septembre. Ils sont des milliers, réunis dans une ambiance de fête. Puis tout bascule : des hommes en uniforme, mais aussi en civil, entrent dans le stade, ouvrent le feu sur la foule, violent de nombreuses femmes.

Les assaillants s’affranchissent de toute morale, souillent les âmes, blessent les corps, enlèvent les vies. Et s’il est difficile de comprendre le moteur d’un tel déchaînement de violence, ce qui s’est passé dans le stade semble ne pas être complètement étranger aux tendances décrites dans ce livre : une violence d’État se sentant autorisée à broyer les vies humaines qui lui posaient problème, une violence utilisée par des corps habillés pour faire taire toute velléité de contestation. Il y a eu des précédents, notamment la répression violente des manifestations de 2007 sous la présidence de Lansana Conté. L’impunité règne.

Pour tenter de mieux saisir ce qui s’est passé le 28 septembre 2009, cette sixième partie propose une enquête inédite sur le massacre et la façon dont les violences se sont prolongées les jours suivants. On y trouvera aussi le témoignage d’une jeune recrue du camp militaire de Kaleah qui a été chargée d’évacuer des blessés et de transporter des corps. Cette ultime partie du livre donne également à entendre le besoin de justice des victimes de violences politiques, à l’image d’Asmaou Diallo, la présidente  de  l’AVIPA, l’Association  des victimes, parents et ami-e-s du 28 septembre.

28 septembre 2009, la toute-puissance des militaires et un déchaînement de violence

« … Les manifestants étaient des biens personnels pour eux. Les militaires nous faisaient ce qu’ils voulaient, sans arrière-pensée. »

Lundi 28 septembre 2009, dès le petit matin, des milliers de personnes se dirigent vers le stade de Conakry à l’appel de l’opposition. Elles réclament des élections et surtout exigent que Moussa Dadis Camara ne soit pas candidat.

Ce capitaine de l’armée est président depuis neuf mois. Moussa Dadis Camara a pris le pouvoir au lendemain de la mort de Lansana Conté, le 23 décembre 2008. Il est jeune, très populaire et beaucoup s’enthousiasment pour ses promesses de changement. Le régime militaire du CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement) a beau avoir dissout le gouvernement et suspendu la Constitution, il incarne un espoir pour de très nombreux Guinéens. Les premiers mois seulement. En septembre 2009, l’enthousiasme commence à retomber.

De l’aveu d’un ancien membre du CNDD, Moussa Dadis Camara a pris goût au pouvoir et a commis des erreurs politiques, en parlant de son avenir à la tête de l’État. Contrairement à ce qu’il avait promis au moment du coup d’État, il n’exclut plus d’être candidat à l’élection présidentielle, prévue quelques mois plus tard.

L’opposition et la société civile réunies au sein du forum des Forces vives annoncent alors une grande manifestation dans la capitale. « Le rassemblement du 28 septembre avait pour objectif d’organiser un référendum d’une autre manière, explique Bah Oury, premier vice-président de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée ) et responsable de l’organisation de la manifestation. Pas par le vote, mais par le nombre de citoyens guinéens qui allaient sortir ce jour-là, pour montrer leur défiance vis-à-vis de la continuation d’un régime militaire. »

Empêcher la manifestation

La junte décide d’interdire le rassemblement, avançant différents motifs dans les jours qui précèdent les événements. Les autorités ont d’abord expliqué que le stade était fermé en prévision d’un match de football prévu en octobre, pour ne pas abîmer le terrain. Elles ont ensuite interdit toutes les manifestations jusqu’à la fête nationale du 2 octobre. Enfin elles ont expliqué que le 28 septembre étant une commémoration nationale, la journée serait fériée. Le président a même essayé de convaincre l’opposition de renoncer, par téléphone, en pleine nuit, la veille du rassemblement.

Sidya Touré, président du parti d’opposition Union des forces républicaines et membre du forum des Forces vives, se souvient : « Le téléphone a sonné à une heure du matin. J’ai vu que c’était Tibou Kamara qui m’appelait, il m’a dit que le président voulait me parler. Dadis a commencé à m’expliquer qu’on ne devait pas organiser cette manifestation, qu’il ne souhaitait pas que le meeting ait lieu.

Je lui ai répondu calmement qu’il était une heure du matin et que la mobilisation commençait à sept heures, que je n’avais aucune possibilité de parler à qui que ce soit. Et que ce n’était pas la solution.

Le conseiller qu’il avait à côté de lui a commencé à dire : «Il faut insister sur l’autorité de l’État.» Je l’ai entendu répéter ça : «L’autorité de l’État, l’autorité de l’État !» J’ai répondu : «C’est très bien l’autorité de l’État mais tu m’as appelé parce que tu me dis que nous avons de bonnes relations toi et moi. Est-ce que je peux te donner un conseil ?» Je ne sais pas s’il a dit oui, toujours est-il que j’ai donné mon conseil. Je lui ai dit : « Tu viens de passer plusieurs jours en campagne dans la région du Fouta. L’opposition, qui n’a pas disparu parce que tu es arrivé, a décidé d’aller au stade pour faire une déclaration. À ta place, j’attendrais que cette déclaration soit faite, et peut-être que mercredi, tu pourrais convoquer un Conseil national pour que tout le monde se retrouve et qu’on commence à discuter de transition et tout ça. «Ah…», c’est reparti : «Je n’accepterai pas ! L’autorité de l’État !»

Le téléphone s’est coupé. Il a sonné de nouveau quelques minutes plus tard. Dadis s’est lancé dans une logorrhée de discours, je me souviens seulement qu’à la fin, il a dit qu’il ne permettrait jamais cela.

Je n’imaginais pas ce qui allait arriver. Je me suis dit : « mais, comment il ne peut pas permettre la manifestation ? De toute façon, on sera dans la rue, qu’est-ce qu’il va faire ? »

Je n’imaginais pas ce qui allait arriver. Je me suis dit : mais, comment il ne peut pas permettre la manifestation ? De toute façon, on sera dans la rue, qu’est-ce qu’il va faire ? »

Dès le début de la matinée, la ville était quadrillée par les forces de l’ordre.

Une source au sein de la gendarmerie explique qu’il avait été décidé de ne mobiliser que des forces de maintien de l’ordre. La décision avait été prise la veille au cours d’une réunion entre le chef des armées, les chefs d’état-major, ainsi que les responsables de la police et de la gendarmerie. Rassemblés au camp Samory, ils ont décidé que les militaires ne seraient pas déployés. Selon notre source à la gendarmerie, les hommes devaient être mobilisés sans armes létales pour essayer d’empêcher le rassemblement.

Le rassemblement malgré tout

Lundi matin, gendarmes et policiers sont effectivement présents aux principaux carrefours de Conakry et dans les quartiers réputés favorables à l’opposition. Premières échauffourées. Les forces de l’ordre lancent des grenades lacrymogènes, tirent en l’air puis ouvrent le feu sur la foule au rond-point Bellevue. Deux manifestants sont tués.

Un ancien policier raconte qu’au même endroit, des jeunes ont attaqué le commissariat et emporté des armes. L’un des organisateurs de la manifestation assure qu’il s’agissait de vieux fusils non-chargés et laissés sur place, qu’aucune arme n’est entrée dans le stade.

Le rapport de la Commission d’enquête des Nations unies confirme que des armes ont bien été emportées par des personnes en civil mais précise, en s’appuyant sur des images et un témoignage, que ces personnes « n’ont pas pris la direction du stade et que certains des voleurs ont été vus marchant à contre-courant des manifestants. Il pourrait dès lors s’agir de délinquants », conclut le rapport.

Les sympathisants de l’opposition reprennent leur marche vers le stade du 28 septembre et commencent à se rassembler sur l’esplanade, devant l’entrée principale.

Une source provenant de la gendarmerie affirme qu’aucun gendarme n’a été envoyé sur les lieux « puisqu’il était interdit d’y aller » et qu’il avait été décidé de déployer les équipes dans le reste de la ville. Plusieurs témoins assurent cependant avoir vu des gendarmes en arrivant au stade.

Ils expliquent également avoir vu une autre unité des forces de l’ordre. En Guinée, certains gendarmes et policiers sont détachés au sein d’une unité spéciale mise en place par le CNDD, la brigade de lutte contre la drogue et le grand banditisme. Le groupe porte une tenue similaire à celle des membres de la gendarmerie nationale, pantalons treillis et T-shirts noirs. À la tête de ces services spéciaux, le colonel Moussa Tiegboro Camara.

Les hommes de la brigade sont placés sous son autorité directe, explique une source à la gendarmerie. Ce groupe aurait donc pu être envoyé au stade sans que le haut-commandement de gendarmerie en soit informé.

C’est à ce moment-là qu’il a reçu un appel l’informant qu’on tirait à l’intérieur du stade.

Le colonel Tiegboro s’est d’ailleurs rendu sur les lieux le matin du 28 septembre. Selon l’un de ses proches, « sur la route entre le camp et son domicile, vers huit heures, le colonel a parlé à des manifestants en leur disant que le rassemblement était interdit et qu’ils devaient rentrer chez eux. Après avoir mangé chez lui, le colonel Tiegboro a pris la direction de son bureau mais s’est arrêté pour parler aux responsables de l’opposition devant l’université, à quelques centaines de mètres de l’entrée principale du stade. Il a répété le message et l’opposition a accepté de sursoir au rassemblement. En échange, les leaders avaient demandé la libération de tous ceux qui avaient été arrêtés plus tôt le matin. Le colonel Tiegboro s’est rendu à la CMIS (Compagnie mobile d’intervention spéciale) où il s’est aperçu que personne n’avait été interpellé. C’est à ce moment-là qu’il a reçu un appel l’informant qu’on tirait à l’intérieur du stade. »

La version des manifestants est tout autre : ils expliquent que le colonel Tiegboro était menaçant lorsqu’ils l’ont croisé. Les responsables politiques, quant à eux, affirment qu’il n’a jamais été question de renoncer au rassemblement.

Ce matin-là, ils s’étaient donné rendez-vous au domicile de Jean-Marie Doré, porte-parole des Forces vives et leader de l’UPG (Union pour le progrès de la Guinée) : « La raison de ce choix, c’est simple : c’est parce que son domicile était le plus proche du stade, se souvient Mouctar Diallo, leader des Nouvelles forces démocratiques et membre des Forces vives, mais dès le matin, on a senti qu’il y avait anguille sous roche. » Jean-Marie Doré refuse de se rendre au stade. « Je ne sais pas pourquoi, explique Bah Oury, premier vice-président du parti d’opposition UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée) et responsable de l’organisation de la manifestation, il a juste fait savoir qu’il ne voulait pas. »

En fait, selon des proches de Jean-Marie Doré, décédé en 2016, la décision était prise depuis plusieurs semaines déjà. Mamounan Kpokomou, membre du bureau politique de l’UPG (Union pour le progrès de la Guinée) depuis 1993, explique : « Nous sommes de la même région que le chef de la junte. Notre parti est national, mais la base c’est bien la Guinée forestière, où est né Moussa Dadis Camara.

Nous défendions un idéal, nous étions diamétralement opposés à la candidature d’un militaire, mais nous avions choisi de ne pas prendre part à la marche du 28 septembre. Nos parents analphabètes, qui constituent le gros de notre électorat, ne nous auraient pas compris. Nous avions donc pris la résolution de ne pas y aller de peur de perdre cet électorat, qui n’aurait pas accepté de nous voir nous joindre aux autres partis politiques pour lutter contre un fils du terroir. »

C’est pourtant Jean-Marie Doré qui a été choisi pour une dernière médiation, le matin du 28 septembre. Il a été sollicité par les responsables religieux de Conakry. « La veille déjà, raconte l’un de ces religieux, nous avions négocié avec Dadis jusqu’à deux heures du matin pour que la manifestation soit autorisée mais encadrée. Le président a refusé. Il souhaitait que la marche ait lieu le lendemain, le 29, à Nongo, en banlieue. » L’archevêque monseigneur Coulibaly, l’archevêque monseigneur Gomez et l’imam de la Grande Mosquée, Ibrahima Bah, ont alors essayé de convaincre l’opposition de changer de programme. Sans succès.

« Il n’était pas question qu’on demande aux gens de sortir et que nous nous retrouvions dans une cour, en toute sécurité, en abandonnant la population dans la rue », résume Bah Oury, responsable du Comité d’organisation du rassemblement.

Les principaux leaders de l’opposition quittent le domicile de Jean-Marie Doré avant même l’arrivée des responsables religieux. « Nous connaissions leur message, raconte l’opposant Mouctar Diallo, c’était pour nous demander de reporter la manifestation. Nous nous sommes levés, Jean-Marie Doré est resté. »

À quelques centaines de mètres du stade, devant l’Université Gamal Abdel Nasser, les opposants sont bloqués par un barrage de policiers et de gendarmes. Peu de temps après, arrive le colonel Tiegboro. Il répète que le rassemblement ne peut pas avoir lieu. Discussion animée, tendue même par moments, mais contrairement à ce qu’affirme le proche de Moussa Tiegboro Camara, les opposants n’ont jamais accepté de reporter la manifestation.

Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée), raconte que le colonel s’est absenté quelques minutes et qu’à son retour, il a demandé aux forces de l’ordre de céder le passage aux opposants. Les portes du stade ont été ouvertes et la foule a commencé à prendre place dans les tribunes, sur le terrain, dans les allées.

« Il y avait beaucoup d’ambiance, raconte une manifestante, ça chantait, ça dansait. Certains ont même prié sur la pelouse. C’était la joie ! »

Le rassemblement de l’opposition est un succès. Des milliers de personnes ont répondu à l’appel et se massent dans le stade dans une ambiance de fête.

Jean-Marie Doré rejoint les autres responsables de l’opposition un peu avant midi. Selon l’un de ses proches, l’opposant pensait alors convaincre les autres responsables politiques de renoncer au rassemblement, « mais c’était impossible, le stade était archi-comble ». Jean-Marie Doré rejoint la tribune officielle.

Faute de matériel de sonorisation, les leaders politiques ne prononcent pas de discours mais devant les journalistes présents dans les gradins, ils se félicitent de l’ampleur de la mobilisation.

Quelques minutes seulement après l’arrivée de Jean-Marie Doré, on entend les premiers coups de feu.

Le piège

« Le stade était plein, raconte Fanta, une manifestante. Il n’y avait plus de place pour s’asseoir. Dès que les leaders sont arrivés, tout le monde a tapé dans ses mains en criant «Changement, changement !» Quand on a entendu les premiers coups de feu, on pensait que c’étaient des pétards. »

Les rares images tournées avec des téléphones portables montrent l’incompréhension totale des manifestants. Dans les allées qui entourent le stade, les gaz lacrymogènes surprennent la foule. Ce n’est qu’au moment où les coups de feu retentissent que les manifestants commencent à courir.

Les forces de sécurité entrent par le grand portail, le seul accès à la rue, puis ils encerclent les lieux et entrent à l’intérieur du stade. Une fois sur la pelouse, ils tirent indistinctement sur la foule. Les manifestants ont vu des bérets rouges, commandos de parachutistes et membres de la Garde présidentielle, mais aussi des gendarmes et des hommes en civil, qui eux portaient des armes blanches et poignardaient tous ceux qui se trouvaient sur leur passage.

« Il y a eu une débandade indescriptible, se souvient Mouctar Bah, journaliste pour Radio France internationale et l’agence France-Presse. Les gens sont descendus des gradins pour essayer de sortir. Ils montaient sur des murs de quatre mètres, cinq mètres ! D’autres sont restés où ils se trouvaient parce qu’il n’y avait nulle part où aller. »

Les militaires bloquent toutes les sorties du stade, les deux portes principales et les issues secondaires. De très nombreux manifestants ont été blessés en essayant de franchir les grilles qui séparent les gradins de la pelouse et des escaliers. Certains sont morts dans le mouvement de foule, écrasés contre les grilles ou piétinés dans la cohue.

Pour ceux qui réussissent à sortir du bâtiment, le soulagement ne dure pas longtemps. Les militaires sont partout et poursuivent les manifestants en fuite.

« Je suis allée vers le stade annexe, raconte Saran, militante du parti d’opposition UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée). Un jeune m’a aidée à monter sur le mur. Ils lui ont tiré dessus, au milieu du front. Lorsque le petit est tombé, j’ai basculé dans la cour de l’autre côté du mur. Nous étions plusieurs. Des militaires et des policiers sont arrivés. L’un d’entre eux m’a frappée avec un morceau de caoutchouc et j’ai perdu connaissance. »

Comme Saran, beaucoup de manifestants ont essayé de franchir les murs qui entourent le stade mais des militaires, postés de l’autre côté, mettaient en joue ceux qui essayaient de sauter.

« Il y a une porte au fond, vers l’université. On voulait sortir par-là, mais quand on est arrivé, les policiers habillés en noir et cagoulés ont tiré les fils de courant. Ils ont vu que les personnes qui arrivaient en face étaient plus nombreuses qu’eux alors ils ont fait tomber les fils. Les premiers manifestants qui ont essayé de passer ne se sont pas relevés. Ils ont été tués par le courant électrique. »

Plusieurs témoins rapportent que les forces de l’ordre avaient sectionné des fils électriques pour empêcher les manifestants de s’enfuir : « Des jeunes sautaient. Ils ont attrapé les fils électriques au-dessus du portail et certains ont été électrocutés. Quand tu mets ta main, le courant te prend. Il y a des gens qui sont morts comme ça ! »

Les responsables de l’opposition stupéfaits… Et matraqués

On a vu les hommes en tenue, et d’autres qui n’étaient même pas en uniforme, qui commençaient à tuer comme ça. On a compris petit à petit que c’était un massacre.

Du haut de la tribune officielle, les responsables de l’opposition ne comprennent pas tout de suite ce qui se passe, comme le raconte Mouctar Diallo, leader des Nouvelles forces démocratiques : « Nous avons commencé à entendre des coups de fusil, à voir la fumée des gaz lacrymogènes, mais jamais bien sûr nous n’aurions pu imaginer que cette barbarie était possible.

On a vu les hommes en tenue, et d’autres qui n’étaient même pas en uniforme, qui commençaient à tuer comme ça. On a compris petit à petit que c’était un massacre. Nous, nous étions là stupéfaits à la tribune. »

« C’était de la pure folie, résume Sydia Touré. Nous avons décidé de ne pas bouger, mais à un moment, des militaires sont venus nous demander de descendre. J’étais le premier, j’ai pris d’abord une gifle. Quand je me suis redressé, un des militaire qui avait un bâton a visé ma tête.

J’avais la tête complètement ensanglantée, je titubais un peu. Quand je suis arrivé sur le gazon, je suis tombé. Je voyais Cellou Dalein Diallo à côté qui s’était recroquevillé et qui recevait des coups de pieds. »

Oury Bah se souvient qu’un groupe de militaires s’est dirigé directement vers les responsables de l’opposition. « C’est Toumba, commandant de la Garde présidentielle, qui conduisait ce peloton de bérets rouges. Il y a eu des matraques, des échanges de coups. Il n’est pas resté longtemps, c’est comme s’il était venu pour prendre un certain nombre de personnes. »

Mouctar Diallo raconte que le lieutenant Aboubakar Toumba Diakité, l’aide de camp du président Dadis, a protégé les leaders politiques. « Toumba nous a demandé de le suivre. Quand nous sommes arrivés sur la pelouse, on continuait à recevoir des coups. Un de ceux que j’ai reçus a failli me faire évanouir. Je suis tombé mais je me suis relevé tout de suite parce que je me suis dit : «Si je reste là une seconde, ils vont me tuer.» Il y avait Sidya Touré devant, François Fall et moi. On s’était accrochés l’un à l’autre, très fermement. Je pense que Cellou était derrière nous et qu’il était tombé au sol sous les coups. Il y avait Bah Oury à côté de lui. Nous avons continué, Toumba nous a guidés pour sortir du stade. Je pense qu’il s’inquiétait de notre sort. Nous sommes sortis par l’entrée principale, sa voiture était garée de l’autre côté de la route. Il nous a mis dans son véhicule puis s’est absenté quelques minutes.

Pendant ce temps, Marcel, le neveu de Dadis qui était en même temps l’adjoint de Toumba, est venu avec un gros bâton du côté de la portière où se trouvait Sidya Touré. Il a dit «Bâtards, on va vous tuer aujourd’hui.»

C’est à ce moment qu’on a vu Jean-Marie Doré trimballé et tout couvert de sang, les habits déchirés. Lui, on l’a mis dans le véhicule qui était derrière nous, je crois que c’était celui de Tiegboro. »

Le colonel Moussa Tiegboro Camara a pris en charge les autres leaders de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, Jean-Marie Doré et Oury Bah.

Une source proche du colonel Tiegboro résume son intervention : « Le seul objectif, c’était les leaders politiques. En arrivant au stade, il a vu Cellou Dalein Diallo, qui avait déjà été frappé, et il s’est dit : «S’il est tué, on est foutus. Ça aurait pu être la guerre civile.» Le colonel Tiegoboro n’a pas passé plus de quinze minutes là-bas, il a mis Cellou Dalein Diallo, Bah Oury et Jean-Marie Doré dans sa voiture et il est parti. »

Selon cette source, c’est le colonel Tiegboro, et lui seul, qui a pris l’initiative de faire sortir les leaders de l’opposition, sans concertation avec aucun responsable de la junte.

« Lorsque Toumba a appris qu’il était là, il a fait semblant mais au départ, il ne souhaitait pas aider l’opposition. C’est lui qui commandait les bérets rouges. »

Le seul objectif, c’était les leaders politiques

Pour quelle raison Toumba et Tiegboro ont-ils décidé de sauver les chefs de l’opposition ?

Au cours de l’enquête, dans ses déclarations aux juges, l’aide de camp Aboubakar Toumba Diakité explique s’être rendu au stade pour chercher le président. Il affirme être parti seul au stade, une version contredite par plusieurs manifestants qui l’ont vu arriver à la tête d’un groupe de bérets rouges.

Selon plusieurs témoignages et les déclarations de Moussa Dadis Camara lui-même, le chef de l’État se trouvait pourtant au camp Alpha Yaya ce matin-là, où les principaux responsables de la junte avaient établi leurs quartiers. Toumba, lui, assure qu’il le pensait au stade, qu’il s’est rendu sur place pour l’alerter mais qu’en voyant la gravité de la situation, il a décidé d’intervenir pour exfiltrer les leaders politiques.

Le lieutenant Aboubakar Toumba Diakité s’appuie d’ailleurs sur cette intervention pour se défendre de toute implication dans la répression du 28 septembre. Actuellement en détention préventive et désigné comme responsable par son ancien président, il assure n’avoir jamais donné l’ordre de tirer sur la foule.

Selon Mamadi Kaba, directeur de l’Institution nationale indépendante des droits humains, Toumba et le colonel Tiegboro ont bien agi de leur propre chef pour sauver les chefs de l’opposition, mais cela ne les disculpe pas pour autant. « Ils savaient qu’il y aurait une répression, d’ailleurs ils ont envoyé leurs hommes. Ils ne savaient peut-être pas forcément que cela irait jusque-là, mais ils étaient au courant.

Il faut voir leur choix de sortir les leaders comme des initiatives personnelles qui permettaient d’éviter le pire, dans l’intérêt du grand chef. Pour peut-être lui dire ensuite que leur geste avait permis de sauver son régime. »

L’exfiltration des responsables de l’opposition

Les deux véhicules, conduits par le lieutenant Aboubakar Toumba Diakité et le colonel Tiegboro, quittent le stade en direction de la clinique Ambroise Paré, à moins de dix minutes de route. Avant que les leaders de l’opposition ne commencent à recevoir des soins, avant même que certains n’aient le temps de sortir de voiture, un groupe de bérets rouges débarque à la clinique. À leur tête, Marcel Guilavogui, adjoint de Toumba et présenté comme le neveu du président Dadis. Plusieurs témoins racontent la scène : grenade à la main, Marcel menace de tout faire sauter, crie que les opposants doivent être tués.

Le même Marcel Guilavogui a déclaré aux juges d’instruction guinéens en 2010 qu’il ne s’était pas rendu au stade le jour du massacre et assuré qu’il était resté alité toute la journée à cause d’un accident de circulation survenu quelques jours plus tôt.

À cause des menaces, les voitures transportant les opposants repartent et se dirigent cette fois vers la gendarmerie, en centre-ville. « Le chef d’état-major de la gendarmerie est venu pour donner les instructions, explique Mouctar Diallo des Nouvelles forces démocratiques. Il a ordonné qu’on nous donne les premiers soins. Puis Tiegboro est venu nous trouver pour nous dire que Dadis lui a donné instruction de nous prendre nous et Cellou, qui était au camp Samory, et de nous conduire à la clinique Pasteur. Nous étions tous dans la même salle pour les soins. C’était encerclé. On n’avait même plus de moyens de communication. »

Viols et tortures

Au stade, les militaires ne cessent de tirer qu’après avoir épuisé leur stock de munitions, mais continuent de traquer les manifestants. Les forces de sécurité et les hommes en civil équipés d’armes blanches poursuivent leur massacre.

Pendant plusieurs heures, ils se sont livrés à des violences jamais vues en Guinée. En plus des meurtres qui ont causé la mort de 157 personnes, au moins une centaine de viols ont été commis publiquement. Peut-être davantage, de nombreuses femmes refusant toujours de témoigner, craignant d’être stigmatisées.

L’une d’entre elles connaissait son agresseur, qu’elle a dénoncé depuis. « J’ai croisé un gendarme qui travaillait ici à Hamdallaye. Il nous connaissait. Il m’a frappée sur les deux joues avec son fusil, puis sur la tête. Je suis tombée. Il a frappé jusqu’à ce que je ne puisse plus me relever puis iI a pris un couteau et a déchiré mes habits. Il m’a aussi fait une croix dans le dos avec le couteau. Il m’a violée. Il a appelé deux hommes, bérets rouges. Je ne me souviens pas de la suite, j’ai perdu connaissance. »

Aissatou, une autre femme âgée de 25 ans au moment des faits, était venue au stade avec l’une de ses amies qu’elle a perdue dans sa fuite. « Je me suis cachée au niveau des toilettes, dans les gradins. Quelques instants après, quatre militaires sont venus. L’un d’entre eux m’a tirée sur une sorte de banc. Ils ont d’abord déchiré mon pantalon. Le premier m’a violée, le second m’a violée. Le troisième a essayé mais là, j’ai résisté un peu alors ils m’ont cognée sur la tête et j’ai perdu connaissance. »

De nombreuses femmes ont été violées à plusieurs reprises, plusieurs avec des objets, puis laissées pour mortes par leurs agresseurs.

Aissatou n’a repris conscience qu’en fin d’après-midi. Elle a été sauvée par un militaire qui, après lui avoir donné un pantalon, l’a placée au milieu d’un groupe d’hommes et de femmes qu’il conduisait vers la sortie. « Pendant qu’on marchait, d’autres militaires se sont approchés. Ils ont demandé à deux jeunes garçons du groupe de leur donner leurs téléphones. Le premier a donné son téléphone et à bout portant, ils ont tiré sur lui. Ils ont demandé aussi au deuxième. Ce dernier a dit : ‘‘Si vous me tuez, vous allez me tuer avec mon téléphone.» Les militaires ont tiré et il est tombé sur moi.

Pendant tout ce temps, les militaires nous disaient de rire à nous, les femmes, ils nous disaient d’être contentes. Ils nous ont forcées à rire. Comme je refusais, l’un d’entre eux a pointé son arme sur moi, puis il a appuyé son arme sur mon oreille et il a tiré dans le vide. »

L’opposant Sidya Touré se souvient avoir assisté à des scènes de viol en quittant le stade. « Je voyais des femmes dans des situations que je n’ose pas décrire. J’ai le regard d’une femme qui ne me quittera jamais. Elle voulait protéger sa dignité. Je vous assure que ça vous marque toute votre vie. »

Contrairement à ce qu’affirment de nombreux témoignages, Aboubakar Toumba Diakité et Moussa Tiegboro Camara, les responsables militaires ayant aidé les leaders de l’opposition à s’échapper du stade, assurent tous les deux n’avoir vu aucun viol ce jour-là.

Mamadi Kaba, directeur de l’Institution nationale indépendante des droits humains est certain que ces viols faisaient partie du plan de répression du rassemblement. « Il y a eu un ordre donné pour qu’ils violent. Sinon, il y aurait peut-être eu deux ou trois cas mais pas une centaine de femmes. Il y a eu un ordre.

En Guinée, quand les femmes se mêlent à une manifestation, elle prend une autre dimension. Il y a une fête que l’on célèbre chaque année, pour commémorer un jour où les femmes se sont mobilisées contre le régime de Sékou Touré [chef de l’État guinéen de l’indépendance à 1984]. Tous les présidents ont en tête que les femmes sont capables de les braver, alors si vous voulez tuer l’esprit de révolte, il faut taper dur sur les femmes. Je crois que c’est ce qui s’est passé. Je crois que l’esprit qui a guidé la répression, c’est la terreur afin qu’elles n’aient plus jamais le courage de manifester contre le CNDD. »

En Guinée, quand les femmes se mêlent à une manifestation, elle prend une autre dimension. (…) Tous les présidents ont en tête que les femmes sont capables de les braver, alors si vous voulez tuer l’esprit de révolte, il faut taper dur sur les femmes.

Le calvaire s’est prolongé pour certaines femmes, enlevées au stade et violées pendant plusieurs jours après le 28 septembre. « Alors que j’essayais de fuir le stade, un policier est venu me terrasser. Je suis tombée et j’ai perdu connaissance.

Quand je me suis réveillée, je me trouvais dans une maison, il n’y avait personne. J’entendais l’eau, comme la mer, mais je ne voyais pas les alentours. On m’avait mise dans une chambre sans électricité, sans fenêtre, j’étais dans le noir sur une natte. L’homme est entré, il avait une tenue verte. Il m’a déshabillée. Il me faisait ce qu’il voulait, il filmait …

Il m’a dit que si je pleurais, il me tuerait alors je n’ai pas pleuré. Il s’est allongé sur moi… je faisais ce qu’il voulait. Il m’a forcée. Il est venu plusieurs fois, deux jours de suite.

Je n’ai rien mangé, rien bu. J’avais peur qu’il me tue, je pensais à mon bébé à la maison et à mon mari… ma tête tournait.

Mardi, il a apporté quelque chose pour m’attacher les mains. Ce n’était pas serré mais je ne pouvais pas bouger comme je le voulais. Il m’a donné des habits, m’a mise dans un camion et m’a conduite jusqu’au quartier de Hamdallaye. Il m’a fait descendre et il a disparu. »

Dienabou, elle, a été conduite avec plusieurs autres filles au camp Koundara, probablement droguée. Elle s’est retrouvée vers minuit dans une salle du camp militaire. « Moi, j’étais vierge, je ne connaissais rien. On m’a fait monter jusqu’au troisième étage. Il y avait plusieurs militaires, ils étaient quatre. Ils nous ont violées, ils nous ont frappées, on nous a aussi coupées avec des couteaux, explique-t-elle en montrant d’épaisses cicatrices sur ses bras. On nous a fatiguées là-bas. Vers trois heures ou quatre heures du matin, on nous a déposées à l’hôpital Donka avec mes deux copines. »

Les victimes souffrent encore aujourd’hui des viols et des sévices subis au stade le 28 septembre, leurs corps portent les séquelles des agressions sexuelles, nombre d’entre elles ont été abandonnées par leur mari et vivent aujourd’hui dans des conditions très difficiles, la stigmatisation est très forte. La jeune Aissatou n’a même pas voulu faire établir de certificat médical à l’hôpital : « J’ai dit aux médecins de n’en parler à personne. Je n’ai rien dit à ma famille. Je ne voulais pas que les gens au quartier disent que j’étais parmi les filles violées au stade. Ça peut faire qu’on ne trouve pas de mari, même sans raconter tous les détails. Plusieurs fois, des hommes m’ont demandée en mariage mais dès qu’ils ont su que j’avais été au stade, l’histoire s’est arrêtée. Ils ne sont plus jamais revenus. »

Au milieu de ce déchaînement de violences, quelques individus ont tenté de sauver des manifestants. Fanta, une femme d’une cinquantaine d’années, a été cachée par un jeune inspecteur de police avec plusieurs autres femmes dans une cour un peu excentrée. « Au bout de deux ou trois heures, je voulais sortir. Le jeune inspecteur m’a dit : «Ne va nulle part, ils sont en train de violer les femmes dans les salles de jeu.» J’ai dit : «À mon âge ?» Il m’a répondu : «Pire que ça.» Je suis restée près de lui.

Pendant ce temps, ça tirait, ça tirait. Les gens criaient. Il fallait voir les cadavres…

Nous sommes sorties en groupe mais au bout de quelques minutes, j’ai aperçu un homme avec un couteau. Dès que je l’ai vu, je me suis cachée. Je suis restée là, les cadavres étaient à terre. Des véhicules sont arrivés pour prendre les corps. Des véhicules militaires. »

Fanta ne veut pas en dire davantage. Plusieurs années après les événements, elle craint toujours des représailles.

Dissimulation des corps

Les autorités guinéennes ont toujours nié avoir fait disparaître des corps et n’ont entrepris aucune recherche concernant de probables fosses communes. Aujourd’hui encore, aucune investigation officielle n’a été menée sur les sites évoqués par plusieurs témoins.

Pourtant, un manifestant raconte que des militaires ont bien fait disparaître des corps le 28 septembre. Le jeune homme, qui préfère rester anonyme, a été blessé au stade. Il n’avait pas trente ans.

« Je ne sais même pas par quoi j’ai été blessé, mais j’ai été touché à la tête et j’ai perdu connaissance pendant longtemps. Je n’ai repris conscience que là où ils ont commencé à jeter les gens, il faisait nuit. » Il poursuit : « Ils ramassent les corps, ils les mettent dans le camion. Je reviens à moi, tout est en sang. Je suis dans le camion. Avec les morts. »

Il pleure. « Je ne voyais rien. C’est les morts. Je suis avec les morts ! »

Le jeune homme s’interrompt. Il regarde devant lui et se tait pendant de longues minutes, n’ouvrant la bouche qu’au passage d’un véhicule militaire à quelques mètres : « Tiens, il y a des bérets rouges ici… »

Il reprend son récit, les yeux dans le vague : « Je ne sais pas où nous étions. Les militaires étaient en train de débarquer les corps. Quand l’un d’entre eux a braqué sa torche vers moi, je me suis mis au garde à vous. J’ai dit pardon. Il a crié : «Il y en a un qui n’est pas mort !» Un autre a dit : «Mettez-le dans le trou.» Ils ont discuté chaudement et ont finalement décidé de me laisser là. Je suis resté dans le camion. Ils ont bien bloqué pour que je ne puisse pas sortir et fuir. »

Le jeune homme s’interrompt de nouveau pendant un long moment avant de reprendre. « Ils m’ont ramené chez le président Dadis, au camp Alpha Yaya. Je criais, je devenais fou. Le lendemain, en pleine nuit, ils m’ont jeté par-dessus le mur, derrière la cour. J’avais des vêtements, mais pas de chaussures. Du sang partout. C’est mon sang ou c’est le sang des morts ? »

Trois semaines après le massacre du 28 septembre, un militaire a confirmé l’existence de fosses communes sur Radio France internationale. Sous couvert d’anonymat, ce béret rouge assure avoir reçu l’ordre de faire disparaître des cadavres : « Dans la nuit du lundi, ils nous ont dit d’aller récupérer les corps. On en a récupéré quarante-sept, qui ont été enfouis, mais je ne peux vraiment pas vous dire où exactement. »

Un haut-gradé de l’armée confirme, sans donner de chiffres, que les militaires ont enterré de nombreux corps dans les heures qui ont suivi le massacre.

Plusieurs familles n’ont jamais retrouvé les corps de leurs proches. Selon les chiffres des Nations unies, on a perdu la trace de 49 personnes qui s’étaient rendues au rassemblement de l’opposition et 40 autres ont été vues mortes au stade ou dans les morgues mais leurs corps ont ensuite disparu.

Le jour du massacre, les blessés et les cadavres ont été transportés dans la cohue, dans des ambulances envoyées par les hôpitaux et la Croix-Rouge, et parfois dans des véhicules privés.

L’un des responsables religieux ayant participé aux négociations avec les autorités guinéennes et l’opposition raconte avoir transporté des corps dans sa voiture personnelle.

La plupart ont été déposés à la Grande Mosquée de Conakry pour une prière, puis inhumés au cimetière Cameroun, certaines familles ont préféré emmener les dépouilles de leurs proches dans les quartiers pour organiser des funérailles.

De la Grande Mosquée Fayçal, où il a passé une partie de la journée, ce responsable religieux a vu les militaires bloquer l’entrée de la morgue de l’hôpital Donka. « Je ne me souviens plus quand exactement. Les enterrements ont commencé vers 16 heures donc ça devait être vers 14-15 heures. Je n’ai pas vu de camions mais il y avait des militaires dans l’enceinte de l’hôpital, des bérets rouges et d’autres corps de l’armée. »

Le lendemain, en pleine nuit, ils m’ont jeté par-dessus le mur, derrière la cour.

J’avais des vêtements, mais pas de chaussures. Du sang partout. C’est mon sang ou c’est le sang des morts ? »

D’autres témoins rapportent que les militaires ont pris le contrôle de la morgue de l’hôpital Donka, qui se trouve à quelques minutes seulement du stade et qui a accueilli la plupart des blessés et des corps.

L’accès a été interdit aux familles. Les corps des victimes ont été présentés plusieurs jours plus tard, le 2 octobre à la Grande Mosquée. Comme le souligne le rapport de la Commission d’enquête des Nations unies, « aucune méthodologie correcte d’identification des corps n’a été appliquée. Les personnes décédées ont été complètement déshabillées, alors que certaines portaient des objets personnels, mais aucun registre n’a été établi, aucune photographie n’a été prise. Le nombre insuffisant de chambres froides et l’absence de préparation correcte des corps, par manque de formol, associés à la température élevée de septembre, ont conduit à une dégradation rapide des cadavres. » Lorsqu’ils ont été exposés, quatre jours après le massacre du stade, de nombreux corps n’étaient plus identifiables.

Un homme d’une quarantaine d’années a perdu son frère. Un membre de leur famille l’a vu mort, aligné auprès d’autres victimes sur l’esplanade à l’entrée du stade, mais son corps ne se trouvait pas à la mosquée Fayçal le 2 octobre et les recherches lancées depuis n’ont jamais rien donné.

Les militaires à l’hôpital

De nombreux témoignages assurent que les militaires ont également pénétré dans les unités de soins de l’hôpital Donka dans l’après-midi, pour menacer les blessés.

Thierno se trouvait aux urgences, un bras cassé, lorsqu’il a vu des bérets rouges entrer. « Il était environ 16 heures, un camion s’est garé au portail. Les militaires ont commencé à bastonner les gens, y compris certains blessés qui ne pouvaient pas se déplacer. Ils ont insulté les patients et dit qu’il ne fallait pas nous donner de médicaments. Je n’osais pas les regarder dans les yeux. Ensuite, le ministre de la Santé, Diaby, est arrivé. Il demandait : «Qui vous a dit de sortir manifester ?» Le ministre de la Santé n’a pas insulté, c’étaient les bérets rouges qui insultaient les gens. Il n’a pas frappé non plus. »

Un proche d’Abdoulaye Chérif Diaby confirme que le ministre s’est bien rendu aux urgences, mais pour évaluer la situation, soutenir les médecins. Il dément la présence de militaires sur place.

La libération des responsables de l’opposition

Dans la soirée du 28 septembre, les opposants sont invités à quitter la clinique Pasteur et à rentrer chez eux, à l’exception de Cellou Dalein Diallo et Jean-Marie Doré, dont les blessures étaient plus importantes.

« Quand je suis arrivé, se souvient Sidya Touré de l’Union des forces républicaines, je n’avais plus de chez moi. Ils avaient tout détruit, tout saccagé. Il n’y avait plus aucun poste de télévision, plus aucun téléphone, aucune radio… tous les appareils ménagers avaient été ramassés, mon coffre-fort, dans lequel se trouvaient tous mes documents, tout était parti. La maison était renversée dans tous les sens. Les quatre véhicules avaient été embarqués. »

Situation analogue chez Cellou Dalein Diallo, comme le raconte l’un des responsables du maintien de l’ordre de l’UFDG. « Quand j’ai réussi à fuir le stade, je suis allé au domicile de mon patron. J’ai vu des bérets rouges qui venaient. Quatre pick-up. Je suis tombé, la moto m’a brûlé la jambe et mon pied s’est cassé. Comme j’étais couché, ils ont cru que j’étais mort, ils m’ont laissé. Les militaires sont rentrés, ils ont cassé tout ce qui se trouvait dans la maison, et emporté tout ce qu’ils pouvaient prendre. Les motos, les voitures, les valises… Ils ont chargé les 4 pick-up, remplis. »

Pillages, pressions, arrestations

Les pillages ne se sont pas limités aux domiciles des responsables politiques, ils avaient commencé au stade où les manifestants ont été systématiquement dépouillés de leur argent et de leurs téléphones portables. Ceux qui réussissaient à s’enfuir étaient stoppés au portail par des policiers qui les ont rackettés.

Dans tous les quartiers de la capitale, connus pour être favorables à l’opposition, les forces de l’ordre ont pénétré dans les maisons, ont dévalisé des commerces, pendant plusieurs jours. Cinquante commerçants établis au carrefour Cosa ont porté plainte pour pillage.

Plusieurs témoins disent avoir vu les jours suivants le capitaine Pivi, alors ministre de la Sécurité présidentielle, et ses hommes commettre des exactions.

Les militaires ont également retenu des prisonniers dans différents camps de la capitale, dont le camp Alpha Yaya où résidait l’état-major du CNDD. Mamadou, rescapé du stade, sans nouvelles de son neveu le lendemain du massacre, appelle sur son téléphone portable. Un militaire lui apprend qu’il est détenu. Mamadou se rend alors au camp Koundara pour demander la libération de son neveu : « Ils nous ont fait entrer au camp et dès que nous avons été à l’intérieur, ils nous ont attrapés, déshabillés totalement et ils nous ont blessés. Ils ont versé de l’eau chaude sur nous, roulé sur nos jambes avec des motos. J’étais avec mon grand-frère, il est décédé, il n’a pas pu résister.

Tous les jours, matin et soir, ils nous mettaient à terre pour nous frapper, cinquante coups chacun. Ils nous frappaient avec du bois ou du caoutchouc. Ils nous insultaient, ils versaient de l’eau chaude sur notre corps. Toute la peau du haut de mon dos est partie. Ils avaient récupéré tous nos vêtements.

Le 4ème jour, deux amis sont venus pour voir s’ils pouvaient nous faire sortir. Eux aussi ont été récupérés et l’un des deux est décédé également.

Notre détention, c’était difficile. La nuit, ils menaçaient de nous tuer et de nous jeter à la mer. Tous les jours, ils buvaient de l’alcool et fumaient de la drogue devant nous, ils recevaient des filles, certaines avaient été enlevées au stade, d’autres étaient des prostituées. Puis ils nous disaient : «Mettez-vous en sardine», c’est-à-dire l’un sur l’autre. Tout le monde, comme dans une boîte de sardines. On devait rester comme ça quelques minutes et ils disaient «encore» alors ceux qui étaient en bas changeaient de place avec ceux qui étaient en haut.

On a dû verser de l’argent pour sortir. Chacun d’entre nous a payé un million de francs. »

Le grand absent

À aucun moment, le président de la junte n’a été vu au stade. Lors de son audition par les juges d’instruction guinéens en février 2013, Moussa Dadis Camara a expliqué s’être couché tard la veille et avoir été informé vers 10 heures que la manifestation était en cours. Alors que, selon ses dires, il comptait « user de la sympathie qu’avait la population à [son] égard pour essayer de la calmer », son entourage l’en aurait dissuadé.

Toujours selon ses déclarations de 2013, Moussa Dadis Camara a appris plusieurs heures plus tard que des massacres étaient en cours et que des manifestants avaient été tués. Il assure avoir été « révolté » et prétend n’avoir jamais donné la moindre instruction.

Un proche du colonel Tiegboro, des services spéciaux de lutte contre la drogue et le grand banditisme, raconte qu’en fin d’après-midi, ce dernier s’est rendu au camp Alpha Yaya. « Le colonel a fait un compte-rendu au chef de l’État vers 16-17 heures. Le président a pleuré. Il est trop sentimental, Dadis. Il a dit : «Et bon Dieu, que faire ?»

Dadis était déjà au courant qu’il y avait un problème mais il ne savait pas quoi. Il était étonné lorsque le colonel lui a dit que des opposants étaient blessés. »

Moussa Dadis Camara s’est aussi peut-être inquiété pour son avenir, comme le laissent entendre les propos qu’il a tenus devant les juges d’instruction en 2015 : « J’étais à mon bureau en larmes. Voyant tout le poids qui pesait sur ma tête. Je me voyais même perdu à cause de ce qui venait d’arriver et de ce que je représente comme autorité morale. »

Moussa Dadis Camara assure avoir été victime d’un complot visant à le décrédibiliser et le destituer, il accuse son ancien aide de camp, Aboubacar Toumba Diakité. Selon lui, Toumba avait trop d’assurance, « il prenait souvent des initiatives sans m’en aviser. »

Lors de son audition par les juges d’instruction en 2015, le chef de la junte a expliqué avoir voulu faire arrêter son aide de camp, Aboubakar Toumba Diakité, mais en avoir été dissuadé par ses collaborateurs. « Je vous signale que c’est lui qui détenait les clefs de la poudrière. À vouloir le tenter, il fallait s’attendre à beaucoup de morts collatéraux. En voulant l’arrêter, il m’aurait achevé. Il était le commandant de régiment de la Garde présidentielle. Il avait à sa disposition les hommes et les armes. Je ne pouvais qu’obéir. »

D’anciens responsables du CNDD racontent exactement l’inverse. Selon eux, plusieurs officiers supérieurs ont tenté d’arrêter le lieutenant Toumba dans les jours suivant le massacre, mais en ont été empêchés par le président qui est ensuite apparu publiquement aux côtés de son aide de camp à l’occasion de la fête de l’indépendance, le 2 octobre, soit quatre jours après les événements.

De plus, la Commission d’enquête des Nations unies souligne dans son rapport : « Le président s’est plaint de son armée indisciplinée. Toutefois, il a également démontré un haut degré de contrôle sur les militaires puisque l’armée régulière a obéi à ses ordres, transmis par l’intermédiaire du chef de l’état-major des armées, de rester dans les casernes toute la journée malgré la gravité des événements qui se déroulaient en ville. »

Une junte divisée

De nombreux anciens membres du CNDD s’accordent à dire que l’atmosphère n’était pas sereine au sein de la junte.

Les membres du CNDD avaient parfois du mal à joindre leur président. « Il n’aimait pas beaucoup le téléphone, se souvient l’ancien ministre Tibou Kamara, devenu ministre d’État et conseiller de l’actuel président Alpha Condé, et on ne travaillait que la nuit. » L’un des religieux ayant tenté de mener une médiation entre l’opposition et le pouvoir se souvient avoir attendu parfois cinq ou six heures avant d’être reçu par Moussa Dadis Camara.

Un ancien responsable de la junte raconte également que les militaires au pouvoir n’étaient pas unis. « Dadis était très populaire au début parce qu’il distribuait des billets de banque. Lorsqu’il était en charge du carburant au sein de l’armée, il n’y a pas un militaire qui n’a pas «mangé» [reçu de l’argent]. Mais trois mois après la prise du pouvoir, on a senti beaucoup de dissensions, la frustration se lisait sur le visage de chacun. » Il ajoute que le président décidait souvent seul. « Il était impulsif. Il pouvait prendre des décisions sans consulter personne. Après, il lui arrivait de les regretter. » Une autre source décrit le chef de l’État comme un homme influençable, « le dernier à le voir avant de dormir emportait la décision. »

Selon un ancien policier, plusieurs officiers éprouvaient également une certaine rancœur personnelle. « Lorsque Dadis est arrivé au pouvoir, il a mis à la retraite 22 généraux et amiraux et les a remplacés par des jeunes qui, à mon avis, ne méritaient pas ces grades. Il les a choisis plutôt par sentiment qu’en raison de leur compétence. » Le raisonnement vaut aussi pour le président lui-même. À son arrivée au pouvoir, Moussa Dadis Camara n’est que capitaine, âgé d’une quarantaine d’années, et certains officiers n’apprécient pas de devoir obéir à un homme d’un grade inférieur au leur.

Ces conflits d’autorité, ajoutés à des ambitions personnelles, ont créé un climat de méfiance entre les responsables militaires.

« C’était la jungle », résume un haut-gradé de l’armée

Pour plusieurs anciens membres de la junte, le CNDD se résumait à Moussa Dadis Camara et son ministre de la Défense, le général Sekouba Konaté.

« Le ministre de la Défense était l’homme de confiance du capitaine Dadis, explique Mamadi Kaba, ancien président de l’Institution nationale indépendante des droits de l’Homme, les deux hommes se connaissaient depuis longtemps et Dadis savait qu’avoir le général à ses côtés renforçait la peur chez ceux qui ne soutenaient pas le régime. Les deux hommes constituaient le socle du système du CNDD. »

Sekouba Konaté était en déplacement en Guinée forestière le 28 septembre 2009. Depuis la France, où il vit aujourd’hui en exil, le général s’est exprimé dans la presse pour accuser le président Dadis d’être le principal responsable.

Le ministre de la Défense a-t-il pu ignorer ce qui se préparait ?

Il est difficile d’établir le rôle qu’il jouait au sein de la junte. D’après certains témoignages, le général Sekouba Konaté était très influent. Selon l’ancien ministre Papa Koly Kourouma, le général était régulièrement consulté et très respecté.

Pour d’autres, le général Sekouba Konaté était peu investi dans les activités du CNDD. Un diplomate français le décrit comme un personnage sans envergure, davantage intéressé par l’argent que par le pouvoir, ce que confirme un ancien membre de la junte.

Les rivalités personnelles sont nombreuses. D’anciens membres du CNDD parlent de tensions entre le colonel Tiegboro, à la tête des services spéciaux anti-drogue, et le lieutenant Toumba, commandant de la garde rapprochée du président. D’autres assurent que Toumba et le ministre de la Défense, Sekouba Konaté, se méfiaient l’un de l’autre, tout comme Toumba et le ministre de la Sécurité présidentielle, Claude Pivi…

Pourtant, Papa Koly Kourouma, ancien ministre de l’Environnement du CNDD, assure qu’il n’y avait aucune position contradictoire affichée. Tibou Kamara, ancien ministre de la Communication de la présidence, affirme également qu’aucun désaccord n’était public.

Malgré ces tensions internes, la Commission d’enquête de l’ONU rappelle que les quartiers généraux de tous les responsables militaires se trouvaient au camp Alpha Yaya, dans un rayon de quelques centaines de mètres. Elle en déduit « qu’il y a des motifs raisonnables de croire à l’existence d’une coordination entre tous les groupes armés impliqués dans l’attaque du stade, y compris les miliciens. »

D’où venaient alors ces miliciens ? Les recrues de Kaleah

De nombreux manifestants disent avoir vu des hommes en civil, équipés d’armes blanches et portant gri-gris et cauris (coquillages utilisés dans les tenues traditionnelle « de protection ») commettre des exactions au stade.

De jeunes opposants à la junte, reçus par l’ambassade des États-Unis quelques semaines avant le massacre, s’inquiétaient déjà d’une éventuelle mobilisation de civils par le régime pour perturber des manifestations. Le résumé de la rencontre figure dans une dépêche diplomatique révélée par Wikileaks. « Ils affirment que le CNDD a envoyé 2 000 jeunes de la région de Guinée forestière [dans le sud-est du pays] à Forecariah [localité du sud-ouest située à 80 km de la capitale] pour y être entraînés et former des escadrons de la mort. » L’ambassade américaine ajoute avoir déjà été avertie de ces recrutements par d’autres sources.

Un militant des droits de l’Homme, contact de longue date et jugé crédible par l’ambassade, alerte lui aussi les diplomates américains, comme en témoigne un document révélé par Wikileaks. Lors d’une rencontre le 10 septembre à l’ambassade, ce militant explique : « Le CNDD prévoit que ces jeunes resteront habillés en civil, mais qu’il les forme à « combattre» d’autres civils. Lorsqu’on lui a demandé des précisions, le contact a déclaré que le CNDD s’attendait à de nouvelles manifestations anti-Dadis, mais ne voulait pas mettre les militaires dans une position où ils pourraient avoir à tirer sur la foule pour maintenir l’ordre. Au lieu de cela, le CNDD veut introduire des «combattants» pro-CNDD dans Conakry pour qu’ils puissent lutter contre les mouvements anti-CNDD qui sont prévus. »

Comme le raconte un ancien membre du CNDD, l’enrôlement a débuté plusieurs mois avant les événements. Des jeunes entraînés à Kaleah expliquent qu’on leur avait promis une intégration dans l’armée, à la fin de leur formation.

« Vous savez, explique l’ancien ministre de la Communication présidentielle Tibou Kamara, lorsqu’un nouveau président arrive au pouvoir, il travaille à sa sécurité et sa protection. Ce n’est pas propre au CNDD. Tous ceux qui viennent recrutent des gens pour la protection du nouveau président. Quand Dadis est arrivé au pouvoir, comme c’était un coup d’État, il n’y avait pas de légitimité démocratique donc le premier réflexe était sécuritaire. Comment se préserver et préserver le régime ?

Donc l’idée de recruter des jeunes pour avoir des fidèles au régime et assurer la protection du président est née et le centre de Kaleah a été ouvert [près de Forecariah]. Pour avoir des gens beaucoup plus sûrs que l’armée dont on avait hérité.»

Selon Aboubakar Toumba Diakité, les tendances communautaristes étaient très fortes au sein de la junte et le président Dadis a demandé aux militaires de son ethnie de recruter des jeunes à Nzérékoré et Macenta, en Guinée forestière.

Mamounan Kpokomou, membre du bureau politique du parti d’opposition UFP (Union pour le progrès de la Guinée), a participé au démantèlement du camp de Kaleah, quelques mois après la chute du régime militaire, en 2010. Il confirme : « Le recrutement avait un caractère sélectif très marqué. Moussa Dadis Camara a recruté uniquement des membres de son ethnie. Tous ceux qui étaient au pouvoir en avaient fait autant. Chaque responsable du CNDD voulait avoir les siens dans les différents corps de l’armée.

Et tenez-vous bien, en plus de leurs parents de la même communauté, ils recrutaient les jeunes contre de l’argent. Dadis est parti faire le recrutement dans les villages qui environnent le sien. Ceux qui sont loin et qui voulaient à tout prix être recrutés ont versé de l’argent. Ca variait entre deux et cinq millions de francs CFA. »

Selon un haut-gradé, Moussa Dadis Camara a recruté 2 000 personnes. Le ministre de la Défense, le général Sekouba Konaté, aurait lui aussi fait appel à des jeunes de sa région d’origine, entre 400 et 800 personnes, selon les sources.

Ils ont été conduits au camp de Kaleah et ont reçu leur entraînement militaire. Plusieurs sources affirment que les formateurs étaient d’anciens militaires israéliens et sud-africains. Un haut-gradé parle également d’instructeurs ukrainiens et affirme qu’ils ont apporté beaucoup d’armes en Guinée.

L’entraînement a duré plusieurs semaines, et selon l’aide de camp Aboubakar Toumba Diakité, « le ministre de la Sécurité présidentielle, Claude Pivi, a fait venir à la Présidence 400 jeunes sous prétexte qu’ils étaient venus faire des démonstrations d’arts martiaux. Ils ont été logés par le président avec pour mission de servir de contre-manifestants à l’occasion de troubles. »

Dans le courrier confidentiel daté du 10 septembre 2009 et rendu public par Wikileaks, l’ambassade américaine à Conakry explique que son contact, militant des droits de l’Homme, s’inquiète justement de voir des miliciens infiltrer les rassemblements de l’opposition : « Selon lui, les membres du CNDD recrutent activement des jeunes pour soutenir Moussa Dadis Camara, le président du CNDD, en particulier à l’intérieur du pays. Il a expliqué être préoccupé par le fait que le CNDD déplace ce qu’il décrit comme des «combattants libériens» de la Guinée forestière vers la capitale. Notant que de nombreux témoins ou participants aux guerres en Sierra Léone et au Libéria vivent en Guinée forestière, le contact a déclaré que ces «combattants» sont en fait des mercenaires aguerris. »

Il n’est pas le seul à évoquer ces combattants libériens. L’opposant Jean-Marie Doré a déclaré avoir été menacé au stade par des membres de l’Ulimo.

Sidya Touré, lui aussi, s’interroge sur la présence au stade d’anciens rebelles libériens : « Je n’avais

pas l’impression que c’était des hommes en armes formés, il n’y avait pas du tout de discipline. Par contre, leurs tenues ressemblaient plutôt à celles de combattants de l’époque de Charles Taylor. Ils étaient habillés n’importe comment et ceux-là avaient l’air plutôt agressifs. »

Un haut-gradé estime probable que des membres de l’ULIMO ou des Libériens aient participé à la répression au stade, mais il nuance : « En Guinée forestière, tout le monde est guinéo-libérien. Tout le monde a participé au conflit [la guerre civile au Libéria]. Les anciens de l’ULIMO étaient confondus avec les militaires. Le 28 septembre 2009, ceux qui étaient cagoulés et habillés comme des rebelles étaient mélangés aux autres. » Selon ce haut-gradé, les anciens rebelles n’ont pas été mobilisés en tant que tels, mais faisaient déjà partie des groupes constitués par chacun des responsables de la junte.

La Commission d’enquête des Nations unies estime que ces hommes ont participé directement aux violences, avec des armes blanches, en coordination avec des groupes de bérets rouges, commandos parachutistes dépendant du ministère de la Sécurité présidentielle, et de gendarmes de Tiegboro, le secrétaire d’État à la présidence chargé des services spéciaux de lutte contre le grand banditisme et la drogue.

Éruption de violences ou répression planifiée ?

La Commission d’enquête de l’ONU estime improbable que ces événements aient été le fruit du hasard ou de débordements non-coordonnés : « La nature des actes révèle un niveau de coordination indiquant une intention d’infliger le plus haut degré de souffrance dans un minimum de temps, le tout facilité par le blocage des sorties, de façon à prendre au piège la population ciblée et à maximiser le nombre de victimes. »

Que les autorités aient été débordées le matin du rassemblement ou que la répression ait été planifiée bien avant le 28 septembre, des instructions ont bien été données. L’armée a reçu l’ordre de se rendre au stade, comme l’a raconté un militaire le 17 octobre 2009, sur Radio France internationale : « C’est la gendarmerie qui était d’abord concernée, mais comme elle ne s’est pas entendue avec les opposants, nous avons reçu l’ordre d’aller mater l’opposition. Nous y sommes allés. J’en faisais partie. Nous ne pouvions pas refuser les ordres à savoir, aller mater les opposants, leur faire comprendre qu’il n’y a qu’une seule autorité en Guinée et leur donner une leçon. »

Impunité

La Commission d’enquête des Nations unies déplore dans son rapport que Moussa Dadis Camara n’ait rien fait pour faire cesser les crimes et rien fait non plus pour punir leurs auteurs. Au contraire, un peu plus d’un mois après le massacre, le chef de l’État a promu tous les sous-officiers de l’armée au grade supérieur, « y compris ceux qui faisaient partie des services ayant participé aux événements du 28 septembre, [ce qui] tend à démontrer que leurs actions ont été commises avec l’accord du président. »

Alors que les condamnations internationales se multiplient, la junte cherche à se maintenir au pouvoir. « Le soir du 28, l’indignation générale s’était étendue au CNDD avec en plus un sentiment de peur, de panique même, se souvient l’ancien ministre Tibou Kamara, ainsi qu’une volonté pour beaucoup de réparer, entre guillemets, ce qui avait été fait. Une volonté désespérée de rattraper.

Parce qu’à partir de là, tout le monde s’est posé des questions sur son avenir personnel et sur le régime. Chacun a compris que quelque chose d’extrêmement grave s’était produit. La question de la survie du régime se posait. On a vu les premières divisions, il y a eu vraiment des tensions. Il ne pouvait plus y avoir d’unanimité ou de soutien aveugle. »

Les jours suivants sont confus. Le président de la junte donne plusieurs versions des événements : le lendemain du massacre, dans une interview accordée à Radio France internationale, il parle de bousculades, d’accrochages et laisse entendre que les manifestants auraient pu tirer sur les forces de l’ordre. Il parle ensuite de menace terroriste avant d’imputer la responsabilité de ce qui s’est passé à son aide de camp, Toumba.

Dès que les violences se sont calmées le 28 septembre, les autorités ont cherché à minimiser les événements et effacer les preuves éventuelles. Tous les lieux dans lesquels des violences avaient été commises ont été placés sous contrôle militaire et interdits d’accès. Deux jours après les événements, le stade a commencé à être repeint.

« Les raisons qui ont poussé les autorités guinéennes à intervenir sur ce qui constituait une scène de crime, conclut la Commission d’enquête de l’ONU, ne peuvent s’expliquer que par une volonté d’empêcher l’exploitation des éléments matériels qui pouvaient s’opposer à la thèse des autorités. » Les enquêteurs de l’ONU notent également que « le personnel de l’hôpital Donka [où a été conduite la majorité des victimes] était terrifié à l’idée de communiquer des informations, plusieurs personnes disaient qu’elles avaient reçu la consigne de ne pas parler.» Un silence toujours de mise aujourd’hui.

Moussa Dadis Camara se défend d’avoir voulu couvrir les faits, pour preuve sa décision de faire appel aux Nations unies et d’ordonner la mise en place d’une Commission d’enquête nationale.

Le président a fait part de son intention de créer cette Commission dès le 1er octobre, mais la mise en place a pris plusieurs semaines et, dans l’intervalle, les attributions de la Commission ont été revues. Contrairement à ce qui était prévu, elle ne disposait pas de pouvoirs judiciaires, donc des pouvoirs d’instruction, et ses membres ont été nommés par décret présidentiel.

Dans son rapport, rendu en janvier 2010, la Commission reconnaît que « le contexte de crise a jeté la suspicion et la méfiance quant à sa crédibilité » et admet ne pas avoir pu interroger le président Moussa Dadis Camara et son aide de camp, Aboubakar Toumba Diakité, « qui figuraient pourtant au programme de la CNEI (Commission nationale d’enquête indépendante). »

Le bilan de la Commission nationale fait état de 63 morts, un chiffre bien inférieur à celui établi par les Nations unies qui parlent de 157 victimes.

« La violence est une culture politique dans notre pays », explique Tibou Kamara, ex-ministre du CNDD et aujourd’hui conseiller du président Alpha Condé. Mais cette violence n’est jamais punie.

Aujourd’hui, les victimes vivent toujours dans la peur, beaucoup d’entre elles préfèrent rester anonymes. Les militaires, eux, n’ont pas été inquiétés.

Après huit longues années d’attente, la justice guinéenne a enfin clôt l’instruction. Douze personnes ont été formellement inculpées par la justice guinéenne, dont Moussa Dadis Camara, son ancien aide de camp Toumba ou le colonel Tiegboro. Hormis l’ancien président, qui vit aujourd’hui en exil au Burkina-Faso, et le lieutenant Aboubakar Toumba Diakité, détenu à la prison centrale de Conakry, les autres inculpés vivent en Guinée, libres. En attendant l’ouverture du procès, sans cesse retardée, certains anciens membres du CNDD, comme le colonel Tiegboro ou Claude Pivi, occupent toujours des fonctions officielles.

« Peut-être que les militaires n’ont pas peur des sanctions, s’interroge Aissatou, violée au stade le 28 septembre 2009. Ils sont libres de faire ce qu’ils veulent. »

Extrait: memoire-collective-guinee.org





Guinée : dix ans après le massacre de Conakry, l’ONU réclame un procès

“La paix et la réconciliation durables ne seront pas atteintes tant que justice et responsabilité ne seront pas maintenues” a déclaré la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Michelle Bachelet Jeria aux autorités guinéennes en évoquant l’attaque perpétrée par l’armée le 28 septembre 2009, dans un stade de Conakry.

La Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Michelle Bachelet Jeria a appelé samedi les autorités guinéennes à “accélérer” l’organisation du procès des auteurs du massacre d’opposants lors d’une attaque perpétrée par l’armée il y a dix ans dans un stade de Conakry.

“L’impunité règne depuis trop longtemps en Guinée et empêche les cicatrices des victimes de guérir. La paix et la réconciliation durables ne seront pas atteintes tant que justice et responsabilité ne seront pas maintenues”, a déclaré Michelle Bachelet dans un communiqué. Le 28 septembre 2009, les forces de défense et de sécurité et des militaires avaient battu, poignardé et tué par balles des opposants au régime militaire, rassemblés dans le plus grand stade de Conakry pour réclamer que le président autoproclamé depuis décembre 2008, Moussa Dadis Camara, ne se présente pas à la prochaine élection présidentielle. L’instruction sur le massacre est clôturée depuis fin 2017, mais la date du procès n’a toujours pas été fixée.

“Au moins 156 morts et disparus, dont un certain nombre de femmes décédées des suites de violentes agressions sexuelles”

Une Commission d’enquête internationale nommée par l’ONU a établi en décembre 2009 que l’attaque “a fait au moins 156 morts et disparus, dont un certain nombre de femmes décédées des suites de violentes agressions sexuelles”, a rappelé le Haut-Commissariat dans un communiqué. Ce rapport a accablé les autorités de l’époque, expliquant qu’elles ont modifié les lieux du crime. Des détenus ont par ailleurs été torturés, au moins 109 filles et femmes ont été victimes de violences sexuelles et des cadavres ont été enterrés dans des fosses communes. La Commission a également conclu que ce massacre constitue un “crime contre l’humanité”, et a conclu à la responsabilité pénale individuelle de plusieurs responsables guinéens, dont Moussa Dadis Camara.

Des “fonctionnaires mis en accusation et toujours en poste”

“Bien que la Commission d’enquête ait recommandé il y a près de dix ans aux autorités guinéennes de poursuivre les responsables et d’indemniser les victimes, peu de progrès tangibles ont été enregistrés jusqu’à présent”, a déploré Michelle Bachelet, appelant les autorités à “accélérer l’organisation du procès”. “Ces procédures judiciaires tant attendues – si et quand elles auront réellement lieu – devraient garantir la responsabilité à la fois dans l’intérêt des victimes et renforcer l’état de droit dans l’ensemble du pays”, a-t-elle souhaité. La Haut-Commissaire a souligné que les efforts pour engager des poursuites et organiser une procédure judiciaire “ont été extrêmement lents et n’ont pas abouti à un procès ni à des condamnations réelles des responsables”.

“Il est particulièrement préoccupant qu’un certain nombre de hauts fonctionnaires mis en accusation soient toujours en poste et ne soient pas encore traduits en justice”, a-t-elle conclu.

Le gouvernement “déterminé” à organiser un procès

Vendredi, la veille des 10 ans du massacre, le Premier ministre guinéen, Ibrahima Kassory Fofana, a affirmé vendredi soir sur la télévision publique vouloir “rassurer les victimes de la détermination du gouvernement à œuvrer pour la manifestation de la vérité”.

“Tous les présumés auteurs desdites exactions, quels que soient leur appartenance politique, leur titre, leur rang ou leur grade, devront répondre de leurs actes devant la justice de notre pays”, a-t-il assuré. “Ce procès sera, et nous nous y engageons fermement, une occasion de rendre justice aux victimes, de relever concrètement le défi contre l’impunité” en Guinée. Les autorités vont “créer les conditions matérielles, logistiques, techniques et sécuritaires pour la tenue effective de ce procès dans l’enceinte de la Cour d’Appel de Conakry, a ajouté le chef de gouvernement guinéen.

europe1

 




SCAN : « Nous sommes gênés d’être gérés depuis 9 ans par une constitution qui n’a aucune forme de légitimité [ ]» Aboubacar Sylla


Aboubacar Sylla, président de l’Union des forces du changement (UFC), ministre des Transports (septembre 2019)

« Nous sommes gênés d’être gérés depuis 9 ans par une constitution qui n’a aucune forme de légitimité, qui n’est pas l’émanation du peuple de Guinée »

« Il est donc important que ces personnes se mettent d’accord sur les principes, sur les règles, sur les institutions qui les gèrent. Ce qui n’est pas le cas pour la constitution actuelle »

« il faut donc la remettre à jour.  C’est ça l’exercice que nous avons proposé au premier ministre et à son équipe. Il s’agit de changer de constitution pour prendre un nouveau départ. »

Lire la source Ledjely


Bah Oury, président de l’Union pour le Développement et la Démocratie (UDD) (septembre 2019)

« Il est de notre responsabilité de faire en sorte que ceux qui détiennent une parcelle d’autorité n’outrepassent pas leurs prérogatives jusqu’à mettre en danger la sécurité des citoyens. Malheureusement, cette mentalité est présente dans les esprits des dirigeants de toutes tendances (…). Avant le massacre du 28 septembre 2009, il y avait un autre aussi mémorable, celui de 22 janvier 2007 »

Lire la source Guineenews


Mamadou Lamine Fofana, ministre de la justice (septembre 2019)

Sur les conditions pour la tenue du procès du massacre du 28 septembre 2009, 10 ans.

« C’est la réalisation du lieu de la tenue du procès. Et je vous ai rappelé que les salles d’audience de Conakry ne permettent pas la tenue de ce procès. A plus forte raison, si on envoyait ailleurs. Donc il va falloir mettre en place une salle d’audience digne de ce nom, qui va abriter ce procès. La deuxième condition, je vous ai dit que c’est la préparation psychotechnique du personnel judiciaire, pas des magistrats seulement, mais de l’ensemble du personnel qui seront chargés de conduire ce procès. Ils sont nombreux, il y a les magistrats, les greffiers, les huissiers, le personnel de sécurité, la communication. Il faut prendre compte de tout cela. Tout cela va être évalué, budgétisé ».

Lire la source Mediaguinee


Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo





En Ethiopie, un processus électoral qui s’annonce « turbulent »

Les doutes montent sur la capacité à tenir le calendrier des élections générales, prévues pour mai 2020, notamment face à la recrudescence des violences intercommunautaires.

Vieux militants sur le retour, universitaires ayant troqué leur uniforme du maquis pour un costume, jeunes ambitieux désireux de s’engouffrer dans la brèche ouverte quelques mois plus tôt par le premier ministre… Ce matin de novembre 2018, ils étaient tous présents à Addis-Abeba lors de la première session officielle de discussion avec les partis politiques depuis le retour triomphal de certains d’entre eux après des années d’exil.

L’événement était historique, concrétisant la promesse d’Abiy Ahmed, jeune réformateur arrivé au pouvoir en avril 2018, d’ouvrir l’espace politique en vue des prochaines élections. En faisant défiler les diapositives, tel un jeune cadre dynamique, il renouvelait son engagement d’organiser des élections « libres, justes, crédibles et démocratiques ». Quasiment un an plus tard, l’échéance électorale approche : sauf report, les élections générales auront lieu en mai 2020.

Beaucoup croient en la bonne foi d’Abiy Ahmed. Mais le doute est permis, car le pluralisme n’est pas vraiment inscrit dans l’ADN de la coalition au pouvoir depuis 1991, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF, en anglais), dont M. Abiy est le président. En 2005 déjà, les élections générales devaient être le premier scrutin démocratique de l’histoire. Mais la manipulation des résultats par l’EPRDF les a viciées, rappelle l’ancienne parlementaire Ana Gomes, alors à la tête de la mission d’observation de l’Union européenne. Les violences post-électorales ont fait des dizaines de morts. Les scrutins qui ont suivi ont été entachés d’irrégularités et jugés peu crédibles par de nombreux observateurs.

Sceller l’avenir du pays

« Dans le passé, nous avons organisé des élections pour les mauvaises raisons, c’est-à-dire pour légitimer la coalition au pouvoir. La concurrence était déloyale », déplore Eyob Mesafint, membre du comité exécutif du nouveau parti Citoyens éthiopiens pour la justice sociale (Ezema). La preuve par les chiffres : en 2010, seules trois circonscriptions législatives sur 547 n’étaient pas entre les mains de la coalition et de ses alliés. Cinq ans plus tard, celle-ci raflait tous les sièges de la chambre basse du Parlement lors d’un scrutin uniquement surveillé par des observateurs de l’Union africaine.

Cette fois, les partenaires internationaux sont rassurés par les déclarations suivies d’actes du premier ministre. Ils vont suivre avec attention l’échéance électorale qui va sceller l’avenir de ce pays stratégique de la Corne de l’Afrique. Premier gage de bonne foi : Abiy Ahmed a nommé Birtukan Midekssa, l’une des têtes de file de l’opposition en 2005, à la tête de la Commission électorale nationale éthiopienne (NEBE, en anglais). La désignation de cette juge passée par les cases prison et exil, et connue pour son respect inconditionnel de la loi, est aux yeux de tous un bon signe pour le renforcement de l’indépendance de la NEBE, une instance accusée par le passé d’être partisane.

Le calendrier est toutefois serré et crée des dissensions. Si le comité exécutif de l’EPRDF a convenu que les élections devaient se tenir à temps, d’autres partis mettent en garde contre toute précipitation. « Les institutions doivent être impartiales, mais elles ont besoin de temps pour être bien établies, affirme Eyob Mesafint. Des efforts sont en cours mais, en huit mois, le système judiciaire peut-il être libre et équitable, la police et l’armée impartiales, la commission électorale organisée dans chaque district ? Nous ne le pensons pas. » La NEBE doit encore recruter au moins 250 000 agents électoraux qui seront envoyés dans les quelques 45 000 bureaux de vote.

Un véritable parti-Etat

Il lui faut également répondre aux inquiétudes de plus de cent groupes d’opposition : le Joint Council of Political Party, l’organisme qui les représente, a menacé de boycotter le scrutin si des modifications n’étaient pas apportées à la nouvelle loi électorale approuvée à l’unanimité par le Parlement fin août. Ils contestent notamment le fait de devoir obtenir la signature de 10 000 membres fondateurs pour créer un parti national, au lieu de 1 500.

Leur préoccupation peut sembler injustifiée dans un pays de près de 110 millions d’habitants, où environ 50 millions de personnes devraient se rendre aux urnes. Mais de nombreuses formations politiques, écrasées pendant vingt-huit ans, manquent aujourd’hui de ressources et de réseaux. Tandis que l’EPRDF, véritable parti-Etat, a étendu son contrôle à tous les échelons administratifs.

Ce contrôle politique et social peut-il déséquilibrer la compétition au profit de l’EPRDF ? Selon une source qui suit ces questions, si les Ethiopiens souhaitent l’indépendance totale, le processus électoral ne pourra pas être parfait dans le temps imparti et doit plutôt être « suffisamment crédible et juste » pour être acceptable par la majorité.

Certains signaux sont négatifs

L’organisation du scrutin pourrait aussi être menacée par l’instabilité dans le pays. En juin, le recensement de la population a été reporté en raison du climat sécuritaire miné par des affrontements intercommu­nautaires. « En période électorale, nous entrons en période de surenchères, qui ne sont certainement pas des facteurs de pacification », indique le chercheur René Lefort, spécialiste du pays. Il craint « une reprise à forte échelle, voire pire, des heurts ethniques ».

D’autant que les partis ethnonationalistes sont très populaires en Ethiopie. Du côté de la communauté diplomatique, on admet que le processus électoral sera « turbulent ». La NEBE devrait, en tout cas, rapidement évaluer son état de préparation, à plus petite échelle, tandis que le référendum sur l’autodétermination du peuple sidama, qui souhaite la création de sa propre région, comme l’y autorise la Constitution, est programmé pour novembre.

Pour Dessalegn Chanie, président du Mouvement national de l’Amhara (NaMA), « c’est la dernière chance pour l’Ethiopie d’organiser des élections démocratiques ». Certains signaux sont négatifs, comme l’arrestation de membres de son parti après ce que le gouvernement a qualifié de « tentative de coup d’Etat » régional, en juin. Il reproche aussi à la municipalité d’Addis-Abeba, dont le maire intérimaire est membre de la coalition au pouvoir, d’empêcher le NaMA d’organiser des rassemblements. « Ils essaient de nous faire taire », maugrée-t-il. La nouvelle loi électorale devrait toutefois permettre aux partis de saisir le tribunal en cas d’intimidations. « Nous verrons en temps voulu si les irrégularités sont acceptées ou non par la NEBE », conclut-il.

Source : lemonde




Massacre du 28 septembre 2009 : la France, les Etats-Unis et l’Union européenne appellent à « la tenue d’un procès sans tarder »

Communiqué conjoint

A l’occasion du dixième anniversaire de ce jour tragique, les Ambassades des Etats-Unis, de France et la Délégation de l’Union Européenne expriment leurs condoléances les plus sincères aux victimes du massacre du stade du 28 septembre 2009 ainsi qu’à leurs familles.

Nous soulignons l’importance de la tenue d’un procès sans plus tarder, afin que les auteurs présumés de ces crimes puissent répondre dans les plus brefs délais de leurs actes devant la justice.

Nous réitérons notre engagement à coopérer étroitement avec les autorités et la justice guinéennes en vue de garantir l’organisation d’un procès transparent et équitable.

 

Lire aussi Guinée : Dix ans après le massacre du stade, la justice n’a toujours pas été rendue

 




TWITTOS #224: Sortie médiatique de Gassama Diaby / Alpha Condé à la tribune de l’ONU, le montage ridicule de la RTG

Résumé de l’actualité guinéenne sur Twitter

Sortie médiatique de Gassama Diaby

 

Alpha Condé à la tribune de l’ONU, le montage ridicule de la RTG

Il faut noter que le président Alpha Condé n’était pas le seul à vivre cette situation de la salle presque vide à l’ONU. Donc, la RTG n’avait pas à procéder à un tel montage, qui d’ailleurs est très médiocre.

Lien vidéo ONU

 

 

 




SCAN : « Il est moralement, politiquement et juridiquement indéfendable de permettre au chef de l’Etat de s’octroyer un troisième mandat [ ] » Khalifa Gassama Diaby


Khalifa Gassama Diaby, ancien ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté, dans l’émission Grandes Gueules d’Espace fm (septembre 2019)

« Il est moralement, politiquement et juridiquement indéfendable de permettre au chef de l’Etat de s’octroyer un troisième mandat ou un premier mandat d’une nouvelle république »

« Accepter cette idée de troisième mandat ou de modification constitutionnelle, c’est tuer l’espérance démocratique dans notre pays ».

Lire la source Ledjely


Tierno Monénembo, dans une chronique intitulée « Mugabe, Sékou Touré, le FLN et les autres » (septembre 2019)

« Évidemment, il y aura toujours des ethnologues, des sociologues – pourquoi pas des tératologues ? – pour justifier la barbarie et défendre l’indéfendable. Normal, ce sont des intellectuels, donc des individus dont la démagogie est la raison de vivre. Et qu’est-ce qui est plus démagogue qu’un intellectuel ? Un intellectuel africain ! OK, ces héros aux mains tachées de sang ont brillamment libéré leurs peuples du joug colonial. OK, ce sont eux et personne d’autre qui nous ont rendu notre fierté d’Africains ! Cela ne fait pas d’eux les propriétaires de notre sol et de notre sous-sol, de notre mémoire et de notre âme ».

Lire la source Lepoint


Bah Oury, ancien ministre, président de l’Union pour la Démocratie et le Développement (UDD), après l’audience avec le premier ministre Kassory Fofana (septembre 2019)

« Aujourd’hui, il serait contreproductif pour nos intérêts nationaux d’aller dans le sens d’une modification ou d’un changement constitutionnel… Nous souhaitons que le Président Alpha Condé aille dans le sens de la nécessité pour permettre à la Guinée d’avoir une alternance démocratique apaisée, réconciliatrice, qui permettrait à la Guinée d’être sur les rails de la démocratie ».

Lire la source Guineenews


Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo




En Guinée, Alpha Condé prépare un troisième mandat

Au pouvoir depuis 2010, le président guinéen semble vouloir jouer les prolongations.

Le chef de l’Etat Alpha Condé a annoncé le 22 septembre l’organisation d’un référendum sur le changement de la Constitution en Guinée. Un nouveau texte lui permettrait de briguer un nouveau mandat en 2020.

Une annonce depuis New York

La loi en Guinée limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Pour pouvoir se présenter une troisième fois en octobre 2020, Alpha Condé, 81 ans, se lance dans la révision de la Constitution. Lors d’une rencontre avec des Guinéens à New York en marge l’Assemblée générale de l’ONU, il leur demande de se “préparer pour le référendum et les élections”. Des propos très commentés par la presse, comme le relève RFI.

Un projet contesté

Alpha Condé est le premier président démocratiquement élu en Guinée après des années de dictature. Depuis qu’il est au pouvoir, cet ancien opposant historique a commencé à critiquer la pertinence de la limitation des mandats en Afrique. Le débat sur la question a été lancé en Guinée en janvier 2019 à la publication, par la présidence, des propos de l’ambassadeur de Russie à Conakry. Le diplomate russe suggérait l’amendement de la Constitution.

La proposition a aussitôt suscité une levée de boucliers dans les rangs de l’opposition. Les adversaires politiques d’Alpha Condé ont créé en avril un front regroupant les partis politiques, les syndicats et les membres de la société civile pour s’opposer à ce projet. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs été interpellés lors de manifestations contre un troisième mandat.

Et la transition démocratique ?

Si les partisans du président guinéen applaudissent le principe d’un changement constitutionnel, ses opposants refusent pour leurs parts de céder à la pression. Ils  boycottent les “consultations” lancées à ce sujet. Pour ses détracteurs, en modifiant la Constitution, Alpha Condé oublie les valeurs démocratiques qu’il a longtemps défendues lorsqu’il était dans l’opposition.

Une remarque qui rappelle celle de l’artiste ivoirien Tiken Jah Fakoly, fervent défenseur de l’ancien opposant Condé. L’auteur de la célèbre chanson Quitte le pouvoir avait interpellé le chef de l’Etat guinéen. “Moi j’ai dit personnellement au président Alpha Condé que ce n’était pas une bonne idée de briguer un troisième mandat. Il n’était pas très content. Pour quelqu’un qui a lutté pour la démocratie, ce serait dommage de sortir par la petite porte“, a souligné le reggaeman au micro de RFI en mai 2019.

Source: francetvinfo




TWITTOS #224 : Alpha Condé et son référendum / Massacre du 28 septembre 10 ans après

Résumé de l’actualité guinéenne sur Twitter

Alpha Condé et son référendum

Massacre du 28 septembre 10 ans après




Guinée : Dix ans après le massacre du stade, la justice n’a toujours pas été rendue

Les familles des victimes du massacre commis en septembre 2009 par les forces de sécurité guinéennes, qui ont tué plus de 150 personnes manifestant dans un stade de la capitale, Conakry, attendent toujours qu’on leur rende justice dix ans plus tard, ont déclaré aujourd’hui six organisations de défense des droits humains. Pour marquer le dixième anniversaire du massacre, les organisations ont diffusé une vidéo dans laquelle des victimes demandent l’ouverture du procès.

Des centaines de personnes ont été blessées et plus d’une centaine de femmes ont été victimes de viol et d’autres formes de violences sexuelles lors de ce déferlement de violence qui a démarré le 28 septembre 2009 et s’est étalé sur plusieurs jours.

Les six organisations sont l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 (AVIPA), l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH), Les Mêmes droits pour tous (MDT), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Amnesty International et Human Rights Watch.

« Une décennie s’est écoulée depuis le massacre du stade de Conakry, mais pour ceux qui ont perdu leur fils, fille, père ou mère, l’horreur de ce jour reste à jamais gravée dans leur mémoire », a déclaré Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA. « Dix ans, c’est trop long lorsqu’on a soif de justice. Nous avons droit à ce que les responsables de ces atrocités rendent des comptes. »

Peu avant midi, le 28 septembre 2009, plusieurs centaines d’agents des forces de sécurité guinéennes ont ouvert le feu sur des dizaines de milliers de personnes rassemblées pacifiquement dans le stade pour protester contre l’intention de Moussa Dadis Camara, alors chef de la junte au pouvoir, de se présenter à l’élection présidentielle. Les forces de sécurité ont également violé des femmes, individuellement ou collectivement, y compris au moyen d’objets tels que des matraques ou des baïonnettes.

Les forces de sécurité se sont ensuite attelées à une opération organisée de dissimulation, dans le but de cacher l’ampleur des tueries, en bouclant tous les accès au stade et aux morgues et en emportant les corps pour les enterrer dans des fosses communes, dont beaucoup doivent encore être identifiées.

L’enquête menée par des juges d’instruction guinéens, ouverte en février 2010 et bouclée fin 2017, a progressé lentement en raison d’obstacles politiques, financiers et logistiques. Mais dans un pays où les crimes impliquant les forces de sécurité restent largement impunis, sa clôture a envoyé un signal fort et levé les espoirs que l’ouverture d’un procès qui pourraient rendre justice aux victimes serait proche.

En avril 2018, l’ancien ministre de la Justice Cheick Sako a mis en place un comité de pilotage chargé d’organiser le procès sur le plan pratique. Ce comité a décidé qu’il se tiendrait à la Cour d’appel de Conakry.

Pourtant, presque deux ans après la clôture de l’enquête, la date du procès n’est toujours pas fixée. Alors que le comité de pilotage est censé se réunir chaque semaine, il ne le fait que par intermittence.

Même si en juillet la Cour suprême guinéenne a écarté tous les recours judiciaires liés à la clôture de l’instruction, les juges qui présideront le tribunal n’ont toujours pas été désignés.

Certains survivants sont décédés pendant que l’affaire continue de traîner en longueur. Un résumé chronologique des événements peut être consulté ici.

Les victimes expliquent dans la vidéo en quoi obtenir justice pour ces crimes est si importante pour elles :

« Depuis ce jour, nous pleurons et nous voudrions pouvoir sécher nos larmes, nous espérons obtenir justice. »

« Je demande encore au président de la République de penser à nous, les victimes du 28 septembre. »

« La proclamation de la date, c’est ce qui est très important. On dit à partir de tel jour, tel mois, le procès va commencer. À partir de cet instant, ça va nous donner beaucoup d’espoir d’aller [vers] le procès. »

Plus de 13 suspects ont été inculpés, dont Dadis Camara, l’ancien chef de la junte appelée Conseil national pour la démocratie et le développement, qui gouvernait la Guinée en septembre 2009, ainsi que son vice-président, Mamadouba Toto Camara. Plusieurs individus inculpés de charges liées aux homicides et aux viols occupent toujours des postes d’influence, y compris Moussa Tiégboro Camara, Secrétaire général chargé des Services spéciaux de lutte contre le grand banditisme et les crimes organisés.

L’aide de camp de Dadis Camara, Abubakar « Toumba » Diakité, a également été inculpé. Il a été extradé vers la Guinée en mars 2017, après plus de cinq ans de cavale. Quatre autres individus sont en détention à la Maison Centrale de Conakry, respectivement depuis 2010, 2011, 2013 et 2015 dans le cadre de l’affaire du 28 septembre. Leur détention provisoire est illégale dans la mesure où elle excède la durée maximale prévue par la loi guinéenne, soit 18 à 24 mois en matière criminelle, en fonction du chef d’inculpation. Ils doivent pouvoir être jugés de façon équitable dans les plus délais.

Le 14 août 2019, lors d’une réunion du comité de pilotage, Mohammed Lamine Fofana, le nouveau ministre de la Justice, a réitéré l’engagement du président Alpha Condé vis-à-vis du procès et promis que des « préparations concrètes » commenceraient immédiatement.

Le gouvernement et les partenaires internationaux de la Guinée, notamment l’Union européenne et les États-Unis, ont déjà mis de côté des fonds essentiels pour que le procès puisse avoir lieu.

« La date du procès doit être fixée et des juges nommés pour juger l’affaire », a déclaré Frédéric Foromo Loua, président de MDT. « Par ailleurs le comité de pilotage devrait répondre aux éventuels besoins en suspens en matière de bâtiments et organiser les procédures de logistique et de sécurité en vue du procès. Enfin il faudrait prendre les mesures adéquates pour assurer la participation de Dadis Camara, qui est actuellement en exil au Burkina Faso ».

La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête préliminaire sur la situation en Guinée en octobre 2009. La CPI agissant comme un tribunal de dernier recours, elle ne prendrait le relais que si les juridictions nationales ne peuvent pas, ou ne veulent pas, instruire et juger les affaires pour lesquelles elles sont compétentes.

« Le procès du 28 septembre 2009 nécessite un appui politique au plus haut niveau afin de démarrer », a conclu Abdoul Gadiry Diallo, président de l’OGDH. « Le président Condé a affirmé auparavant son engagement à mettre fin à l’impunité. Le président doit agir en faveur des victimes en appuyant sans équivoque l’ouverture du procès et le ministre de la Justice doit s’assurer qu’il s’ouvre dans les plus brefs délais. »

Source : communiqué FIDH




Une nouvelle constitution : des risques et des menaces pour la stabilité de la Guinée (Par Bah Oury)

Dans un mémo relatif à son entretien avec le premier ministre Kassory Fofana, publié sur son site Internet, Bah Oury, ancien ministre, Président de l’Union pour la Démocratie et le Développement (UDD), souligne que « le projet de changement constitutionnel dans les circonstances actuelles s’avère périlleux pour la stabilité institutionnelle de notre pays »

Extrait

« [  ] Une nouvelle constitution : des risques et des menaces pour la stabilité de la Guinée

Une nouvelle constitution c’est-à-dire une « autre République » qui aurait pour conséquence de contourner ou rendre caduc les « intangibilités » n’est pas envisageable, car, contraire aux dispositions constitutionnelles en vigueur. Persister dans la voie pour « une nouvelle constitution » reviendrait à l’abolition de l’actuelle République pour une autre. Ce serait anticonstitutionnel. Cette possibilité ouvrirait des risques sérieux pour la paix civile et détériorerait immanquablement la stabilité et la cohésion nationales. Les répercussions de ce choix bouleverseraient nos relations avec nos voisins de l’espace CEDEAO, et entraveraient durablement nos relations de coopérations avec nos partenaires stratégiques comme l’Union Européenne y compris la France d’une part et les Etats-Unis d’Amérique d’autre part.

La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ratifiée par notre pays en son article 23 stipule : « Les Etats parties conviennent que l’utilisation entre autres, des moyens ci-après pour accéder ou se maintenir au pouvoir constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement et est passible de sanctions appropriés de la part de l’Union Africaine : les putsch, les interventions de mercenaires et les interventions de groupes dissidents ou rebelles pour renverser un gouvernement démocratiquement élu ainsi que tout refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti ou au candidat vainqueur à l’issue d’élections libres, justes et régulières ».

Il en est de même pour « tout amendement ou toute révision des constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique ». Dans ce cas de figure le Conseil de Paix et de Sécurité peut prendre la décision de suspendre les droits de participation de l’Etat partie concerné aux activités de l’Union Africaine en vertu des articles 30 de l’acte constitutif et 7 (g) du protocole. Le Conseil de Paix et de Sécurité a même prévu des sanctions individuelles pour les promoteurs des faits relatés dans l’article 23.

Monsieur le Premier Ministre

Comme vous le savez sans doute, le projet de changement constitutionnel dans les circonstances actuelles s’avère périlleux pour la stabilité institutionnelle de notre pays. Coincée entre des pays convalescents suite aux guerres civiles qui les ont déchirés comme la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra-Léone et adossée à l’Est sur des pays épicentres du terrorisme au Sahel et à des tueries intercommunautaires, la Guinée est un verrou pour conforter une paix relative dans la sous-région.

Il est par conséquent primordial de veiller à surseoir à toute initiative qui pourrait mettre en danger notre pays. Les périls sont grands [  ]».

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En Guinée, un 3e mandat pour Alpha Condé ? La perspective se précise

Dans une vidéo partagée ce lundi 23 septembre sur les réseaux sociaux, le président Alpha Condé appelle les Guinéens à se préparer à un référendum et à des élections. Des propos tenus lors d’une rencontre avec la communauté guinéenne de New York. Un message qui accrédite encore plus une candidature à sa propre succession malgré l’obstacle constitutionnel.

Je vous demande de vous organiser et de vous préparer pour le référendum et les élections“. Ce sont les mots d’Alpha Condé dans une vidéo datée du 22 septembre postée sur Facebook et abondamment reprise ce mardi 24 septembre 2019 par les médias guinéens.

M. Condé rencontrait lundi 23 septembre des membres de la communauté guinéenne à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, selon les médias.
Cette vidéo donne davantage de corps au projet attribué à Alpha Condé de briguer à nouveau la présidence.

Consultations boycottées

Alpha Condé, ancien opposant historique et premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d’Afrique de l’Ouest, achève son deuxième mandat en octobre 2020. La constitution actuelle l’empêche d’en assumer un troisième.
A son poste depuis 2010, il a souvent contesté la pertinence de la limitation du nombre de mandats. Il n’est pas encore allé jusqu’à lancer une réforme constitutionnelle. Mais il a mandaté début septembre son Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, pour qu’il organise de larges “consultations” portant en particulier sur la constitution. Ces consultations, qui doivent en principe s’achever mercredi 25 septembre, sont boycottées par les principaux partis d’opposition.

Le chef de l’Etat a aussi prôné la tenue d’élections législatives avant la fin de 2019. Elles étaient initialement prévues en 2018, mais avaient été reportées sine die. Le chef de la Commission électorale a proposé qu’elles se déroulent le 28 décembre 2019, mais les représentants de l’opposition au sein de la commission ont jugé cette date “irréaliste“.

Plusieurs membres d’un mouvement créé pour s’opposer à un troisième mandat d’Alpha Condé ont été interpellés en avril et mai lors de manifestations émaillées d’incidents, avant d’être relaxés par la justice.

Lors de son séjour aux Etats-Unis, Alpha Condé a été reçu par le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, qui a appelé à une “transition du pouvoir démocratique et honnête (en Guinée), ce qui impliquera des institutions plus fortes et moins de corruption“, selon le département d’Etat.

Source: TV5Monde




Chronique: une certaine idée de la rue en démocratie


Alpha Condé vient de demander à ses partisans de se préparer pour le référendum et les élections. Une surprise ? Non! La nouveauté c’est le fait de prononcer pour la première fois le mot référendum.

Depuis plusieurs mois déjà, des missions labellisées “ANAFIC TOUR” sillonnent le pays pour délivrer un message de mensonge et de manipulation. Avec un bombardement médiatique impressionnant pour maquiller 9 ans de règne comme si le peuple de Guinée était plongé dans une phase hypnotique et c’est maintenant le réveil et la découverte des merveilles accomplies par le tout puissant Alpha 1er dernier du nom. La RTG est là pour l’enfumage généralisé même si ses chroniqueurs actuels sont moins inspirés que les anciens.

Enclencher l’étape des consultations avant d’aller aux États-Unis dont le seul but était dans un premier temps de trouver un moyen de divertissement national (effets escomptés résultats atteints. Certains très excités de rejoindre la table des invités nous ont bassiné toute une semaine sur les vertus du dialogue et tout le bla-bla qu’on ressuscite quand ça vous arrange), dans un second temps il fallait éviter les questions sur la politique intérieure pendant son séjour américain en maquillant cela en voyage d’affaires et de recherche d’investisseurs. Pendant ce temps, la pression est exercée sur la CENI (avec son corollaire de zizanie observée depuis une semaine au sein de l’institution) pour faire l’impossible afin d’organiser les législatives d’ici la fin de cette année (car l’autre urgence est de redéfinir les équilibres au sein de cette autre institution qu’est l’assemblée nationale).

Une évidence saute aux yeux : c’est un plan qu’on déroule sous nos yeux avec des séquences qui parfois font croire à une hésitation ou un réajustement. Il se déroule comme établi par les promoteurs de ce projet de 3ème mandat. Pourquoi une telle facilité de déroulement ? La réponse est simple : de l’autre côté (les opposants à ce projet) la convergence des luttes se fait encore attendre, une unanimité sur les moyens d’actions reste encore un défi, le mouvement par son caractère fourre-tout est aussi parasité avec des membres qui se baladent à Conakry avec deux offres d’adhésion en fonction de leurs intérêts flottants (mouvance et opposition).

C’est le moment de penser à une stratégie globale (celle annoncée et celle en sourdine) car le camp d’en face semble décidé à aller jusqu’au bout de la folie. Cette assurance s’explique : toutes les institutions sont acquises, il n’existe aucune autorité morale dans ce pays pour sonner la fin de la récréation (les religieux adorent les invitations à Sekoutoureya plus que tout au monde), les intellectuels plongés dans le coma du fonctionnariat pour les uns et la bassesse de la courtisanerie pour les autres ont opté pour l’indifférence et la survie professionnelle, dans un contexte d’histoire politique difficile et son versant ethnique, une réalité qui constitue une matière à exploiter pour diviser le peuple même sur un enjeu national comme la préservation de la démocratie, et enfin la fameuse communauté internationale (comme toujours, la prévention des crises est une action listée mais son effectivité reste discutable) observe le pourrissement de la situation.

Récapitulons : Alpha Condé se prononce sur un référendum, ses partisans sont sur le terrain depuis plusieurs mois, les opposants à ce projet se mobilisent, des contrepouvoirs institutionnels sont inexistants. Brefs tous les instruments institutionnels de recours sont rouillés et foncièrement abîmés. Quel est le moyen d’action restant pour sauver la démocratie ? Les manifestations.

Au Burkina Faso pour chasser BLaise Compaoré, on a observé le même scénario. Soyez tranquille, personne ne demande le départ de Alpha Condé (une retraite plus ou moins paisible est envisageable pour lui mais soyons réalistes aussi, il répondra un jour sur certains dossiers restés sans suite pendant son règne car des familles attendent des réponses) mais dans l’urgence c’est le retrait du projet de 3ème mandat (nouvelle constitution) que les populations réclament.

Pourquoi les manifestations ? Parce que la forme de contestations est admise, légale et démocratique. Il faut sortir de cette conception fausse sur l’appel à manifester qui serait selon certains, un appel à la violence. La rue n’est pas un espace dangereux pour des manifestations (il faut d’ailleurs arrêter de rajouter « pacifiques » de façon mécanique car de facto elles sont et seront pacifiques si les règles sont respectées), la dangerosité est surtout le fait des forces de sécurité.

Au Burkina Faso pendant l’insurrection populaire, les manifestants sont entrés au siège de l’assemblée nationale, se sont dirigés vers le palais Kosyam, … il n’y a pas eu cette boucherie humaine (où des dizaines de manifestants sont tués et de nombreux blessés) qu’on a connu en Guinée lors des manifestations politiques. La seule réaction républicaine des forces de sécurité burkinabé était de protéger les lieux stratégiques et de reculer sous la pression populaire. On ne tire pas sur sa population pour protéger un individu et son petit groupe, responsables du chaos occasionné. En Guinée, les manifestations sont perçues comme dangereuses parce que les forces de sécurité tirent sur les manifestants. Inutile de vous citer les nombreux rapports des organisations nationales et internationales sur cette évidence.

En créant de toutes pièces cette crise, Alpha Condé sera tenu responsable de toutes les dérives de ce régime. Le rapport de force est inévitable et il (Alpha Condé) reculera quand la pression sera très forte. Lorsqu’il y a du monde et que les manifestations durent, l’Etat recule, c’est une réalité observée et documentée.
« Une certaine idée de la Guinée » peut aussi se traduire par une certaine idée de la rue en démocratie.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Chronique : avec Kassory, Keïra et Kiridi, vous nous ramenez encore le vieux disque sur les anciens PM ?

Certains guinéens se souviennent et arrêtez maintenant d’insulter notre intelligence.

Les années Lansana Conté ont une telle spécificité et les guinéens ne l’ont pas oublié : les puissants de la République n’étaient pas les premiers ministres (ceux qu’ils appellent aujourd’hui anciens premiers ministres) mais des ministres et ministres conseillers à la présidence.

Tiens tiens ! Vous vous souvenez de Keïra ? C’est l’actuel ministre de la sécurité, comme par hasard, il serait clean comme un bébé qui sort de la maternité. Il était à la présidence sous Lansana Conté. Il suffit de dépoussiérer un tout petit peu nos souvenirs et la vérité sautera aux yeux.

Cette mémoire sélective qu’ils voudraient nous imposer découle d’une mémoire globale et tous les citoyens ne sont pas amnésiques dans ce pays. Et Kassory ? Vous vous souvenez du ministre de l’économie et des finances le plus puissant sous Lansana Conté ? On peut le dire, sans hésitation, le plus puissant de tous les ministres de l’économie et des finances depuis l’indépendance. C’est l’actuel premier ministre de Alpha Condé. Pour avoir un aperçu sur le personnage, je vous recommande les anciens albums de Kill Point (les initiés connaissent très bien cette période trouble, une cacophonie indescriptible au sommet de l’état guinéen).

Et Kiridi ? Ancien ministre de l’administration du territoire sous Lansana Conté et actuel ministre secrétaire général de la présidence. Ils ont tous réussi le test de recyclage sous Alpha Condé. De toute évidence, leurs compétences spécifiques et rares pouvaient encore servir.
Il faut rappeler que Lansana Conté n’a jamais accepté qu’un premier ministre soit très influent. Il suffit de se rappeler du contexte de leur nomination pour comprendre la nature de la collaboration.

Vous vous souvenez des clans au sommet de l’état sous Lansana Conté ? Aucun de ces clans n’avait à sa tête un premier ministre. Les premiers ministres ont plutôt été des victimes de ces différents clans où se mélangeaient des intérêts familiaux, d’acteurs du secteur privé, de sociétés étrangères…

Soulignons cette évidence : les anciens gouvernants qui ont effectivement pillé les ressources de ce pays (s’il y’a eu pillage comme ils le martèlent sans cesse) ne sont pas loin de ceux qui nous saoulent avec ce vieux tube de fabrication d’opinions pour les incultes, les amnésiques, les fragiles qui manquent de séances de musculation intellectuelle pour résister à la manipulation.

Sachez qu’on ne viole pas les règles démocratiques sous prétexte d’empêcher des acteurs politiques (anciens premiers ministres) d’accéder au pouvoir. Il revient au peuple de Guinée de choisir le prochain président de la république après le règne catastrophique de Alpha Condé. Sidya, Dalein, Kouyaté ou un acteur politique de la nouvelle génération (pour un dégagisme intégral), peu importe, c’est au peuple de Guinée de choisir à travers une élection libre et transparente.

Il ne s’agit pas de défendre ces anciens PM mais de dénoncer les justifications fallacieuses avancées par ce régime pour atteindre leurs objectifs.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com