Afrique 2019: le courage des populations face à la répression [Amnesty International]


En Guinée, où les autorités ont interdit plus de 20 manifestations pour des motifs flous et excessivement généraux, les forces de sécurité ont continué à attiser les violences lors des rassemblements et au moins 17 personnes ont été tuées en 2019.


Dans
toute l’Afrique subsaharienne, des manifestants ont bravé des tirs et
les coups pour défendre leurs droits. Face aux conflits et la répression
qui perdurent, ils ont fait preuve d’un courage immense. Bilan d’un an
d’enquête en Afrique.

En
2019, nous avons vu l’incroyable pouvoir du peuple s’exprimer lors de
manifestations de grande ampleur organisées dans toute l’Afrique
subsaharienne. Du Soudan au Zimbabwe, de la République démocratique du
Congo (RDC) à la Guinée, des personnes ont bravé une répression brutale
pour défendre leurs droits.

Dans certains cas, ces manifestations ont abouti à des changements importants : après la chute d’Omar el Béchir, qui dirigeait le Soudan de longue date, le nouveau régime a promis des réformes favorables aux droits humains. De la même façon, à la suite de manifestations, une série de réformes relatives aux droits humains ont été lancées par l’État éthiopien. Malheureusement, d’autres changements nécessaires sont bloqués par des gouvernements répressifs, qui continuent à commettre des violations en toute impunité.

Répression violente orchestrée par l’État

Dans toute la région, des défenseurs des droits humains ont été persécutés et harcelés pour s’être opposés ouvertement aux autorités. Le Burundi, le Malawi, le Mozambique, l’Eswatini (anciennement Swaziland), la Zambie et la Guinée équatoriale ont intensifié la répression du militantisme en 2019.

Au Malawi, par exemple, les militants qui ont organisé et
conduit des manifestations contre une fraude électorale présumée, à la
suite des élections de mai, ont été attaqués et intimidés par de jeunes
cadres du parti au pouvoir et poursuivis en justice par les autorités.
Le scrutin présidentiel a finalement été annulé par les tribunaux et le
pays se prépare à une autre élection, qui se tiendra cette année.

Au
Zimbabwe, au moins 22 défenseurs des droits humains, militants, membres
de la société civile et responsables de l’opposition ont été inculpés
pour leur rôle présumé dans l’organisation de manifestations contre la
hausse du prix des carburants décidée en janvier 2019. Les forces de
sécurité se sont livrées à une répression violente, qui a fait au moins
15 morts et des dizaines de blessés.

En Guinée, où les
autorités ont interdit plus de 20 manifestations pour des motifs flous
et excessivement généraux, les forces de sécurité ont continué à attiser
les violences lors des rassemblements et au moins 17 personnes ont été
tuées en 2019.

Dans 17 pays d’Afrique subsaharienne, des journalistes ont été arrêtés et détenus arbitrairement en 2019. Au Nigeria, par exemple, on a enregistré 19 cas d’agression, d’arrestation arbitraire et de détention de journalistes, dont beaucoup faisaient l’objet d’accusations controuvées.

Au Burundi, les autorités ont continué à réprimer les activités des défenseurs des droits humains et des organisations de la société civile, notamment en leur infligeant des poursuites et de longues peines d’emprisonnement.

Malgré tout… des victoires !

En dépit du contexte maussade, certaines victoires notables ont été remportées dans le domaine des droits humains l’an dernier.

Au
Soudan, des manifestations de grande ampleur ont mis fin au régime
répressif d’Omar el Béchir en avril 2019 et les autorités désormais au
pouvoir ont promis de vastes réformes destinées à améliorer l’exercice
des droits humains. L’État éthiopien, quant à lui, a abrogé la
législation encadrant la société civile qui restreignait les droits aux
libertés d’association et d’expression et a présenté au Parlement une
nouvelle loi remplaçant la législation antiterroriste draconienne.

En RDC, les autorités ont annoncé la libération de 700 détenus, dont plusieurs prisonniers d’opinion.

On a aussi constaté des victoires individuelles. En Mauritanie, le blogueur et prisonnier d’opinion Mohamed Mkhaïtir a été libéré après avoir été détenu arbitrairement pendant plus de cinq ans.

L’impunité pour les violations des droits humains était toujours monnaie courante, mais de modestes avancées ont été réalisées en 2019. En Somalie, la population a vu pointer une lueur d’espoir lorsque le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM) a reconnu pour la première fois, en avril 2019, avoir tué des civils lors de frappes aériennes visant Al Shabaab, ouvrant ainsi la possibilité pour les victimes d’obtenir réparation.

Par ailleurs, les tribunaux de droit commun de la République
centrafricaine ont progressé dans l’examen d’affaires concernant des
atteintes aux droits humains commises par des groupes armés. La Cour
pénale spéciale a reçu 27 plaintes et commencé ses enquêtes l’an
dernier.

En 2019, des militants et des jeunes ont défié l’ordre établi. En 2020, il faut que les dirigeant·e·s écoutent leurs revendications et œuvrent à des réformes qu’il est nécessaire d’amorcer de toute urgence et qui respectent les droits de tous.


amnesty.fr


Rapport complet